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nicolas sarkozy

  • Quand Hollande et Sarkozy veulent rejouer le match...

    Forcément, on y pense tous. On se dit qu'on ne va pas y couper. Au mieux, on aura un remake de 2012 avec un duel Sarko-Hollande. Au pire, la Marine va trouver sa place au second tour et affronter l'un des deux protagonistes qui risque de l'emporter dans un réflexe de sauve qui peut. Dans tous les cas, la démocratie va prendre un sacré coup, tellement cette bande des trois ne présente aucune ressource permettant de résoudre les maux de notre société.

    François Hollande, on l'a écrit ici très souvent, est depuis plus de trois ans paralysé par ses hésitations, son absence de vision et, osons le mot, sa paresse intellectuelle. Même s'il a su, en certaines occasions, se hisser au niveau d'un chef d'Etat, il est resté l'homme que l'on connaissait à la tête du parti socialiste : d'une intelligence tactique remarquable et d'une indigence intellectuelle, également remarquable. Actuellement, pour neutraliser Manuel Valls, il sort sa carte Macron qui, par ses provocations et son absence de sens de la responsabilité, montre que le premier ministre n'a pas l'autorité sur tous les membres de son gouvernement. Le seul qui a de l'autorité, c'est donc Hollande. CQFD.

    Le président de la République sera donc, malgré un bilan très faible, candidat à un second mandat. Peu importe pour lui qu'une majorité d'électeurs de gauche ait la gueule de bois, il espère gagner une fois encore par la seule tactique. Pousser Sarkozy pour marginaliser Juppé. Donner un coup de pouce au FN (par exemple en ressortant l'idée du droit de vote aux étrangers - alors qu'il fallait la mettre en œuvre dès le début de quinquennat) pour affaiblir la droite. Faire les yeux doux aux écologistes qui ont quitté EELV (lire mon précédent post) pour empêcher une candidature Duflot. Parsemer cela de quelques mesures sociales qui seront financées... après 2017. Soyons sûrs que ceux qui "dirigent" le pays (les conseillers de l'Elysée) travaillent dans toutes ces directions. Le pire (ou le mieux), c'est que ça peut marcher.

    Second larron : Nicolas Sarkozy. Comme son rival Hollande, il est constant. Pour lui, seul le pouvoir compte. Il y a une forme de jouissance à être plus grand que les autres, à non pas diriger un pays mais à être le chef (ce n'est pas tout à fait pareil). Comme l'Ex est bien informé, il sait qu'à la loyale, Alain Juppé voire François Fillon sont mieux placés que lui : absence de casserole, intégrité reconnue de l'un et de l'autres, expérience du pouvoir...

    L'Ex n'est pas du genre à se laisser abattre. Il va profiter de sa position de chef de parti pour, grâce à un mélange de séduction et de menace, récupérer de nombreux dirigeants des Républicains. Il a déjà commencé avec François Baroin, à la tête de l'influente Association des maires de France (AMF). Il a poursuivi en prenant le contrôle, via l'un de ses affidés Pierre Monzani, de l'Assemblée des départements de France (ADF) et pourrait être tenté de faire la même chose avec l'Association des régions de France (ARF), une fois que le basculement vers la droite aura eu lieu. Puisque Sarkozy ne peut séduire les Français qui n'ont pas oublié sa présidence calamiteuse, il va tenter de prendre le pouvoir en ralliant les "seigneurs" que sont les maires de grandes villes, les présidents de départements et régions.  

    On aurait pu espérer que Nicolas Sarkozy aurait mis à profit sa défaite pour réfléchir à ses causes, prendre du champ, et s'il voulait revenir au pouvoir (ce qui est une mauvaise idée pour un Président battu), proposer une nouvelle vision. Là, on prend les bonnes vieilles méthodes testées dans les Hauts-de-Seine (verrouillage, pressions sur les élus, promesses inconsidérées...) pour tenter un coup de force : revenir au pouvoir malgré les Français. Le pari de Sarkozy est le même que celui de Hollande : gagner le second tour face à Marine Le Pen par rejet viscéral de celle-ci.

