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martine aubry

  • Primaires : transformer l'essai

    Au soir de ce premier tour de la primaire citoyenne au sein de la gauche socialisante, quelles leçons en tirer, alors que les candidats sont déjà dans les starting-blocks pour le second tour ? Trois leçons principales peuvent, à mon sens, se dégager.

    martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royal1/ Prolonger la dynamique des primaires

    Ces primaires constituent un vrai succès politique et devraient s'installer durablement dans la façon de faire de la politique et de désigner les candidats. Ce qui est valable pour le scrutin présidentiel devra être réfléchi à l'avenir pour l'élection municipale, voire législative. Comment sera-t-il possible, pour la gauche, de se féliciter du grand pas (indéniable) constitué par ces primaires pour la présidentielle si on continue les petits combines d'appareil pour la désignation des têtes de liste aux municipales ou des candidats à la députation ? Ce qui n'est plus tolérable à l'échelle d'un pays (la désignation d'un candidat par 100 000 électeurs) ne le sera pas plus à l'échelle d'une grande ville de 100 000 habitants (une tête de liste choisie par 300 – 400 militants dont un bon nombre d'employés municipaux). Donc, la crédibilité de cette « révolution » citoyenne ne sera totale que si les barons locaux acceptent de jouer le jeu de la transparence et ne se cramponnent plus à leur pouvoir. Avec une telle ouverture au « peuple de gauche », il n'est sûr qu'un certain nombre d'apparatchiks eussent accédé à de telles responsabilités (par exemple J.-N. Guérini qui s'est toujours appuyé sur des réseaux obscurs plutôt que sur les forces vives de la cité phocéenne).

    2/ 2012 n'aura rien à voir avec 2007.

    La vraie - et seule- surprise de ce premier tour n'est pas l'écart plus réduit que prévu entre le député de Corrèze et la maire de Lille. Les sondages, dans cette affaire, avaient une dimension manipulatoire car ils portaient sur les personnes se déclarant de gauche et non sur celles étant certaines de participer à cette primaire. Non, ce qui importe, c'est de comprendre pourquoi l'ordre entre Arnaud Montebourg et Ségolène Royal s'est complètement inversé par rapport à ce qui était prévu. L'un et l'autre ont pourtant plus d'un point commun, notamment leur talent à bousculer les lignes et à s'attaquer aux appareils. Tous deux ont une dimension chevaleresque – qui suscite des réactions contrastées mais ne laisse pas indifférent. Pourtant, le premier s'est imposé comme celui qui donnait le la dans cette primaire alors que la seconde semblait n'être que l'ombre d'elle-même, incapable de n'être autre chose que la finaliste malheureuse de 2007 (sa pathétique conclusion du dernier débat où elle rappelait l'élan de 2007 en témoignait). Cinq ans après, S. Royal n'a toujours pas compris qu'une bonne partie des électeurs de gauche lui en veut, à tort ou à raison, d'avoir été celle qui a permis l'élection de Nicolas Sarkozy alors qu'elle reste encore fière d'avoir bousculé le vieil appareil socialiste. Une démocratie moderne devra accepter, à l'avenir, l'idée qu'un candidat battu à un second tour devra s'effacer définitivement. Histoire, notamment, d'éviter la suprême humiliation d'un leader adoubé par 60 % des militants qui obtient cinq plus tard moins de 10 % des martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royalsuffrages... Quant à Arnaud Montebourg, il s'est imposé comme le troisième homme de ce scrutin. Il oblige Hollande et Aubry à clarifier leurs positions, notamment sur la question du renouveau démocratique, le contrôle du pouvoir financier et l'attention portée aux mouvements de la société. Il ne faut pas croire que le petit cinquième d'électeurs qui lui ont apporté leur soutien l'ont fait essentiellement sur ce concept assez discutable de « démondialisation ». D'autres considérations comme son engagement personnel dans diverses affaires (paradis fiscaux, affaire Guérini), son enracinement dans un territoire en difficulté et sa capacité à mettre en avant des « valeurs » et non simplement des équilibres, ont influé dans ce vote, sans compter la dimension générationnelle (également présente chez Manuel Valls dont le score est loin d'être ridicule). L'ascension fulgurante d'un quasi-inconnu montre que le temps politique a tendance à s'accélérer. 2012 n'a rien à voir avec 2007 et se gagnera si on comprend bien les tendances de fond de la société, cette alchimie entre des contraires (sécurité/libertés individuelles, épanouissement personnel/destin collectif, ouverture à l'extérieur/besoin d'identités fortes). Se tourner vers l'avenir, comprendre les chamboulements en cours est plus productif que de vouloir singer 1981, tentations qui peuvent exister chez deux politiques issus de la « génération Mitterrand ».

