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Livre

  • Comment plomber Eva Joly, mode d'emploi

    Et si Daniel Cohn-Bendit avait eu raison voici un an lorsqu’il avait suggéré à son parti Europe écologie les Verts (EELV) de ne pas présenter de candidat(e) à l’élection présidentielle ?daniel cohn-bendit, eva joly, cécile duflot L’argument de « Dany » était le suivant : cette élection ne correspond pas à la culture politique de la formation écologiste et de toute façon, celle-ci est vouée à ne pas gagner l'élection suprême, tout juste à espérer atteindre la très symbolique barre des 5% ; il vaut mieux dès lors tout miser sur les élections législatives en faisant en sorte de peser sur le programme de gouvernement. Au vu des événements depuis une dizaine de jours et la priorité absolue donnée par l’appareil du parti à la constitution d’un groupe parlementaire, on peut affirmer que « Dany » avait visé juste.

    A quoi a-t-on assisté depuis plusieurs mois, si ce n'est l'accumulation des erreurs pour une stratégie gagnante à la présidentielle. D’abord, on a vu le candidat le plus populaire et le plus étiquetté « écolo », Nicolas Hulot, sèchement renvoyé à ses émissions télé dans le cadre d’une primairdaniel cohn-bendit, eva joly, cécile duflote (lire mon post du 20 août). Lui a été préférée une femme de caractère à la double nationalité - tout comme « Dany » - connue pour ses talents de juge (l’affaire Elf notamment), mais guère pour ses compétences en matière d’environnement. Mais comme Eva Joly apprend vite et qu’elle sent bien le vivier de militants de ce parti, elle a repris à son compte le « catéchisme » des Verts, parti qui s’est construit notamment sur son opposition viscérale au programme électro-nucléaire de la France. Alors même que l’Allemagne a décidé d’oublier l’atome, alors même que le traumatisme consécutif à la catastrophe de Fukushima est encore dans tous les esprits, la candidate écolo pensait que c'était le moment de faire preuve d’intransigeance car le fameux « consensus nucléaire » est en train de se fissurer.

    Problème : l’appareil EELV contrôlé par le duo Duflot-Placé a pour obsession de cdaniel cohn-bendit,eva joly,cécile duflotonstituer un groupe costaud à l’Assemblée, ce qui passe par un accord avec les socialistes qui doivent consentir à leur libérer une soixantaine de circonscriptions. Cette stratégie peut se défendre si on veut peser sur les choix et pour ce faire, éviter, au cas où François Hollande l’emporterait, que les socialistes aient une majorité écrasante à l’Assemblée. Mais dans ce cas-là, pourquoi aller « faire le mariole » à l’élection présidentielle du printemps puisqu’il ne sera pas possible pour ce parti, tenu par un accord de gouvernement, de défendre totalement ses convictions ?

    Si on veut caricaturer le trait, le parachutage de Cécile Duflot dans une circonscription parisienne en or est beaucoup plus stratégique (car elle permet de préparer l’élection municipale en rêvant de chipper la place à Anne Hidalgo) qu’un bon score à la présidentielle. Faire passer le score d’Eva Joly de 4 % à 7-8 % ne change presque rien pour la suite (les législatives) puisque tout est écrit d’avance et le nombre de députés EELV n’en dépend pas (ou à la marge). Il ne s’agit pas ici de nier les aspects novateurs de l’accord PS-EELV, notamment sur la réduction de la place du nucléaire, mais bien de s’interroger sur la cohérence d'une formation qui fait volontiers la morale à la terre entière dans un contexte de discrédit profond des politiques.

    Voilà comment on plombe une candidate nouvelle qui pouvait apporter, quoiqu'on en dise, de l'air frais dans une campagne très franco-française, voilà comment on dégoûte encore une fois des électeurs et militants qui ont cru qu’au moins dans ce parti, la parole politique était sincère. Dans ce contexte, il eût mieux valu écouter Dany et ne pas faire mine de courir deux lièvres à la fois. Ou alors négocier un accord avec le PS dans l’entre-deux tours de la présidentielle après avoir obtenu un bon score. Mais rester au milieu du gué comme le fait EELV, c’est non seulement condamner Joly à de l’équilibrisme (ce qui n’est pas sa spécialité) et affaiblir considérablement les idées que les écolos entendent porter.

     

    PS: Rien à voir avec ce qui précède (quoique): le livre « Le scandale des biens mal acquis » des journalistes Xavier Harel et Thomas Hoffnung (éditions La Découverte) montre formidablement l'envers noir (c'est le cas de le dire...) des campagnes électorales françaises. On espère, sans trop y croire, que cette pratique est vraiment derrière nous et que la redéfinition des relations France/Afrique ne sera pas oubliée lors de la campagne à venir...