    Les deux finalistes de la présidentielle de 2012 ont tout intérêt à faire grimper la candidate de l'extrême droite new look. Et chacun est assez brillant en la matière. François Hollande tourne le dos à ses engagements en menant une politique économique qui repose sur deux piliers :  améliorer l'offre des entreprises par des avantages (j'allais écrire "cadeaux") sans aucune contrepartie ; espérer une reprise mondiale qui profiterait à notre économie. Quand j'écrivais plus haut "paresse intellectuelle", je pensais à ce refus de voir que la pensée économique dominante (la doxa libérale à la Gattaz) n'est plus en phase avec les réalités. La présidence Hollande aura été marquée par une croissance forte du chômage (malgré le petit mieux, tout relatif, le mois dernier) et une désespérance accrue des quartiers populaires (voir la façon dont le Président a été accueilli à la Courneuve). Du pain béni pour la Madone de la démagogie !

    Quant à Sarkozy, il joue un jeu dangereux avec la thématique de "l'identité française". Notre fils de Hongrois reprend mot pour mot la phraséologie de l'extrême droite new look, celle qui s'est débarrassée, au moins en surface, de l'antisémitisme et de l'inégalité des races. Il espère capter une partie de l'électorat lepéniste en jouant sur le sentiment d'exaspération. Sauf que l'électorat visé est aussi "exaspéré" par l'impunité dont jouit une bonne partie de la classe politique, à commencer par Sarkozy. Lui aussi fait monter Marine Le Pen, tout en assurant qu'il est un vrai républicain. Voilà pourquoi il a viré la pauvre Morano qui, en fidèle élève de Sarko, a dépassé son maître en tenant un propos ouvertement raciste. 

    Tout cela nous prépare un triste printemps 2017. Mais, tout occupés qu'ils sont à servir leur intérêt personnel avant celui du pays, les professionnels de la politique, les accros au pouvoir n'en ont que faire...        

  • Hollande, à la recherche du chemin introuvable

    La situation française est grave, mais est-elle désespérée ? C'est la question qui se pose alors que François Hollande démarre sa seconde année de quinquennat. Lors de sa seconde conférence de presse, il a indiqué qu'il entendait mobiliser le pays notamment contre le chômage, en avançant elysée,françois hollande,nicolas sarkozysur la voie d'une plus grande intégration européenne. L'idée en soi est plutôt bonne, tant il est vrai que la solution à la récession qui s'installe sur notre continent ne peut venir que de l'activation de mécanismes de cohérence interne et de solidarité entre les pays membres. Pour autant, dire cela suffit-il à indiquer un chemin ?

    On a souvent dit et écrit - de façon erronée - que François Hollande n'avait pas de cap. Pourtant, le cap économique est assez clair (réduction des déficits en douceur et des réformes du marché du travail négocié entre partenaires sociaux), mais ce qui manque à l'approche élyséenne, c'est de préciser le chemin qui permet d'atteindre le cap. D'où cette impression de flou et de manque de détermination qui caractérise le gestion hollandaise du pouvoir.

    Dans cette affaire européenne, on a du mal à voir pourquoi et comment le même scénario d'une forme d'impuissance ne se reproduirait pas. Là encore, ce n'est pas l'objectif qui pose problème - même s'il ne fait pas plaisir aux eurosceptiques permanents à droite comme à gauche - mais bien l'absence de chemin qui peut amener à sa réalisation. Pour quelles raisons l'Allemagne se mettrait-elle à accepter ce gouvernement économique resserré alors même que la condition mise par ce pays (la réduction des déficits budgétaires, notamment en France) n'est absolument pas remplie ? Par quel miracle la Commission européenne changerait-elle sa doxa libérale ? Comment des pays très affaiblis comme la Grêce et l'Espagne, entre autres, peuvent-ils revenir dans le jeu européen ? Par quel mystère l'euroscepticisme ambiant serait-il transformé en un volontarisme permettant d'avancer dans la voie d'une intégration. Sur toutes ces questions, on n'a rien entendu de très convaincant de la bouche du Président. Celui-ci parie essentiellement sur des discussions avec ses homologues pour avancer, mais pourquoi la méthode de la discussion par le haut marcherait maintenant alors qu'elle a globalement échoué depuis des mois et des mois.

