Coup sur coup, les deux principales formations politiques françaises ont organisé leur congrès, fondateur pour les Républicains, nouveau nom donné à l'Union pour une majorité populaire ; d'orientation pour le parti socialiste. Evidemment, les deux contextes ne se ressemblent pas. D'un côté, Nicolas Sarkozy entend construire un appareil entièrement dévoué à sa réélection en faisant un hold-up magistral sur le terme de républicain. Comme aucun scrupule ne l'a jamais habité, l'ancien président tente dans sa formation "républicaine" de faire taire toutes les oppositions. Les sifflets soit disant spontanés qui ont accompagné les interventions des deux rivaux Juppé et Fillon attestent de la volonté de limiter au maximum le débat interne.
Une semaine plus tard, à Poitiers, le PS tenait son congrès d'orientation. A 60% (sur un effectif largement inférieur à la barre des 100 000), les militants ont soutenu le texte qui approuve globalement la politique gouvernementale. Majorité claire ? Pas si sûr car le texte qui a obtenu ce score est un savant compromis entre les tenants (chez les proches de Martine Aubry, mais aussi pour l'ancien premier ministre JM Ayrault) d'une inflexion de la politique gouvernementale (notamment pour coller aux attentes des classes populaires) et des supporters de Manuel Valls pour qui il faut amplifier l'effort de renforcement de la compétitivité de l'économie française. Quelle est finalement la ligne proposée par le parti ? Personne ne le sait finalement. Ce n'est pas grave car l'opération pour l'exécutif est réussie : un parti de gouvernement qui ne sait pas ce qu'il veut ne risque pas trop de taquiner le dit gouvernement.
On notera que la maire de Lille est la grande perdante dans cette affaire : en permettant à ses partisans de mêler leurs voix aux "blairistes" supporters de Valls, elle se condamne à ne plus avoir une expression autonome au sein du parti. Comment pourrait-elle à l'avenir condamner une orientation qu'elle a approuvée peu ou prou à Poitiers. Reste en plus un sujet d'amertume pour elle avec la perte de contrôle de la fédération PS du Nord, hautement stratégique...
Par-delà les différences entre un parti à l'américaine centrée sur une personne et un parti godillot qui organise sa stérilité politique (merci Jean-Christophe Cambadélis !), un même constat : le modèle des partis n'est plus adapté à l'exigence démocratique et au double besoin de libre expression et de formulation de propositions. La première fonction est de plus en plus assumée par les divers forums réels ou virtuels (les réseaux sociaux) dans lesquels s'inscrivent les citoyens. La plupart des militants politiques sincères déplorent la faiblesse des réunions dans les instances de leur parti. Les universités d'été sont davantage orientés vers la relation qu'entretiennent les leaders politiques avec l'opinion via les médias que vers la formation de leurs militants (ce à quoi ils étaient destinés initialement).
Quant à la dimension programmatique, elle est maintenant l'affaire des experts via les think thank ou les groupes thématiques. Cela donne une orientation souvent "techno" aux programmes des candidats qui finalement se confrontent assez peu aux forces sociales constituées (syndicats, associations). Les propositions qui seront portées par les candidats sont en fait l'émanation d'un petit groupe d'experts issus du même sérail (ENA, Sciences Po, cabinets ministériels) qui ont un rapport pour le moins distendu avec les difficultés quotidiennes.
Ce double appauvrissement des partis les a conduit à se spécialiser sur une seule fonction : la sélection des candidats pour les différents scrutins. Les partis sont devenus des machines électorales qui attirent encore les ambitieux, souvent dépourvus de vraies convictions, et fait fuir les citoyens les plus inventifs et désintéressés. Comment s'étonner alors de trouver au sein des partis des Guérini, Balkany et autres voyous ? On rappellera d'ailleurs aux militants des Républicains et du PS que le patron des premiers est cité dans une dizaine d'affaires et que celui du second a été condamné à deux reprises...
