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manuel valls

  • Nous en sommes là, trois ans après...

    Comme depuis plusieurs décennies, les élections locales se soldent par une sanction du pouvoir national. A chaque fois, les citoyens font payer aux élus locaux, soit par un vote d'opposition, soit par une abstention, l'absence de résultats tangibles en matière d'emploi, de lutte contre les inégalités ou d'insécurités... A la faveur de dix années de la droite au pouvoir, la gauche a conquis élection après élection (2004, 2008, 2011) une large majorité de départements. En l'espace de deux dimanches, la proportion s'est inversée : deux tiers des départements sont désormais aux mains de la droite. Le désastre absolument inégalé dans l'histoire des élections cantonales se lit dans la quasi disparition d'élus de gauche (deux ou quatre) dans nombre de conseils départementaux. Il se trouve même quelques départements, comme le Var ou les Yvelines, où la gauche n'aura plus de représentant au sein de l'assemblée. Comme si elle était rayée de la carte politique...

    Voilà donc où nous en sommes trois ans après l'arrivée de François Hollande au pouvoir. Précisons tout de même que la plupart des exécutifs locaux n'ont pas démérité, notamment dans la mise en oeuvre des politiques sociales. Pour autant, si on rentre dans le détail de celles-ci, on remarquera que certaines majorités de gauche ont résisté à la tornade, notamment grâce à des actions particulièrement audacieuses. Citons notamment la Meurthe-et-Moselle (le seul département resté à gauche de la grande région Champagne-Ardennes-Lorraine-Alsace), la Loire-Atlantique ou bien l'Ardèche... 

    Y'aurait-il une malédiction de la gauche au pouvoir ? Une impossibilité de changer les choses ? Pour la courte expérience Hollande, il est difficile de répondre à cette question tant ce pouvoir a renoncé à mener des combats de gauche souvent avant même d'engager la bataille. Aussi bien sur la réorientation de la politique européenne que sur la limitation de l'omnipotence des banques, sans oublier la réforme fiscale, les gouvernements Valls et Ayrault ont très souvent déposé les armes avant de les utiliser. Même l'occasion historique donnée par la victoire de Syrisa en Grèce pour changer la vision de la construction européenne a été gâchée.

    Par conviction et/ou par paresse intellectuelle, le gouvernement de "gauche" a repris sans sourciller l'antienne de la chasse aux déficits. Qu'importe si les collectivités locales sabrent à tout va dans leurs budgets d'investissements, si les entreprises mettent la clé sous la porte ou licencient, faute de carnet de commandes... Et même si la fameuse croissance, le nouveau Veau d'or que nos technos ou communicants implorent matin, midi et soir, frémit légèrement, elle ne sera pas en mesure de dégager un horizon à des millions de concitoyens qui sont devenus adeptes de la devise punk : "No future".

    Puisque le premier ministre a déjà prévenu que le cap ne serait pas changé et qu'il nous suffit d'attendre les résultats avec le "retour à la compétitivité", le scénario des des prochains mois est presque connu. Le congrès du PS de Poitiers en juin prochain va donner lieu à une bataille frontale entre deux lignes. L'appareil, servi par le départ, souvent sur la pointe des pieds, de nombreux militants qui ont cru au programme du candidat Hollande, devrait l'emporter autour d'un texte d'orientation ménageant la chèvre et le chou. S'ensuivra une séquence de déliquescence où la seule ambition du pouvoir sera de limiter la casse aux élections régionales. Allez, 2 ou 3 régions conservées par le PS, ce serait déjà Byzance !

    Cette absence de réponse au désarroi populaire est du pain bénit pour le Front national qui n'a pas besoin de présenter des candidats crédibles pour engranger des scores à 20 ou 30 %. Il leur suffit d'accoler le logo "bleu Marine"... A force de mensonges, de manque de courage (le courage, ce n'est pas de sortir la bombe nucléaire du 49.3...) et d'absence de représentativité sociologique des responsables, plus grand monde ne croit à la parole des politiques. La thèse du complot, du "on nous cache des choses", fait des ravages et alimente la stratégie des démagogues, de Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen, qui pensent qu'il faut répondre à des émotions par d'autres émotions. Ceux-là signent la mort de la politique, ou en tout cas de l'idéal démocratique, qui suppose capacité de réfléchir et d'arbitrer entre des choix possibles.   

