Il serait erroné d'interpréter la révolte des bonnets rouges bretons comme un simple refus d'une fiscalité dite écologique, l'écotaxe. Il serait également réducteur de n'y voir qu'une conséquence du choc provoqué par l'annonce de plans de licenciements dans l'agroalimentaire qui fur longtemps considéré comme le joyau de cette région. Il serait enfin trop facile de considérer que cette région qui fut la plus favorable en France aux divers traités européens (Maastricht puis le TCE) brûle maintenant l'Europe qu'elle a adorée.
Ce qui se passe en Bretagne traduit une tendance de fond à l'œuvre dans la société française : une rupture entre les populations des régions et les élites politico-administratives standardisées et parisiennes ; un éloignement de plus en plus marqué entre le centre et les périphéries. Un autre évènement politique d'octobre d'un genre différent aurait pu nous mettre la puce à l'oreille : le désaveu exprimé par les Marseillais à l'égard de la ministre Marie-Arlette Carlotti lors de la primaire servant à désigner le candidat qui affrontera en mars prochain le sénateur-maire Jean-Claude Gaudin.
Rappelons que cette ancienne députée européenne n'a dû sa place en 2012 dans le casting gouvernemental (sur un maroquin - le handicap et la lutte contre l'exclusion - pour lequel elle ne présentait aucune compétence particulière) qu'à sa proximité avec François Hollande et le choix de celui-ci d'en faire "sa" candidate pour Marseille lors des municipales. Raté donc et pas simplement, comme l'ont dit assez vite les médias, parce que le clan Guérini a utilisé tous ses atouts pour lui barrer la route en misant sur la sénatrice Samia Ghali. L'échec cuisant de Carlotti qui, en d'autres temps, aurait conduit à une démission du gouvernement, traduisait d'abord une défiance des Marseillais vis-à-vis du pouvoir parisien qu'elle incarnait.
On va me rétorquer que la défiance vis-à-vis de Paris n'est pas chose nouvelle et que depuis les films de Pagnol, la Canebière s'est toujours méfiée des "Parisiens" qui ne valent guère mieux que les "Lyonnais". On va me parler également du sentiment identitaire breton qui se réveille à la moindre crise économique ou dès qu'un projet venu d'en-haut contrarie les Bretons. On se souvient du combat de toute (?) une population contre la centrale nucléaire de Plogoff dans les années 70, projet abandonné ensuite par François Mitterrand. Ce qui se passerait en Bretagne autour des "bonnets rouges" ne serait que redite d'un vieux réflexe régionaliste.
Deux éléments obligent à revoir cette grille de lecture. D'une part, la régionalisation, sans doute incomplète, mais tout de même conséquente, modifie profondément les rapports de force entre les territoires et la capitale. Tous les pouvoirs ne sont plus concentrés à Paris même si la France est très loin d'une configuration fédérale. D'autre part, la contestation qui s'exprime en Bretagne n'est pas sur le simple registre de contestation d'un projet central (en l'occurrence, l'écotaxe). Elle réside au moins autant dans une dénonciation de l'inefficacité du pouvoir parisien et de son incapacité à aider cette région à rebondir.
En gros, le message des Bretons en direction de Paris (alors même que plusieurs ministres de poids en sont originaires) est le suivant : "foutez la paix avec vos règlements et taxes ; on va prendre notre destin en main sans vous'. Un tel discours n'exclut pas d'ailleurs les demandes de subventions ou d'aides en tout genre venant du pouvoir central...
Ce qui se joue actuellement dans la crise bretonne, c'est la crédibilité du pouvoir central incarné aujourd'hui par le duo Hollande-Ayrault, hier par l'attelage Sarkozy-Fillon. A la lumière des échecs et trahisons successifs, au regard de l'impossibilité pour la France de réduire son chômage et de réorienter l'Europe, un sentiment localiste pourrait se développer dans les prochaines années et fragiliser encore l'échelon central. Avec l'idée sous-jacente selon laquelle "on va tous en baver, mais autant compter sur ses propres forces et ne pas attendre grand-chose de Paris ! Cela peut donner le meilleur (l'encouragement aux initiatives locales et à la démocratie de base) comme le pire (l'exacerbation des égoïsmes régionaux mâtinés éventuellement de xénophobie).
Face à cette nouvelle donne, le pouvoir central ne peut se contenter de mesures d'opportunité, comme il l'a fait en différant (ou en enterrant) le projet d'écotaxe. Il doit profondément revoir sa relation avec les régions, sortir d'une vision magique de la politique (ce qui est décidé en haut s'applique en bas) et réellement écouter les acteurs locaux (élus, associations, acteurs économiques). Cela passe par un renouvellement profond de la formation des élites qui peuplent les directions centrales et les cabinets ministériels (ce sont souvent les mêmes...).
En casant nombre de ses camarades issus de la promotion Voltaire de l'ENA dans l'appareil d'Etat (alors qu'il avait annoncé le contraire) et en faisant preuve d'un manque total d'imagination sur les questions de démocratie locale, François Hollande a montré qu'il ne comprenait pas grand-chose aux tendances de fond de la société française. Mais il n'est jamais trop tard pour se réveiller et sortir de l'axe Paris-Tulle qui semble être sa source d'inspiration principale. La dégringolade aussi rapide que spectaculaire de sa popularité peut-elle l'inciter à cet examen de conscience salutaire ?
Commentaires
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