Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Nicolas Sarkozy - Page 4

  • Sarko : « la fin du AAA peut me tuer »

    A cent jours du premier tour de la présidentielle, le nouvelle ne pouvait pas tomber plus mal. La France a vu sa note auprès de l'une des trois grandes agences de notation internationale rétrogradée d'un cran. Voici peu, le président français avait confié que ce type de décision était de nature à lui faire perdre l'élection présidentielle. Rien n'est moins sûr (tout comme l'inverse ne l'était pas non plus), mais les choses se compliquent sérieusement pour lui.

    Ce n'est pasnicolas sarkozy,françois bayrou,françois hollande,marine le pen tant les conséquences de cette décision (avec un probable renchérissement du coût de l'argent sur les marchés internationaux) qui vont peser sur la campagne. Les effets ne devraient pas se faire sentir immédiatement, d'autant que les autres agences n'ont, pour l'instant, pas modifié leur appréciation. Ce qui pèse lourdement, c'est l'incidence psychologique de cet avertissement sérieux adressé à la situation budgétaire française. On peut évidemment contester – non sans raison – la pertinence des notes données par ces agences qui se sont plus d'une fois trompées et qui échappent curieusement à toute évaluation (celles qui s'égarent lourdement devraient voir leur note sérieusement écornée...). Mais cela n'a absolument pas été le discours et la stratégie suivis par l'exécutif français qui, depuis un semestre, a calqué toutes ses décisions sur le regard que risquaient de porter les nouveaux manitous de l'économie mondiale. Une réforme comme celle de la dépendance – au demeurant incomplète et critiquable - a été enterrée, entre autres parce que son coût allait donner un mauvais signal aux marchés.

    Eh bien tant de prudence a été mal récompensée. Bien entendu, on ne connait pas les raisons précises qui ont conduit Standard & Poor's à déprécier la note de notre pays. Ce qui est clair, en revanche, c'est que cela donne un sérieux avertissement au pouvoir. Etant pieds et mains liés au bon vouloir des agences, le gouvernement français se trouve complètement démuni pour réagir et trouver une parade efficace. de son côté, le citoyen lambda ne peut qu'être désorienté par le discours à géométrie variable de ses gouvernants. A l'automne, il fallait coûte que coûte engager la guerre contre l'endettement public – alors que cette idée, portée notamment par François Bayrou, avait été si longtemps combattue. L'obligation de ne pas froisser ces fameux marchés était l'argument béton pour justifier le refus de tout investissement public (alors que voici deux ans, le grand emprunt devait financer la relance de l'économie). Depuis décembre, alors que la dégradation de la note française était attendue, le ton a changé : ce n'était plus un drame ! Les agences, tout d'un coup, n'avaient aucune légitimité pour juger la France ! Et puis, l'accord européen (sans les Britanniques) allait nous permettre de résister aux assauts des marchés... Las !

    La stratégie élyséenne est plus fragilisée que jamais. Nicolas Sarkozy peut-il encore se présenter comme un président protecteur -alors que la voie Hollande serait celle d'une aventure risquée – quand une agence de notation exprime ses réserves sur la fiabilité de notre stratégie? Va-t-il être celui qui nous protégera de l'impérialisme des agences ? Mais comment et pour faire quelle politique? Dans cette affaire, le crédit du chef de l'Etat est sérieusement entamé. Non parce qu'il serait à lui seul responsable de la dégradation de la note française. La situation inquiétante du marché du travail et l'envolée des chiffres du chômage sont des éléments autrement plus inquiétants pour la vie des Français au quotidien.

