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Ce que cache "l'affaire Mélenchon"

Une polémique a envahi ces derniers jours la Toile. Elle fait suite à la diffusion d'une vidéo amateur dans laquelle Jean-Luc Mélenchon cloue au pilori un étudiant en journalisme qui a eu le malheur de l'interroger sur la Une du Parisien, entre les deux tours des régionales, consacrée au débat sur la réouM.jpgverture des maisons closes. Le leader du Parti de gauche ne comprend pas pourquoi l'interviewer (qu'il traite de « petite cervelle ») l'interroge sur cette affaire (qui « n'intéresse aucune personne de son quartier », dixit Mélenchon) alors même que le pouvoir s'est pris une claque aux élections et que la colère sociale gronde. Pour lui, cette question traduit le refus des médias de voir les « vrais-enjeux-qui-intéressent-les-gens » en s'excitant sur des sujets marginaux ou exotiques (1).

Depuis une dizaine de jours, cette mini-affaire a suscité un intense débat sur tous les forums et blogs. Une bonne partie des commentaires - tout en désapprouvant les excès du langage « mélenchonien » - partagent ses critiques sur le côté moutonnier et superficiel des médias. Lesquels montent en épingle cette affaire et se défendent de façon souvent maladroite, empreinte de corporatisme. Comme l'époque est difficile pour les journalistes (médias en crise, concurrence d'internet, appauvrissement culturel...), le « milieu » a tendance à réagir sans vraiment aller au fond des choses.

Le fond des choses, c'est quoi? C'est qu'une majorité de citoyens ne se reconnaissent plus dans le type d'infos qu'on leur propose. Ils sont persuadés que les médias ne disent pas la vérité, parce qu'ils sont aux mains de grands groupes, et ne s'intéressent pas aux sujets qui font le quotidien des gens. Lors de nombreux débats auxquels j'ai participé ou que j'ai animés, des questions sont revenues régulièrement sur ces thèmes, laissant entendre qu'il existerait un complot des médias pour taire des vérités dérangeantes. Ma réponse a été invariablement de réfuter cette thèse saugrenue et de mettre sur le compte du manque de journalistes dans les rédactions, de la prégnance de la logique de communication et des pressions de certains actionnaires pour expliquer les erreurs.

Cette réponse est incomplète. La question qui nous est posée est celle de la hiérarchie de l'information. Qu'est ce qui fait que trois faits divers sanglants démarrent un journal télévisé, que l'affaire des rumeurs autour des problèmes supposés de conjugalité entre M. et Mme Sarkozy occupe tant de colonnes (alors que la presse dit être dans la retenue)? Ce sont des choix faits par des directeurs de l'infos ou des rédacteurs en chef. Ils s'expliquent souvent par la recherche de l'audience, par la volonté de faire comme les autres et aussi, disons-le, par une certaine paresse intellectuelle, par un manque de curiosité qui fait aller au plus facile. Voilà pourquoi on peut retrouver à deux-trois semaines d'intervalle le même sujet, le même portrait dans des gazettes différentes.

Pour ce qui est de la chose politique, les personnes interrogées dans les partis sont à peu près toujours les mêmes. Au PS, vous avez les inévitables propos de Cambadélis, Bartolone, Moscovici, Harlem Désir, Valls ou Hamon (lui est porte-parole). Pour un article sur les écologistes, vous retrouverez immanquablement le point de vue de Mamère, Cochet, Placé ou Cohn-Bendit. Dans le Parti de gauche, c'est plus simple mais un peu monotone: vous avez Mélenchon et toujours Mélenchon. D'ailleurs, les journalistes impertinents devraient demander à celui-ci pourquoi son parti ne fait pas émerger de nouvelles têtes. Culte de la personnalité?

De façon très symptomatique, personne dans la presse ne s'est intéressé à la façon dont ont été recomposées les listes entre les deux tours des régionales. En Ile-de-France, comme je l'avais noté dans un précédent post, des candidats associatifs ont été éjectés des listes Huchon ou placés en position inéligible; des apparatchiks du PS, du PC, du Parti de gauche et des Verts ont atterri dans un autre département pour se faire élire (j'ai recensé tous ces cas de parachutage d'entre-deux-tours). Toutes ces pratiques, ces petits coups bas qui mettent à mal l'esprit de la démocratie sont trop rarement pointés et dénoncés par les médias qui apparaissent dès lors comme complaisants vis-à-vis des appareils. C'est peut-être la contrepartie pour avoir des informations auprès de ces mêmes appareils, mais cela commence à se payer très cher.

Pour retrouver du crédit, il ne sert à rien pour la presse de se déchaîner sur un tribun plébéien, comme il se définit modestement, mais il lui faut prouver qu'elle est vraiment indispensable au débat démocratique. Par moment, reconnaissons-le, on peut en douter sérieusement...

  1. Lire son argumentaire sur son blog www.jean-luc-melenchon.fr/

Commentaires

  • Il ne faut pas pousser, écrire « Jean-Luc Mélenchon cloue au pilori un étudiant en journalisme qui a eu le malheur de l'interroger sur la Une du Parisien, entre les deux tours des régionales » est faux !! (j'ai entendu l'émission)
    Cet « étudiant » à été très lourd d'insister pour avoir une réponse à la question qu'il posait et à laquelle Mélenchon ne voulait pas répondre. Respectez vos interlocuteurs et vous aurez la même chose en retour.
    Actuellement, les journalistes ce comportent comme des roquets ! Toujours agressifs envers les personnes qu'ils interrogent, comment s'étonner que certains répliquent de la manière dont l'a fait Mélenchon ?
    Une remise en place de temps en temps, ne vous ferait pas de mal !

  • Bonjour,
    Dire que le PG de Mélenchon ne fait pas émerger de nouvelles têtes est exagéré : il y a plusieurs élus PG à la faveur des élections régionales, il suffit de regarder ceux d'Ile-de-France par ex. F. Delapierre, E. Coquerelle, Pascale Le Néouannic, sont de vrais leaders reconnus dans leur parti. Je mentionnerai également Claude Debons, Jacques Généreux, Corinne Morel-Darleux et Franck Pupunat, etc. Aux journalistes aussi de les interviewer !

  • Je vous approuve pour votre exercice. c'est un vrai état d'écriture. Continuez .

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