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Nicolas Sarkozy

  • 10 ans de regard sur la politique !

    Le 10 mai 2009, je démarrais ce blog politique baptisé "10 mai". Tout cela n'était pas le fruit d'un hasard de calendrier. Il renvoyait à la date du 10 mai 1981 qui avait vu la victoire historique d'un candidat de gauche à l'élection présidentielle, François Mitterrand. J'avais 14 ans et je croyais, naïvement diront certains, que la politique pouvait changer les choses, qu'on pouvait renverser la table. 

    Les années ont passé et les désillusions sont arrivées. A la quarantaine passée, j'ai donc ouvert ce blog avec la volonté de comprendre les raisons du désamour des Français envers la politique. Entre récit des faits politiques et analyse des phénomènes de fond. Au cours de cette décennie (2009 - 2019), incontestablement, la situation politique a eu tendance à se dégrader comme en attestent la progression de l'abstention et lors de ces derniers mois, la mobilisation des Gilets jaunes.

    "En mai, fais ce qu'il te plait" : dans un texte inaugural du 10 mai 2009, la crise de la gauche était déjà patente deux ans après la victoire éclatante de Nicolas Sarkozy à la présidentielle. J'écrivais alors : "La gauche souffre davantage d'une colonne vertébrale défaillante et d'organes vitaux affaiblis que d'une absence de tête." Les choses ont-elles profondément changé ?

    Depuis ce texte inaugural, 143 posts (ou articles) ont été rédigés (et une centaine de réactions écrites ont été reçues), sur la vie politique française, de l'extrême gauche à l'extrême droite, mais pas que. J'ai également traité le bilan du pape Benoît XVI, relaté la trame politique de plusieurs films ou bien encore de conflits internationaux (Brésil, Etats-Unis, Tunisie, Côte d'Ivoire, Syrie...). Pour des raisons personnelles, le rythme a été très irrégulier, avec parfois plusieurs textes dans le mois et d'autres fois un espacement de plus de six mois. Retour sur quelques posts de cette dernière décennie.

    Le 13 mai 2009, je donne la parole à Roger-Gérard Schwartzenberg(député radical de gauche et professeur d'université) à l'occasion de la sortie de son livre L'Etat spectacle 2. Interrogé sur le positionnement des citoyens par rapport à cette politique spectacle, il répond : "Ils sont à la fois captivés comme des spectateurs et assez lassés car ils ont moins de moins prise sur les décisions. Plus le programme est flou et incertain, moins le citoyen est en capacité d'intervenir sur les choix politiques". Il revient également sur le décrochage entre les citoyens et les politiques : "Le libéralisme économique qui a imprégné les mentalités pendant deux décennies a encouragé l'hyper-individualisme. Or, la démocratie suppose un sentiment d'appartenance collective."

    En juin 2009, les électeurs sont appelés à renouveler le Parlement européen. Dans un post du 14 juin, j'analyse la composition sociologique des parlementaires français. "Dans un pays où le groupe des ouvriers reste encore numériquement important, aucun élu – pas même à gauche – n'en est issu. On a du mal à trouver des petits employés, des artisans voire des agriculteurs (deux élus: l'Aveyronnais José Bové (EELV) et l'Alsacien Joseph Daul (UMP) qui dirigeait dans la précédente mandature le groupe du parti populaire européen) alors même que la Politique agricole commune reste un budget majeur. En revanche, vous retrouvez pléthore d'enseignants, de médecins et, plus curieux, au moins sept journalistes ou patrons de presse (dont Dominique Baudis, Jean-Marie Cavada, Jean-François Kahn, Patrick Le Hyaric)." 

    Philippe Séguin, l'éternel grognard de la droite française, casse sa pipe début 2010. Pour lui rendre hommage, j'établis une comparaison avec Michel Rocard : "Franc-tireur, attaché au rôle de l'Etat, anticonformiste, souvent individualiste... Philippe Séguin s'est heurté à la quête effrénée du pouvoir portée par un Chirac, comme Rocard l'avait été de la part de Mitterrand. Tous deux ont été incompris de leur parti, souvent ostracisés. Ils avaient l'étoffe pour assumer le pouvoir élyséen, mais d'une certaine manière, ils n'étaient pas fait pour la fonction quasi-royale de Président de la République qui s'accommode mal avec la liberté de penser.

    Au printemps 2010, place aux élections régionales ! Elles sont marquées par une augmentation de l'abstention de 15 points. J'estime que la stratégie de Nicolas Sarkozy est pour quelque chose dans cette situation. "Tout est réversible chez lui, tout jugement sur sa politique peut être contesté. C'est un libéral convaincu. Oui, mais il tonne contre les bonus accordé aux traders et entend réguler le système financier mondial (comment, on l'ignore). Il flatte l'électorat du Front national (qui le lui rend mal). Oui, mais il dit vouloir s'attaquer aux discriminations visant les Français dont la peau est moins blanche que Gérard Longuet."