    3/ Celui (ou celle) qui gagnera devra incarner une audace maîtrisée.

    L'arithmétique électorale n'a pas beaucoup d'utilité pour prévoir le vainqueur du 16 octobre. Ce n'est pas parce que Manuel Valls préfère François Hollande que ses électeurs se reporteront sur lui. Idem pour les électeurs de Arnaud Montebourg au cas ou celui-ci opterait assez logiquement pour Martine Aubry. Avec ce second tour, tous les compteurs sont remis à zéro et les deux finalistes doivent martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royalconvaincre que leurs propres faiblesses ne seront pas exploitées par le camp Sarkozy. L'un et l'autre ont une équation différente à résoudre. Pour Hollande, il s'agit de savoir si le calme et le flegme ne sont pas le paravent de l'immobilisme. En clair, peut-il être autre chose qu'un Chirac de gauche? Peut-il avoir de vraies initiatives, prendre quelques risques politiques et ne pas être simplement le candidat du rassemblement? Pour la maire de Lille, les idées sont en général claires et parfois originales. Elle devra convaincre sur deux plans importants. Est-elle vraiment libre de ses alliances passées (grandement contre-nature) avec DSK et ses martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royalamis, donc capable de clarté dans ses stratégies politiques? Deuxio, est-elle en mesure de se départir de ce sentiment de supériorité qui rend la discussion avec elle souvent compliquée? Tout en gardant ses convictions de gauche, peut-elle quitter cet habit de donneuse de leçons (caricature d'une certaine gauche qui se croit dépositaire de l'idée du « bien ») insupportable pour beaucoup, y compris à gauche, et problématique pour le second tour où il faudra bien parler d'égal à égal avec les électeurs de François Bayrou? L'un semble être trop policien ; l'autre trop fragile psychologiquement. L'équation du second tour n'est pas simple, d'autant qu'il vaudrait mieux, pour aborder dans de bonnes conditions le troisième tour (la présidentielle), que l'écart entre les deux rivaux soit significatif, c'est-à-dire que nous n'ayons pas un 51/49. Plutôt bien engagé, le pari de ces primaires citoyennes est encore loin d'être gagné...

  • Le système Guérini décortiqué et mis en cause

    L'interminable affaire DSK a éclipsé, la semaine dernière, une autre affaire, beaucoup moins médiatique mais finMartine Aubry, Jean-Noël guérini, Alain Richardalement tout aussi éclairante sur les moeurs politiques : le verdict du bureau national du PS sur Jean-Noël Guérini, patron du conseil général des Bouches-du-Rhône, sénateur (à ses heures perdues) et jusqu'à peu, premier secrétaire fédéral (ça veut dire « chef ») du PS dans le même département.

    Comme je l'avais raconté dans un post du 4 mars intitulé « PS : faire le ménage devant sa porte » (repris par le site Rue 89), Arnaud Montebourg (candidat à la primaire socialiste) avait rédigé un rapport « confidentiel » pour la direction nationale. Laquelle, après des déclarations à l'emporte-pièce protégeant le seigneur marseillais, s'était résolu à nommer une commission d'enquête présidée par l'ancien ministre Alain Richard. Laquelle a rendu un rapport détaillé et qui, même si elle évite toute formule agressive et personnelle, constitue un véritable réquisitoire contre la pratique départementale et les agissements du clan Guérini. Il est, d'ailleurs, pour le moins cocasse que celui-ci se félicite des conclusions de ce rapport (qui effectivement évitent la solution peu praticable de la mise sous tutelle). L'ont-ils simplement lu, J.-N. Guérini et ses acolytes, ce rapport d'une vingtaine pages, que j'ai, pour ma part, épluché consciencieusement?