    Encore une fois, François Hollande donne le spectacle d'une forme d'impuissance. Il a elysée,françois hollande,nicolas sarkozyl'honnêteté - à la différence de son prédécesseur - de ne pas noyer le poisson dans un déluge d'annonces et d'effets de communication. L'homme est sobre et d'une certaine manière, honnête. Il ne déclenchera pas de sentiment de haine, comme a pu le susciter Nicolas Sarkozy. Non, son risque à lui est de susciter une forme de détachement et de découragement. Le peuple de gauche, comme on disait, risque de devenir spectateur d'une gestion gouvernementale d'un classicisme assez désespérant. 

    Dans l'âme, François Hollande est resté le premier secrétaire du PS qu'il a été pendant dix ans. Sa volonté de rassembler coûte que coûte, sa peur des féodalités locales le conduisent à chercher en permanence le point d'équilibre, le plus petit dénominateur commun. Il a tendance à se couper des idées nouvelles, des groupes contestataires qui portent en germe des nouvelles façons de voir. Les calculs sont partout alors qu'il faudrait un élan, un enthousiasme ; les ministres, le Premier en tête et à quelques exceptions près, sont d'une tristesse affligeante alors que la gauche (en 1981, en 1988 et même en 1997) était habitée par une joie de la transformation sociale. L'une des clés du succès (relatif) de Mélenchon, c'est qu'il donne l'impression de vouloir soulever des montagnes, de ne pas renoncer.

    De plus, le Président est obsédé par son souci de se présenter comme l'anti-Sarko permanent. Donc, ne rien brusquer, toujours attendre le moment opportun. Sauf que le pays a déjà oublié l'épisode Sarkozy (cruelle amnésie !) au point que d'aucuns veulent rejouer un scénario à la De Gaulle (le retour de l'homme providentiel) et qu'il attend un sursaut, une volonté de prendre les problèmes à bras-le-corps. On peut pardonner au pouvoir des échecs, pas des renoncements aussi rapides, par exemple devant le pouvoir de la finance...

    François Hollande a gagné en mai dernier parce qu'il a voulu apaiser la société française et lui a proposé un cap réaliste : la baisse du chômage, la réduction des inégalités et l'évolution vers une croissance verte. Un an après, aucun de ces axes n'a avancé sérieusement et même les réformes peu coûteuses (fin du cumul des mandats) sont en panne sèche face à la levée des conservatismes. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, le problème n'est pas principalement celui des dysfonctionnements gouvernementaux (même si la question se pose parfois, notamment à Bercy), mais celui d'un capitaine qui semble tellement effrayé par la lourdeur des défis qu'il a tendance à louvoyer et à entraîner le pays dans une torpeur assez effrayante.   

  • La stratégie à (très) hauts risques de Sarkozy

    Curieux entre-deux-tours ! Un candidat archi-favori fait semblant, pour mobiliser son camp, d'annoncer un second tour très serré (ce qu'aucun institut de sondage, même en prenant la marge d'erreur inhérente à l'exercice, ne prédit) ; un sortant qui multiplie les effets d'annonce et parfois les provocations, se bat comme un second tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozybeau lion, en sachant que la partie sera ultra-difficile pour lui. Ajoutez à cela, histoire de pimenter une affaire qui en manque quelque peu, un ancien prétendant à l'Elysée, déchu dans une série d'affaires glauques, qui réapparaît à une semaine de ce second tour dans une soirée que les Tartuffe ont appelée privée...