    En juin 2010, je titre "Les musulmans pris en sandwich". Je m'interroge sur la polarisation autour de l'expression des musulmans, qui seraient au fond responsables des maux français. "On pourrait se demander si la polarisation sur la femme musulmane victime aussi bien là-bas (en Algérie, en Afghanistan, etc) qu'ici n'est pas un moyen d'évacuer la profondeur des inégalités hommes-femmes dans l'entreprise, la vie culturelle ou médiatique (combien de femmes PDG de journaux, de radios ou de chaînes de télé?) et bien sûr en politique. Le niqab qu'une loi française entend éradiquer sur notre hexagone n'est évidemment pas le signe d'un affranchissement de la femme, mais qui peut croire que son éventuelle extinction serait une bonne nouvelle pour les millions de femmes qui élèvent seules leurs enfants, se débrouillant avec des salaires de misères et des horaires de bagnards ?" 

    Au bout de trois ans de présidence Sarkozy, l'ambiance dans le pays est étouffante. "Cela va (vraiment) mal finir", écris-je en juin 2010, en référence à un livre coup de poing de l'ancien ministre François Léotard (Ça va mal finir, 2008). Celui-ci, écrivais-je, "trouvait des mots justes pour décrire cette dégradation générale du climat, cette banalisation de tout (de la fonction présidentielle, de l'honneur, du rapport éthique avec les deniers publics...). Il annonçait le règne des fausses valeurs et de la médiocrité ambiante. Nous y voilà donc." En conclusion, j'ajoutais : "En tout cas, dans ce marais nauséabond, il est une responsable politique qui doit se frotter les mains. Elle porte le patronyme de Le Pen et le prénom de Marine..."

    En septembre 2010, j'explique pourquoi Sarko n'a pas encore perdu la présidentielle de 2012. La gauche est confrontée à trois incertitudes : des primaires qui peuvent être sanglantes au vu des haines personnelles ; le flou des propositions et la question des alliances. Et je conclut : "Les conditions sont potentiellement réunies pour éviter un troisième échec successif de la gauche à la présidentielle. Celle-ci a la responsabilité historique de ne pas les gâcher."

    En novembre 2010, je me réjouis de la première victoire des anti-corruption qui traquent "l'argent mal-acquis" de plusieurs dictateurs africains. "En validant la possibilité pour Transparency International de se constituer partie civile dans cette affaire des biens mal acquis, la Cour de cassation reconnaît le rôle essentiel des ONG dans la dénonciation des malversations des dirigeants du monde. Elle ouvre un champ immense pour l'action citoyenne contre les enrichissements particulièrement éhontés de certains dirigeants des pays pauvres." 

    En janvier 2011, Manuel Valls, fidèle à son rôle de provocateur, remet sur le tapis la question des 35 heures. Rien n'est tabou, il est possible de discuter cette mesure, à condition de faire un pas de côté et de sortir des logiques politiciennes. "La question est de savoir comment être compétitif en travaillant moins que les autres. Il faut donc trouver l'alchimie pour utiliser au mieux les gains de productivité encore importants dans l'économie française, en faire une arme économique et un facteur d'intégration sociale. Car ce qui coûte cher à notre pays, ce n'est pas tellement les 35 heures, mais la désespérance sociale qui ne fait que grandir, les quatre millions de chômeurs et les deux ou trois millions de précaires avec ou sans le RSA."

    En février 2011, je reviens sur la condamnation d'Eric Zemmour après des propos sur les Noirs et les Arabes. Je considère que c'est une erreur de porter ce type de propos devant les tribunaux : il vaut mieux y répondre et décortiquer les erreurs et contre-vérités. "Finalement, cette affaire Zemmour signe une double faillite de notre système politico-médiatique. Celle d'un certain journalisme qui éditorialise à outrance, ne prend plus le temps de se plonger dans les réalités complexes du terrain et se transforme en "causeur" (façon salons savants ou café du commerce). Faillite aussi de l'esprit de raison ou du "progressisme" qui, n'ayant plus la capacité ou la force de convaincre par des arguments, préfère faire juger les différends devant les tribunaux."

    En mars 2011, j'envoie un courrier au ministre de l'intérieur, un certain Claude Guéant. Je réagis à une interview qu'il a donnée au Monde dans lequel il explique : "Les Français ont le sentiment que les flux non-maîtrisés changent leur environnement. Il ne sont pas xénophobes. Cela étant, ils veulent que la France reste la France. Ils veulent que leur mode de vie soit respecté, que la laïcité demeure à la base de notre pacte républicain." Sur mon blog, je réponds à l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy : "La France a toujours été une terre d'immigration, donc elle n'est jamais restée la même tout en étant fidèle à sa tradition d'accueil. J'ai le sentiment que c'est vous, ministre de la République, qui ne souhaitez pas que la France reste fidèle à sa tradition. En l'occurrence, je me sens plus fidèle à la France éternelle, celle qui s'est enrichie depuis des siècles au contact des immigrés." Et je conclus : "J'espère, Monsieur le ministre, qu'après un bizutage un peu inquiétant pour nos valeurs, vous vous ressaisirez et redeviendrez digne de la République qui vous a confié ses pouvoirs."