    Je ne résiste pas au plaisir de citer quelques extraits significatifs. Sur le nombre d'adhérents (la « fédé » des Bouches-du-Rhône est la quatrième par ses effectifs), la commission ne s'étonne pas du nombre important dans ce gros département : « La fédération de Paris, de développement beaucoup plus récent, a également un ratio d’implantation supérieur : 53 adhérents par 10 000 habitants contre 44 pour les Bouches-du-Rhône ». Mais elle note « la particularité du PS dans les Bouches-du-Rhône »: « la concentration des adhérents dans un petit nombre de sections à gros effectifs. » Elle cite l'exemple de la commune d’Allauch, près de Marseille, qui « fin 2008 avait 913 personnes inscrites au PS pour une population municipale de 18 728 habitants. Avec le même ratio le Parti au niveau national aurait plus de trois millions de membres… »

    Toujours sur ce chapitre des sections, la commission note les tripatouillages de la fédération pour redessiner le contour des sections, la présence massive de certains adhérents n'habitant pas la commune (c'est légal, mais là, cela prend des proportions édifiantes). Commentaire ironique : «  Il faut un surprenant concours d’affectivité pour totaliser jusqu’à 200 adhérents non résidents dans une même section alors que rien de semblable n’apparaît dans les sections voisines. »

    La commission Richard constate que se sont constituées « des sections « taillées sur mesure » pour des élus »: on parle de « la section de Mme X » ou de « la section du camarade Y », comme on parlait sous l’Ancien Régime du régiment de Penthièvre ou de Clermont-Tonnerre, du nom de la famille ducale qui le possédait »

    Et ce n'est pas fini : le rapport s'étonne de la proportion insensée de responsables socialistes salariés du conseil général. Sans compter, explique le rapport, qu'un « nombre significatif de cadres politiques ont vu, dans des circonstances variées, des membres de leur famille devenir également agents départementaux ». En gros, sans jamais citer le mot, le clientélisme du système Guérini est mis à jour. Quand on ajoute à ce tableau des accusations – actuellement examinées par la justice – sur les faveurs dont a bénéficié l'entrepreneur Alexandre Guérini, mis en examen par la justice, de la part du conseil généra présidé par son frère, on n'est pas loin d'un système mafieux.

    Cela est corroboré par le tableau d'une fédération où les débats politiques sont systématiquement étouffés pour des arrangements personnels, la tendance à éviter tout vote interne. « En faisant la revue d’une centaine de situations de désignation uninominale de candidats, celles des candidats aux cantonales des séries 2008 et 2011 et des têtes de listes des municipales de 2008, la commission a constaté qu’il n’y avait eu, dans quasiment tous les cas, qu’un ou une candidate à la candidature ». En clair, on s'arrange avant entre barons du parti et les adhérents n'ont plus qu'à avaliser le choix du prince.

    Ce tableau très sévère est accompagné de recommandations plutôt prudentes sur la rénovation de la fédération, ce qui suppose des « remises en cause de méthodes de direction ». Laquelle direction doit être gérée de façon collégiale, avec des élections du premier secrétaire fédéral par l'ensemble des adhérents (actuellement, le chef du PS est un proche de J.-N. Guérini).

    On peut être sceptique sur les mesures préconisées par le rapport (notamment la constitution de sections de moins de 250 adhérents ou une direction collégiale), penser que la dynamique de rénovation interne aura bien du mal à faire jour après des décennies de fonctionnement clanique. Mais on ne peut pas nier que le rapport inflige un avertissement sans concession au « système Guérini ». Celui-ci a trouvé la parade pour essayer de passer à travers les gouttes, en annonçant, le jour du vote au bureau national, le ralliement à Martine Aubry. Laquelle, porteuse de l'idéal de rénovation du PS, sera jugée sur sa capacité à encourager la rénovation en profondeur du fonctionnement de la fédération des Bouches-du-Rhône.

    Un bon test de cette évolution aura lieu en octobre prochain : si, lors des primaires (ouvertes à tous les sympathisants), la maire de Lille obtient dans les Bouches-du-Rhône un score massif (de 70 ou 80 %), on pourra se dire que rien n'a vraiment changé dans le fief de Jean-Noël Guérini. Mais veut-on vraiment, à Paris, que les choses changent à Marseille ?

