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Nicolas Sarkozy - Page 3

  • A quoi a vraiment servi cette campagne ?

    Nous voilà donc à une semaine du premier rendez-vous électoral de ce printemps décidément très politique. Le moment de faire un premier bilan de deux mois 10 candidats 2012.jpgde campagne électorale, depuis l'entrée officielle en campagne du président sortant (voir mon post du 15 février). Essayons de baliser le champ de réflexion autour de trois grandes interrogations.

     

    1/ Les rapports de force ont-ils changé ?

    Par moment, on peut se demander si la campagne électorale a vraiment produit des effets. A part la montée spectaculaire (et assez exceptionnelle) de Jean-Luc Mélenchon qui a grosso modo doublé ses intentions de vote depuis février, les positions entre les deux favoris n'ont pas beaucoup bougé. Certes, Nicolas Sarkozy pourrait talonner (voire dépasser) Franprésidentielle.jpgçois Hollande au premier tour, mais c'est en grande partie dû à l'élimination de concurrents potentiels comme Hervé Morin, Christine Boutin ou Dominique de Villepin (les deux premiers s'étant ralliés au candidat UMP). De plus, son discours ultra-droitier lui aurait permis de grignoter quelques voix tentées par Marine Le Pen, alors que le positionnement mal compris de François Bayrou lors du drame de Toulouse (il avait continué à faire campagne comme si de rien n'était et estimé que la dérive de Merah était le fruit de la société) aurait amené certains de ses supporters à lui préférer la posture présidentielle de Nicolas Sarkozy.

    Mais pour lui, l'essentiel – et le plus grave – est ailleurs : le rapport de force avec Hollande au secour tour. Dans le meilleur des cas (en tenant compte de la marge d'erreur inhérente aux sondages), il serait à au moins 6 points du candidat socialiste, ce qui nous ramènerait au rapport de force, inversé, de 2007. Certes, l'argumentaire de l'UMP est bien rôdé : on ne peut pas présumer du second tour tant que le premier n'a pas révélé ses résultats ; après un discours très droitier, le candidat sortant va s'adresser aux électeurs centristes et sa tâche sera facilitée par les appels du pied des socialistes à l'électorat Mélenchon, ce qui pourrait mettre en syncope plus d'un centriste ; la gravité de la crise pourrait conduire des électeurs hésitants à faire le choix d'une continuité plus rasssurante que « l'aventure Hollande » etc.

    Sauf que jusque-là, comme nous l'avons déjà écrit (post du 2 avril), le candidat sortant n'a pas beaucoup valorisé ses habits de président, se mettant dans une curieuse position de challenger. Cette posture agressive, parfois iconoclaste (par exemple sur Schengen), souvent en décalage avec la position euro-responsable qu'il a voulu asseoir dans la seconde partie de son quinquennat, n'est pas de nature à dissiper les inquiétudes de tous ceux, de gauche comme de droite, qui l'ont trouvé trop agité, peu rassurant et n'incarnant pas une constance et une profondeur de vue requises par l'exercice des plus hautes fonctions poliitiques. On en revient à ce qui représente le principal obstacle de sa candidature : sa propre personnalité. C'est sans doute cela qui rend le rassemblement au second tour autour de sa candidature particulièrement problématique.

     

    2/ Le grand favori a-t-il réussi à convaincre ?

    Là également, les deux derniers mois de campagne ne nous ont pas appris grand-chose. François Hollande est resté celui qu'il était pendant la campagne primaire des socialistes : solide, constant et surtout prudent. Il représente toujours l'anti-thHollande officiel.jpgèse de Nicolas Sarkozy, d'autant que celui-ci a été la caricature de lui-même. Jusqu'à son affiche officielle, le candidat socialiste campe assez efficacement le portrait du président de rechange. Pour autant, a-t-il convaincu qu'il avait un vrai dessein pour le pays ? On a du mal à répondre positivement à cette question. Certes, il a mis l'accent assez justement sur la priorité à la jeunesse et à l'éducation ; il semble sensible aux dimensions éthiques de l'exercice politique ; il garde un oeil sur l'état des finances publiques.