    Nous en sommes là, trois ans après la victoire de François Hollande. Nous en sommes à nous demander qui du candidat PS ou UMP, sera au second tour de 2017 face à la représentante du Front national. Nous en sommes à espérer qu'au moins un citoyen sur deux se déplace aux élections (et comme cela devient de plus en plus difficile, on parle maintenant d'instaurer le vote obligatoire).

    Alors, que faire ? Eviter de désespérer, essayer en tout cas, pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Distinguer la critique (nécessaire, vitale) des pratiques politiques de la destruction des (derniers) idéaux. Participer, relayer les dynamiques qui font revivre l'idéal citoyen dans les quartiers et les campagnes, être à l'écoute de tout ceux qui, quittant leur fauteuil devant cette maudite télé (il faudra qu'un jour on lui règle son compte à celle-là) innovent et inventent, n'attendant pas tout "d'en haut".

    Cela suffira-t-il à reprendre du terrain sur la gangrène décliniste et populiste qui a déjà contaminé une partie du peuple ? C'est loin d'être certain. Mais baisser les bras ou continuer à foncer dans le mur, comme le fait avec une belle opiniâtreté le premier ministre, nous mène assurément à un nouveau Munich politique. Il est encore temps peut-être, mais il est vraiment temps.

     

    Michel Dinet.jpgPS : cet article est dédié à Michel Dinet, décédé voici tout juste un an, politique innovant et chaleureux (jusqu'à sa mort, il présida le conseil général de Meurthe-et-Moselle), toujours soucieux du collectif et de l'intérêt général. Avec lui j'eus le plaisir de réaliser un livre d'entretiens ("Réenchanter la démocratie", aux éditions Lignes de repère, octobre 2014). Son absence après ce désastre démocratique est cruellement ressentie, et pas seulement en Lorraine.     

  • Valls ou l'art de mal poser une vraie question

    Qu'a fait Manuel Valls le soir de son réveillon? La question se pose car le député-maire d'Evry a ouvert l'année politique, dès le 2 janvier, en lançant une petite bombe politique. En s'en prenant, manuel_valls.jpgsans beaucoup d'égards, à l'un des principaux acquis de l'ère Jospin, - les 35 heures - celui qui en fut son conseiller presse lorsque ce dernier était à Matignon, a décidé de semer le trouble dans les rangs socialistes et plus généralement ceux de la gauche.

    Cette sortie qui a ravi les pontes de l'UMP doit autant à la personnalité iconoclaste de Valls qu'au calendrier imposé pour la désignation du candidat socialiste. Nous l'avons déjà écrit, la volonté de retarder au maximum le choix du rival de Nicolas Sarkozy pour laisser la possibilité au « messie de Washington » (DSK) d'envisager son retour dans l'étroit hexagone est une terrible erreur politique. D'ici juin, date prévue pour le dépôt des candidatures aux primaires socialistes, les candidats à celles-ci, et surtout ceux dont les chances sont assez faibles, vont rivaliser de déclarations toutes plus provocatrices les unes que les autres. L'objectif est simple: se démarquer des autres rivaux, marquer sa singularité au risque d'être caricatural, comme a pu l'être le fougueux Catalan.

    Mais ses déclarations sur les 35 heures ne peuvent être simplement mises sur le compte de stratégies électoralistes. Elles traduisent un vrai désarroi sur la question du temps de travail. On aura beau dire et écrire que le mouvement historique des sociétés développées est à la réduction du temps de labeur, des interrogations nombreuses tournent autour de cette question. On ne peut les éluder comme l'a fait le commissaire politique Benoît Hamon, en demandant à l'impétrant de rentrer dans le « droit chemin ».

    Ces interrogations sont de deux ordres. D'abord sur le coût des 35 heures. Le choix qui avait été fait en son temps par le duo Aubry-Jospin d'imposer une réduction uniforme du travail, sans véritable négociation collective, et de compenser cette contrainte par un engagement massif des deniers publics s'est révélé extrêmement coûteux. D'autres choix étaient possibles, mais la vision assez technocratique de la gauche plurielle et la faible confiance accordée aux partenairesmaison (5).jpg sociaux avaient conduit à cette voie, d'autant plus contestable que la contrepartie en matière de créations d'emplois, surtout dans la seconde loi Aubry, n'était pas exigée. Si Manuel Valls a tort d'estimer que la réduction du temps de travail est ringarde, il aurait eu raison de pointer une méthode contestable, peu efficace et coûteuse. Sauf qu'il n'a pas dit cela, emporté par sa volonté de régler des comptes avec la première secrétaire Martine Aubry.

