Ainsi donc, en ce 17 novembre, des dizaines (ou des centaines) de milliers de personnes vont se vêtir d'un gilet jaune pour bloquer la circulation et défendre leurs revendications, dont la première est le refus de l'augmentation des taxes sur le prix de l'essence.
Ce mouvement a été comparé à celui des bonnets rouges en Bretagne sous le quinquennat de François Hollande. Pourtant, les "gilets jaunes" présentent des spécificités : le mouvement est national et n'est pas lié à une revendication régionaliste ; il n'est généralement pas connecté aux acteurs économiques, par exemple les camionneurs. C'est qu'on le veuille ou non un mouvement citoyen qui s'est construit à partir des réseaux sociaux et sans appui direct des syndicats ou des partis politiques.
Evidemment, ne soyons pas naïfs, des militants politiques, notamment à la droite de la droite (chez Marine Le Pen ou Nicolas Dupont Aignan) sont fortement mobilisés pour tenter de mettre en connexion les citoyens en colère avec les partis protestataires. Il n'est pas certain que la récupération du mouvement puisse vraiment avoir lieu tellement le discrédit des partis est forte.
Quelles sont les caractéristiques de ce mouvement que personne n'a vu venir ? Il s'inscrit d'une part dans la défiance vis-à-vis de l'Etat. Celui-ci est perçu comme contraire aux intérêts des individus : il "rançonne" les automobilistes à travers les amendes ; il les contraint à circuler à une vitesse réduite (les fameux 80 km/h) ; il contrôle de façon de plus en plus drastique sur le plan technique les véhicules. Dans l'esprit des "gilets jaunes", la voiture reste l'un des derniers domaines de liberté individuelle. L'augmentation des taxes est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
D'autre part, ce mouvement cherche une organisation la plus horizontale possible : il n'y a pas de leader clair, aucun représentant... Ce type d'organisation marque une défiance totale vis-à-vis de toute structure pyramidale. Malgré tout, la question d'une organisation, même minimale, va se poser au lendemain de ce 17 novembre pour négocier avec les pouvoirs publics.
Enfin, les "gilets jaunes" incarnent une France d'en bas, rurale ou périurbaine. Ils ont le sentiment que ceux qui décident de l'augmentation du prix des carburants vivent dans des centre-villes dotés de réseaux de transport en commun. Eux n'ont pas d'alternative en matière de transport.
L'attitude du gouvernement a facilité la mobilisation citoyenne. Les faveurs accordées aux couches les plus favorisées, l'envolée des taxes en tout genre, le recul des services publics notamment dans le rural profond ont été vécues comme des éléments de provocation par rapport à ceux qui vivent avec un ou deux Smic et qui ont du mal à boucler leurs fins de mois.
La volonté de taxer davantage le diesel est une mesure logique dans une optique de transition écologique. Mais là, elle peut difficilement être acceptée politiquement. D'une part, l'augmentation des taxes va profiter principalement au budget de l'Etat et non à des opérations favorables à l'écologie. D'autre part, le gouvernement aurait dû engager un programme de développement des transports collectifs dans les zones où ils sont quasiment absents. C'est le contraire qui a été fait. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que les "gilets jaunes" ont beaucoup de carburant pour paralyser tout ou partie du territoire national.