    En mai 2011, l'affaire DSK saisit tout le pays. Le favori de la primaire que doivent organiser à l'automne les socialistes, tombe dans une affaire supposée d'agression sexuelle. Je reviens sur quelques étonnements : "Dans notre pays qui a la passion de l'égalité (dans les discours du moins), on a suggéré qu'une modeste femme de ménage, a fortiori une immigrée africaine vivant dans un immeuble sordide ne pouvait pas détruire la carrière d'un homme aussi puissant que Dominique Strauss-Kahn si elle n'avait pas été envoyée ou payée par d'autres." Loin d'être isolé, le comportement de DSK renvoie à des abus de pouvoir qui sont le fait de beaucoup de politiques.  

    En août 2011, je m'interroge si "les écolos ne se sont pas tirés une balle dans le pied", en préférant à la candidature Hulot celle d'Eva Joly, la juge franco-norvégienne. "Pour secouer les frilosités hexagonales, écris-je, la posture prophétique – qui n'est pas toujours comprise de prime abord, mais marque les esprits – est préférable à la traditionnelle posture politicienne qui ménage tout le monde. En étant la candidate du plus petit dénominateur commun et la moins encombrante pour l'appareil EELV, Eva Joly prend le risque de ne pas bousculer beaucoup le débat politique."

    En septembre 2011, on assiste à un petit événement politique : la gauche ravit à la droite la majorité au Sénat, chambre éternellement dominée par les forces conservatrices. "Les territoires ont le sentiment d'être complètement abandonnés par le pouvoir central qui a abandonné son rôle d'aménagement – ou de rééquilibrage - du territoire (à travers la fermeture des services publics, notamment des écoles) et en plus d'être malmenés par les préfets qui redécoupent à la hache la carte des intercommunalités."

    En novembre 2011, François Hollande, victorieux à la primaire face à Martine Aubry, dévoile son staff de campagne. "Equipe-choc ou auberge espagnole", titre-je. Et je m'intéresse au choix du directeur de campagne, Pierre Moscovici. "Le plus parisien des députés du Doubs ne manque pas de talent notamment dans les débats, avec un sens de la formule qui fait mouche. Sauf que depuis quinze ans, on cherche en vain une idée originale qu’aurait porté « Mosco ». Sauf que son passage aux affaires européennes a laissé le souvenir davantage d’un dandy que d’un ardent militant de la cause (alors même que la gauche était à la tête de la grande majorité des gouvernements européens)."  

    En février 2012, j'examine les atouts et faiblesses des deux favoris : François Hollande et Nicolas Sarkozy. Sur le premier, je me pose deux questions de fond : "1/ A-t-il un vrai destin à proposer aux Français ?2/ Aura-t-il les moyens de ses ambitions ?" Je cite Michel Rocard, 80 ans, qui explique que les hypothèses de croissance sur lesquelles ont été élaborées les propositions socialistes sont exagérées (ce qui se vérifiera). Quant à Sarkozy, je m'interroge sur les risques de sa stratégie : "La volonté de braconnage de Nicolas Sarkozy sur les terres frontistes est doublement risquée. Elle réinstalle Le Pen au centre du débat en légitimant une partie de ses thèses."

    Le soir du premier tour des présidentielles, en avril 2012, je le passe à la Mutualité au côté des supporters de Sarkozy où je rencontre notamment une électrice de Hollande :  "Vous comprenez, je travaille dans l'enseignement et la recherche en mathématique. Après ce que Sarko nous fait, il n'est pas possible de voter Sarkozy".

    En mai 2012, lors de l'élection de François Hollande, je titre : "Nous ne sommes plus en mai 81". "La relation au nouveau Président de la République n'est absolument pas la même : François Mitterrand était respecté, craint, haï parfois, il se situait (même si c'était fort discutable) dans la lignée des grandes figures de la gauche, de Jaurès à Blum ; François H. a deux « pères » en politique (Jacques Delors et Lionel Jospin), mais ne porte pas en lui, dans ses gênes, cette mystique de la politique". Analysant la carte électorale, je décris deux France antinomiques : "D'un côté, une France tempérée, de tradition radicale-socialiste (le Sud-Ouest) ou démocrate-chrétienne (l'Ouest) où le style mesuré et tout en rondeurs de Hollande a bien fonctionné et où la vie associative est très dense. De l'autre, une France, parfois pauvre, parfois prospère, très inquiète des audaces de François Hollande et des conséquences de l'ouverture des frontières."

    En mai 2012, je publie le témoignage de ma mère, militante socialiste en Mayenne, qui raconte son expérience de tractage dans la population d'un gros bourg. Elle constate la montée d'un électorat frontiste, par exemple lors de la rencontre de cette dame âgée. Ma mère raconte : "A ces questions, elle se trahit. "Est-ce vrai que les étrangers prennent notre travail? ; "Pourquoi certains viennent à la banque alimentaire avec de belles voitures?" ."Il parait que des jeunes viennent deux jours au travail et qu'ils ne reviennent pas."

    Fin août 2012, je note déjà un "malaise sur la planète Hollande". Deux types de malaise sont alors identifiés : "Son obsession à prendre le contre-pied de Sarkozy lasse à la fin car elle ne construit pas une politique." D'autre part, expliquais-je, "chaque récif est négocié souvent avec intelligence, mais cela ne donne pas une lecture claire du dessein présidentiel. Les grands choix dans notre rapport au système de protection social, à l'environnement ou à l'Europe ne sont jamais précisés." 

