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arnaud montebourg

  • Hollande : équipe-choc ou auberge espagnole ?

    Sur le front de la présidentielle, cette semaine a été animée par deux évéments d’intérêt inégal en apparence. D’une part, nous avons assisté au feuilleton des négociations entre PS et Europe écologie les Verts (EELV). Tragicomique, serait le mot qui convient le mieux puisque les deux partis ont voulu nous faire croire qu’une absence d’accord était possible. En fait, même si PS et EELV n’ont pas évolué d’un iota sur les sujets qui les divisent (l’EPR et l’aéroport nantais), l’un et l’autre ne pouvaient se permettre de se quitter sans aucun texte, fût-il de circonstances : François Hollande parce qu’il ne pouvait se mettre à dos la sensibilité écologiste en vue du second tour de la présidentielle ; les « écolos » parce que la constitution d’un groupe à l’Assemblée suppose de dégager des circonscriptions occupées par des « socialos ». On s’étonnera cependant que les seules pommes de discorde aient concernées des points certes importants, mais qui ne constituent pas l’olpha et l’omega de la politique française. Faut-il en conclure que sur la politique économique, la lutte contre la crise financiaro-économique, les deux partis sont totalement en phase ? Les symboles sont importants en politique (l’EPR et l’aéroport en sont), mais ils sont insuffisants pour gouverner.françois hollande,pierre moscovici,jack lang,arnaud montebourg

     

    D’autre part, le candidat Hollande a dévoilé son staff de campagne, proposant un organigramme d’une cinquantaine de noms. A y regarder de plus près, on ne peut manquer d’être étonné par deux points essentiels qui ne sont pas sans interroger sur la suite de la campagne.

     

    1/ Est-ce une équipe de campagne ou un avant-gouvernement ?

    Même si les sondages restent encore très avantageux pour le candidat socialiste, la victoire est loin d’être assurée. Nicolas Sarkozy a beau trainer quelques casseroles (un bilan plus que moyen, une situation économique dégradée, une fragilité financière, des affaires impliquant certains de ses proches…), il est en capacité de rebondir ou du moins de se présenter en rempart face aux périls qui menacent notre pays. Dans ce contexte, Hollande a besoin d’une équipe cohérente et de combat, capable d’être sur tous les fronts.. Alors à quoi sert-il d’avoir une armée mexicaines avec des généraux fatigués (à l’image d’un Jack Lang qui était déjà dans le staff de campagne en 1981 !) et des colonels qui se détestent mutuellement ? Comme il lui est trop souvent reproché, François Hollande a composé une équipe en fonction d’équilibres savants entre sensibilités historiques du PS et proches des divers candidats de la primaire. Le candidat semble être resté dans les habits de premier secrétaire du PS qu’il a endossés pendant une décennie. Il va devoir fendre l’armure : pour être l’homme d’une espérance, il va devoir prendre quelques risques et se dévoiler un peu. Il est à craindre que cette organisation hautement complexe révèle très vite des failles et des dysfonctionnements. Quelle sera l’utilité, par exemple, des « représentants particuliers » (en la personne de Lang, Anne Hidalgo, Gérard Collomb et Christiane Taubira) alors que le candidat a déjà quatre porte-parole sans oublier son monsieur communication (Manuel Valls) et  le porte-parole du PS (Benoît Hamon) ? A quoi serviront exactement les « représentants des candidats à la primaire », eux aussi membres de l’équipe ? Certes, il fallait éviter de se les mettre à dos, comme avait réussi à le faire à la perfection Ségolène Royal, mais ne pouvait-on pas faire autrement que de rassembler sans grande cohérence des personnes ?

     

    2/ L’élan de la primaire se serait-il déjà évanoui ?

    Plus rien ne devait être comme avant, le peuple avait pris le pouvoir et exigeait d’être associé plus étroitement à la chose publique, affirmait-on au soir du 16 octobre. Une demande de renouvellement de la pratique politique et de ceux qui la font s’était exprimée fortement via la candidature de Montebourg (qui est absent de l’organigramme de campagne, serait-ce un signe ?)

