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  • Quand la presse joue avec le feu

    Ces derniers jours, la presse (ou une partie d'entre elle) a fait fausse route, de façon grave, sur au moins deux sujets. Ces faits doivent alerter sur le manque de boussole dont souffrent de nombreux titres qui n'est pas sans rapport avec les inquiétudes financières sur ce que d'aucuns ont appelé le 4e pouvoir.

    dsk,nouvel observateur,vincent peillon,libérationLe premier fait a été abondamment commenté : il s'agit du livre écrit par Marcela Iacub autour de sa liaison de quelques mois avec l'ancien patron du FMI. Le Nouvel observateur et Libération, surtout, ont fait leur choux gras de ce livre qui se donne des ambitions littéraires. Il n'est pas certain que ce talent soit reconnu à celle qui se veut d'abord juriste, mais le problème n'est pas vraiment là. Deux types de questions peuvent être posées sur cette affaire.

    Pourquoi s'acharner contre un homme dont la carrière entre autres est complètement anéantie suite à divers scandales ? Je fais partie de ceux, rares voici deux ans, qui doutaient fortement de sa capacité à incarner une alternative à gauche. D'une part,  ses orientations plutôt libérales et son éloignement des réalités françaisses n'étaient pas forcément les meilleurs atouts pour s'opposer au président sortant. Ensuite, j'avais eu écho de sa dépendance au sexe et je ne me doutais pas que quelques officines proches du pouvoir exploiteraient, le moment voulu, quelques secrets d'alcôve sulfureux. La gauche aurait pris des risques importants en le sélectionnant. Lorsque l'affaire Sofitel est sortie, une partie de la presse a été accusée de ne pas avoir informé ses lecteurs sur ce versant de la personnalité de Dominique Strauss Kahn. Serait-elle en train de se "rattraper" en publiant des récits sur ses aventures ?

    Sauf qu'en deux ans, la situation a diamétralement évolué. Celui qui, alors patron du FMI, n'allait faire qu'une bouchée du président sortant, n'a aujourd'hui aucun rôle politique ; il ne peut caresser l'espoir de revenir en politique, comme certains le disent pour Nicolas Sarkozy. C'est un homme mort, en politique du moins. Tout est ce qui est publié sur lui se résume à de l'étalage, à de la violation de la vie privée dont la préservation devrait pourtant être l'une des boussoles de la presse dite sérieuse. Ce qu'on pouvait savoir et publier sur les frasques de DSK n'avait de sens que parce que sa position de pouvoir pouvait lui donner des faveurs et qu'il pouvait être dans le mélange des genres (ce dont il ne s'est pas privé). Aujourd'hui, ce n'est plus le cas donc il faut, comme il l'a demandé, lui "foutre la paix".

    Le fait que deux journaux de la gauche intellectuelle se soient emparés de cet ouvrage pour projeter leurs propres fantasmes (Le Nouvel Obs écrit : "Iacub est allée au bout de la tristesse du monde et nous en a apporté un trésor : un éclat de réel") montre le délitement des modes de pensée, le décrochage des faiseurs d'opinion vis-à-vis de ce qui se passe dans la société. Comment penser que l'aventure érotico-intellectuelle de Iacub ait un lien avec le réel que des millions de Français affrontent ?

    Cette pauvreté, ce vide qui s'expriment parmi l'élite intellectuelle sont particulièrement inquiétants car ils expriment la panne de la pensée de gauche. Se replier sur les arcanes des vies personnelles, explorer les recoins inavoués de la sexualité (au nom de l'absence des tabous et de la libération de la parole) ne peuvent être un vade mecum pour la gauche qui a repris les rênes du pouvoir. Si on veut le dire autrement, le mariage homo pour lequel se sont fortement mobilisés les deux titres cités, ne peut être l'objectif essentiel de la gauche au pouvoir.

    Un second fait m'a interrogé sur la lucidité de la presse. Le ministre de l'Education, interrogédsk,nouvel observateur,vincent peillon,libération par une radio, a exprimé son intention d'ouvrir la discussion sur la réduction des vacances d'été. Tout de suite, la grosse cavalerie a été lancée, sur le thème : c'est une erreur politique, ce Peillon est vraiment trop maladroit. D'aucuns qui n'ont peur d'aucune contradiction ont sorti l'argument massue : cet homme est un intellectuel de Saint-Germain coupé des masses, donc incapable de comprendre les aspirations populaires.