    Pour autant, ses silences sur la politique étrangère, son souci de ne pas trop bousculer la société française (et ses conservatismes souvent mortifères) et sa faible appétence pour l'exigence écologique montrent les limites du changement prudent qu'il entend incarner. Le grand défi pour Hollande reste le même : prouver qu'il peut être autre chose qu'un président par défaut. Il devra, sans doute dans l'entre-deux-tours, sortir de ses prudences pour susciter un enthousiasme autour de sa candidature qui lui fait encore cruellement défaut.

    3/ Cette campagne a-t-elle rehaussé le crédit de la politique ?

    On ne peut pas dire que ces deux mois de campagne ont brillé par leur intelligence et la hauteur de vue qui devrait être la règle au cours de ce grand moment de vie démocratique. Les médias ont souvent des mots très durs sur les petites manoeuvres des poliitiques, mais ils devraient, une fois encore, faire leur examen de conscience : abus des sondages et refus d'expliquer la marge d'erreur qui les entoure ; goût démesuré pour la petite phrase souvent sans intérêt...

    Quoiqu'en disent certains de mes confrères, les médias, surtout audiovisuels, fabriquent l'agenda politique en sélectionnant ce qui « intéresse les Français » et ce qui est « loin de leurs préoccupations ». Pourquoi, à un moment donné, ont-ils accepté de relayer la surenchère sur la viande hallal orchestrée par Marine Le Pen ? Pourquoi, un an après la catastrophe de Fukushima, ont-ils décrété que la question énergétique était réservée aux spécialistes et ne pouvait donc pas, dans les débats importants, rivaliser avec la question des rites d'abattage ? Pourquoi ont-ils tout d'un coup mis au second plan le débat sur l'avenir de la zone euro, alors même que les alertes chez nos voisins prouvent que rien n'est fondamentalement réglé ?

    Plus grave sans doute, le travail de décryptage des propositions des candidats n'est pas fait, ou de façon très superficielle. Les candidats lancent des chiffres, tablent sur des hypothèses de croissance souvent très optimiscanard bis.jpgtes, mais rarement confrontent ces données avec des études sérieuses, avec des chiffrages indépendants. « Le Canard enchaîné » de cette semaine propose ce travail de déconstruction particulièrement éclairant. Il nous apprend aussi les approximations du candidat sortant. Par exemple, sur le RSA, il escompte en durcissant les contrôles sur 1 milliard d'euros d'économies alors que, comme le rappelle le balmipède, « 1,7 million des pauvres qui y ont droit ne l'ont pas encore réclamée. S'ils se réveillaient, il en coûtera au moins 5 milliards de plus à l'Etat.

    Concernant François Hollande, le « Canard » insiste sur les zones de flou. Par exemple, l'embauche de 60 000 fonctionnaires pour l'Education nationale et les forces de l'ordre devrait conduire logiquement dans les autres ministères (puisque les effectifs globaux ne devraient pas bouger) à appliquer la règle sarkozyste du remplacement d'un fonctionnairMélenchon 2012.jpge sur deux partant à la retraite. Quant à Jean-Luc Mélenchon, l'hebdo satirique note la folie des grandeurs de son programme. Par exemple, le remboursement à 100 % des ftais de santé coûterait la bagatelle de 76 milliards d'euros. Mais là, d'une certaine manière, les chiffres importent peu puisque le porte-drapeau du Front de gauche ne pense pas, même dans le plus fou de ses rêves, gouverner un jour.

    Cette campagne révèle un problème de fond. Certains proposent des programmes qui n'ont que pour vocation de faire rêver (et de faire oublier les lendemains qui ne chanteront pas forcément ?) alors que d'autres sortent des chiffres qui paraissent sérieux, mais qui ne résisteront pas longtemps à l'épreuve de la réalité. Les premiers savent qu'ils ne seront pas aux commandes, donc veulent influencer les favoris. Lesquels doivent prouver qu'ils sont en capacité de gouverner (d'où les propositions chiffrées), mais en trouvant des accomodements avec la réalité des chiffres pour ne pas effrayer l'électeur moyen. Avec cette répartition des rôles, il n'est pas sûr que le débat démocratique en sorte gagnant.