    Dans cette affaire, ce qui peut lui être reproché, c'est cette absence de vision à moyen terme, ou plutôt cette succession de stratégies plus ou moins bricolées. Le "bougisme" du président se retrouve également dans les (non) choix politiques. Un jour, on mobilise le ban et l'arrière-ban pour dire « sus à la dette ». Quand on constate l'échec de cette stratégie, on reprend un outil défendu pendant des années par le mouvement altermondialiste, la taxe Tobin, sans convaincre de la possibilité de le mettre en oeuvre dans des délais si courts. Et puis, on fait du pâle Churchill en annonçant du sang et des larmes, ou plutôt en se lançant dans l'aventure – à tous égards – de la TVA sociale. Un peu de protectionnisme et beaucoup de prélèvements... voilà le soldat Sarkozy remonté sur son cheval.

    Deux jours après le coup de Trafalgar, on ne sait même pas si le TT (Tobin + TVA) va résister longtemps à la fin du AAA ou si les conseillers de Sarko vont nous sortir une nouvelle idée lumineuse de leur chapeau . Ce qu'on sait seulement, c'est que les deux challengers de la présidentielle (Bayrou et surtout Le Pen) sortent renforcés de cet épisode. Le premier parce qu'il peut entonner son discours d'unité nationale après avoir justement pointé le risque de notre surendettement. La seconde parce qu'elle ramasse toujours une bonne partie de la mise lorsque l'incertitude grandit. Elle se nourrit du climat anxiogène qui saisit semaine après semaine notre pays (il ne manque plus qu'un ouragan pour que la barque soit pleine...).

    Il n'est panicolas sarkozy,françois bayrou,françois hollande,marine le pens sûr que ceux qui pourraient voter pour elle croient en l'efficacité de sa mesure-phare : la sortie de l'euro. Mais ils se retrouvent peu ou, prou dans cette envie qu'ont de plus en plus de Français de dire « merde » au système, de renverser la table. Avec son côté « copine-sympa-franche-du-collier », Marine Le Pen se pose en recours face à des discours techno et girouette. A cent jours du premier tour, elle est en passe de talonner le président actuel (les intentions de vote minimisent systématiquement le vote FN, donc il faut toujours ajouter 2 à 3 points). Au lieu de taper de façon quasi-obsessionnelle sur le candidat Hollande qui fait la course en tête, les snipers de l'UMP auraient tout intérêt à comprendre que la menace pour que Nicolas Sarkozy soit présent au second tour s'appelle Marine Le Pen. A bon entendeur...

  • Le « cadavre du sarkozysme » bouge encore...

    Pour le président Sarkozy, le coup de tonnerre de l'annonce de la candidature de Dominique de Villepin est dominique de villepin, nicolas sarkozyune très mauvaise nouvelle. Non pas parce que l'ancien Premier ministre serait susceptible de perturber gravement le score de Sarkozy au premier tour (on peut même penser qu'il pourrait capter principalement des voix qui se porteraient sinon sur Bayrou, Le Pen ou se réfugieraient dans l'abstention), mais parce que sa présence au scrutin majeur de la vie politique remettrait en selle les fantômes de la droite.

    Dominique de Villepin est très encombrant pour l'UMP car il est au coeur d'une quinzaine d'années de divisions et de coups tordus à droite. Sa querelle avec Sarkozy n'est pas liée à la présidence depuis 2007, ni même à la période 2005-2006 où Villepin fut le chef de l'exécutif – contesté en permanence par son ministre de l'Intérieur. Tout remonte à 1995 où, l'on se rappelle, Sarkozy choisit le mauvais cheval (Balladur) alors que Villepin était déjà dans le sillage de Chirac. Tout le travail de Sarkozy fut de revenir dans le jeu, de sortir de son statut de « traître » et d'âme damnée de la droite.

    Il y a réussi merveilleusement en se faisant passer pour indispensable, d'abord en venant à la rescousse de Philippe Séguin qui avait abandonné la tête de liste aux européenndominique de villepin, nicolas sarkozyes de 1999, puis en conquérant l'UMP après la sortie de route d'Alain Juppé, condamné sur l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris (déjà). Il est apparu aux yeux d'une opinion de droite fatiguée par le style de plus en plus « rad'soc » (radical-socialiste) du Président Chirac comme une alternative dans le même camp. Sans cela, la droite n'avait aucune chance de garder le pouvoir en 2007. D'ailleurs, une grande partie du malentendu entre Sarkozy et l'opinion publique vient de cette stratégie séduisante sur le papier, mais porteuse de bien des malentendus...

