Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

DSK : drôles de commentaires pour une triste affaire

En parler ? Se taire ? Ecrire ? Qu’écrire, tellement nous avons été submergés ces derniers jours par un déluge d’images, de déclarations et d’émotions ? Comment rester de marbre face à une Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, nicolas sarkozyaffaire qui monopolise toutes les attentions, qui alimente toutes les discussions en famille et les conversations de bistro? Alors, en parler, mais pour dire quoi? Essayons juste de proposer quelques éclairages avec le souci de dire ce qui nous semble juste, sans souci du politiquement correct mais sans volonté non plus de salir.

Quand on me demande si je suis surpris par cette affaire, je réponds en général par la négative. Je ne m'y attendais pas au sens où je ne guettais pas la défaillance de cet homme, mais je ne suis pas franchement surpris. Depuis des années, j'entends, de la bouche de confrères ou de politiques, des allusions, plus ou moins précises, sur les démarches pressantes de l'ancien ministre des Finances envers les femmes, si possible jeunes et jolies. On m'avait ainsi raconté que, pendant ses conférences de presse à Bercy, il était coutumier de faire passer par l'entremise d'un de ses hommes de main – dont on a beaucoup parlé ces derniers temps – des messages adressés à des journalistes femmes, pas forcément les plus moches, pour leur proposer une entrevue en tête à tête au sortir de la conférence de presse. Cela n'en fait pas, pour autant, un violeur, mais cela indique un désir de séduire quasi-compulsif. Plus embêtant pour lui, les témoignages d'une jeune écrivain-journaliste qui l'accuse d'avoir cherché à la violer en 2002 ou celui, plus récent, de la députée PS Aurélie Filippetti envers qui DSK aurait eu des gestes déplacés. Embêtant également, la crainte qu'avait certains rédacteurs en chef à envoyer seule une jeune journaliste pour interviewer cet homme politique. S'agit-il simplement de don-juanisme dont a tendance, sous nos latitudes latines, à affubler tout séducteur même très lourd ?

Quand j'ai entendu les cris d'orfraie de certains de ses proches – sans oublier la saillie inqualifiable de Jack Lang « y'a pas mort d'homme » -, je me suis dit que ces gens-là se moquaient du monde. Ils savaient que DSK était suspendu à un fil, lié à sa frénésie de sexe, et qu'il pouvait tomber à l'occasion de l'un de ses dérapages. Certes, de façon peu probable en France où l'on a l'habitude d'étouffer telle ou telle sale affaire, moyennant un gentil chèque et/ou de méchantes pressions, mais peut-être dans un pays comme les Etats-Unis où l'on ne rigole avec ce genre de comportements, sans se préoccuper de la position sociale de l'homme incriminé. Souvenons-nous tout de même des ennuis considérables qu'a eus Bill Clinton au sujet d'une liaison consentie avec une stagiaire de la Maison blanche...

Les proches de DSK savaient que leur protégé était, de ce point-là, un candidat fragile pour la présidentielle, d'autant que Sarkozy ne s'était pas privé de claironner qu'il avait un dossier lourd sur le directeur général du FMI. D'une certaine manière, il vaut mieux que cette triste affaire survienne aujourd'hui avant le lancement des primaires socialistes... Sinon, à quelle campagne aurions-nous pu assister, tellement il est peu probable qu'en la matière, le camp UMP fasse dans la retenue?

L'autre point qui m'a stupéfait, c'est le dédain affichée pour la présumée victime de DSK. Il a fallu attendre la déclaration sobre de Martine Aubry mardi dernier, pour qu'elle soit citée de façon tout à fait respectueuse. Dans notre pays qui a la passion de l'égalité (dans les discours du moins), on a suggéré qu'une modeste femme de ménage, a fortiori une immigrée africaine vivant dans un immeuble sordide (on ne nous a rien épargné depuis quelques jours) ne pouvait pas détruire la carrière d'un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn si elle n'avait pas été envoyée ou payée par d'autres. Et chacun d'y aller dans ses commentaires sur les invraisemblances des faits, tels qu'ils sont rapportés par la presse ou les (puissants) avocats de l'accusé – alors que personne ne connait le fond du dossier dans ses détails et que l'enquête ne fait que commencer.

Mon propos n'est pas de dire que DSK est forcément coupable parce qu'il est riche, puissant et de gauche. Il est juste d'en appeler à un peu plus de retenue et de ne pas mettre en cause d'office le propos de cette femme, au motif qu'elle serait forcément vénale, manipulable et peu fiable parce que femme de ménage. Cela me rappelle un peu trop le doute qui entoure si souvent les plaintes des femmes battues ou violées, même dans les commissariats. Quand on connait leur compagnon ou mari, surtout s'il est issu de milieux bien éduqués, certains se disent facilement que cela ne lui ressemble pas, qu'il ne peut faire cela. Et bien justement, ce type de violence et de comportement concerne tous les milieux sociaux et toutes les cultures. Le vecteur qui déclenche le passage à l'acte est d'ordre intime et peut difficilement se discerner à l'oeil nu. D'où le ridicule des commentaires entendus ici ou là, témoin d'un mépris de classe et/ou d'une méconnaissance crasse des mécanismes psychologiques à l'oeuvre sous toutes les latitudes.

Dernier commentaire relatif au monde de la presse. Celui-ci étant au courant des comportements plus que limite de DSK, devait-il enquêter et révéler les débordements de celui-ci? On connait le refrain entonné par beaucoup de confrères respectables, comme Le Canard enchaîné, pour qui il faut préserver la vie privée de tout un chacun, y compris des puissants, et ne pas céder à la spirale régressive de la presse-caniveau qui sévirait outre-Manche et outre-Atlantique. Certes, mais on remarquera que certains titres ont moins d'égards pour le respect de la vie privée de jeunes ou moins jeunes qui habitent des quartiers dégradés ou qui portent des noms-pas-très-catholiques.

Non, ce qui en jeu, ce n'est pas la fréquentation de boites à partouze ou les nombreuses conquêtes de tel ou tel, mais des comportements d'abus de pouvoir où grâce à une autorité hiérarchique, intellectuelle ou politique, on obtient les faveurs d'une femme (ou d'un homme) qu'on n'aurait pas eues autrement. Cela s'appelle, qu'on le veuille ou non, du harcèlement et c'est vraiment la question qui est posée au monde politique à la suite de cette ténébreuse affaire DSK qui va sans doute prendre la forme d'un feuilleton, palpitant et écoeurant. 

Commentaires

  • very interesting to read. thanks!

Les commentaires sont fermés.