    Sauf que cette histoire de vacances estivales constitue un vrai enjeu social ét éducatif. On sait très bien que les inégalités dans l'accès aux vacances sont féroces, entre des enfants qui vont apprendre beaucoup pendant ces deux mois entre des voyages, des stages sportifs et culturels et des séjours chez les grands-parents et ceux qui vont s'ennuyer ferme entre les murs de leur cité ou de leur village. D'autre part, une trop longue pause occasionne une grave déperdition de connaissances. Et ce point n'est pas anodin alors même que des études internationales montrent que la France perd des places en termes de niveau scolaire.

    Pour toutes ces raisons, c'est le rôle absolu d'un ministre de l'Education a fortiori de gauche de poser ces questions et d'en appeler à des changements. La presse doit être critique, mais pas pour dire n'importe quoi. Pointer les renoncements, les contradictions voire les mensonges, très bien, c'est son rôle. Flinguer les audaces, la volonté d'améliorer les choses... je ne comprends pas. Et j'ai bien peur que le peu de crédit qu'il reste à la presse sorte affaibli de ce jeu de dégommage systématique des faits et gestes des politiques.      

  • Les socialistes peuvent-ils (con)vaincre ?

    La première manche des débats de la primaire a eu lieu, laissant ouvertes toutes les questions que ce genre d'exercice soulève. Comment exprimer des opinions différentes alors que le combat principal – contraubry,valls,hollande,baylet,royal,montebourg,dsk,guérinie Nicolas Sarkozy – n'est pas encore lancé ? Comment concilier pluralisme des opinions (sinon à quoi bon les primaires?) et souci de rassembler toute la gauche, ou plutôt toute la famille socialiste ? Car on remarquera que l'objectif de faire des primaires de toute la gauche (hors son extrême perdue dans ses limbes) est raté. La présence de Jean-Michel Baylet, patron des radicaux de gauche, au discours peu élaboré et aux pratiques locales clientélistes (qui lui valent d'ailleurs d'avoir maille à partir avec la justice), ne doit pas faire illusion. C'est une bagarre entre socialistes qui se joue, lesquels balayent tout l'arc-en-ciel des sensibilités.


    A sept mois du premier tour, l'issue du scrutin est beaucoup plus serré qu'il n'y paraît. Les sondages qui annoncent une victoire, plus ou moins large, de François Hollande ou de Martine Aubry et qui placent Nicolas Sarkozy à un niveau de popularité historiquement bas, ne doit pas tromper. La situation internationale très mouvante et l'angoisse que cela peut faire naître, le talent du Président à apparaître comme l'homme de la situation peuvent lui permettre de retourner la situation. Mais les socialistes ont tout à fait la capacité de perdre l'élection, seuls comme des grands. Ils ont face à eux trois récifs qu'ils doivent négocier au mieux.

     

    1/ La question morale

    S'il y a bien un point commun entre les six candidats à la primaire, c'est ce discours sur l'affaissement moral de la France depuis l'élection de Nicolas Sarkozy. Les exemples sont légion (on épargnera le lecteur de cette liste) d'une confusion entre intérêts privés et intérêt général et d'un étalage sans DSK.jpgvergogne du pouvoir de l'argent. Mais le discours moral des socialistes serait plus crédible s'ils ne trainaient pas deux boulets. Le plus médiatisé est le feuilleton DSK dont le dénouement, avec une absence de décision sur le fond de l'affaire, laisse un terrible goût amer. Qu'a-t-on vu, en effet ? Qu'un homme a mobilisé, par l'entremise de sa femme - égérie de la fidélité aveugle à son mari volage – une fortune considérable pour payer une caution hallucinante et pour mettre à sa disposition les avocats les plus talentueux. Sans ces millions de dollars, qui ont permis de mettre à jour les zones d'ombre de Nafissa Diallo et peut-être (lançons-nous sur un terrain que d'aucuns jugeront glissant) d'aider à ce que certains témoignages gênants échappent à la justice, DSK aurait-il pu faire l'événement ce 18 septembre au JT de TF1 (1) ? En ce sens, le souhait émis par Arnaud Montebourg que DSK présente ses excuses aux socialistes est moins incongrue qu'il n'y paraît.