  • AUTO-PUB (suite) Le livre, le Monde et la vidéo

    Voilà, limage livre.jpge livre "Aveugle, arabe et homme politique, ça vous étonne" est en vente dans toutes les bonnes librairies (et sur Internet). Précipitez-vous...

    Je vous signale la mise en ligne d'une petite vidéo sur Hamou Bouakkaz réalisée par Nadia Djabali. Cela fait une bonne intro au livre.

     


    http://www.dailymotion.com/video/xj1tmf_livre-h-bouakkaz


    D'autre part, peut-être avez-vous lu la critique parue dans Le Monde du 1er juin sous l'excellente plume de Francis Marmande. Si vous avez raté la version papier, vous pouvez vous rattraper sur le net (c'est excellent)

      http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/05/31/aveugle-arabe-et-homme-politique-ca-vous-etonne-d-hamou-bouakkaz_1529974_3260.html

  • Livre: triste politique !

    Panier de crabes.gifJe viens de lire le livre de Véronique Vasseur, Le panier de crabes - les dessous des campagnes électorales, qui sort ces jours-ci. Véronique Vasseur, pour ceux qui l'auraient oublié, est cet ancien médecin-chef de la prison de la Santé, à Paris, qui avait dénoncé voici une dizaine d'années le scandale sanitaire du milieu carcéral. Cette militante de l'Observatoire international des prisons raconte sa "cavale en politique", autrement dit ses deux années de militantisme à l'UMP, entre 2006 et 2008, et ses deux candidatures aux législatives et aux municipales à Paris. Ce qu'elle décrit est absolument terrifiant, non parce qu'il y aurait scandales et malversations, mais par les rapports humains qui se nouent dans le monde politique.

    Si elle est venue à l'UMP, ce n'est pas par adhésion au corpus idéologique de l'UMP (elle serait plutôt une gaulliste de gauche, si le terme a encore un sens), mais par fascination pour le candidat Sarkozy, sa volonté de faire bouger la France, y compris dans le monde carcéral bloqué de toutes parts. Sans qu'elle ne demande rien, on lui met la pression pour être candidate du parti sarkozyste et, non sans hésitations, elle se lance dans la bataille. Et alors commencent un engagement à cent à l'heure (distributions de tracts, réunions d'appartement ou publiques, permaneces) et des obstacles en veux-tu en voilà...

    D'abord, "l'ex-roi" comme elle l'appelle, Jacques Toubon, ancien député-maire du 13e, à l'époque député européen, passe son temps à lui savonner la planche pour éviter qu'elle réussisse à s'implanter localement et qu'elle lui fasse de l'ombre. Des ambitieux peu actifs sur le terrain font des pieds et des mains pour être son suppléant puis pour figurer en bonne place sur la liste des municipales. Leur tentative étant infructueuse, ils vont tenter de saboter sa campagne en répandant des vilénies sur son compte. La fédération de Paris et le siège national sont aussi passablement égratignés pour lâcher dans la fosse aux lions une candidate issue de la société civile sans véritable soutien. Quant au Parti radical auquel elle adhère, il va finir par l'exclure suite à son refus d'intégrer sur sa liste certains de ses "militants" peu recommandables. Quant au débat politique, elle le juge très souvent au ras des paquerettes ou des crottes de chiens qui, comme chacun le sait, sont légion sur le bitume parisien.Véronique Vasseur.jpg

    Après son élection comme conseiller de Paris en mars 2008, elle envoie sa lettre de démission en expliquant qu'elle "ne se retrouve pas dans le spectacle pitoyable des bagarres dissidentes, des ego contrariés, du contexte national difficile, des alliances contre nature qui ont pollué et dénaturé le débat démocratique devenu inaudible". Dans son épilogue, elle n'en reste à son amertume d'avoir eu le sentiment de perdre son temps, et tire des enseignements qui, à mon avis, intéressent de près ou de loin tous les partis:

    1/ "Les campagnes électorales à l'ancienne deviennent dépassées". Les tracts finissent le plus souvent à la poubelle et ne convainquent que ceux qui le sont déjà; les affiches électorales sont déchirées ou lacérées. "A mon sens, la profession de foi, des affiches sur le spanneaux officiels et de grands débats contradictoires entre concurrents sur des sujets précis suffisent amplement à un processus démocratique serein."