Comme des canards sans tête, les partis continuent leur route. Les enjeux de pouvoir ne vont pas s'amenuiser. On peut penser que l'appauvrissement intellectuel de ces derniers va, au contraire, exacerber les rivalités personnelles. Nicolas Sarkozy est, à cet égard, un beau symptôme du mal politique. Trois ans après sa défaite, il n'a pas esquissé la moindre auto-critique, la moindre idée nouvelle, mais il imprime sa marque dans un style qui mélange le sens du spectacle, l'art du mensonge et la violence verbale vis-à-vis de ses adversaires. Comme souvent, depuis une dizaine d'années, il donne le la dans la vie politique française, ce qui ne lasse pas d'inquiéter.
Face à ce désastre démocratique, les citoyens ont tendance à baisser les bras, se repliant sur leur vie privée. Les plus lucides s'investissent sur des espaces publics assez restreints (associations de proximité, vie de quartier). Ici ou là, à l'occasion d'une cause d'intérêt général (défense des migrants, dérèglement climatique...), des mouvements de citoyens commencent à formuler des propositions. Sauf qu'ils ont du mal à influencer les sphères dirigeantes du pouvoir. Cette coupure entre acteurs de terrain et professionnels de la politique doit absolument se réduire. Sinon, les forces qui veulent tout détruire et qui s'appuient sur une exaltation de l'individu-roi, feront elles-mêmes le ménage...
ministre semblait laisser la possibilité pour un électeur de droite modérée de voter pour un FN. Cette nouvelle brèche ouverte dans le cordon sanitaire, de plus en plus inefficace, contre le parti aux idées extrémistes n'est pas dû au hasard ou à une maladresse de l'ancien Premier ministre. Elle résulte d'un pari électoral qui découle d'un diagnostic sur l'état de la société française.
Sarkozy de refaire surface et de se préparer dans l'optique de la revanche de 2017. Ce genre de conclusion (dont on peut tout de même percevoir une résonance avec une nostalgie qui a saisi le petit monde de la politique depuis le départ de l'ancien Président) me semble en décalage total avec la réalité des faits. L'affrontement fratricide dans lequel évolue le principal (?) parti d'opposition est plutôt le signe d'un état de décomposition très avancé de l'héritage sarkozyste. On a même le sentiment que la rapidité et la brutalité des événements qui ont conduit à l'éclatement (difficilement réversible) de l'UMP sont à la mesure de l'empressement qu'avait eu Nicolas Sarkozy à prendre le contrôle de la droite.
sérieusement esquinté en 2007 grâce à une campagne audacieuse a repris du poil de la bête. La frontière, quasi étanche, que Jacques Chirac avait réussi à établir entre la droite républicaine et celle qu'on est obligé d'appeler extrême s'est complètement effrité.
mbre de repères ou de bornes, par exemple la capacité de la négociation en coulisses (qui aurait bien utile pendant les 48 heures suivant le scrutin de l'UMP) ou celui du compromis ont complètement volé en éclat. A cet égard, Jean-François Copé aura été le meilleur élève de cette école du cynisme en politique qui aboutit à ce résultat complètement fou : le jouet de Sarkozy, l'UMP, n'aura pas résisté à la chute de ce dernier !
Poutou qui ont appelé à l'élire ou du moins à battre Sarkozy (les trois candidats remportant en tout presque 15 %), Nicolas Sarkozy n'a aucune réserve naturelle. Même Nicolas Dupont-Aignan qui vient du RPR n'a pas appelé ses électeurs à se reporter sur celui qui se prétend encore néo-gaulliste.
qui, une fois encore (lire mes posts précédents), est davantage celle d'un challenger que d'un sortant, renforce la stature de chef d'Etat que souhaite camper François Hollande. Il est tout de même paradoxal – et on s'étonne que les spécialistes de la doxa sarkozyste ne s'en étonnent pas – que celui qui en appelle aux solutions de responsabilité face à la gravité de la crise prenne le risque de déchaîner quelques passions nationalistes, teintées parfois de xénophobie.
comment analyser le fait qu'en Seine-Saint-Denis, là où présence d'étrangers et niveau d'insécurité sont élevés, le FN n'atteigne même pas les 14 % ? Et pour aller à la pêche de ces électeurs frontistes en Indre, l'Aube ou l'Orne, il ne faudrait pas parler viande hallal ou racisme anti-français (même s'ils peuvent y être sensibles), mais plutôt pouvoir d'achat, emploi, lutte contre la désertification, services publics... Autant de questions sur lesquelles le Président sortant est un peu moins prolixe.