    L'autre boulet que vont trainer les socialistes s'appelle Jean-Noël Guérini. Car, enfin, à qui feront-ils croire qu'ils ne savaient rien des pratiques mafieuses du président du conseil général des Bouches-du-Rhône? François Hollande qui a dirigé pendant dix bonnes années le PS n'était-il pas au courant des trafics d'influence divers et variés ? Ségolène Royal et Manuel Vallsguerini.jpg qui ont conclu un accord avec lui lors du congrès de Reims ne savaient-ils rien de l'absence de débats contradictoires dans cette fédération, de l'intimidation de certains militants dont les sections contestatrices étaient dissoutes par la « fédé »? et enfin, Martine Aubry qui donne tant de leçons de morale à la droite, pourquoi a-t-elle refusé de prendre en considération le rapport accablant rédigé par Arnaud Montebourg et pourquoi aujourd'hui fait-elle mine de ne pas avoir eu affaire à ce sinistre personnage dont nous n'avons pas de découvrir les exploits. Et puis, comme d'autres petits DSK et d'autres petits Guérini sommeillent ici ou là, le PS risque d'être en grande difficulté pour utiliser l'arme morale. L'arme peut se transformer en boomerang...

    2/ La question des marges de manoeuvre

    Même si le PS semble s'être plutôt bien sorti du piège de la règle d'or (attrape-gogos absolument d'aucun secours pour maitriser les déficits budgétaires), il va devoir clarifier les contours d'une politique de gauche. Car la question est simple : comment faire rêver un minimum un peuple fatigué par la vie chère et le règne des financiers, sans le décevoir irrémédiablement dans les mois suivants l'élection qui pourraient être marqués par une récession internationale? Inversement, peut-on gagner une élection en promettant du « sang et des larmes », comme semble le proposer le favori, François Hollande ?

    Cette question est cruciale et il n'est pas utile de tourner autour du pot avec de grandes phrases ronflantes. Il faut dire ce qu'il faudra faire en urgence absolue, ce qu'il faudrait faire si c'est possible et ce qu'il ne sera pas possible de faire. Dans la dernière catégorie, il semble difficile d'indiquer que le retour à un droit universel à la retraite à 60 ans sera rétabli. Cela ne veut pas dire accepter les injustices de la réforme précédente (notamment en direction des travailleurs ayant commencé tôt ou les femmes), mais aménager ce qui est possible de l'être. En clair, tout le monde ne pourra pas être servi, mais il faut que les plus en difficulté le soient. Sinon, à quoi bon l'alternative de gauche? Idem sur le nucléaire dont on notera qu'il a fallu attendre une grande catastrophe pour que les socialistes s'y intéresse sérieusement. Dire qu'on va aller vers la fin du nucléaire peut être un projet souhaitable. Mais il n'est crédible que si on indique le coût du démembrement des centrales (qu'on ignore actuellement) et comment on compte faire monter rapidement la part des énergies renouvelables. Dire de façon très concrète qu'il faudra multiplier par dix le nombre d'éoliennes et accepter que notre paysage soit ainsi modifié – défiguré pour certains. En gros, on attend des politiques – et des socialistes en particulier – qu'ils arbitrent sérieusement entre les diverses priorités et non qu'ils fassent plaisir à tous les électorats en saupoudrant de petites mesures clientélistes. Ce qui renvoie à la culture citoyenne : sommes-nous prêts à accepter que nos attentes, au demeurant légitimes, soient différées car d'autres populations, d'autres régions sont davantage en difficultés que nous-mêmes ? La gauche aura-t-elle le courage de s'attaquer aux petits égoïsmes catégoriels qui savent si souvent utiliser la presse ou le chantage électoral ?

