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Quand le sarkozysme se décompose...

Devant le spectacle tantôt pathétique, tantôt grotesque, offert par l'UMP depuis une quinzaine de jours, certains observateurs peu inspirés ont cru y voir l'occasion pour Nicolas Jean-François Copé, françois fillonSarkozy de refaire surface et de se préparer dans l'optique de la revanche de 2017. Ce genre de conclusion (dont on peut tout de même percevoir une résonance avec une nostalgie qui a saisi le petit monde de la politique depuis le départ de l'ancien Président) me semble en décalage total avec la réalité des faits. L'affrontement fratricide dans lequel évolue le principal (?) parti d'opposition est plutôt le signe d'un état de décomposition très avancé de l'héritage sarkozyste. On a même le sentiment que la rapidité et la brutalité des événements qui ont conduit à l'éclatement (difficilement réversible) de l'UMP sont à la mesure de l'empressement qu'avait eu Nicolas Sarkozy à prendre le contrôle de la droite.

Il faut bien faire dresser le bilan politique du sarkozysme. Et il n'est pas glorieux ! En cinq années, la droite a perdu de nombreux départements, des villes grandes et moyennes et surtout un Sénat jugé imprenable voici peu. Il a crédibilisé les thèses d'une extrême droite en faisant apparaître la fille Le Pen comme finalement présentable. Le FN qu'il avait Jean-François Copé, françois fillonsérieusement esquinté en 2007 grâce à une campagne audacieuse a repris du poil de la bête. La frontière, quasi étanche, que Jacques Chirac avait réussi à établir entre la droite républicaine et celle qu'on est obligé d'appeler extrême s'est complètement effrité.

Cela n'effraie plus bon nombre d'électeurs UMP de reporter leurs voix, au second tour, sur un candidat frontiste. Ce qui explique pourquoi de nombreux seconds tours FN/gauche lors des législatives de juin ont donné lieu à un résultat du type 45/55 voire 52/48. Auparavant, un frontiste ne dépassait que rarement la barre des 40% lorsqu'il devait affronter un candidat de gauche au second tour. Sauf à être dans une exaltation quasi pathétique de "Nicolas", il est tout de même difficile de ne pas considérer que cette situation a quelque chose à voir avec la façon dont l'ancien Président a joué avec quelques allumettes au prix d'un piétinement assez méthodique de ce qu'il restait de l'héritage gaulliste. 

Pourquoi en est-on arrivé à cette situation explosive à la tête de l'UMP ? Bien entendu, on peut simplement stigmatiser la guerre des chefs, le choc des egos et tutti quanti. Pour ceux qui seraient nés en politique voici peu, rappellons les épisodes assez virils entre Chaban et Chirac (1974), entre VGE et toujours Chirac (de 1976 à... aujourd'hui), entre Balladur et encore Chirac (1993-1995), sans oublier, même si c'était finalement assez exotiques, les bisbilles entre Sarkozy et Villepin. Donc, rien de neuf sous le soleil, sauf que cette fois-ci, les conséquences sont lourdes.

Deux raisons majeures expliquent, selon moi, la gravité des conséquences de cette crise. D'une part, l'absence de culture démocratique, le refus de vivre des désaccords. On l'a oublié, mais la création de l'UMP, en 2002, a démarré sur un mensonge. Pour rassembler toute la famille éclatée allant du centre-droit ) la droite dure, promis-juré, l'UMP allait faire vivre le débat entre les sensibilités différentes (on ne parlait pas de courant pour ne surtout pas ressembler au PS). Cela n'a jamais existé à l'UMP car le chef Sarkozy n'en voulait pas. Pas question de se "faire emmerder" avec la perte de temps et d'énergie que représente le débat d'idée ; la démocratie, c'est bon pour les discours, pas pour prendre le pouvoir.

Mais voilà que le chef perd le pouvoir... Rien n'a été prévu pour faire vivre ce moment d'hésitation, de maturation démocratique. On a à la tête du parti un mini-Sarko (le talent en moins) qui est prêt à tout pour garder le pouvoir. Il ne lâche même pas l'appareil le temps de la campagne interne, l'utilisant de façon éhontée à son seul avantage. Son rival, qui a envie d'exister par lui-même pour faire oublier sa vassalisation pendant cinq ans, ne s'intéresse même pas aux questions statutaires pourtant déterminantes dans toute phase électorale. Et il a suffi d'un scrutin très serré pour que le chateau de carte d'une organisation bricolée et caporalisée s'effondre en 48 heures. Surtout qu'une partie des adhérents à cheval sur les principes moraux n'a pas l'intention de se faire "voler" l'élection... 

L'autre raison qui n'a peut-être pas été assez développée, tient à la libération de la violence en politique qu'a permis voire encouragé Nicolas Sarkozy. Entre les "casse-toi, pauv'con !", la banalisation de l'humiliation (de François Fillon à Patrick Devedjian en passant par Jean-Louis Borloo) et cette façon de faire en permanence la leçon à nos partenaires étrangers, l'ancien Président a trop souvent confondu authenticité et vulgarité, refus du "politiquement correct" et celui de la courtoisie toute républicaine. Il a installé dans le pays l'idée selon laquelle il fallait être malin, roublard voire menteur pour garder le pouvoir et en jouir. Passant sans arrêt d'une idée à l'autre, d'une priorité à l'autre, d'un fait divers à un autre, affichant jusqu'à l'impudeur les affres personnels de tout homme, fût-il président français, il a, avec un talent qu'on ne lui contestera pas, donné le tournis à tout le monde.

Un certain noJean-François Copé, françois fillonmbre de repères ou de bornes, par exemple la capacité de la négociation en coulisses (qui aurait bien utile pendant les 48 heures suivant le scrutin de l'UMP) ou celui du compromis ont complètement volé en éclat. A cet égard, Jean-François Copé aura été le meilleur élève de cette école du cynisme en politique qui aboutit à ce résultat complètement fou : le jouet de Sarkozy, l'UMP, n'aura pas résisté à la chute de ce dernier !

 

Commentaires

  • Merci Noël pour ton blog, qui est le seul que je lis et attends avec impatience, continue.
    Je suis d'accord avec toi sur à peu près tout ce que tu développes, sauf sur un point. Dire que Sarkozy a fait voler en éclat la barrière entre FN et la droite n'est pas, je pense, le choix d'un seul homme politique. La tentation du glissement vers la droite dure et décomplexée apparaît plus comme un renoncement obligatoire, produit de 30 ans d'échec au niveau local, piège prévu et encouragé avec délice par Mitterrand. Sans tout mettre sur le dos de Mitterrand, ce glissement est aussi le produit du délitement moral et social de notre identité commune. L'ère Sarkozy n'est que le moment où la droite bascule, comme ses homologues européens, dans l'exploitation des angoisses qui secouent nos sociétés. Il n'en est pas l'inventeur, mais il est sûr qu'il l'a fait sans aucune retenue et avec le cynisme qui lui est propre.

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