    PS : Cet article a été publié également sur le site internet d'informations Rue 89 

  • Le pourrissement, jusqu'où ?

    Faisons, à regret, un pronostic : l'affaire Strauss-Kahn risque de pourrir jusqu'au bout la présidentielle, et singulièrement la campagne des socialistes. Trois jours après que la Première secrétaire du PS DSK, Martine Aubry, Nicolas Sarkozy(1) se soit déclarée officiellement candidate pour la primaire, des informations publiées par un grand journal américain mettait en avant les contradictions voire les mensonges de la femme de chambre qui accuse DSK de viol. Sur la base de quoi le procureur libérait l'ex-directeur général du FMI sans pour autant abandonner (pour l'instant?) les charges qui sont retenues contre lui.

    Trois raisons expliquent, à mon sens, pourquoi cette affaire trouble va pourrir la vie politique. D'abord, et cela saute aux yeux de tout le monde, le calendrier judiciaire de M. Strauss-Kahn entrechoque celui de la primaire socialiste. Au moment (le 18 juillet) où le tribunal de New-York devra se prononcer sur la suite à donner aux accusations, tous les postulants à cette primaire auront dû se faire connaître. D'où la demande de quelques strauss-kahniens, un peu exaltés, de reporter la clôture des candidats. Proposition idiote car comment caler un processus collectif, vivement attaqué par la direction de l'UMP et compliqué à mettre en oeuvre dans de nombreux départements, sur un destin individuel, aussi exceptionnel soit-il?

    Comment penser que DSK, si tant est qu'il soit lavé de tout soupçon (faut-il le rappeler, nous en sommes encore loin) se déclare, dans la foulée, candidat à la primaire, arrive à obtenir le retrait de Martine Aubry et obtienne un vote majoritaire du million de Français qui pourrait se déplacer en octobre ? Serait-ce d'ailleurs souhaitable ? La campagne de l'UMP en serait facilitée puisque le sexe à gogo et l'argent à profusion de l'ancien député-maire de... Sarcelles seraient brocardés par une droite qui se redécouvrirait morale. Et puis, il est à parier que la campagne se cristallise, au sein de l'électorat de gauche, non sur les propositions du socialiste DSK, mais sur la vie privée de l'homme et sa « consommation » de femmes (n'oublions pas que plusieurs témoignages, difficilement contestables, l'ont présenté autrement que sous les traits du latin lover qui plait tant dans nos contrées méditerranéennes). Sauf à considérer que certains socialistes sont plus importants que d'autres, et que -curieux argument – seul DSK peut battre Sarkozy, il faut banaliser l'affaire DSK, la laisser aux mains de la justice américaine et reparler politique.

    Deuxième raison de ce pourrissement prévisible de la vie politique : la place prise par les révélations sur la vie privée. Je ne suis pas de ceux qui s'offusquent quand on met en cause tel homme qui ne fait pas que tripoter des pieds ou tel autre qui confond un peu trop les caisses de l'Etat et ses propres comptes en banque. Je me demande simplement s'il ne faudrait pas rétablir un peu de hiérarchie de l'info. Cette semaine, par exemple, le chômage (on parle des chiffres officiels dont le calcul est hautement critiquable) est reparti de plus belle. Cela a fait quelques petits titres, mais rien à côté de l'agression, exceptionnelle mais de faible gravité, du Président de la République. Qu'est-ce qui impacte le plus le quotidien des gens ? Un mauvais geste d'un « pov'con » (comme aurait dit, en d'autres temps, sa victime) ou la perte de milliers d'emplois ? Bien entendu, pour savoir le traumatisme d'une situation de chômage, il faut l'avoir vécu dans sa chair ou dans son entourage proche... Les tweets, le buzz sur la Toile et autres inventions, par certains côtés, géniales peuvent-elles porter du débat politique? J'en doute énormément. Le pire est, sans doute, à venir...