    3/ La question des méthodes


    Disons-le clairement, le seul avantage des primaires ouvertes, c'est d'éviter que les barons locaux du PS fassent la pluie et le beau temps pour le vote des militants. Par exemple, dans les Bouches-du-Rhône, cette primaire ouverte pourrait permettre à Arnaud Montebourg d'avoir 5 ou 10 % des voix et à François Hollande d'atteindre les 20 ou 25 % alors que dans le cas d'une primaire réservée aux adhérents, Martine Aubry était assurée d'avoir au moins 70 % des voix (une alliance avait été scellée voici quelques temps entre Guérini et la première secrétaire). Dans les fiefs des candidats, en Corrèze, dans le Nord ou en Poitou-Charente, etc., les résultats devraient un peu moins ressembler à une consultation stalinienne. Tant mieux ! Pour le reste, la primaire ouverte ne change rien : l'influence des entourages est tout aussi forte – et parfois néfaste ; les candidats ont bien du mal à être dans une démarche d'ouverture aux initiatives de la société. Quel temps ont-ils, dans leur agenda surchargé, pour écouter vraiment et bousculer parfois leurs préjugés ? Tous se déclarent, avec des sensibilités différentes, ouverts à la démocratie participative, mais comment comptent-ils lui donner sa chance? Quelle part de leurs propositions sont-ils prêts à mettre en discussion et éventuellement à modifier? Quelles chances donneront-ils à l'expérimentation de mesures plutôt qu'à la généralisation? Sont-ils prêts à se donner du temps par rapport à certains dossiers qui supposent une large consultation et de la réflexion?
    La rupture avec le sarkozysme, annoncée et espérée, suppose pour la gauche de prendre à bras-le-corps la question des représentations politiques. Se limiter à la question du contenu des politiques ouvre la voie aux inévitables déceptions, plus ou moins cruelles. En revanche, une méthode qui associerait davantage les citoyens (via des référendums, des grandes consultations citoyennes) permettrait à chacun de mieux comprendre les difficultés de la gestion et à ainsi à faire progresser la conscience démocratique. C'est le mal qu'on peut souhaiter à la gauche...

     

    (1) Ce texte a été écrit avant les déclarations télévisées de DSK

  • Le pourrissement, jusqu'où ?

    Faisons, à regret, un pronostic : l'affaire Strauss-Kahn risque de pourrir jusqu'au bout la présidentielle, et singulièrement la campagne des socialistes. Trois jours après que la Première secrétaire du PS DSK, Martine Aubry, Nicolas Sarkozy(1) se soit déclarée officiellement candidate pour la primaire, des informations publiées par un grand journal américain mettait en avant les contradictions voire les mensonges de la femme de chambre qui accuse DSK de viol. Sur la base de quoi le procureur libérait l'ex-directeur général du FMI sans pour autant abandonner (pour l'instant?) les charges qui sont retenues contre lui.

    Trois raisons expliquent, à mon sens, pourquoi cette affaire trouble va pourrir la vie politique. D'abord, et cela saute aux yeux de tout le monde, le calendrier judiciaire de M. Strauss-Kahn entrechoque celui de la primaire socialiste. Au moment (le 18 juillet) où le tribunal de New-York devra se prononcer sur la suite à donner aux accusations, tous les postulants à cette primaire auront dû se faire connaître. D'où la demande de quelques strauss-kahniens, un peu exaltés, de reporter la clôture des candidats. Proposition idiote car comment caler un processus collectif, vivement attaqué par la direction de l'UMP et compliqué à mettre en oeuvre dans de nombreux départements, sur un destin individuel, aussi exceptionnel soit-il?

    Comment penser que DSK, si tant est qu'il soit lavé de tout soupçon (faut-il le rappeler, nous en sommes encore loin) se déclare, dans la foulée, candidat à la primaire, arrive à obtenir le retrait de Martine Aubry et obtienne un vote majoritaire du million de Français qui pourrait se déplacer en octobre ? Serait-ce d'ailleurs souhaitable ? La campagne de l'UMP en serait facilitée puisque le sexe à gogo et l'argent à profusion de l'ancien député-maire de... Sarcelles seraient brocardés par une droite qui se redécouvrirait morale. Et puis, il est à parier que la campagne se cristallise, au sein de l'électorat de gauche, non sur les propositions du socialiste DSK, mais sur la vie privée de l'homme et sa « consommation » de femmes (n'oublions pas que plusieurs témoignages, difficilement contestables, l'ont présenté autrement que sous les traits du latin lover qui plait tant dans nos contrées méditerranéennes). Sauf à considérer que certains socialistes sont plus importants que d'autres, et que -curieux argument – seul DSK peut battre Sarkozy, il faut banaliser l'affaire DSK, la laisser aux mains de la justice américaine et reparler politique.