    Un mois après, on voit réapparaître une pléiade d’anciens ministres de Jospin ou de Mitterrand (Moscovici, Sapin, Trautmann, Bartolone, Lebranchu et toujours Lang), la garde-rapprochée de Hollande (Sapin, Le Foll, Le Roux, Cahuzac, Le Drian…), mais très peu de têtes nouvelles ou alors à des fonctions de second plan (l’économie sociale et solidaire, le numérique…). Surtout, pourquoi reproduire à l’infini cette vision gouvernementale de la politique ? Il était tout à fait possible de construire des équipes autour de trois ou quatre priorités fortes : la place de la jeunesse (de façon symptomatique, la question de la jeunesse est associée à celle de l’éducation, comme si elle ne concernait pas également le travail, le logement, le sport, la culture, etc.), la refonte de la fiscalité, la lutte contre l’économie financiarisée (en intégrant la recherche d’une stratégie européenne)… Au lieu de construire une usine à gaz, Hollande avait la possibilité d’avoir une approche beaucoup plus transversale de la politique, en identifiant mieux les grands enjeux proposés par le candidat.

     

    françois hollande,pierre moscovici,jack lang,arnaud montebourgUn dernier mot sur le choix des personnes. Pierre Moscovici a été nommé directeur de campagne. Le plus parisien des députés du Doubs ne manque pas de talent notamment dans les débats, avec un sens de la formule qui fait mouche. Sauf que depuis quinze ans, on cherche en vain une idée originale qu’aurait porté « Mosco ». Sauf que son passage aux affaires européennes a laissé le souvenir davantage d’un dandy que d’un ardent militant de la cause (alors même que la gauche était à la tête de la grande majorité des gouvernements européens). Et puis, ne tournons pas autour du pot : sa proximité historique avec Dominique Strauss-Kahn est un facteur de fragilisation potentiel pour le candidat. Vu le nombre d’affaires auxquelles semble être associé DSK, le nom de Moscovici est déjà cité et pourrait l’être de nouveau, ce qui constituerait alors un angle de tir idéal pour la droite.

     

    A l’aune de ce risque, calculé ou non, on s’étonne que Hollande n’ait pas pris un risque plus intéressant : faire émerger des têtes nouvelles, issues notamment des couches peu présentes dans le débat politique. Aucune personne handicapée n’est ainsi membre de l’équipe Hollande, comme s’il fallait être gens du sérail, entre soi. A part les « belles » porte-parole, aucune femme n’occupe de rôle de premier plan. Quant à la demi-douzaine de « personnes issues de la diversité », elles sont généralement « planquées » (à l’organisation de la campagne ou sur des thèmes secondaires), à l’exception de la porte-parole Najat Vallaud-Belkacem qui avait déjà servi pour la campagne de 2007. Pas une grande nouveauté donc !

     

    Le souci manifeste qu’a François Hollande de rassembler son camp peut lui éviter les couacs qui avaient émaillé la campagne de sa devencière et ex-compagne. Pour autant, il va devoir donner envie, faire adhérer à un espoir aussi fragile soit-il. Il n’est pas sûr qu’en faisant de la politique comme du temps de « grand-papa » François, il y parvienne…

  • Primaires : transformer l'essai

    Au soir de ce premier tour de la primaire citoyenne au sein de la gauche socialisante, quelles leçons en tirer, alors que les candidats sont déjà dans les starting-blocks pour le second tour ? Trois leçons principales peuvent, à mon sens, se dégager.

    martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royal1/ Prolonger la dynamique des primaires

