Maintenant que la personnalité de Dominique Strauss-Kahn semble éclairée suite aux révélations sur la « filière » de prostitution autour du Carlton de Lille dont aurait bénéficié l'ancien patron du FMI, voilà que ses « amis » sont aux abonnés absents. Plusieurs articles dans la presse ont révélé leur écœurement devant la multiplication des affaires de mœurs concernant leur « ami Dominique ». Leur ligne de défense est assez simple : nous ne savions rien de cette face complètement cachée de DSK. Cette réponse est assez piquante car les mêmes nous expliquaient, en mai-juin, la main sur le cœur, qu'ils le connaissaient suffisamment pour savoir qu'il n'avait pas pu faire « ça », autrement dit violer la femme de chambre du Sofitel (décidément, on n'a jamais autant parlé des hôtels de luxe ces dernières semaines...).
Aujourd'hui, quatre mois plus tard, ces mêmes amis soutiennent qu'ils ignoraient tout des activités sexuelles, débridées et tarifées, de leur champion. Peut-être, mais alors on s'interroge : le connaissaient-ils ou ne le connaissaient-ils pas ? Il faudrait savoir. Si c'est la première hypothèse, alors ils ne pouvaient rien ignorer des pulsions puissantes de DSK et de son appétit sexuel quasi-insatiable. Pourquoi dès lors ne pas imaginer qu'un viol ait pu se produire dans cette fameuse chambre ? Il ne s'agissait pas d'accuser leur « ami », mais au moins, de rester prudent et de ne privilégier aucune thèse. Au lieu de cela, la victime était forcément une affabulatrice, assoiffée d'argent (alors que les proches de DSK, c'est bien connu, n'aiment pas l'argent...).
Si c'est la seconde hypothèse (ils ne le connaissaient pas tant que cela), là aussi pourquoi ne se sont-ils pas tenus à une prudence de bon aloi ? La nature humaine et les affres de la sexualité étant ce qu'elles sont – compliquées -, il était tout de même présomptueux d'affirmer que DSK n'avait pas pu violer Nafissatou Diallo. Il serait cruel de leur poser la question aujourd'hui : prudemment, il dirait tout ignorer de ce qui s'est vraiment passé dans cette chambre du Sofitel...
Tous ces amis auto-proclamés ou réels de DSK nous ont mentis. Et pour la plupart, sciemment. Même s'ils ignoraient sans doute tel ou tel détail de sa vie personnelle, ils savaient que « Dominique » était ultra-fragile et que les femmes étaient son talon d'Achille. Ils ont dû, à maintes reprises, à Sarcelle, à Paris, à New-York ou ailleurs, se démener comme de beaux diables pour étouffer telle ou telle affaire, quitte à monnayer le silence de l'une ou de l'autre des victimes. Il fallait que DSK « tienne », au moins jusqu'à la présidentielle qu'il était sûr de dominer impérialement. Après son élection à l'Elysée dans un fauteuil, ces spin doctors espéraient sans doute que la fonction présidentielle allait l'assagir, que sa libido omniprésente pourrait se transférer sur la chose politique. Sacrés apprentis sorciers ! Car ce scénario pouvait nous mener tout droit à un issue à la Berlusconi... A-t-on besoin de cela pour notre pays qui s'enfonce, mois après mois, dans la déprime généralisée et n'est pas à l'abri, quoiqu'en disent les cercles du pouvoir, d'une catastrophe économique ?
Tous ces proches de DSK (expression qu'ils vont désormais réfuter puisqu'ils ne savaient pas...) étaient prêts à tout pour le faire élire en mai prochain. Qu'importe, au passage, si cet aveuglement aura abouti à la catastrophe pour leur « ami ». Aujourd'hui, Dominique Strauss-Kahn est la risée du monde entier, s'invite dans tous les cafés et les repas de famille pour des blagues d'un goût douteux. Il est partout dans la rubrique des faits divers et complètement évacué des articles politiques. Sauf pour recueillir les jérémiades de ceux qui voulaient poursuivre avant l'été les personnes qui mettaient en cause la version de DSK dans l'affaire du Sofitel.
Voilà donc où l'idolâtrie en politique peut conduire. On l'a vu, dans un registre moins grave, avec l'humiliation qu'a subie Ségolène Royal lors des primaires. Le soutien inconditionnel à une personne, aussi brillante et charismatique soit-elle, favorise tous les aveuglements et finalement est source de mensonges. On espère que les apprentis sorciers qui ont manœuvré pendant des mois pour dissimuler la face inavouable de DSK (malade, pour reprendre le juste pronostic de Michel Rocard) sauront se souvenir de la terrible leçon d'une affaire qui a jeté encore un peu plus de discrédit sur notre démocratie déjà bien mal en point.