    Deuxième raison de ce pourrissement prévisible de la vie politique : la place prise par les révélations sur la vie privée. Je ne suis pas de ceux qui s'offusquent quand on met en cause tel homme qui ne fait pas que tripoter des pieds ou tel autre qui confond un peu trop les caisses de l'Etat et ses propres comptes en banque. Je me demande simplement s'il ne faudrait pas rétablir un peu de hiérarchie de l'info. Cette semaine, par exemple, le chômage (on parle des chiffres officiels dont le calcul est hautement critiquable) est reparti de plus belle. Cela a fait quelques petits titres, mais rien à côté de l'agression, exceptionnelle mais de faible gravité, du Président de la République. Qu'est-ce qui impacte le plus le quotidien des gens ? Un mauvais geste d'un « pov'con » (comme aurait dit, en d'autres temps, sa victime) ou la perte de milliers d'emplois ? Bien entendu, pour savoir le traumatisme d'une situation de chômage, il faut l'avoir vécu dans sa chair ou dans son entourage proche... Les tweets, le buzz sur la Toile et autres inventions, par certains côtés, géniales peuvent-elles porter du débat politique? J'en doute énormément. Le pire est, sans doute, à venir...

    Troisième raison de ce pourrissement possible : le peuple français est de plus en plus réceptif à un discours qui ridiculise la politique puisque celle-ci salirait, serait source de corruption et, finalement, ne servirait pas à grand-chose. Si l'affaire DSK a passionné tant les Français à la fin du printemps, c'est qu'il est de plus en plus sensible à la dimension « trou de la serrure ». Comme la politique a perdu toute majesté, que beaucoup de promesses (du candidat Sarkozy, mais on pourrait parler des deux Présidents précédents pas vraiment exemplaires) sont enterrées après la prise du pouvoir, elle est banalisée comme une vulgaire émission de telé-réalité. Qui a couché avec qui ?, va devenir le jeu très à la mode. Il faut dire que les fréquentes liaisons sexuelles, conjugales ou non, entre politiques et journalistes très en vue, n'incitent guère, dans l'esprit du public, à séparer vie publique et vie privée.

    Après quatre années de présidence Sarkozy, marquées par le triomphe du vulgaire et par l'absence de tout scrupule, la société française hésite entre délectation et écoeurement face à cet étalage. L'actuel Président et futur candidat pourrait en jouer, et c'est peut-être sa seule chance d'éviter la débâcle (car comment s'appuyer sur un bilan aussi maigre?). A la gauche, si elle ne veut pas décevoir une fois encore, d'oublier un peu DSK (il se défendra bien tout seul) et de s'intéresser à ce qu'elle n'aurait jamais dû quitter des yeux : la situation du peuple qui, comme dirait l'autre, a beaucoup souffert et veut plus ne plus souffrir (en tout cas un peu moins).

    (1) Il faudra suggérer à Mme Aubry de conserver son sang-froid, surtout si elle représente l'opposition à M. Sarkozy. Comment parler de « fin du cauchemar » pour DSK alors que l'affaire n'est pas close ? Le terme de cauchemar, cette semaine, sonnait bizzarement: il pouvait s'appliquer aux 18 mois de captivité des otages en Afghanistan, à la situation de ce peuple pris entre les forces occidentales et les talibans, sans oublier, par exemple, la répression intense de la révolte du peuple syrienne... pas à la situation d'un prisonnier de luxe, ne manquant de rien et surtout pas du soutien de ses amis...

  • DSK: pourquoi tant d'emballement?

    Alors que le monde est suspendu à la situation dramatique en Libye et la fuite en avant du dictateur Kadhafi - ami du ministre Ollier et admiré, entre autres, par le nouvel ambassadeur français à TDSK, Marine Le Pen, JL Mélenchon, médiasunis-, alors que le monde arabe vit une mutation sans précédent, voilà que nos médias français (franchouillards, oserais-je écrire) se passionne pour un non-événement: la venue à Paris pour une réunion financière du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Bien entendu, tout le monde guettait un signe tangible de son intérêt pour 2012, tout en sachant bien que sa position internationale ne lui permettait pas de prendre position. Cela d'ailleurs lui aurait été reproché car, au vu de la situation tendue sur les marchés (notamment ceux des matières premières), une option de DSK sur la présidentielle aurait pu encore plus compliquer la situation internationale. N'oublions pas que l'onde de choc dans le monde arabe est lourde de conséquences pour le pétrole. Un renchérissement brutal des cours de l'or noir aurait raison de la timide reprise économique dans le monde occidental et on peut comprendre que le patron du FMI ait d'autres soucis que la présidentielle française (même il doit y penser de temps en temps, pas simplement en se rasant...).