    Il faut bien le reconnaître, quel que soit le fil qu'on tire, on ne voit pas comment Nicolas Sarkozy pourrait l'emporter, même avec 50,1 %. Prenons d'abord l'arithmétique électorale qui, loin d'être infaillible, donne tout de même quelques indications précises.

    9 candidats contre 1

    Pendant toute la campagne, dans un aveu de lucidité désabusée, le candidat sortant a pesté contre une situation inédite où il était seul contre neuf. Cela n'était pas faux et cela se traduit logiquement par son absence de réservoirs de voix. Là où François Hollande peut compter l'essentiel des suffrages qui se sont portés au premier tour sur Mélenchon, Joly et mêmesecond tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozy Poutou qui ont appelé à l'élire ou du moins à battre Sarkozy (les trois candidats remportant en tout presque 15 %), Nicolas Sarkozy n'a aucune réserve naturelle. Même Nicolas Dupont-Aignan qui vient du RPR n'a pas appelé ses électeurs à se reporter sur celui qui se prétend encore néo-gaulliste.

    Reste ensuite l'électorat des 3e et 5e candidats du premier tour. Mathématiquement, Sarko pourrait l'emporter s'il agrégeait à ses 27 %, les 18 % de Le Pen et les 9 % de Bayrou. Mais les reports ne se feront pas à 80 %, ni même à 70 % chez ces deux candidats. Dans le meilleur des cas, Nicolas Sarkozy peut espérer en agrégeant, pour des raisons totalement différentes (la peur de l'étranger chez les électeurs frontistes et la peur des déficits chez ceux du centre), la moitié de ces deux électorats, arriver à un capital électoral de 41 à 42 %. Même s'il espère, sans doute à raison, mobiliser une partie de l'électorat traditionnel de la droite qui l'a boudé au premier tour et/ou a préféré profiter de vacances pluvieuses, il aura tout de même beaucoup de mal à franchir la barre des 50 %.

    La stature de Hollande renforcée

    Comme « l'animal » ne se rend pas aussi facilement, il en vient à faire feu de tout bois, franchissant allègrement bien des tabous. Lors de son discours de Toulouse le 29 avril, il a repris même l'idée du « racisme anti-Français » inlassablement invoqué par la famille Le Pen. Le problème pour Nicolas Sarkozy, c'est qu'il a en face de lui un animal à sang froid qui jamais ne tombe dans son panneau. Donc, son attitude survoltée second tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozyqui, une fois encore (lire mes posts précédents), est davantage celle d'un challenger que d'un sortant, renforce la stature de chef d'Etat que souhaite camper François Hollande. Il est tout de même paradoxal – et on s'étonne que les spécialistes de la doxa sarkozyste ne s'en étonnent pas – que celui qui en appelle aux solutions de responsabilité face à la gravité de la crise prenne le risque de déchaîner quelques passions nationalistes, teintées parfois de xénophobie.

    Chasser sur les terres frontistes ?

    A cette critique, certains défenseurs du leader de l'UMP vous diront qu'avec un FN à 18 %, il n'y a pas d'autre solution que d'aller chasser sur les terres frontistes. Et ils vous rappellent le scénario de 2007 où un Sarko offensif et sans complexe avait ramené l'électorat Le Pen à 10 %. Sauf que la stratégie de 2007 ne peut être reproduite, sauf à épouser totalement le discours plus présentable, mais totalement démagogique, de celle qui a pris la relève dans l'entreprise politique familiale. Elle repose en fait sur une erreur d'interprétation de l'électorat Le Pen. L'alchimie insécurité + immigration (deux domaines où la présidence Sarkozy n'a d'ailleurs pas forcément excellé) n'est pas le vecteur principal de l'électorat Le Pen, en tout cas dans certaines régions. Si cette radicalisation du type Ligue du Nord (électorat petit-bourgeois qui vit plutôt bien mais qui craint une dégringolade sociale avec l'arrivée des étrangers) existe dans certaines régions, notamment sur le pourtour méditerranéen (elle rassemble 27 % des électeurs gardois), le processus d'adhésion à « Marine » est autrement plus complexe dans d'autres régions.