  • Une campagne vraiment extra-ordinaire

    Où va la campagne présidentielle ? A trois semaines du premier tour, difficile de prévoir à quoi ressemblera le paysage politique à la fin de ce mois. S’il est plus que probable que les deux jean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandefinalistes seront Hollande et Sarkozy, il reste bien des points d’interrogation, aussi bien sur l’ordre d’arrivée des candidats que sur la tournure que prendra le second tour.

    La difficulté de toute prévision vient du fait que le scénario est totalement inédit. D’une part, c’est la première fois qu’un sortant confortablement élu (53 % des voix en 2007) accuse un tel retard par rapport à son challjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandeenger, même s’il a rattrapé une partie de celui-ci. Etre à 44 ou 45 % des voix du second tour, à cinq semaines de celui-ci, ne s’est jamais vu dans l’histoire déjà longue de la Ve République. Cette situation atypique conduit à une sorte de renversement de rôle : le sortant se présente en homme nouveau, multiplie les effets d’annonce, attaque à tout-va son challenger et bien entendu "oublie" de se référer à son bilan. En face, ledit challenger (F. Hollande) fait une campagne de sortant, annonce au compte-goutte des propositions et évite de répondre aux provocations de son principal concurrent. Si on voulait être désagréable, on pourrait dire qu’il s’agit de l’affrontement entre un « sale gosse » insolent et impétueux qui voudrait tant amener son rival dans le bac à sable face à un notaire de province qui gère, en bon père de famille, son capital électoral et qui ne veut surtout pas recevoir le moindre éclat de boue.

    On reconnaîtra que ce scénario peut désorienter. Il n’est sans doute pas pour rien dans le désintérêt manifesté par l’opinion publique pour ce scrutin avec le risque bien réel d’un fort taux d’absentention. On est donc à des années lumière de 2007 où l’on avait vu deux candidats flamboyants – sans doute moins costauds – déclenchant les passions (il faut se souvenir de l’hystérie autour de Sarkozy et, on l’a oublié, de Royal), alors que François Bayrou suscitait un intérêt intellectuel très fort, transcendant les clivages.

    Cette fois-ci, le troisième homme de 2007 pourrait être le 5e et il semble lui aussi usé, répétant en boucle le même discours. Certes, on peut lui reconnaître d’avoir visé juste sur divers thèmes (l’endettement, les atteintes aux libertés sous Sarkozy..), mais la mayonnaise a du mal à prendre, d’autant qu’on a le sentiment que notre Béarnais revient vers ses eaux naturelles, le centre droit.

    L’élément nouveau par rapport à 2007, c’est que le débat s’est profondément pjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandeolarisé autour de deux candidatures emblématiques, celles de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Examinons d'abord le cas de la « chef » du front national. Une opinion répandue dans le petit monde politico-médiatique voudrait que sa campagne marquerait le pas et qu'elle réaliserait une contre-performance. C'est sans doute prendre ses rêves (le mien aussi) pour la réalité. Tout cela est lié à des sondages qui, après un début de campagne tout feu tout flamme la font plafonner à 14-15 %. Prudence cependant ! Car on ne soulignera jamais assez la versalité et l’existence d’une marge d’erreur d’au moins deux points : quand on nous annonce un candidat à 13 %, il peut aussi bien être à 11 % qu’à 15 %, ce qui change tout de même les données. De plus, les sondages ont pratiquement tout le temps minimisé le score du FN.

    Le climat d'inquiétude, voire de spleen national qui paralyse le pays depuis plusieurs années, accentué par la tragique tuerie de Toulouse, devrait une fois encore servir le discours de peur et d'exclusive à tout va qu'entretient, avec un certain talent, mademoiselle Le Pen. Certes, elle ne peut pas prétendre réitérer l’exploit de son père, en réalisant un « 21 avril à l’envers », mais elle suscite un intérêt réel au-delà de l’électorat traditionnel du Front national. La nouveauté, c’est qu’elle veut donner à son mouvement une crédibilité dont souffrait terriblement son vieux pater marqué par l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle (l'Occupation, l'antisémitisme, les guerres de décolonisation, etc). Certes, nombre de ses propositions ne tiennent pas la route (notamment la fin de l’euro et l’immigration zéro), mais elle a réussi à faire croire à beaucoup qu’à la différence de son père, elle souhaite gouverner.