    2/ "Les esprits indépendants et libres, on n'en veut pas". Elle avait trouvé comme slogan de campagne: "La vérité, c'est mon combat" que Toubon n'avait pas jugé très politique. Elle montre bien que le monde politique est fermé aux nouvelles personnalités. Deux solutions se présentent alors: soit les nouveaux venus adoptent les us et coutumes et alors leur originalité, leur fraîcheur ne servent plus à grand-chose; soit elles tentent de bousculer, de rester fidèles à elles mêmes et les conflits, les contradictions deviennent vite inextricables. Véronique Vasseur a tiré sa révérence, comme le font régulièrement des milliers de militants, à l'UMP, au PS ou ailleurs, insatisfaits de la qualité des débats, des jeux de pouvoir (pour des enjeux souvent minuscules) et du déphasage avec les attentes de la société.

    Par-delà l'originalité de la situation (une pourfendeuse de l'entassement dans les prisons soutenant un candidat qui veut les remplir), ce livre, percutant, drôle parfois, amer toujours, pose, des questions intéressantes sur les pratiques politiques. Intéresser des citoyens à la vie des partis suppose que ceux-ci changent. Vite et en profondeur.  

     

    Véronique Vasseur, Le panier de crabes - les dessous des campagnes électorales, Flammarion, 258 p., 19 euros.

  • Avant qu'il ne soit trop tard...

    Critique du livre de Pierre Larrouturou (Crise, la solution interdite, éditions Desclée de Brouwer, 306 p., 18 euros) publiée dans Témoignage chrétien du 21 mai

     

    Livre Larrouturou.jpgSur la couverture, une photo d'émeute urbaine. Le livre suggère que si aucun changement n'intervient dans la façon de conduire la politique économique et sociale, les violences pourraient se répandre. A l'appui de sa démonstration, Pierre Larrouturou cite l'exemple du Japon, longtemps pris pour un modèle qui a vu son Produit national brut chûter de près de 13 % au dernier trimestre 2008. Les conséquences sont très lourdes avec une montée de la pauvreté, notamment chez les jeunes, et une instabilité politique (deux Premiers ministres ont démissionné sur un an). « Allons-nous connaître une évolution à la japonaise? », s'interroge l'auteur, économiste et homme politique engagé au PS.Ceux qui ont déjà lu Pierre Larrouturou ne seront pas dépaysés par son style qui mêle exposé économique bourré d'informations et démonstration politique.

    Dans ce livre, il est encore plus alarmiste, ne cachant pas sa colère devant l'inertie des dirigeants. S'inspirant d'un propos prophétique de Pierre Mendès France qui écrivait en 1930 – en plein krach économique - qu'une « course de vitesse est engagée » et qui demandait la création d'une monnaie unique européenne, l'auteur estime également qu'une course de vitesse est engagée pour les années à venir. Il détaille les périls majeurs qui nous guettent. A la fois manufacture du monde et planche à billets pour les économies très endettées, la Chine est menacée par le au ralentissement économique par la montée du chômage et des inégalités. « Sommes-nous sûrs que ce qui s'est passé en Allemagne entre 1929 et 1945 ne peut pas se reproduire en Chine dans les vingt ans qui viennent? », se demande Larrouturou. Il montre également que la solution trouvée pour face à la crise financière (faire marcher la planche à billets) n'est pas sans risque, notamment en termes de confiance. « Pendant des années, nos dirigeants ont refusé d'écouter ceux qui annonçaient une crise majeure liée à la dette privée. Peuvent-ils comprendre aujourd'hui que la fuite en avant par la dette publique n'est absolument pas la solution? », se demande-t-il justement.

    Car la colère de Larrouturou est liée en grande partie à l'aveuglement qu'ont eu les dirigeants politiques, y compris socialistes, face à la montée des déséquilibres graves. Il rappelle que lors de l'université d'été du PS en 2005, il s'était fait gentiment « moucher » par Dominique Strauss Kahn parce qu'il relevait les risques de récession en Amérique. « Aujourd'hui, note-t-il, DSK affirme que la crise sera la plus grave depuis 1929. »

    Le livre ne se contente de dénoncer erreurs et aveuglements; il propose une autre voie pour tenter de sortir la tête de l'eau. Il insiste sur la révolution culturelle qu'il faudrait entreprendre. « La croissance n'est plus la solution »; « dérégler la guerre au dérèglement climatique » sont quelques-unes de ces idées-force, tout comme « négocier un autre partage du travail ». Celui qui s'était fait connaître dans les années 90 pour sa bagarre en faveur de la semaine des 4 jours ne baisse pas les armes. Il révèle que, en son temps, Brice Hortefeux, l'actuel ministre du Travail, était convaincu par cette solution pour lutter contre le chômage qui touche plus de quatre millions de personnes dans notre pays – et cela ne devrait pas s'améliorer prochainement.

    Un livre de combat, de rage parfois qu'il faut lire pour ne plus dire: « on ne savait pas ».