    Ensuite, depuis les années 1997-2002, la compétition économique s'est amplifiée, de nouveaux pays émergent à une vitesse incroyable: la Chine bien sûr - même si l'émergence date maintenant d'une vingtaine d'années -, le Brésil, l'Inde, mais aussi la Corée voire le Vietnam. Un reportage télévisé (France 2, le 3 janvier) racontait l'extraordinaire boom de l'économie coréenne, mais aussi sa vitalité culturelle. On y expliquait notamment que les Coréens travaillaient 10 à 12 heures par jour, souvent le samedi, et qu'ils ne prenaient pas forcément toutes leurs vacances.

    Avec notre ethnocentrisme légendaire, on pourra ironiser sur les conditions de vie ignobles subies par ce peuple. Mais il n'est pas évident que les Français soient plus heureux que nos amis - et concurrents – asiatiques. Le même jour, une information reprise par nos gazettes françaises (y compris Le Monde) indiquait que décidément nous n'avions pas de chance. Pensez donc, les 1er et 8 mai, fournisseurs de ponts presque aussi longs que celui d'Oléron, tombaient un dimanche. C'est à ce genre d'indice qu'on mesure l'enthousiasme d'un pays et sa confiance en l'avenir...

    Plus sérieusement, la question qui est posée n'est pas tellement de savoir s'il faut se battre pour ou contre les 35 heures (sachant que la gauche plurielle avait oublié d'appliquer cette mesure à des pans entiers du salariat). Il ne s'agit évidemment de partir en croisade, comme voudrait le faire le patron de l'UMP, J.-F. Copé, contre une mesure que la droite a gentiment détricoté depuis quelques années. La question est de savoir comment être compétitif en travaillant moins que les autres. Il faut donc trouver l'alchimie pour utiliser au mieux les gains de productivité encore importants dans l'économie française, en faire une arme économique et un facteur d'intégration sociale. Car ce qui coûte cher à notre pays, ce n'est pas tellement les 35 heures, mais la désespérance sociale qui ne fait que grandir, les quatre millions de chômeurs et les deux ou trois millions de précaires avec ou sans le RSA. Ce qui coûte cher à notre économie, ce sont les conséquences désastreuses de l'intensification du travail imposée en contrepartie de la réduction du temps dans l'entreprise, comme on l'a vu avec la vague de suicides chez France Télécom ou Renault, par exemple.

    Encore une fois la gauche aurait tout intérêt à s'intéresser à des questions qualitatives comme la reconnaissance des salariés, leur participation réelle aux décisions, l'encouragement à des formes d'entreprises coopératives (comme les Scop), plutôt que de se lancer dans une nouvelle guerre de religion. Il lui faudra peut-être avoir la sagesse de reconnaître que la durée du travail ne peut être identique pour tous et en tous lieux, ce qui n'est pas évident avec cette culture égalitariste. Ici, dans un secteur très pénible, les 32 heures s'imposent sans doute, ici, les 35 heures bien organisées doivent être maintenues; ailleurs, dans des secteurs exposées à la concurrence internationale, il n'est pas forcément idiot de pousser la durée à 38 ou 40 heures – à condition que des vraies contreparties soient accordées.

    Il faut espérer que la sortie provocatrice de Manuel Valls permette de lancer des débats profonds sur la place du travail dans la société française. Les slogans ne font pas une politique et pour être crédible, la gauche doit s'atteler à la complexité des problèmes. Le travail en est un; raison de plus pour ne pas escamoter ce débat, en se contentant de discréditer le lanceur de pavé dans le marigot socialiste qui, en tout cas, à réussi à animer ce début 2011.

     

  • La grande confusion des socialistes

    L'annonce surprise de la candidature aux primaires socialistes de l'ancienne candidate Ségolène Royal a affolé unesegolene_royal.jpg partie de l'appareil du PS. Cela prouve que le principal parti d'opposition n'est pas complètement remis de sa convalescence suite au calamiteux congrès de Reims. Car enfin, personne ne pouvait ignorer que la présidente du Poitou-Charentes ne rêvait que de prendre sa revanche face à un Nicolas Sarkozy beaucoup moins fringant qu'il ne l'était lors du scrutin de 2007. Alors pourquoi cette annonce crée-t-elle tant de gêne? Deux raisons expliquent cette situation alors même que les sondages donnent une confortable avance à tous les rivaux socialistes du président sortant.