    Elle vise non pas 2012, mais 2017. D’ici là, elle espère que l’échec de Nicolas Sarkozy qu’elle va contribuer à faire advenir dans l’entre-deux-tours provoquera une explosion de l’UMP, permettant d’envisager une alliance, à l’italienne, avec la partie la plus droitière de feu le parti unitaire. Dans une compétition où Nicolas Sarkozy marche allègrement, et sans trop de mauvaise conscience, sur ses plate-bandes, elle entend marquer des points en rassemblant son camp et en séduisant ceux qui, par ras-le-bol, veulent renverser la table d'un système où ils ont sentiment que tout change pour ne rien changer.

    La candidaturjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandee de Jean-Luc Mélenchon est à la fois la plus opposée qui soit à celle de Le Pen (par le choix de valeurs, par les références historiques), mais en même temps, celle qui s'alimente le plus de ce terreau de la désespérance. Là où le FN mise sur les ferments de la division et de la colère face au fatalisme de la crise, Jean-Luc Mélenchon exalte les vertus du politique pour redresser le pays. L'une joue sur le registre du « tout fout le camp », l'autre sur celui de « la volonté politique qui peut tout », mais ils sont l'un et l'autre l'expression d'une volonté de renverser la table. « Sortez-les ! », disait Mélenchon dans l'un de ses livres...

    Incontestablement, l'actuel député européen (peu actif, semble-t-il) marque cette campagne par son enthousiasme, son charisme et sa personnalité. Tout un chacun, même celui qui n'épouse ces idées, sent bien que la politique est sa raison de vivre et qu'il y met une forme de sincérité et un allant assez rares. Au risque d'en défriser certains, son énergie ressemble à celle qui anima Sarkozy en 2006-2007... Vraisemblablement, Mélenchon ira prendre des voix dans le flot qu'on annonce intense des abstentions et parmi ceux qui auraient pu céder aux sirènes du FN. Il refait adhérer aux vertus de la politique, propose un discours carré qui ne s'embarrasse pas d'un chiffrage économique et du sens du compromis qui a été la caractéristique des politiques depuis 1988 (avec la réélection de Mitterrand), si on enlève les deux premières années de la présidence Sarkozy. Il fait rêver, disent certains, et on aurait tort de gâcher son plaisir en ces temps de morosité.

    Mais quel serait le débouché d'un Mélenchon à 15 % (ce qui lui ferait retrouver le score du communiste Georges Marchais... en 1981) ? Incontestablement, cela obligerait François Hollande dont le score ne serait pas le double, à reprendre certaines de ses propositions. Avec le risque de faire fuir une bonne majorité des électeurs centristes dont la gauche a besoin pour gagner... Sans rentrer dans ces considérations purement tacticiennes, la question se pose de la « gestion » de ce capital électoral. En annonçant qu'il ne participerait par au gouvernement « social-libéral » de Hollande, Mélenchon se prive d'une possibilité de négociation avec les socialistes. Il conserve pour lui une forme de pureté « révolutionnaire », mais se condamne à n'être que la mouche du coche. En même temps, il lui sera très difficile d'entrer dans une équipe plus proche de l'esprit d'un Delors que d'un Mitterrand versus 1981. Pour le flamboyant candidat du Front de gauche, le plus dur commence le 23 avril...