    Troisième raison de ce pourrissement possible : le peuple français est de plus en plus réceptif à un discours qui ridiculise la politique puisque celle-ci salirait, serait source de corruption et, finalement, ne servirait pas à grand-chose. Si l'affaire DSK a passionné tant les Français à la fin du printemps, c'est qu'il est de plus en plus sensible à la dimension « trou de la serrure ». Comme la politique a perdu toute majesté, que beaucoup de promesses (du candidat Sarkozy, mais on pourrait parler des deux Présidents précédents pas vraiment exemplaires) sont enterrées après la prise du pouvoir, elle est banalisée comme une vulgaire émission de telé-réalité. Qui a couché avec qui ?, va devenir le jeu très à la mode. Il faut dire que les fréquentes liaisons sexuelles, conjugales ou non, entre politiques et journalistes très en vue, n'incitent guère, dans l'esprit du public, à séparer vie publique et vie privée.

    Après quatre années de présidence Sarkozy, marquées par le triomphe du vulgaire et par l'absence de tout scrupule, la société française hésite entre délectation et écoeurement face à cet étalage. L'actuel Président et futur candidat pourrait en jouer, et c'est peut-être sa seule chance d'éviter la débâcle (car comment s'appuyer sur un bilan aussi maigre?). A la gauche, si elle ne veut pas décevoir une fois encore, d'oublier un peu DSK (il se défendra bien tout seul) et de s'intéresser à ce qu'elle n'aurait jamais dû quitter des yeux : la situation du peuple qui, comme dirait l'autre, a beaucoup souffert et veut plus ne plus souffrir (en tout cas un peu moins).

    (1) Il faudra suggérer à Mme Aubry de conserver son sang-froid, surtout si elle représente l'opposition à M. Sarkozy. Comment parler de « fin du cauchemar » pour DSK alors que l'affaire n'est pas close ? Le terme de cauchemar, cette semaine, sonnait bizzarement: il pouvait s'appliquer aux 18 mois de captivité des otages en Afghanistan, à la situation de ce peuple pris entre les forces occidentales et les talibans, sans oublier, par exemple, la répression intense de la révolte du peuple syrienne... pas à la situation d'un prisonnier de luxe, ne manquant de rien et surtout pas du soutien de ses amis...

  • DSK : drôles de commentaires pour une triste affaire

    En parler ? Se taire ? Ecrire ? Qu’écrire, tellement nous avons été submergés ces derniers jours par un déluge d’images, de déclarations et d’émotions ? Comment rester de marbre face à une Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, nicolas sarkozyaffaire qui monopolise toutes les attentions, qui alimente toutes les discussions en famille et les conversations de bistro? Alors, en parler, mais pour dire quoi? Essayons juste de proposer quelques éclairages avec le souci de dire ce qui nous semble juste, sans souci du politiquement correct mais sans volonté non plus de salir.

    Quand on me demande si je suis surpris par cette affaire, je réponds en général par la négative. Je ne m'y attendais pas au sens où je ne guettais pas la défaillance de cet homme, mais je ne suis pas franchement surpris. Depuis des années, j'entends, de la bouche de confrères ou de politiques, des allusions, plus ou moins précises, sur les démarches pressantes de l'ancien ministre des Finances envers les femmes, si possible jeunes et jolies. On m'avait ainsi raconté que, pendant ses conférences de presse à Bercy, il était coutumier de faire passer par l'entremise d'un de ses hommes de main – dont on a beaucoup parlé ces derniers temps – des messages adressés à des journalistes femmes, pas forcément les plus moches, pour leur proposer une entrevue en tête à tête au sortir de la conférence de presse. Cela n'en fait pas, pour autant, un violeur, mais cela indique un désir de séduire quasi-compulsif. Plus embêtant pour lui, les témoignages d'une jeune écrivain-journaliste qui l'accuse d'avoir cherché à la violer en 2002 ou celui, plus récent, de la députée PS Aurélie Filippetti envers qui DSK aurait eu des gestes déplacés. Embêtant également, la crainte qu'avait certains rédacteurs en chef à envoyer seule une jeune journaliste pour interviewer cet homme politique. S'agit-il simplement de don-juanisme dont a tendance, sous nos latitudes latines, à affubler tout séducteur même très lourd ?