    En mai 2013, la panne du pouvoir Hollande se confirme. "A la recherche du chemin introuvable", écris-je. "Dans l'âme, François Hollande est resté le premier secrétaire du PS qu'il a été pendant dix ans. Sa volonté de rassembler coûte que coûte, sa peur des féodalités locales le conduisent à chercher en permanence le point d'équilibre, le plus petit dénominateur commun. Il a tendance à se couper des idées nouvelles, des groupes contestataires qui portent en germe des nouvelles façons de voir. Les calculs sont partout alors qu'il faudrait un élan, un enthousiasme."

    En novembre 2013, la colère des bonnets rouges en Bretagne traduit une forme de révolte des  territoires face à Paris. Dernière l'opposition à l'écotaxe, il y a tant d'autres colères qui s'expriment. "A la lumière des échecs et trahisons successifs, au regard de l'impossibilité pour la France de réduire son chômage et de réorienter l'Europe, un sentiment localiste pourrait se développer dans les prochaines années et fragiliser encore l'échelon central. Avec l'idée sous-jacente selon laquelle "on va tous en baver, mais autant compter sur ses propres forces et ne pas attendre grand-chose de Paris !"

    "Triste gauche", écris-je en juin 2014. Et j'aurais pu ajouter "gauche paresseuse". "La paresse intellectuelle fait qu'on continue à penser qu'une croissance à 2 points va revenir ("elle arrive", nous dit incessamment le Président) et qu'ainsi nous allons résoudre la question du chômage. Que fait-on quand la croissance se traîne autour de zéro ? Comment sortir du non-emploi ceux qui s'y sont habitués ? Une fois qu'on a épuisé les maigres outils que sont les emplois d'avenir (pâle resucée des emplois jeunes des années Jospin) et la Banque publique d'investissement, on se tourne vers les bonnes vieilles recettes libérales."

    En janvier 2015, je reviens sur les événements dramatiques de Charlie Hebdo et la réaction impressionnante du peuple français. Par-delà l'hommage aux victimes, des questions doivent être posées. "Comme avec Mohammed Merah voici presque deux ans, les meurtriers des "libres-penseurs" de Charlie Hebdo ont grandi sur le sol national, ont fréquenté les écoles de la République, sont des citoyens français. La haine qu'ils retournent contre les "institutions" de notre République doit nous interroger sur ce qui s'est passé depuis une vingtaine d'années. Qu'est ce qui a été raté ?" Et j'ajoute : "Quel projet collectif proposons-nous aux nouvelles générations ? Quel espoir de progrès peuvent-elles nourrir pour elles et leurs (futurs) enfants ? Qu'est-ce qui peut faire rêver aujourd'hui ? C'est à ces questions que chacun est tenu de répondre, à commencer par ceux qui aspirent à prendre les rênes du pays."

    En mars 2015, nouveau revers de la gauche aux élections locales. Celle qui était majoritaire dans deux tiers des départements ne l'est plus que dans un tiers. Et le Front national continue sa percée malgré son absence de personnalités d'envergure. "Nous en sommes là, trois après (la victoire de Hollande)". J'essaye de proposer des pistes pour ne pas sombrer dans un pessimisme ravageur. "Alors, que faire ? Eviter de désespérer, essayer en tout cas, pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Distinguer la critique (nécessaire, vitale) des pratiques politiques de la destruction des (derniers) idéaux. Participer, relayer les dynamiques qui font revivre l'idéal citoyen dans les quartiers et les campagnes, être à l'écoute de tout ceux qui, quittant leur fauteuil devant cette maudite télé innovent et inventent, n'attendant pas tout "d'en haut".

    En juillet 2016, j'écris que Manuel Valls joue un "jeu vraiment dangereux". "A la manière d'un Sarkozy, Manuel Valls cristallise les tensions, met de l'huile sur le feu. Les exemples abondent, par exemple dans la gestion de la loi Travail." Cette volonté de fracturer la gauche pourrait avoir des conséquences graves. "La gauche risque d'être d'être fracturée entre trois composantes : une frange radicale autour de Jean-Luc Mélenchon qui campe une forme de pureté ; une gauche de réformes ambitieuses qui n'a pas peur de l'affrontement avec le patronat ; une gauche blairiste qui veut accompagner, le moins brutalement possible, l'entrée de notre pays dans l'économie mondialisée.La gauche n'aura dès lors aucune chance de reconquérir le pouvoir, chaque bloc représentant entre 10 et 20 % de l'électorat"

    En mars 2017, quelques semaines avant l'élection présidentielle, je titre "De quoi Emmanuel Macron est-il le nom ?" En fin d'article, je réponds à la question initiale : "Il est le nom brillant, insolent et séduisant, du vide politique et de la destruction progressive, depuis une vingtaine d'années, de tout esprit de courage et de vision d'avenir. Voilà pourquoi la marche du jeune Picard pourrait être victorieuse..." 