    D'une part, la déclaration de Royal intervient quelques jours après la surréaliste déclaration de Martine Aubry concernant une entente entre elle, Dominique Strauss-Kahn et Royal pour Aubry.jpgune candidature commune. Cette dernière sait très bien que dans ce cas de figure - arrangement d'appareil – ses chances sont quasiment nulles car le TSS (« tout sauf Ségolène ») est encore très vivace, bien que moins visible, dans le parti. En faisant cette annonce de façon plus rapide que prévu, la candidate déclarée prend à témoin les adhérents et les sympathisants appelés à s'exprimer lors des primaires en leur montrant qu'elle ne mange pas de ce pain, celui des combines, et qu'elle fait confiance à l'expression citoyenne pour désigner le ou la candidat(e). Elle marque ainsi un point dans l'opinion face à une première secrétaire pour le moins maladroite.

    L'autre raison qui explique le malaise ambiant tient au calendrier choisi pour désigner le candidat socialiste. Comme on le sait, les postulants doivent déclarer leurs intentions en juin 2011 avant des primaires organisées en octobre. En gros, il s'agit du même calendrier que pour le scrutin de 2007. L'idée avancée pour le justifier était qu'il fallait faire précéder le travail sur le programme - qui doit être validé en mars prochain – sur la désignation du candidat. Mais c'était également un moyen de laisser plus de temps à DSK pour qu'éventuellement, il se déclare candidat. Car ne l'oublions pas, sans le soutien des partisans du patron du FMI, Martine Aubry n'a pas de majorité au PS.

    Mais revenons sur cette idée selon laquelle le candidat doit reprendre à son compte le programme de son parti et donc être désigné dans un second temps. Ce principe, plutôt positif, est en fait un écran de fumée. Tout le monde sait bien que le candidat investi a une telle légitimité populaire qu'il peut choisir dans le programme ce qui l'intéresse et laisser le reste dans les armoires poussiéreuses de la rue de Solférino. Cette distorsion créé immanquablement – comme on l'a vu en 2007 – une tension entre les deux pôles qui est fort préjudiciable pour la victoire. D'autre part, installer un candidat dans l'opinion en moins six mois est une chose périlleuse. Il faut du temps pour que les électeurs se familiarisent avec un candidat et pour que celui-ci soit en phase avec le pays. Le PS ne semble pas avoir tirer les leçons du fiasco de 2007.

    Les socialistes les plus intransigeants répondent qu'il faut éviter une présidentialisation du régime et donc désigner au dernier moment le candidat. La peur de la personnalisation est dans de nombreuses têtes. Mais ce genre de réflexe est assez curieux pour un parti qui a milité en faveur du quinquennat voulu par lionel Jospin. Cette mesure instaurée avant la scrutin de 2002 a contribué à déséquilibrer encore davantage les institutions de 1958 construites autour de la figure centrale du président. De deux choses l'une: soit les socialistes disent clairement qu'ils veulent changer les institutions pour rétablir les droits – sans cesse violés – du Parlement, en allant vers plus de participation citoyenne (par exemple en mettant en oeuvre le référendum d'initiative populaire) et alors leur critique du présidentialisme est cohérente; soit ils restent dans le flou ambiant et alors ils doivent assumer les institutions telles qu'elle sont et se plier au jeu. A ne pas mettre en conformité leur discours et leurs actes, les socialistes prêtent le flanc à l'accusation de duplicité.

    Toujours est-il que le curieux calendrier des socialistes sert le dessein de Nicolas Sarkozy qui va pouvoir continuer à diviser les rangs de l'opposition. A mesure que les tensions internes vont s'exacerber, à mesure que les candidats à la candidature vont se multiplier (cinq sont déjà en piste dont Valls et Montebourg), le président et ses affidés souffleront allègrement sur les braises. Un jour, il aura un mot sympa pour un postulant; le lendemain, il organisera un voyage présidentiel sur le territoire d'un autre, etc. Dans ce contexte passionnel, les socialistes auraient tout intérêt à rediscuter leur calendrier. Mais il est peu probable qu'ils le fassent, ne serait-ce que pour ne pas déplaire à leur célèbre adhérent new-yorkais...

     

  • Ce que l'affaire Valls révèle

    Valls.jpgDans un mois de juillet plutôt calme, deux hommes politiques auront fait l'actualité: Nicolas Sarkozy pour son malaise (cardiaque?) et Manuel Valls. Laissons tomber le premier dont les problèmes de surmenage ont été abondamment commentés. Que dire de plus?