    Ces primaires constituent un vrai succès politique et devraient s'installer durablement dans la façon de faire de la politique et de désigner les candidats. Ce qui est valable pour le scrutin présidentiel devra être réfléchi à l'avenir pour l'élection municipale, voire législative. Comment sera-t-il possible, pour la gauche, de se féliciter du grand pas (indéniable) constitué par ces primaires pour la présidentielle si on continue les petits combines d'appareil pour la désignation des têtes de liste aux municipales ou des candidats à la députation ? Ce qui n'est plus tolérable à l'échelle d'un pays (la désignation d'un candidat par 100 000 électeurs) ne le sera pas plus à l'échelle d'une grande ville de 100 000 habitants (une tête de liste choisie par 300 – 400 militants dont un bon nombre d'employés municipaux). Donc, la crédibilité de cette « révolution » citoyenne ne sera totale que si les barons locaux acceptent de jouer le jeu de la transparence et ne se cramponnent plus à leur pouvoir. Avec une telle ouverture au « peuple de gauche », il n'est sûr qu'un certain nombre d'apparatchiks eussent accédé à de telles responsabilités (par exemple J.-N. Guérini qui s'est toujours appuyé sur des réseaux obscurs plutôt que sur les forces vives de la cité phocéenne).

    2/ 2012 n'aura rien à voir avec 2007.

    La vraie - et seule- surprise de ce premier tour n'est pas l'écart plus réduit que prévu entre le député de Corrèze et la maire de Lille. Les sondages, dans cette affaire, avaient une dimension manipulatoire car ils portaient sur les personnes se déclarant de gauche et non sur celles étant certaines de participer à cette primaire. Non, ce qui importe, c'est de comprendre pourquoi l'ordre entre Arnaud Montebourg et Ségolène Royal s'est complètement inversé par rapport à ce qui était prévu. L'un et l'autre ont pourtant plus d'un point commun, notamment leur talent à bousculer les lignes et à s'attaquer aux appareils. Tous deux ont une dimension chevaleresque – qui suscite des réactions contrastées mais ne laisse pas indifférent. Pourtant, le premier s'est imposé comme celui qui donnait le la dans cette primaire alors que la seconde semblait n'être que l'ombre d'elle-même, incapable de n'être autre chose que la finaliste malheureuse de 2007 (sa pathétique conclusion du dernier débat où elle rappelait l'élan de 2007 en témoignait). Cinq ans après, S. Royal n'a toujours pas compris qu'une bonne partie des électeurs de gauche lui en veut, à tort ou à raison, d'avoir été celle qui a permis l'élection de Nicolas Sarkozy alors qu'elle reste encore fière d'avoir bousculé le vieil appareil socialiste. Une démocratie moderne devra accepter, à l'avenir, l'idée qu'un candidat battu à un second tour devra s'effacer définitivement. Histoire, notamment, d'éviter la suprême humiliation d'un leader adoubé par 60 % des militants qui obtient cinq plus tard moins de 10 % des martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royalsuffrages... Quant à Arnaud Montebourg, il s'est imposé comme le troisième homme de ce scrutin. Il oblige Hollande et Aubry à clarifier leurs positions, notamment sur la question du renouveau démocratique, le contrôle du pouvoir financier et l'attention portée aux mouvements de la société. Il ne faut pas croire que le petit cinquième d'électeurs qui lui ont apporté leur soutien l'ont fait essentiellement sur ce concept assez discutable de « démondialisation ». D'autres considérations comme son engagement personnel dans diverses affaires (paradis fiscaux, affaire Guérini), son enracinement dans un territoire en difficulté et sa capacité à mettre en avant des « valeurs » et non simplement des équilibres, ont influé dans ce vote, sans compter la dimension générationnelle (également présente chez Manuel Valls dont le score est loin d'être ridicule). L'ascension fulgurante d'un quasi-inconnu montre que le temps politique a tendance à s'accélérer. 2012 n'a rien à voir avec 2007 et se gagnera si on comprend bien les tendances de fond de la société, cette alchimie entre des contraires (sécurité/libertés individuelles, épanouissement personnel/destin collectif, ouverture à l'extérieur/besoin d'identités fortes). Se tourner vers l'avenir, comprendre les chamboulements en cours est plus productif que de vouloir singer 1981, tentations qui peuvent exister chez deux politiques issus de la « génération Mitterrand ».