    « Marine » à 20 % dans des départements ruraux

    Si le cocktail « immigration + insécurité » était totalement explicatif de ce vote, comment comprendre que dans l'Indre ou l'Orne (départements ruraux s'il en est), le FN fasse près de 20 % et que dans l'Aube (où est élu François Baroin), il cartonne à 25 %? A l'inverse, second tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozycomment analyser le fait qu'en Seine-Saint-Denis, là où présence d'étrangers et niveau d'insécurité sont élevés, le FN n'atteigne même pas les 14 % ? Et pour aller à la pêche de ces électeurs frontistes en Indre, l'Aube ou l'Orne, il ne faudrait pas parler viande hallal ou racisme anti-français (même s'ils peuvent y être sensibles), mais plutôt pouvoir d'achat, emploi, lutte contre la désertification, services publics... Autant de questions sur lesquelles le Président sortant est un peu moins prolixe.

    Le risque de cette stratégie sarkozyste est non seulement son échec électoral prévisible, mais qu'elle pourrait conduire à une seconde – et encore plus large – défaite au tour d'après, les législatives. En effet, quelques critiques se sont déjà fait entendre dans les rangs de l'UMP. Certes, les Chantal Jouanno, Etienne Pinte ont une influence fort limitée dans le parti présidentiel, mais ils constituent la garde avancée de ceux qui, lucides et courageux, ont compris que la stratégie Buisson (du nom de ce conseiller venu de l'extrême droite, très influent à l'Elysée) menait à la division de l'UMP et à la polarisation autour du FN.

    Risque d'implosion à l''UMP

    Que va-t-il se passer à partir du 7 mai, si la défaite de Sarko est confirmée? Les bouches vont s'ouvrir, les confessions se multiplier, les règlements de compte s'intensifier (notamment entre les clans Fillon et Copé). Si on reste sur le terrain strictement politique (car du point de vue judiciaire, certaines affaires pourraient connaître de nouveaux développements), les risques d'éclatement de l'UMP sont majeurs, même si tout lemonde, la main sur le coeur, promettra de rester unis. Les législatives vont donner lieu à trois types de scénarios : celui où la droite, plutôt bien placée, aura en face d'elle un candidat de gauche et devra négocier le report des voix du FN; celui (peut-être dans une centaine de circonscriptions) où aura lieu une triangulaire UMP/gauche/FN avec le risque que le candidat de gauche arrive presque partout en tête.

    Que faire face à un second tour FN/gauche ?

    Reste le dernier scénario qui pourrait se produire très fréquemment : le candidat de droite, n'ayant pas atteint les 12,5 % des suffrages (avec une participation plus basse, c'est possible avec moins de 20 % des voix), il reste au second tour deux candidats, de gauche et FN. Que fera dès lors le candidat de droite ? Appeler à voter « républicain » (comme le feront sans doute les quelques candidats de gauche éliminés, par exemple dans les Alpes-Maritimes ou le Var), prôner un vote blanc, voire dans quelques cas extrêmes, se désister en faveur du frontiste au nom de la lutte contre le pouvoir socialiste ? Il est évident que cette dernière situation conduirait à diviser profondément feu le parti majoritaire. Plus de leader incontesté, un centre de gravité déplacé vers la droite, deux défaites successives, des défections vers le FN voire vers le MoDem... la stratégie « à droite toute » de Nicolas Sarkozy pourrait avoir un effet délétère sur ce parti qu'il avait façonné pour sa victoire de 2007. Mais le président sortant n'est-il pas, peut-être à son corps défendant, dans une optique « après moi, le déluge » ?