    A gauche, les deux candidats principaux, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, n'ont de chance de figurer au second tour de l'élection que si l'un s'efface au profit de l'autre. Mais cette tentative était vouée, selon moi, à l'échec. L'Europe est le principal point de divergence entre les deux. "Comment croire qu'un tel clivage au sein de la gauche - qui dure depuis plus de 10 ans - puisse être balayé en deux ou trois semaines ?" Et je m'interroge déjà sur le succès de la candidature du socialiste. "Ne l'oublions pas (on peut le regretter): notre pays qui combine une tradition de centralité et un tempérament rebelle se cherche en permanence un chef, un leader qui parle au moins autant à son cœur qu'à sa raison... Pour le coup, l'ancien rocardien Benoît Hamon serait bien inspiré de ne pas l'oublier."

    Au lendemain de la victoire de Macron, en mai 2017, je m'interroge sur cette "République des experts" qui se prépare. Je note que cette formule attrayante sur le papier présente deux gros risques. Le premier : "Expert ne rime pas toujours avec sens de la discussion et du compromis. Les experts sauront-ils discuter avec les syndicats, les associations et évidemment avec les parlementaires ? N'auront-ils pas tendance à considérer que leurs diplômes et compétences valent bien le mandat électoral." Second risque : "La montée du FN et la crise de confiance du pays tiennent en grande partie à l'écart qui s'est constitué entre les élites et le peuple. La mise au premier plan d'experts pourrait aggraver la crise de confiance"

    Un an après son élection, en septembre 2018, je note que le président de la République dégringole. "On pouvait penser que sa capacité à intéresser de nouveaux citoyens à la chose politique via le mouvement En marche allait l'amener à insuffler de la démocratie directe, de la participation et de la simplicité. Au contraire, on a découvert depuis quinze mois un monarque soucieux d'accentuer la verticalité du pouvoir." Je reviens également sur le départ fracassant du gouvernement de Nicolas Hulot. "C'est un profond changement de matrice dont la France a besoin. Le président, produit (brillant) d'une technocratie à la française, est incapable intellectuellement de penser cette mutation."

    En puis, en novembre 2018, démarre la crise des Gilets jaunes. Au-delà des questions monétaires importantes (taxes, pouvoir d'achat, salaire, etc), c'est bien la question du fonctionnement de notre démocratie qui est posée."Quels sont les intérêts représentés dans telle ou telle décision (l'intérêt général paraît généralement une chimère) ? Comment contester de façon pacifique une orientation ? Que faire quand un responsable trahit ses engagements ? Ces questions doivent être au centre des réflexions. Emmanuel Macron serait bien inspiré à lancer un vrai processus de discussion dans le pays sur les questions du référendum d'initiative populaire, de contrôle de l'exécutif, de revalorisation du Parlement. En un mot, la question qui est posée est celle de la démocratisation de notre République."

     

    En écrivant ce texte, je pense à mon ami Bernard Boudet, en ce moment dans le coma, avec qui j'ai eu tant de discussions passionnées sur la chose politique. Comme quelques autres, il a très souvent pris la peine de réagir à mes articles. 

     

     

  • François Fillon, un politique vraiment délirant

    Par moment, on se pince pour y croire. Comment se fait-il qu'un homme (apparemment) raisonnable, forgé par le républicain Philippe Séguin, aguerri par cinq années à Matignon où il a pu mesurer le danger de l'inconstance du président d'alors, comment se fait-il donc que François Fillon se lance dans une aventure personnelle vouée à l'échec ? Sauf s'il arrive à atteindre le second tour en se retrouvant face à Marine Le Pen, il n'a aucune chance de devenir Président de la République. D'ailleurs, la leader du Front national n'a de chances sérieuses de l'emporter que si elle se retrouve face à un ancien Premier ministre soupçonné d'avoir détourné de l'argent public. Passons...

    Comment comprendre cette dérive que personne ne pouvait imaginer ? Certes, les circonstances sont très particulières. Il faut se rappeler qu'au sortir des primaires de la droite, François Fillon était triomphant. Les sondages (ah, les sondages...) le voyaient déjà vainqueur par KO de la présidentielle. C'était avant la montée impressionnante d'Emmanuel Macron, la désignation-surprise de Benoît Hamon, le retrait de François Bayrou au profit du candidat En marche. C'était avant, mais c'était il y a quelques mois seulement...

    Et puis, y'a eu le coup de tonnerre des révélations du Canard enchaîné. A ce moment-là, François Fillon avait deux solutions : soit juger qu'il ne se relèverait pas de la mise en lumière de sa face sombre (cela ne fait pas de lui un brigand, mais ce n'est pas raccord avec l'image de probité qu'il a voulu donner) et laisser la place à un autre candidat de sa famille politique. Même si la chose était compliquée (vu le panier de crabes qu'est le parti des Républicains), une solution alternative pouvait être trouvée dès février.

    Autre solution : notre élu sarthois (devenu, par confort personnel, élu parisien) pouvait considérer que ce fait et les soupçons légitimes que cela peut faire naître sur son honnêteté ne remettent pas en cause ses chances d'être élu à l'Elysée. Auquel cas il aurait dû reconnaître tout de suite les faits, sans tomber dans un charabia juridico-politique ("c'est pas super bien ce que j'ai fait, mais c'est pas totalement interdit, donc circulez, y'a rien à voir"), et surtout s'engager à rembourser les 500 000 euros que le couple a indûment touché. Il aurait fait cela, il pouvait reprendre pied dans la campagne.