    3/ Celui (ou celle) qui gagnera devra incarner une audace maîtrisée.

    L'arithmétique électorale n'a pas beaucoup d'utilité pour prévoir le vainqueur du 16 octobre. Ce n'est pas parce que Manuel Valls préfère François Hollande que ses électeurs se reporteront sur lui. Idem pour les électeurs de Arnaud Montebourg au cas ou celui-ci opterait assez logiquement pour Martine Aubry. Avec ce second tour, tous les compteurs sont remis à zéro et les deux finalistes doivent martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royalconvaincre que leurs propres faiblesses ne seront pas exploitées par le camp Sarkozy. L'un et l'autre ont une équation différente à résoudre. Pour Hollande, il s'agit de savoir si le calme et le flegme ne sont pas le paravent de l'immobilisme. En clair, peut-il être autre chose qu'un Chirac de gauche? Peut-il avoir de vraies initiatives, prendre quelques risques politiques et ne pas être simplement le candidat du rassemblement? Pour la maire de Lille, les idées sont en général claires et parfois originales. Elle devra convaincre sur deux plans importants. Est-elle vraiment libre de ses alliances passées (grandement contre-nature) avec DSK et ses martine aubry,arnaud montebourg,françois hollande,ségolène royalamis, donc capable de clarté dans ses stratégies politiques? Deuxio, est-elle en mesure de se départir de ce sentiment de supériorité qui rend la discussion avec elle souvent compliquée? Tout en gardant ses convictions de gauche, peut-elle quitter cet habit de donneuse de leçons (caricature d'une certaine gauche qui se croit dépositaire de l'idée du « bien ») insupportable pour beaucoup, y compris à gauche, et problématique pour le second tour où il faudra bien parler d'égal à égal avec les électeurs de François Bayrou? L'un semble être trop policien ; l'autre trop fragile psychologiquement. L'équation du second tour n'est pas simple, d'autant qu'il vaudrait mieux, pour aborder dans de bonnes conditions le troisième tour (la présidentielle), que l'écart entre les deux rivaux soit significatif, c'est-à-dire que nous n'ayons pas un 51/49. Plutôt bien engagé, le pari de ces primaires citoyennes est encore loin d'être gagné...

  • PS: faire le ménage devant sa porte

    Alors que le pouvoir essaie de faire diversion en vantant les racines chrétiennes de notre pays (ça ne mange pas de pain!) et en lançant un débat périlleux sur l'islam (qui ne peut que pJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collombrofiter à une Marine Le Pen en pleine ascension), on a quelque gêne à s'intéresser à la cuisine interne du PS. Cela paraît assez mesquin en ces temps de turbulence arabe. Et pourtant, l'affaire du rapport Montebourg sur la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône est révélatrice de la duplicité des appareils politiques.

    Que dit le candidat à la candidature socialiste dans un rapport qui, nous dit-on, aurait dû rester confidentJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collombiel? Que cette fédération dirigée par le sénateur et président du conseil général Jean-Noël Guérini et qui, par le nombre de ses adhérents, est la troisième ou quatrième du PS, fonctionne selon des principes douteux, avec des systèmes de pressions personnelles, de chantage financier (puisque le conseil général délivre des subventions qui, du jour au lendemain, peuvent être supprimées) et d'obscures tractations sur le vote des militants.

    Généralement, le choix de la direction fédérale est suivi à 80% par les adhérents du département. Pourquoi dans les Bouches-du-Rhône (mais on pourrait également s'intéresser au Pas-de-Calais, à l'Hérault et, dans une moindre mesure, à la Seine-Maritime) n'y a-t-il pas la diversité politique que l'on connaît dans la plupart des autres fédérations? Y aurait-il un micro-climat qui expliquerait cette uniformité politique?