  • Une campagne vraiment extra-ordinaire

    Où va la campagne présidentielle ? A trois semaines du premier tour, difficile de prévoir à quoi ressemblera le paysage politique à la fin de ce mois. S’il est plus que probable que les deux jean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandefinalistes seront Hollande et Sarkozy, il reste bien des points d’interrogation, aussi bien sur l’ordre d’arrivée des candidats que sur la tournure que prendra le second tour.

    La difficulté de toute prévision vient du fait que le scénario est totalement inédit. D’une part, c’est la première fois qu’un sortant confortablement élu (53 % des voix en 2007) accuse un tel retard par rapport à son challjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandeenger, même s’il a rattrapé une partie de celui-ci. Etre à 44 ou 45 % des voix du second tour, à cinq semaines de celui-ci, ne s’est jamais vu dans l’histoire déjà longue de la Ve République. Cette situation atypique conduit à une sorte de renversement de rôle : le sortant se présente en homme nouveau, multiplie les effets d’annonce, attaque à tout-va son challenger et bien entendu "oublie" de se référer à son bilan. En face, ledit challenger (F. Hollande) fait une campagne de sortant, annonce au compte-goutte des propositions et évite de répondre aux provocations de son principal concurrent. Si on voulait être désagréable, on pourrait dire qu’il s’agit de l’affrontement entre un « sale gosse » insolent et impétueux qui voudrait tant amener son rival dans le bac à sable face à un notaire de province qui gère, en bon père de famille, son capital électoral et qui ne veut surtout pas recevoir le moindre éclat de boue.

    On reconnaîtra que ce scénario peut désorienter. Il n’est sans doute pas pour rien dans le désintérêt manifesté par l’opinion publique pour ce scrutin avec le risque bien réel d’un fort taux d’absentention. On est donc à des années lumière de 2007 où l’on avait vu deux candidats flamboyants – sans doute moins costauds – déclenchant les passions (il faut se souvenir de l’hystérie autour de Sarkozy et, on l’a oublié, de Royal), alors que François Bayrou suscitait un intérêt intellectuel très fort, transcendant les clivages.

    Cette fois-ci, le troisième homme de 2007 pourrait être le 5e et il semble lui aussi usé, répétant en boucle le même discours. Certes, on peut lui reconnaître d’avoir visé juste sur divers thèmes (l’endettement, les atteintes aux libertés sous Sarkozy..), mais la mayonnaise a du mal à prendre, d’autant qu’on a le sentiment que notre Béarnais revient vers ses eaux naturelles, le centre droit.

    L’élément nouveau par rapport à 2007, c’est que le débat s’est profondément pjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandeolarisé autour de deux candidatures emblématiques, celles de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Examinons d'abord le cas de la « chef » du front national. Une opinion répandue dans le petit monde politico-médiatique voudrait que sa campagne marquerait le pas et qu'elle réaliserait une contre-performance. C'est sans doute prendre ses rêves (le mien aussi) pour la réalité. Tout cela est lié à des sondages qui, après un début de campagne tout feu tout flamme la font plafonner à 14-15 %. Prudence cependant ! Car on ne soulignera jamais assez la versalité et l’existence d’une marge d’erreur d’au moins deux points : quand on nous annonce un candidat à 13 %, il peut aussi bien être à 11 % qu’à 15 %, ce qui change tout de même les données. De plus, les sondages ont pratiquement tout le temps minimisé le score du FN.