    Quand j'ai entendu les cris d'orfraie de certains de ses proches – sans oublier la saillie inqualifiable de Jack Lang « y'a pas mort d'homme » -, je me suis dit que ces gens-là se moquaient du monde. Ils savaient que DSK était suspendu à un fil, lié à sa frénésie de sexe, et qu'il pouvait tomber à l'occasion de l'un de ses dérapages. Certes, de façon peu probable en France où l'on a l'habitude d'étouffer telle ou telle sale affaire, moyennant un gentil chèque et/ou de méchantes pressions, mais peut-être dans un pays comme les Etats-Unis où l'on ne rigole avec ce genre de comportements, sans se préoccuper de la position sociale de l'homme incriminé. Souvenons-nous tout de même des ennuis considérables qu'a eus Bill Clinton au sujet d'une liaison consentie avec une stagiaire de la Maison blanche...

    Les proches de DSK savaient que leur protégé était, de ce point-là, un candidat fragile pour la présidentielle, d'autant que Sarkozy ne s'était pas privé de claironner qu'il avait un dossier lourd sur le directeur général du FMI. D'une certaine manière, il vaut mieux que cette triste affaire survienne aujourd'hui avant le lancement des primaires socialistes... Sinon, à quelle campagne aurions-nous pu assister, tellement il est peu probable qu'en la matière, le camp UMP fasse dans la retenue?

    L'autre point qui m'a stupéfait, c'est le dédain affichée pour la présumée victime de DSK. Il a fallu attendre la déclaration sobre de Martine Aubry mardi dernier, pour qu'elle soit citée de façon tout à fait respectueuse. Dans notre pays qui a la passion de l'égalité (dans les discours du moins), on a suggéré qu'une modeste femme de ménage, a fortiori une immigrée africaine vivant dans un immeuble sordide (on ne nous a rien épargné depuis quelques jours) ne pouvait pas détruire la carrière d'un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn si elle n'avait pas été envoyée ou payée par d'autres. Et chacun d'y aller dans ses commentaires sur les invraisemblances des faits, tels qu'ils sont rapportés par la presse ou les (puissants) avocats de l'accusé – alors que personne ne connait le fond du dossier dans ses détails et que l'enquête ne fait que commencer.

    Mon propos n'est pas de dire que DSK est forcément coupable parce qu'il est riche, puissant et de gauche. Il est juste d'en appeler à un peu plus de retenue et de ne pas mettre en cause d'office le propos de cette femme, au motif qu'elle serait forcément vénale, manipulable et peu fiable parce que femme de ménage. Cela me rappelle un peu trop le doute qui entoure si souvent les plaintes des femmes battues ou violées, même dans les commissariats. Quand on connait leur compagnon ou mari, surtout s'il est issu de milieux bien éduqués, certains se disent facilement que cela ne lui ressemble pas, qu'il ne peut faire cela. Et bien justement, ce type de violence et de comportement concerne tous les milieux sociaux et toutes les cultures. Le vecteur qui déclenche le passage à l'acte est d'ordre intime et peut difficilement se discerner à l'oeil nu. D'où le ridicule des commentaires entendus ici ou là, témoin d'un mépris de classe et/ou d'une méconnaissance crasse des mécanismes psychologiques à l'oeuvre sous toutes les latitudes.

    Dernier commentaire relatif au monde de la presse. Celui-ci étant au courant des comportements plus que limite de DSK, devait-il enquêter et révéler les débordements de celui-ci? On connait le refrain entonné par beaucoup de confrères respectables, comme Le Canard enchaîné, pour qui il faut préserver la vie privée de tout un chacun, y compris des puissants, et ne pas céder à la spirale régressive de la presse-caniveau qui sévirait outre-Manche et outre-Atlantique. Certes, mais on remarquera que certains titres ont moins d'égards pour le respect de la vie privée de jeunes ou moins jeunes qui habitent des quartiers dégradés ou qui portent des noms-pas-très-catholiques.

    Non, ce qui en jeu, ce n'est pas la fréquentation de boites à partouze ou les nombreuses conquêtes de tel ou tel, mais des comportements d'abus de pouvoir où grâce à une autorité hiérarchique, intellectuelle ou politique, on obtient les faveurs d'une femme (ou d'un homme) qu'on n'aurait pas eues autrement. Cela s'appelle, qu'on le veuille ou non, du harcèlement et c'est vraiment la question qui est posée au monde politique à la suite de cette ténébreuse affaire DSK qui va sans doute prendre la forme d'un feuilleton, palpitant et écoeurant.