    L'hypothèse de la plupart des observateurs avisés de ces réalités, dont se fait l'écho Arnaud Montebourg, est la suivante: le patron de la fédé négocie nationalement son ralliement à tel ou tel leader, à tel ou tel courant, non pas sur la base d'une adhésion à un projet, mais selon le principe de marchands de tapis: « Si je t'amène 80% des voix des adhérents, tu me donnes quoi? ». Cela veut dire des places dans l'appareil socialiste et sJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collomburtout l'impunité quant aux pratiques douteuses (on a vu ainsi certaines sections des Bouches-du-Rhône « dissidentes » dissoutes par la fédération et des effectifs ici ou là grossièrement gonflés). Lors du dernier congrès PS de Reims, Jean-Noël Guérini s'était rapproché de Gérard Collomb, autre grand féodal (lyonnais), pour négocier son ralliement à Ségolène Royal. Il était quelque peu cocasse de voir la dame du Poitou, adepte d'un discours volontiers moral, s'allier au Marseillais aux manières fort peu policées. Mais bon, business is business...

    Le plus surprenant dans cette affaire, c'est la réaction outragée de Martine Aubry: « Il n'y a rien dans ce rapport. Pas un élément concret, précis, pas un fait », a-t-elle osé déclarer. Cette réaction a également été entonnée par la gauche du PS et par quelques autres, sur le thème: on ne tire pas contre camp surtout à trois semaines d'un scrutin cantonal dans lequel le PS espère ravir quelques départements. Mais justement à quoi sert-il de conquérir de nouveaux territoires s'il s'agit d'y appliquer des méthodes de fonctionnement néo-féodales et anti-démocratiques?

    La preJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collombmière secrétaire du PS refuse de voir la réalité en face, comme voici trois-quatre ans, l'ancienne direction ne souhaitait pas mettre son nez dans la fédé de l'Hérault, avant que l'équipe d'Aubry s'y implique au dernier moment avec le résultat calamiteux que l'on connaît (le triomphe de feu Frêche et la déroute de la maire de Montpellier aux élections régionales). Non seulement cet aveuglement aura à terme des conséquences désastreuses sur les positions de la gauche dans ce département (car la mise en examen d'Alexandre Guérini dans des affaires de marchés truqués pourrait bien rejaillir sur son frère), mais surtout il illustre le décalage entre le renouvellement des idées, actuellement à l'œuvre, quoique de façon tempérée, au sein de l'appareil socialiste, et les pratiques locales qui parfois sont restées aussi archaïques (embrigadement et absence de débat).

    Ce fossé est d'autant plus fâcheux que Martine Aubry vient de s'exprimer dans un livre (« Pour changer de civilisation », éd. Odile Jacob) sur les valeurs de la gauche et sur ses principes d'action. L'un des premiers devrait être de faire le ménage dans les écuries socialistes pour que les fonctionnements les plus choquants soient bannis du parti. Mais évidemment, cela donnerait des armes à la droite locale – pas beaucoup plus ragoutante – et ferait perdre quelques milliers de voix dans le cadre de la compétition locale pour les primaires. Mais faut-il compromettre ses beaux principes pour un plat peu appétissant de lentilles, fussent-elles à la sauce marseillaise?

     

  • La grande confusion des socialistes

    L'annonce surprise de la candidature aux primaires socialistes de l'ancienne candidate Ségolène Royal a affolé unesegolene_royal.jpg partie de l'appareil du PS. Cela prouve que le principal parti d'opposition n'est pas complètement remis de sa convalescence suite au calamiteux congrès de Reims. Car enfin, personne ne pouvait ignorer que la présidente du Poitou-Charentes ne rêvait que de prendre sa revanche face à un Nicolas Sarkozy beaucoup moins fringant qu'il ne l'était lors du scrutin de 2007. Alors pourquoi cette annonce crée-t-elle tant de gêne? Deux raisons expliquent cette situation alors même que les sondages donnent une confortable avance à tous les rivaux socialistes du président sortant.