    Le climat d'inquiétude, voire de spleen national qui paralyse le pays depuis plusieurs années, accentué par la tragique tuerie de Toulouse, devrait une fois encore servir le discours de peur et d'exclusive à tout va qu'entretient, avec un certain talent, mademoiselle Le Pen. Certes, elle ne peut pas prétendre réitérer l’exploit de son père, en réalisant un « 21 avril à l’envers », mais elle suscite un intérêt réel au-delà de l’électorat traditionnel du Front national. La nouveauté, c’est qu’elle veut donner à son mouvement une crédibilité dont souffrait terriblement son vieux pater marqué par l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle (l'Occupation, l'antisémitisme, les guerres de décolonisation, etc). Certes, nombre de ses propositions ne tiennent pas la route (notamment la fin de l’euro et l’immigration zéro), mais elle a réussi à faire croire à beaucoup qu’à la différence de son père, elle souhaite gouverner.

    Elle vise non pas 2012, mais 2017. D’ici là, elle espère que l’échec de Nicolas Sarkozy qu’elle va contribuer à faire advenir dans l’entre-deux-tours provoquera une explosion de l’UMP, permettant d’envisager une alliance, à l’italienne, avec la partie la plus droitière de feu le parti unitaire. Dans une compétition où Nicolas Sarkozy marche allègrement, et sans trop de mauvaise conscience, sur ses plate-bandes, elle entend marquer des points en rassemblant son camp et en séduisant ceux qui, par ras-le-bol, veulent renverser la table d'un système où ils ont sentiment que tout change pour ne rien changer.

    La candidaturjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandee de Jean-Luc Mélenchon est à la fois la plus opposée qui soit à celle de Le Pen (par le choix de valeurs, par les références historiques), mais en même temps, celle qui s'alimente le plus de ce terreau de la désespérance. Là où le FN mise sur les ferments de la division et de la colère face au fatalisme de la crise, Jean-Luc Mélenchon exalte les vertus du politique pour redresser le pays. L'une joue sur le registre du « tout fout le camp », l'autre sur celui de « la volonté politique qui peut tout », mais ils sont l'un et l'autre l'expression d'une volonté de renverser la table. « Sortez-les ! », disait Mélenchon dans l'un de ses livres...

    Incontestablement, l'actuel député européen (peu actif, semble-t-il) marque cette campagne par son enthousiasme, son charisme et sa personnalité. Tout un chacun, même celui qui n'épouse ces idées, sent bien que la politique est sa raison de vivre et qu'il y met une forme de sincérité et un allant assez rares. Au risque d'en défriser certains, son énergie ressemble à celle qui anima Sarkozy en 2006-2007... Vraisemblablement, Mélenchon ira prendre des voix dans le flot qu'on annonce intense des abstentions et parmi ceux qui auraient pu céder aux sirènes du FN. Il refait adhérer aux vertus de la politique, propose un discours carré qui ne s'embarrasse pas d'un chiffrage économique et du sens du compromis qui a été la caractéristique des politiques depuis 1988 (avec la réélection de Mitterrand), si on enlève les deux premières années de la présidence Sarkozy. Il fait rêver, disent certains, et on aurait tort de gâcher son plaisir en ces temps de morosité.

    Mais quel serait le débouché d'un Mélenchon à 15 % (ce qui lui ferait retrouver le score du communiste Georges Marchais... en 1981) ? Incontestablement, cela obligerait François Hollande dont le score ne serait pas le double, à reprendre certaines de ses propositions. Avec le risque de faire fuir une bonne majorité des électeurs centristes dont la gauche a besoin pour gagner... Sans rentrer dans ces considérations purement tacticiennes, la question se pose de la « gestion » de ce capital électoral. En annonçant qu'il ne participerait par au gouvernement « social-libéral » de Hollande, Mélenchon se prive d'une possibilité de négociation avec les socialistes. Il conserve pour lui une forme de pureté « révolutionnaire », mais se condamne à n'être que la mouche du coche. En même temps, il lui sera très difficile d'entrer dans une équipe plus proche de l'esprit d'un Delors que d'un Mitterrand versus 1981. Pour le flamboyant candidat du Front de gauche, le plus dur commence le 23 avril...