    Il jouait alors la carte du type repenti qui, après s'être enrichi, se dépouille (un peu) et montre que le plus important est de se consacrer au redressement du pays. Avec une bonne mise en scène, il pouvait gagner l'élection (excusez mon cynisme, mais les choses se passent en partie comme cela).

    Comme François Fillon a décidé de rien faire comme il faut (du point de vue de la morale et de ses propres intérêts), il s'est posé en justicier, faisant la leçon aux journalistes, aux juges et à la société entière qui lui demande de rendre des comptes. Et comme il s'était appuyé pendant sa campagne sur les réseaux les plus réactionnaires de la droite républicaine (la Manif pour tous, Sens commun), la machine de guerre s'est mise en marche, avec pour point d'orgue la manifestation (semi-réussie semi-ratée) du 5 mars.

    Cette manif du Trocadéro peut prêter à sourire ou à s'indigner, tellement ce qu'on y a entendu est grossier, indigne d'un homme qui entend représenter les Français dans leur diversité. Quand le pays compte autant de gens en-dessous du taux de pauvreté, quand un agriculteur se suicide chaque jour, quand autant de citoyens doutent légitimement sur la capacité des politiques à améliorer la situation du plus grand nombre, mobiliser 50 000 personnes (elles auraient été 200 000 que cela ne changerait rien à l'affaire) sur la défense d'une candidature vermoulue de partout est une grave faute politique.

    Dans cette triste affaire, ce qui m'intrigue, ce sont les raisons de cette dérive folle d'un ancien Premier ministre. Dans sa chronique sur France inter le 6 mars, Guillaume Meurice parle d'une "manif d'anarchistes". Cela peut faire sourire (et c'est aussi l'objectif de sa chronique quotidienne que je vous conseille vivement), mais c'est assez juste. Dans le peuple de droite, se développe un sentiment de ras-le-bol général. C'est simple à décrire, ça commence toujours par cette expression : "y'a trop de..." (de fonctionnaires, d'impôts, de normes, d'incivilités, de journalistes de gauche, de musulmans, etc.).

    Le rôle d'un politique responsable n'est pas flatter cette opinion, de caresser les gens dans le sens du poil, mais de faire la part des choses (trier les inquiétudes légitimes des obsessions extrémistes, homophobes et racistes) et surtout d'affirmer un cap politique rassembleur. Sinon, on quitte le camp républicain et on se rapproche inexorablement d'un courant pétainiste dont notre pays a pu mesurer la nocivité. 

    Pourquoi François Fillon a choisi une stratégie politique qui va faire perdre la droite républicaine et peut endommager notre démocratie déjà pas spécialement en forme ? Difficile de répondre à ce qui restera sans doute la plus grande énigme de cette incroyable présidentielle (et c'est loin d'être terminé). Je vais essayer de proposer tout de même mes réflexions.

    Dans la ligne jusqu'au boutiste de Fillon, se devine sorte de revanche par rapport à sa "carrière" politique. L'élu sarthois a toujours été dans le sillage d'un homme politique plus important que lui : d'abord le député et ministre sarthois Joël Le Theule puis Philippe Séguin, Jacques Chirac, et enfin Nicolas Sarkozy. Rappelons-nous sa réaction de Premier ministre quand le président de la République Nicolas Sarkozy le qualifia publiquement de "collaborateur". Il n'y en eut pas, ou plutôt François Fillon fit mine de ne pas s'en offusquer pour ne pas rentrer en conflit avec Nicolas Sarkozy. Ne jamais prendre de face un adversaire semble être la ligne de conduite de François Fillon.

    Lors de la primaire de droite, son élection a sonné contre une double revanche : contre l'ancien chef Sarko qui l'avait humilié, contre Alain Juppé qui - que ce dernier l'ait voulu ou non - l'écrasait par sa superbe quasi-aristocratique. François Fillon est resté un notable de province qui, par extension progressive de son influence, est devenu un seigneur. Un féodal ne peut jamais être un vrai leader. Quand on est devenu chef par élimination progressive de ses concurrents et sans jamais dévoiler ses cartes (par exemple son rôle de conseiller de grands patrons), difficile ensuite de prendre les habits d'un chef d'Etat.

    Derrière le soutien dont il continue à jouir dans une petite
    partie de l'opinion, il y a l'idée - ou plutôt le fantasme - que des forces obscures (à les entendre, le lobby gay et le communautarisme musulman seraient à la manoeuvre) manipuleraient la France. Aux Etats-Unis, on a entendu à peu près les mêmes arguments dans la bouche des fans de Donald Trump...

    Pour comprendre le fonctionnement de la politique, il faut très souvent faire un détour par l'histoire et la sociologie, mais aussi par la psychologie et la psychanalyse. "Délire"... le terme me semble bien résumer la situation actuelle autour de Fillon. Qu'en dit Le Larousse ? Le délire est une "perte du sens de la réalité se traduisant par un ensemble de convictions fausses, irrationnelles, auxquelles le sujet adhère de façon inébranlable". Nous en sommes là.

           

  • Quand Hollande et Sarkozy veulent rejouer le match...