    L'homme qui pouvait s'opposer à ce captage d'héritage par l'élément le plus turbulent n'était autre que Dominique de Villepin. Il a gravement échoué pour des raisons qui tiennent d'abord à sa personnalité incompatible avec les traits de la classe politique. Il a rebondi à l'occasion du procès Clearstream où l'incapacité congénitale du Président à respecter les principes de droit (notamment la présomption d'innocence) lui a fait endosser des habits un peu trop étroits de victime qui plaisent tant à l'opinion publique française. La volonté de faire exister un mouvement autonome « République solidaire » dont il s'est ensuite fort curieusement éloigné, ne s'est appuyé sur aucune stratégie claire et sur aucune dynamique collective. Si bien que la plupart de ses soutiens l'ont quitté les uns après les autres, soucieux de ne pas être marginalisés politiquement et de ne plus avaler des couleuvres d'un homme d'abord mu par ses propres passions.

    Ces derniers mois, des fils avaient été retissés entre les deux frères ennemis de la droite de ce début de siècle, mais pour des raisons complexes (volonté de faire diversion par rapport à des affaires qui le menacent, volonté de revanche, ennui personnel...), il a décidé le 11 décembre dernier de ne pas en tenir compte en annonçant sa candidature. Contrairement à une opinion répandue, il me semble peu probable qu'il abandonne sa course vers l'Elysée (sauf à ce qu'il ne rassemble pas les 500 signatures d'élus nécessaires). 

    Les raisons de cet entêtement à se présenter pour un résultat très hypothétique tiennent, à mon avis, davantage à la psychologie de Villepin qu'à une stratégie politique visionnaire. Celui-ci doit savoir que son avenir politique est très fragile. Si Sarko se succède à lui-même, il sera défintivement banni à droite (puisqu'il aura tenté de lui barrer la route). Et s'il échoue, la droite se passera de lui pour sa recomposition. Nous sommes davantage dans l'optique d'un chevalier qui entend laver son honneur politique dans un duel au sommet, que dans celle d'un homme qui entend reconstruire autour de lui.

    Qu'importe les peaux de banane (autour de sa fortune, de son activité d'avocat auprès de dirigeants étrangers peu recommandables...) qu'on va méthodiquement mettre sous ses pieds pour le faire tomber ! Lui convoquera les mânes de la culture française, se moquera de l'absence de souffle d'un Président qui a trop longtemps cru qu'il était le patron de « l'entreprise France ». Même seul, même privé de soutiens logistiques, il entendra emporter dans sa chûte celui qui a été son pire cauchemar depuis 15 ans, Nicolas Sarlozy. Ceux qui rigolent davance sur l'issue d'un combat inégal devrait se méfier. Si Villepin a souvent échoué politiquement, il connait la force des mots dans notre pays ! Lui ne s'encombrera pas de chiffres et de démonstrations, il essaiera de parler à l'âme républicaine de ce pays qui est loin d'être éteinte...

  • Primaires : pourquoi la droite n'a rien compris

    Voilà donc François Hollande désigné à une majorité très large, en ayant réussi à préserver le même écart que cnicolas sarkozy, françois hollande, françois fillonelui qui le séparait, au premier tour, de Martine Aubry. Pour le vrai rendez-vous avec le pays, l'homme fort de la Corrèze part avec un avantage certain : ces primaires ont mobilisé près de trois millions de citoyens et elles ont permis de dégager un résultat est très net. La droite ne pouvait pas redouter pire situation. Non seulement elle se retrouve face à un candidat redoutable – bon débatteur, calme, attractif pour le centre droit -, mais toute sa stratégie de discrédit des primaires a échoué. En l'occasion – et en tant d'autres -, elle se retrouve dans l'incapacité de saisir les attentes d'un corps électoral dont elle entend susciter l'adhésion. C'est fâcheux quand on aspire à conserver le pouvoir et pas simplement à proposer une candidature de témoignage.