  • Hollande / Sarkozy : le match peut commencer

    Voilà donc la campagne réellement lancée avec l'acte de candidature posé par le Président de la République pour un second mandat. Remarquons que le fait d'avancer d'un mois l'annonce de hollande-sarkozy.jpgcette candidature (initialement, le calendrier prévoyait une campagne courte, sur le thème : « Le Président gouverne jusqu'au bout ») traduit une inquiétude sérieuse à l'UMP et dans les cercles élyséens. Le fait que les sondages pronostiquent invariablement un avantage sérieux de François Hollande au premier comme au second tour n'est pas pour rien dans ce qui ressemble à de la précipitation. Le pari de Nicolas Sarkozy est aussi simple que risqué : occuper le terrain massivement pour reprendre la main et stopper nette la domination du candidat socialiste. Ce faisant, le Président sortant donne le sentiment de ne plus être maître de son destin et de devoir pédaler de façon outrancière pour rattraper son retard. De quoi, une fois encore, brouiller l'image sereine et apaisée qu'il entendait – à son corps défendant – imprimer à sa candidature.

    A moins de dix semaines du premier tour de la présidentielle, essayons d'examiner les atouts, mais aussi les fragilités, des deux favoris, au regard de l'état de leur corpus idéologique et de la concurrence électorale qu'ils doivent affronter.

    FRANCOIS HOLLANDE

    Incontestablement, son début de campagne a été plutôt réussi. En termes de calendrier, il n'a rien changé alors même que les commentateurs, toujours un peu frénétiques, s'interrogeaient en Hollande 2012.jpgdécembre dernier sur un essoufflement possible. L'homme que d'aucuns disaient, de façon assez méprisante, inexpérimenté prouve dans cette campagne une maîtrise des événements et des nerfs que le camp d'en face doit envier. François Hollande a également su se tenir dans une bonne distance avec le Président en évitant de répliquer à chacune de ses attaques depuis un mois où la vraie-fausse campagne de Sarkozy est engagée. Il est apparu comme un candidat tranquille, sûr de lui, sans être arrogant et de ce point de vue-là, il offre un sérieux contre-modèle au candidat sortant qui pense, à tort, que créer un événement par jour va le réconcilier avec les Français.

    Même s'il fait figure de favori, François Hollande n'est pas exempt de fragilités davantage autour de son programme que de sa personnalité. Car, tout de même, qui peut croire que le dauphin de Lionel Jospin qui a dirigé le principal parti d'opposition pendant une dizaine d'années n'ait pas la capacité de gérer le paquebot France? Il lui faudra sans doute quelques semaines pour être parfaitement « au jus », mais faire croire aux Français que cela peut être un handicap lourd pour le pays est non seulement peu crédible, mais est potentiellement contre-productif pour la droite. Deux grandes questions entourent le projet Hollande :

    1/ A-t-il un vrai destin à proposer aux Français ?

    François Hollande parle régulièrement de rêve français mais quel contenu lui donne-t-il ? On a souvent le sentiment qu'il suffirait de rétablir en le rafraichissant quelque peu le modèle républicain classique - que le Président sortant aurait soigneusement détricoté - pour s'en sortir. Si la critique est assez juste, elle oublie de dire que ledit modèle était gravement en crise quand Nicolas Sarkozy a pris le pouvoir. Vouloir remettre une bête malade dans l'état où elle était en 2007 n'est pas un projet très convaincant. Vouloir rétablir « l'égalité des chances », par exemple en mettant plus de moyens (emplois, école...) dans les quartiers défavorisés, n'a de sens que si les inégalités ne sont pas aussi criantes qu'elles le sont aujourd'hui. Sinon, cela se résumera mettre un pansement sur une jambe déjà gangrénée. Même si la période ne se prête pas à toutes les innovations possibles, François Hollande devra identifier les leviers qu'il souhaite activer pour changer la donne.

    De même sur la question écologique complètement escamotée dans cette campagne (le choix de la candidate d'Europe écologie les Verts n'y est pas pour rien), François Hollande devra indiquer si c'est un vrai vecteur de changement politique ou si c'est un simple gadget pour séduire un électorat écologiste en déshérence. La question du nucléaire ne peut résumer l'équation environnementale et on aimerait que Hollande soit un peu plus explicite sur ce qu'il entend faire pour accompagner la mutation écologique de la France.

    2/ Aura-t-il les moyens de ses ambitions ?