    Forcément, on y pense tous. On se dit qu'on ne va pas y couper. Au mieux, on aura un remake de 2012 avec un duel Sarko-Hollande. Au pire, la Marine va trouver sa place au second tour et affronter l'un des deux protagonistes qui risque de l'emporter dans un réflexe de sauve qui peut. Dans tous les cas, la démocratie va prendre un sacré coup, tellement cette bande des trois ne présente aucune ressource permettant de résoudre les maux de notre société.

    François Hollande, on l'a écrit ici très souvent, est depuis plus de trois ans paralysé par ses hésitations, son absence de vision et, osons le mot, sa paresse intellectuelle. Même s'il a su, en certaines occasions, se hisser au niveau d'un chef d'Etat, il est resté l'homme que l'on connaissait à la tête du parti socialiste : d'une intelligence tactique remarquable et d'une indigence intellectuelle, également remarquable. Actuellement, pour neutraliser Manuel Valls, il sort sa carte Macron qui, par ses provocations et son absence de sens de la responsabilité, montre que le premier ministre n'a pas l'autorité sur tous les membres de son gouvernement. Le seul qui a de l'autorité, c'est donc Hollande. CQFD.

    Le président de la République sera donc, malgré un bilan très faible, candidat à un second mandat. Peu importe pour lui qu'une majorité d'électeurs de gauche ait la gueule de bois, il espère gagner une fois encore par la seule tactique. Pousser Sarkozy pour marginaliser Juppé. Donner un coup de pouce au FN (par exemple en ressortant l'idée du droit de vote aux étrangers - alors qu'il fallait la mettre en œuvre dès le début de quinquennat) pour affaiblir la droite. Faire les yeux doux aux écologistes qui ont quitté EELV (lire mon précédent post) pour empêcher une candidature Duflot. Parsemer cela de quelques mesures sociales qui seront financées... après 2017. Soyons sûrs que ceux qui "dirigent" le pays (les conseillers de l'Elysée) travaillent dans toutes ces directions. Le pire (ou le mieux), c'est que ça peut marcher.

    Second larron : Nicolas Sarkozy. Comme son rival Hollande, il est constant. Pour lui, seul le pouvoir compte. Il y a une forme de jouissance à être plus grand que les autres, à non pas diriger un pays mais à être le chef (ce n'est pas tout à fait pareil). Comme l'Ex est bien informé, il sait qu'à la loyale, Alain Juppé voire François Fillon sont mieux placés que lui : absence de casserole, intégrité reconnue de l'un et de l'autres, expérience du pouvoir...

    L'Ex n'est pas du genre à se laisser abattre. Il va profiter de sa position de chef de parti pour, grâce à un mélange de séduction et de menace, récupérer de nombreux dirigeants des Républicains. Il a déjà commencé avec François Baroin, à la tête de l'influente Association des maires de France (AMF). Il a poursuivi en prenant le contrôle, via l'un de ses affidés Pierre Monzani, de l'Assemblée des départements de France (ADF) et pourrait être tenté de faire la même chose avec l'Association des régions de France (ARF), une fois que le basculement vers la droite aura eu lieu. Puisque Sarkozy ne peut séduire les Français qui n'ont pas oublié sa présidence calamiteuse, il va tenter de prendre le pouvoir en ralliant les "seigneurs" que sont les maires de grandes villes, les présidents de départements et régions.  

    On aurait pu espérer que Nicolas Sarkozy aurait mis à profit sa défaite pour réfléchir à ses causes, prendre du champ, et s'il voulait revenir au pouvoir (ce qui est une mauvaise idée pour un Président battu), proposer une nouvelle vision. Là, on prend les bonnes vieilles méthodes testées dans les Hauts-de-Seine (verrouillage, pressions sur les élus, promesses inconsidérées...) pour tenter un coup de force : revenir au pouvoir malgré les Français. Le pari de Sarkozy est le même que celui de Hollande : gagner le second tour face à Marine Le Pen par rejet viscéral de celle-ci.

    Les deux finalistes de la présidentielle de 2012 ont tout intérêt à faire grimper la candidate de l'extrême droite new look. Et chacun est assez brillant en la matière. François Hollande tourne le dos à ses engagements en menant une politique économique qui repose sur deux piliers :  améliorer l'offre des entreprises par des avantages (j'allais écrire "cadeaux") sans aucune contrepartie ; espérer une reprise mondiale qui profiterait à notre économie. Quand j'écrivais plus haut "paresse intellectuelle", je pensais à ce refus de voir que la pensée économique dominante (la doxa libérale à la Gattaz) n'est plus en phase avec les réalités. La présidence Hollande aura été marquée par une croissance forte du chômage (malgré le petit mieux, tout relatif, le mois dernier) et une désespérance accrue des quartiers populaires (voir la façon dont le Président a été accueilli à la Courneuve). Du pain béni pour la Madone de la démagogie !

    Quant à Sarkozy, il joue un jeu dangereux avec la thématique de "l'identité française". Notre fils de Hongrois reprend mot pour mot la phraséologie de l'extrême droite new look, celle qui s'est débarrassée, au moins en surface, de l'antisémitisme et de l'inégalité des races. Il espère capter une partie de l'électorat lepéniste en jouant sur le sentiment d'exaspération. Sauf que l'électorat visé est aussi "exaspéré" par l'impunité dont jouit une bonne partie de la classe politique, à commencer par Sarkozy. Lui aussi fait monter Marine Le Pen, tout en assurant qu'il est un vrai républicain. Voilà pourquoi il a viré la pauvre Morano qui, en fidèle élève de Sarko, a dépassé son maître en tenant un propos ouvertement raciste. 

