Sur le front de la présidentielle, cette semaine a été animée par deux évéments d’intérêt inégal en apparence. D’une part, nous avons assisté au feuilleton des négociations entre PS et Europe écologie les Verts (EELV). Tragicomique, serait le mot qui convient le mieux puisque les deux partis ont voulu nous faire croire qu’une absence d’accord était possible. En fait, même si PS et EELV n’ont pas évolué d’un iota sur les sujets qui les divisent (l’EPR et l’aéroport nantais), l’un et l’autre ne pouvaient se permettre de se quitter sans aucun texte, fût-il de circonstances : François Hollande parce qu’il ne pouvait se mettre à dos la sensibilité écologiste en vue du second tour de la présidentielle ; les « écolos » parce que la constitution d’un groupe à l’Assemblée suppose de dégager des circonscriptions occupées par des « socialos ». On s’étonnera cependant que les seules pommes de discorde aient concernées des points certes importants, mais qui ne constituent pas l’olpha et l’omega de la politique française. Faut-il en conclure que sur la politique économique, la lutte contre la crise financiaro-économique, les deux partis sont totalement en phase ? Les symboles sont importants en politique (l’EPR et l’aéroport en sont), mais ils sont insuffisants pour gouverner.
D’autre part, le candidat Hollande a dévoilé son staff de campagne, proposant un organigramme d’une cinquantaine de noms. A y regarder de plus près, on ne peut manquer d’être étonné par deux points essentiels qui ne sont pas sans interroger sur la suite de la campagne.
1/ Est-ce une équipe de campagne ou un avant-gouvernement ?
Même si les sondages restent encore très avantageux pour le candidat socialiste, la victoire est loin d’être assurée. Nicolas Sarkozy a beau trainer quelques casseroles (un bilan plus que moyen, une situation économique dégradée, une fragilité financière, des affaires impliquant certains de ses proches…), il est en capacité de rebondir ou du moins de se présenter en rempart face aux périls qui menacent notre pays. Dans ce contexte, Hollande a besoin d’une équipe cohérente et de combat, capable d’être sur tous les fronts.. Alors à quoi sert-il d’avoir une armée mexicaines avec des généraux fatigués (à l’image d’un Jack Lang qui était déjà dans le staff de campagne en 1981 !) et des colonels qui se détestent mutuellement ? Comme il lui est trop souvent reproché, François Hollande a composé une équipe en fonction d’équilibres savants entre sensibilités historiques du PS et proches des divers candidats de la primaire. Le candidat semble être resté dans les habits de premier secrétaire du PS qu’il a endossés pendant une décennie. Il va devoir fendre l’armure : pour être l’homme d’une espérance, il va devoir prendre quelques risques et se dévoiler un peu. Il est à craindre que cette organisation hautement complexe révèle très vite des failles et des dysfonctionnements. Quelle sera l’utilité, par exemple, des « représentants particuliers » (en la personne de Lang, Anne Hidalgo, Gérard Collomb et Christiane Taubira) alors que le candidat a déjà quatre porte-parole sans oublier son monsieur communication (Manuel Valls) et le porte-parole du PS (Benoît Hamon) ? A quoi serviront exactement les « représentants des candidats à la primaire », eux aussi membres de l’équipe ? Certes, il fallait éviter de se les mettre à dos, comme avait réussi à le faire à la perfection Ségolène Royal, mais ne pouvait-on pas faire autrement que de rassembler sans grande cohérence des personnes ?
2/ L’élan de la primaire se serait-il déjà évanoui ?
Plus rien ne devait être comme avant, le peuple avait pris le pouvoir et exigeait d’être associé plus étroitement à la chose publique, affirmait-on au soir du 16 octobre. Une demande de renouvellement de la pratique politique et de ceux qui la font s’était exprimée fortement via la candidature de Montebourg (qui est absent de l’organigramme de campagne, serait-ce un signe ?)