    Manuel Valls mérite toute notre attention. Non pas tant parce qu'il serait le futur leader que toute la gauche attend pour 2012. Ses imprudences et son côté cow-boy le condamnent, pour l'instant du moins, à jouer un rôle de second plan. Mais sa montée en puissance témoigne d'un vide sidéral au PS et d'un climat délétère dans le principal (?) parti d'opposition. Que la première secrétaire du parti lui enjoigne de se taire ou de quitter le PS est pour le moins inquiétant. Inquiétant pour le manque de maîtrise dont fait preuve Martine Aubry dont les penchants autoritaire sont confirmés une fois encore. Même au temps de la fronde noniste lors du référendum européen, François Hollande ne s'était jamais adressé ainsi à Mélenchon, Fabius et consorts. Inquiétant également pour l'absence de réactions d'envergure à ce type de « management » assez surprenant.

    Menacer un député-maire d'une exclusion pour des propos très durs portés contre la direction, cela n'est pas vraiment dans la culture d'un parti, mais plutôt de celui d'à-côté, le PCF (du temps de Marchais). La peur s'est installée au PS. La peur de déplaire à la direction pour les futures investitures (on l'a bien vu lors des désignations pour les européennes). La peur de se faire repérer par les commissaires politiques des deux principales écuries soutenant Aubry, Cambadélis (strauss-kahnien) et Bartolone (fabiusien). La peur de perdre pour la troisième fois l'élection présidentielle. La peur, surtout, de ne plus avoir de crédit auprès de la population.

    Valls, sans tourner autour du pot, exprime l'état de déshérence du parti. Il en fait des tonnes, se met en scène bâillonné dans El Païs (un peu populiste, cher Manuel), se déclare candidat en 2012. Le style du bonhomme est aux antipodes de celui de Lionel Jospin qu'il servit à Matignon. Mais ce n'est pas sur le style de celui-ci qu'il faut répondre, mais sur le fond de son propos.

    Quand il affirme que le PS n'a produit aucune explication argumentée à sa bérézina des européennes, quand il assène que ce parti n'incarne plus l'espoir, qui peut sérieusement contester ce propos ? Quand il s'interroge sur la légitimité d'une direction élue dans des conditions troubles, il est possible de lui rétorquer qu'il faudrait arrêter de resservir les plats rémois et regarder vers l'avenir. Pour autant, difficile d'ignorer que la malaise demeure dans et hors du parti sur les manoeuvres qui ont conduit à empêcher Ségolène Royal de prendre les rênes du PS.

    Valls a raison de dire qu'il faut se remettre à penser, à réfléchir et à avoir des affrontements idéologiques. Il faut clarifier, actualiser le projet, le rendre crédible. Arrêter de se prosterner devant le totem trinitaire (Jaurès – Blum – Mitterrand). Arrêter d'ânonner des slogans vides de contenu, de se référer à l'unité de la famille socialiste qui est plus divisée que jamais. Et penser librement sans peur du politiquement correct et des tabous des socialistes. A cet égard, Manuel Valls a prouvé son aptitude à penser librement, par exemple en proposant d'aménager la loi de 1905 sur la laïcité, notamment pour permettre aux religions émergentes en France d'avoir des lieux de culte dignes de ce nom.aubry.jpg

    Martine Aubry, en prenant les rênes du PS, avait promis un sursaut du parti et une reprise en main. Si la reprise en main est réelle bien que désordonnée (avant que de s'attaquer à Valls, ne faudrait-il pas nettoyer certaines fédérations au fonctionnement opaque, comme celle du Pas-de-Calais?), le souffle nouveau se fait toujours attendre. Et on risque de l'attendre longtemps, les écuries soutenant Aubry n'ayant pas intérêt à ce qu'elle prenne son envol.

    Si Valls prend une telle place dans le débat socialiste, sans doute exagérée par rapport à sa dimension politique, c'est qu'il est un des rares (avec Gaëtan Gorce notamment) à mettre les pieds dans le plat. On peut contester ses réponses, parfois droitières voire teintées de sarkozysme, mais on ne peut pas l'empêcher de tenter de sortir le PS de sa (tor)peur. Sinon, la SFIOsation du PS est inéluctable. Et Sarko a un boulevard devant lui pour 2012...