    Tout cela nous prépare un triste printemps 2017. Mais, tout occupés qu'ils sont à servir leur intérêt personnel avant celui du pays, les professionnels de la politique, les accros au pouvoir n'en ont que faire...        

  • Hollande face au risque du "cause toujours"

    Le dernier "bide" d'audience de François Hollande lors de l'émission Capital sur M6 (2,8 millions de téléspectateurs) a semble-t-il, fortement inquiété les cercles élyséens. Et avec raison. Ce hollande-capital.jpegscore inhabituel pour un Président de la République traduit un détachement grave des citoyens vis-à-vis des responsables politiques, et du premier d'entre eux.

    Ce fait important doit être analysé en profondeur car ses causes sont multiples. Quoiqu'on en dise, ce pays a été contaminé par le style Sarkozy, pas simplement pendant son quinquennat, mais depuis 2002, date à partir de laquelle le ministre de l'Intérieur qu'il était alors a été en permanence exposé. L'adorant ou l'abhorrant, nous avons été habitués à recevoir une annonce par jour, à ce qu'il suscite des polémiques permanentes (qui sont d'ailleurs loin d'être terminées). Sarko était dans le spectacle politique, Hollande ne l'est manifestement pas... La désintoxication se fait dans la douleur et demande du temps !

    Mais ce genre d'explication - sympathique pour le nouveau président - ne suffit pas à comprendre l'indifférence grandissante qui entoure Hollande. Celui-ci n'est pas aussi détesté que ne le fut Sarkozy, mais devient, dans la tête de beaucoup de concitoyens, un responsable incapable de forcer le destin, de changer les choses. Il reste honnête, voire sympathique, mais sans prise sur la réalité. Donc pourquoi l'écouter une heure durant ?

    Trois types de reproches lui sont régulièrement adressés qui méritent d'être examinés. D'abord, il biaise avec la réalité. Inlassablement, François Hollande assène que le courbe du chômage va s'inverser à partir de la fin de l'année, que la croissace va revenir et que l'objectif de réduction des déficits à 3 % sera tenu. Personne ou presque ne pense que de tels paris peuvent être gagnés. Mais lui (vraiment convaincu ?) répète jusqu'à plus soif ce qui apparait aux yeux de l'opinion publique, comme des mensonges. Le diagnostic n'apparaissant pas crédible, les solutions qu'il répète ne sont pas jugées crédibles.

    Ensuite, il est jugé faible, manquant d'autorité aussi bien en interne qu'en externe. Le fait, par exemple, que le projet de loi sur la transparence des parlementaires - sur lequel Hollande s'était engagé fermement lors de l'affaire Cahuzac - ait été désossé par les parlementaires, que les mêmes retardent toujours la date d'application du non-cumul des mandats montrent que l'autorité de l'Elysée est très faible. Il suffit que Collomb (le maire PS de Lyon) ou Rebsamen (Dijon) tousse pour que Hollande éternue. Comment, dans ces conditions d'une faible autorité dans son propre "camp", créer un rapport de force favorable avec l'Allemagne pour réorienter la politique européenne? Comment imposer véritablement une lutte efficace contre les paradis fiscaux? 

    Enfin, une partie de l'électorat considère qu'il a trahi un certain nombre de ses engagements. Le procès en trahison n'est pas simple à instruire car incontestablement, de nombreuses promesses de campagne ont été - ou sont en cours - de mise en oeuvre. Sauf qu'elles le sont parfois dans une version tellement light que l'objectif initial aura bien du mal à être tenu. C'est le cas, par exemple, de la loi sur la séparation des activités au sein des banques qui ne devrait les concerner qu'à la marge et ne devrait pas ralentir leurs activités spéculatives très juteuses.

    Et puis, il faut parler de ce dossier des retraites. Là aussi, nous sommes dans la plus grande hypocrisie. Certes, l'âge légal de départ à la retraite ne devrait pas être modifié, comme s'y était engagé Hollande, mais le fait de rajouter des années de cotisation (sur lequel il s'était abstenu de tout engagement) va arriver inéluctablement à retarder le départ à la retraite d'une grande majorité de travailleurs, y compris ceux qui ont commencé à travailler tôt. Là encore, Hollande joue sur les mots, essaie de toujours retomber sur ses pattes.

    Il va arriver un moment où ce positionnement d'équilibriste va se révéler impossible à poursuivre. Le Président semble persuadé que le plus tard sera le mieux et qu'en attendant, il faut conserver la fiction d'un gouvernement qui met en oeuvre méthodiquement les 60 engagements de la campagne alors même que les hypothèses de croissance  ne correspondent absolument pas au pronostic (imprudent) de l'époque. En attendant que Hollande se décide à être dans un discours de vérité, les Français risquent de faire la fête à tous les candidats socialistes et de bouder ses prestations télévisuelles.