Un mois après, on voit réapparaître une pléiade d’anciens ministres de Jospin ou de Mitterrand (Moscovici, Sapin, Trautmann, Bartolone, Lebranchu et toujours Lang), la garde-rapprochée de Hollande (Sapin, Le Foll, Le Roux, Cahuzac, Le Drian…), mais très peu de têtes nouvelles ou alors à des fonctions de second plan (l’économie sociale et solidaire, le numérique…). Surtout, pourquoi reproduire à l’infini cette vision gouvernementale de la politique ? Il était tout à fait possible de construire des équipes autour de trois ou quatre priorités fortes : la place de la jeunesse (de façon symptomatique, la question de la jeunesse est associée à celle de l’éducation, comme si elle ne concernait pas également le travail, le logement, le sport, la culture, etc.), la refonte de la fiscalité, la lutte contre l’économie financiarisée (en intégrant la recherche d’une stratégie européenne)… Au lieu de construire une usine à gaz, Hollande avait la possibilité d’avoir une approche beaucoup plus transversale de la politique, en identifiant mieux les grands enjeux proposés par le candidat.
Un dernier mot sur le choix des personnes. Pierre Moscovici a été nommé directeur de campagne. Le plus parisien des députés du Doubs ne manque pas de talent notamment dans les débats, avec un sens de la formule qui fait mouche. Sauf que depuis quinze ans, on cherche en vain une idée originale qu’aurait porté « Mosco ». Sauf que son passage aux affaires européennes a laissé le souvenir davantage d’un dandy que d’un ardent militant de la cause (alors même que la gauche était à la tête de la grande majorité des gouvernements européens). Et puis, ne tournons pas autour du pot : sa proximité historique avec Dominique Strauss-Kahn est un facteur de fragilisation potentiel pour le candidat. Vu le nombre d’affaires auxquelles semble être associé DSK, le nom de Moscovici est déjà cité et pourrait l’être de nouveau, ce qui constituerait alors un angle de tir idéal pour la droite.
A l’aune de ce risque, calculé ou non, on s’étonne que Hollande n’ait pas pris un risque plus intéressant : faire émerger des têtes nouvelles, issues notamment des couches peu présentes dans le débat politique. Aucune personne handicapée n’est ainsi membre de l’équipe Hollande, comme s’il fallait être gens du sérail, entre soi. A part les « belles » porte-parole, aucune femme n’occupe de rôle de premier plan. Quant à la demi-douzaine de « personnes issues de la diversité », elles sont généralement « planquées » (à l’organisation de la campagne ou sur des thèmes secondaires), à l’exception de la porte-parole Najat Vallaud-Belkacem qui avait déjà servi pour la campagne de 2007. Pas une grande nouveauté donc !
Le souci manifeste qu’a François Hollande de rassembler son camp peut lui éviter les couacs qui avaient émaillé la campagne de sa devencière et ex-compagne. Pour autant, il va devoir donner envie, faire adhérer à un espoir aussi fragile soit-il. Il n’est pas sûr qu’en faisant de la politique comme du temps de « grand-papa » François, il y parvienne…
1/ Prolonger la dynamique des primaires
suffrages... Quant à Arnaud Montebourg, il s'est imposé comme le troisième homme de ce scrutin. Il oblige Hollande et Aubry à clarifier leurs positions, notamment sur la question du renouveau démocratique, le contrôle du pouvoir financier et l'attention portée aux mouvements de la société. Il ne faut pas croire que le petit cinquième d'électeurs qui lui ont apporté leur soutien l'ont fait essentiellement sur ce concept assez discutable de « démondialisation ». D'autres considérations comme son engagement personnel dans diverses affaires (paradis fiscaux, affaire Guérini), son enracinement dans un territoire en difficulté et sa capacité à mettre en avant des « valeurs » et non simplement des équilibres, ont influé dans ce vote, sans compter la dimension générationnelle (également présente chez Manuel Valls dont le score est loin d'être ridicule). L'ascension fulgurante d'un quasi-inconnu montre que le temps politique a tendance à s'accélérer. 2012 n'a rien à voir avec 2007 et se gagnera si on comprend bien les tendances de fond de la société, cette alchimie entre des contraires (sécurité/libertés individuelles, épanouissement personnel/destin collectif, ouverture à l'extérieur/besoin d'identités fortes). Se tourner vers l'avenir, comprendre les chamboulements en cours est plus productif que de vouloir singer 1981, tentations qui peuvent exister chez deux politiques issus de la « génération Mitterrand ».