    Du haut de ses 80 balais bien tassés, Michel Rocard a une fois encore soulevé un lièvre. Les prévisions de taux de croissance sur lesquelles le programme socialiste (notamment les créations de poste dans l'éducation nationale et le désendettement français) a été établi seraient exagérement optimistes. Il n'est pas le seul à jouer ce petit jeu dangereux, mais en l'occurrence, ce classique est particulièrement dangereux par les temps qui courent. Que ferait-il si la récession s'installait durablement en France et en Europe, si les taux d'intérêt s'envolaient suite à la dégradation de la note de la France ? A-t-il un plan B et dans ce cas-là, pourquoi n'en parle-t-il pas ? Certes, on peut comprendre qu'un candidat à l'élection suprême ne souhaite pas se présenter en « apporteur de mauvaises nouvelles », mais ne risque-t-il pas de semer de nouvelles désillusions ? La situation en Grèce montre la fragilité de nos démocraties dans lesquelles le pouvoir national joue parfois un rôle de figurant. Le bon score prévisible de Jean-Luc Mélenchon devrait d'ailleurs compliquer la donne pour François Hollande qui va devoir gauchir son discours pour rassembler au second tour, sans pour autant décrébiliser sa candidature et faire paniquer les fameux marchés.

     

    NICOLAS SARKOZY

    L'équation pour le Président sortant est encore plus compliquée. Pour justifier sa nouvelle candidature, il indique vouloir continuer le travail accompli pendant cinq ans. Sauf que le jugement sarko candidat.jpgdes Français sur son bilan quinquennal est très négatif, y compris dans les domaines où il semblait exceller, comme la sécurité. L'argument est donc à double tranchant et il devra s'en méfier s'il ne veut dévisser dans les sondages.

    L'argumentaire très identifié à droite (valeur travail, immigration...) qui a été mis en avant dans l'interview-programme donnée au Figaro magazine a pour objectif d'aller repêcher des voix en déperdition chez Marine Le Pen. Il serait plus utile que le candidat fasse un bilan crédible de son action en n'omettant pas les zones d'ombre. La volonté de braconnage de Nicolas Sarkozy sur les terres frontistes est doublement risquée. D'une part, elle réinstalle Le Pen au centre du débat en légitimant une partie de ses thèses (voir les déclarations du poisson-pilote Guéant) et lui donne une occasion de rebondir. La très fûtée Marine Le Pen aura beau jeu de dire que Nicolas Sarkozy ne va pas au bout de la logique souverainiste, à savoir la remise en cause de la zone euro et du « libre-échangisme mondialisé ». Dans ce contexte, le Président sortant prend le risque de faire remonter le score du FN qui pourrait d'ailleurs venir concurrencer sérieusement le candidat soutenu par l'UMP. Risqué pour le premier tour ! Quant au second (tour), il va être beaucoup plus compliqué de récupérer une bonne part des voix centristes effrayées par les appels du pied en direction de l'extrême droite.

    Sans doute, les spin doctors qui entourent le Président sortant ont-ils quelques cartouches en réserve pour faire décoller la candidature de leur poulain. Ils vont en tout cas vouloir nous en persuader. Mais dans ce jeu de poker-menteur qui se déploie actuellement, il n'est pas sûr que l'équipe qui phosphore dans le vase-clos élyséen n'envoie pas dans le mur le combattant opiniâtre, mais parfois peu lucide, qu'est Nicolas Sarkozy.

  • Est-ce ainsi qu'il peut gagner ?

    Il a joué son va-tout lors de cette émission télévisée du 28 janvier qui a connu une audience-record. Il a fait feu de tout-bois, confirmant les diverses mesures dont il avait esquissé les contours Sarkozy télé.jpgdepuis début janvier. On ne sera pas surpris d'apprendre que le taux le plus élevé de TVA devrait augmenter en échange d'une exonération des charges patronales sur les cotisations familiales ; que la CSG sur le capital va augmenter ; qu'une taxe sur les transactions financières devrait être instituée ; que les pénalités pour les entreprises ne prenant pas assez de jeunes en apprentissage devraient croître considérablement...