    D'une part, la déclaration de Royal intervient quelques jours après la surréaliste déclaration de Martine Aubry concernant une entente entre elle, Dominique Strauss-Kahn et Royal pour Aubry.jpgune candidature commune. Cette dernière sait très bien que dans ce cas de figure - arrangement d'appareil – ses chances sont quasiment nulles car le TSS (« tout sauf Ségolène ») est encore très vivace, bien que moins visible, dans le parti. En faisant cette annonce de façon plus rapide que prévu, la candidate déclarée prend à témoin les adhérents et les sympathisants appelés à s'exprimer lors des primaires en leur montrant qu'elle ne mange pas de ce pain, celui des combines, et qu'elle fait confiance à l'expression citoyenne pour désigner le ou la candidat(e). Elle marque ainsi un point dans l'opinion face à une première secrétaire pour le moins maladroite.

    L'autre raison qui explique le malaise ambiant tient au calendrier choisi pour désigner le candidat socialiste. Comme on le sait, les postulants doivent déclarer leurs intentions en juin 2011 avant des primaires organisées en octobre. En gros, il s'agit du même calendrier que pour le scrutin de 2007. L'idée avancée pour le justifier était qu'il fallait faire précéder le travail sur le programme - qui doit être validé en mars prochain – sur la désignation du candidat. Mais c'était également un moyen de laisser plus de temps à DSK pour qu'éventuellement, il se déclare candidat. Car ne l'oublions pas, sans le soutien des partisans du patron du FMI, Martine Aubry n'a pas de majorité au PS.

    Mais revenons sur cette idée selon laquelle le candidat doit reprendre à son compte le programme de son parti et donc être désigné dans un second temps. Ce principe, plutôt positif, est en fait un écran de fumée. Tout le monde sait bien que le candidat investi a une telle légitimité populaire qu'il peut choisir dans le programme ce qui l'intéresse et laisser le reste dans les armoires poussiéreuses de la rue de Solférino. Cette distorsion créé immanquablement – comme on l'a vu en 2007 – une tension entre les deux pôles qui est fort préjudiciable pour la victoire. D'autre part, installer un candidat dans l'opinion en moins six mois est une chose périlleuse. Il faut du temps pour que les électeurs se familiarisent avec un candidat et pour que celui-ci soit en phase avec le pays. Le PS ne semble pas avoir tirer les leçons du fiasco de 2007.

    Les socialistes les plus intransigeants répondent qu'il faut éviter une présidentialisation du régime et donc désigner au dernier moment le candidat. La peur de la personnalisation est dans de nombreuses têtes. Mais ce genre de réflexe est assez curieux pour un parti qui a milité en faveur du quinquennat voulu par lionel Jospin. Cette mesure instaurée avant la scrutin de 2002 a contribué à déséquilibrer encore davantage les institutions de 1958 construites autour de la figure centrale du président. De deux choses l'une: soit les socialistes disent clairement qu'ils veulent changer les institutions pour rétablir les droits – sans cesse violés – du Parlement, en allant vers plus de participation citoyenne (par exemple en mettant en oeuvre le référendum d'initiative populaire) et alors leur critique du présidentialisme est cohérente; soit ils restent dans le flou ambiant et alors ils doivent assumer les institutions telles qu'elle sont et se plier au jeu. A ne pas mettre en conformité leur discours et leurs actes, les socialistes prêtent le flanc à l'accusation de duplicité.

    Toujours est-il que le curieux calendrier des socialistes sert le dessein de Nicolas Sarkozy qui va pouvoir continuer à diviser les rangs de l'opposition. A mesure que les tensions internes vont s'exacerber, à mesure que les candidats à la candidature vont se multiplier (cinq sont déjà en piste dont Valls et Montebourg), le président et ses affidés souffleront allègrement sur les braises. Un jour, il aura un mot sympa pour un postulant; le lendemain, il organisera un voyage présidentiel sur le territoire d'un autre, etc. Dans ce contexte passionnel, les socialistes auraient tout intérêt à rediscuter leur calendrier. Mais il est peu probable qu'ils le fassent, ne serait-ce que pour ne pas déplaire à leur célèbre adhérent new-yorkais...