convaincre que leurs propres faiblesses ne seront pas exploitées par le camp Sarkozy. L'un et l'autre ont une équation différente à résoudre. Pour Hollande, il s'agit de savoir si le calme et le flegme ne sont pas le paravent de l'immobilisme. En clair, peut-il être autre chose qu'un Chirac de gauche? Peut-il avoir de vraies initiatives, prendre quelques risques politiques et ne pas être simplement le candidat du rassemblement? Pour la maire de Lille, les idées sont en général claires et parfois originales. Elle devra convaincre sur deux plans importants. Est-elle vraiment libre de ses alliances passées (grandement contre-nature) avec DSK et ses
amis, donc capable de clarté dans ses stratégies politiques? Deuxio, est-elle en mesure de se départir de ce sentiment de supériorité qui rend la discussion avec elle souvent compliquée? Tout en gardant ses convictions de gauche, peut-elle quitter cet habit de donneuse de leçons (caricature d'une certaine gauche qui se croit dépositaire de l'idée du « bien ») insupportable pour beaucoup, y compris à gauche, et problématique pour le second tour où il faudra bien parler d'égal à égal avec les électeurs de François Bayrou? L'un semble être trop policien ; l'autre trop fragile psychologiquement. L'équation du second tour n'est pas simple, d'autant qu'il vaudrait mieux, pour aborder dans de bonnes conditions le troisième tour (la présidentielle), que l'écart entre les deux rivaux soit significatif, c'est-à-dire que nous n'ayons pas un 51/49. Plutôt bien engagé, le pari de ces primaires citoyennes est encore loin d'être gagné...
rofiter à une Marine Le Pen en pleine ascension), on a quelque gêne à s'intéresser à la cuisine interne du PS. Cela paraît assez mesquin en ces temps de turbulence arabe. Et pourtant, l'affaire du rapport Montebourg sur la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône est révélatrice de la duplicité des appareils politiques.
iel? Que cette fédération dirigée par le sénateur et président du conseil général Jean-Noël Guérini et qui, par le nombre de ses adhérents, est la troisième ou quatrième du PS, fonctionne selon des principes douteux, avec des systèmes de pressions personnelles, de chantage financier (puisque le conseil général délivre des subventions qui, du jour au lendemain, peuvent être supprimées) et d'obscures tractations sur le vote des militants.
urtout l'impunité quant aux pratiques douteuses (on a vu ainsi certaines sections des Bouches-du-Rhône « dissidentes » dissoutes par la fédération et des effectifs ici ou là grossièrement gonflés). Lors du dernier congrès PS de Reims, Jean-Noël Guérini s'était rapproché de Gérard Collomb, autre grand féodal (lyonnais), pour négocier son ralliement à Ségolène Royal. Il était quelque peu cocasse de voir la dame du Poitou, adepte d'un discours volontiers moral, s'allier au Marseillais aux manières fort peu policées. Mais bon, business is business...
mière secrétaire du PS refuse de voir la réalité en face, comme voici trois-quatre ans, l'ancienne direction ne souhaitait pas mettre son nez dans la fédé de l'Hérault, avant que l'équipe d'Aubry s'y implique au dernier moment avec le résultat calamiteux que l'on connaît (le triomphe de feu Frêche et la déroute de la maire de Montpellier aux élections régionales). Non seulement cet aveuglement aura à terme des conséquences désastreuses sur les positions de la gauche dans ce département (car la mise en examen d'Alexandre Guérini dans des affaires de marchés truqués pourrait bien rejaillir sur son frère), mais surtout il illustre le décalage entre le renouvellement des idées, actuellement à l'œuvre, quoique de façon tempérée, au sein de l'appareil socialiste, et les pratiques locales qui parfois sont restées aussi archaïques (embrigadement et absence de débat).
une candidature commune. Cette dernière sait très bien que dans ce cas de figure - arrangement d'appareil – ses chances sont quasiment nulles car le TSS (« tout sauf Ségolène ») est encore très vivace, bien que moins visible, dans le parti. En faisant cette annonce de façon plus rapide que prévu, la candidate déclarée prend à témoin les adhérents et les sympathisants appelés à s'exprimer lors des primaires en leur montrant qu'elle ne mange pas de ce pain, celui des combines, et qu'elle fait confiance à l'expression citoyenne pour désigner le ou la candidat(e). Elle marque ainsi un point dans l'opinion face à une première secrétaire pour le moins maladroite.