    Toutes ces mesures ne peuvent être balayées d'un revers de la main ; en tout cas, elles devraient susciter le débat. Il n'est pas complètement illogique de s'interroger sur le fait que la protection sociale est assise essentiellement sur le travail. Cette mesure serait cependant plus acceptable si les cotisations des salariées étaient amenées, elles aussi, à baisser. D'autant que la hausse de la TVA dite sociale ne sera pas neutre pour le pouvoir d'achat de ces mêmes salariés. Quant à la taxe Tobin, il est difficile de s'élever contre une mesure que les altermondialistes réclament depuis une dizaine d'années, et qui suscitait les quolibets d'une bonne partie de la droite, dont un certain... Nicolas Sarkozy.

    Ce n'est tant les conversions inavouées du Président qui suscitent interrogation et scepticisme que l'absence de méthode présidentielle et ce sentiment d'une improvisation permanente, de cette capacité, à la longue usante, de prendre tout le monde à contre-pied. Deux éléments étayent ce sentiment.

    D'une part, il est tout de même curieux de s'engager sur un vrai programme présidentiel alors qu'on se déclare toujours en exercice pour un mandat qui se termine en mai. Comment peut-il engager le pays dans de grands chantiers alors qu'il n'est officiellement (toujours) pas déclaré candidat à sa réélection ? Il y a quelque chose de choquant à vouloir faire voter en février (est-ce possible d'ailleurs ?) une réforme de la fiscalité et du financement de la protection sociale qui engage forcément le prochain mandat présidentiel et qui d'ailleurs s'appliquerait cet automne. A vouloir accélérer le rythme à un moment où il s'apprête à ne plus avoir la main, Nicolas Sarkozy préempte le débat politique. Car de deux choses, l'une : soit il est en campagne et il a le devoir de tracer des perspectives pour la période 2012 - 2017 ; soit il ne l'est pas encore (comme il l'a redit ce dimanche) et alors il doit se contenter de balayer l'horizon pour les trois mois à venir et si possible esquisser un premier bilan de l'action. Là encore, il participe à la grande confusion politique qu'il a (involontairement ?) contribué à aggraver et dont Marine Le Pen fait son miel.

    L'autre reproche majeur concerne la méthode qu'il utilise envers les partenaires sociaux. Aprèsleaders syndicaux.jpg avoir organisé un pseudo sommet social (puisqu'il s'agissait d'une consultation et aucunement d'un moment de co-construction des politiques sociales et économiques), voilà que le Président les convoque à une négociation expresse (moins de deux mois) pour détricoter une partie des acquis sociaux, notamment en termes de temps de travail. L'argument de la compétitivité - qu'on sert aux salariés depuis une dizaine d'années avec des résultats économiques peu convaincants - est bien dérisoire par rapport au risque de régression sociale. Comment le Président de la République peut-il appeler "négociation" ce qui ressemble davantage à un marché de dupes ? Et puis, l'idée de court-circuiter l'échelon des branches pour les négociations pour tout concentrer sur les entreprises a le double inconvénient d'accentuer les inégalités entre salariés (ceux qui ont les statuts les plus protégés sont aussi ceux qui ont généralement des syndicats puissants) et de priver les organisations d'une vraie capacité de négociation.

    Dans ces conditions, Nicolas Sarkozy sait qu'il va se heurter à une opposition ("idéologique", dit-il de façon très provocatrice) des syndicats et donc cristalliser une nouvelle situation conflictuelle. Outre qu'il n'est peut-être pas nécessaire de se mettre encore plus à dos les syndicalistes - dont l'influence reste non négligeable -, la nécessité de rassembler le pays si on veut le placer en position de bataille est une nouvelle fois affaiblie. 

    Il sera dit que jusqu'au dernier instant, Nicolas Sarkozy se battra pour renverser la vapeur ; que sa combativité est indéniable et même exceptionnelle. Mais il sera dit également qu'il a vraiment du mal à comprendre pourquoi la France se sent si souvent brutalisée par ses coups de menton permanents et son incapacité à composer, à trouver des compromis avec ceux qui ne pensent pas comme lui (les syndicats, associations d'élus, magistrats, etc.) mais dont le rôle est essentiel pour préserver une cohésion nationale qui n'a pas été depuis longtemps autant fragilisée.