    Et voilà que nos bons médias s'emballent, jaugent une déclaration de sa femme sur son blog (qu'elle tient depuis belle lurette) et spéculent déjà sur un duel Sarkozy-DSK. Cette façon de précipiter l'agenda et de dicter aux Français le duel auquel tout le monde (dans les grands médias) rêvent ne peut qu'accroître les fractures dans l'opinion publique. Mais pensez donc, un tel duel serait si alléchant. Deux fauves de la politique face à face, chacun ayant côtoyé les grands de ce monde, chacun ayant construit de solides réseaux dans les milieux politiques, patronaux et médiatiques. Comme on prête à Sarko comme à DSK des casseroles (sans qu'on sache si elles seraient d'ordre personnel ou financier) qui pourraient sortir à cette occasion, les « observateurs » de la vie politique voient dans ce duel tous les ingrédients réunis d'une pièce à rebondissements.

    Et le débat politique dans tout ça? Il a été encore une fois oublié. Comme l'a dit avec justesse François Hollande, c'est le directeur général du FMI qui s'est exprimé, pas le candidat putatif à la présidentielle. Qu'il se soit permis d'égratigner indirectement la gestion Sarkozy ne prouve rien, si ce n'est que DSK n'a pas oublié qu'il appartenait à la gauche française.

    Fin d'un épisode (sans grand intérêt). Mais réfléchissons à ce que cette spectacularisation de la vie politique pourrait amener. La classe politique subit dans l'opinion un discrédit très fort. En tout cas, celle qui passe l'essentiel de son temps dans les palais parisiens de la République. Le tableau est connu et nul ne peut le contester. Les médias souffrent eux aussi d'un manque de crédibilité qui n'est pour rien dans la crise économique que traverse la presse écrite. Outre quelques ratés mémorables, on leur reproche d'être trop proches des puissants et de se désintéresser du quotidien des Français. Malheureusement, tout n'est pas faux dans ce tableau, même si le discours conspirationniste (voir des complots partout) qui l'entoure souvent est totalement réducteur.

    Dans ce tableau sombre, la tentation des médias à vouloir annoncer un duel DSK/Sarkozy est non seulement risquée (on devrait se rappeller comment Balladur en 1995 puis Jospin en 2002, chouchous des médias, ont été éliminés dès le premier tour), mais dangereuse. Elle fait le lit du discours protestataire qui monte un peu partout dans la société. Celui-ci a beau jeu de comparer la fortune de DSK (d'autant que ses émoluments faramineux de DG du FMI ne sont pas soumis à l'impôt) au goût prononcé de l'argent de notre Président. En gros, l'héritier contre le nouveau riche. Cette thématique risque de ne pas servir celui qu'on veut lancer dans l'arène, DSK, mais d'alimenter le discours de Marine Le Pen (et accessoirement celui de Jean-Luc Mélenchon). Celle-ci atteindrait déjà 20% d'intentions de vote dans un récent sondage et ses marges de progression sont réelles. La candidature sous la bannière FN aux cantonales d'un syndicaliste de la CGT, ancien militant de l'extrême gauche, témoigne, même si le cas reste encore isolé, d'un attrait pour le discours plus social et ultra-laïque de la fille Le Pen (lire mon post du 13 décembre).

    Vouloir discréditer l'éventuelle candidature de DSK au nom de sa fortune revient non seulement à donner du crédit aux thèses de l'extrême droite, mais à tuer le débat politique. On ne peut pas démolir un politique sur ce que sa naissance – ou son mariage – lui a donné. La critique doit porter sur la cohérence de son parcours (avec une question que j'ai du mal à trancher: peut-on avoir une gestion plus à gauche du FMI?) et surtout sur ses propositions. S'il s'avérait que le candidat des socialistes (en supposant que la primaire d'octobre le désigne) faisait preuve de frilosité dans l'indispensable lutte contre les inégalités et dans la redistribution des richesses, on pourrait alors se demander s'il est toujours de gauche et si sa fréquentation de la haute finance internationale (qu'il a habilement critiquée sur France2) n'a pas déteint sur ses convictions. Mais à l'heure d'aujourd'hui, tout procès d'intention à l'égard de DSK est déplacé. Il sert plus le FN que l'UMP, empêtré dans ses contradictions et ses ratages diplomatiques en rafale.