    L'UMP, en tout cas ses deux pôles principaux (la direction du parti, avec le peu subtil Jean-François Copé, et l'Elysée), s'est trompé sur toute la ligne. Rappelons-nous la succession des attaques contre ces primaires citoyennes. Elles ont d'abord été accusées d'organiser le fichage de la population – l'accusation n'a pas fait long feu -, puis on leur a prédit un bide en termes de participation. Le pronostic était d'autant plus imprudent que toutes les enquêtes d'opinion – et l'audience des débats télévisés – révélaient un intérêt fort dans l'opinion publique pour ce mode de désignation des candidats à l'élection suprême. Et puis au soir du premier tour, la droite, prisonnière des éléments de langage élyséens, a sort la grosse caisse : ouh la la, le résultat sera serré et la guerre des chefs va se réinstaller au soir du 16 octobre. Le piège était un peu grossier d'autant que la mobilisation populaire oblige le PS à avoir le sens des responsabilités. Si bagarres il y a (et il y en aura) dans les prochaines semaines, les socialistes ne sont pas complètement demeurés pour étaler leurs bisbilles en public, surtout un soir de l'élection.

    Ce raté magistral qui tient tant de l'erreur d'analyse sur l'état de la société (le besoin de respiration démocratique) que de la volonté de taper à bras raccourcis sur les socialisnicolas sarkozy, françois hollande, françois fillontes pourrait, une nouvelle fois, aggraver le malaise au sein de la majorité. La seule personne qui a eu une position lucide sur les primaires n'est autre que le Premier ministre qui en a salué le succès et la modernité. Ce n'est pas la première fois que François Fillon se singularise par rapport au chef de l'Etat – et l'ennemi juré, J.-F. Copé – mais cette affaire va au-delà d'un simple désaccord gouvernemental. Il s'agit de la conception qu'on a de la fonction présidentielle. La question que vont poser dans les semaines à venir les (rares et courageux) trublions de la droite est celle qui traverse le pays depuis les derniers échecs électoraux (municipales, régionales et surtout sénatoriales) : le président de la République a-t-il un droit automatique à se représenter sans que son bilan ne soit examiné et que des candidatures plus crédibles ne soient sollicitées ? Autrement dit, l'UMP doit-elle, peut-elle accepter que son suivisme vis-à-vis d'un président qui se coupe de plus en plus du peuple, non seulement le conduise à un échec probable, mais en plus risque un implosion au lendemain de législatives où son groupe parlmentaire pourrait fondre de moitié ?

    Mais les cnicolas sarkozy, françois hollande, françois fillonhoses devraient se passer autrement. Nicolas Sarkozy cherchera à se succéder à lui-même et il prendra sa décision sans consulter qui que ce soit, si ce n'est les beni oui oui de l'Elysée et ceux dans l'appareil dont la servilité n'a d'égal que le manque de culture politique, du genre Nadine Morano. Vu le manque criant d'espace de débat au sein de l'appareil UMP, il est peu probable que des voix fortes s'élèvent pour critiquer la décision élyséenne. Tout le monde assurera que bien sûr que c'est le meilleur choix, qu'il a su éviter à la France la bourrasque qu'ont connue certains de nos voisins avec la crise, et patati et patata.

    Sur le terrain, les maires, les parlementaires qui assurent toutes les semaines des permanences dans leur circonscription entendent un tout autre discours : celui d'un pays qui ne supporte plus l'étalage des richesses alors que tant de salariés survivent avec le Smic ; d'une population qui n'en peut plus de voir ses gamins passer de stage en stage, de CDD en CDD, quand ils n'ont pas tout simplement décroché pour préférer s'évader dans la « défonce » ou les réseaux sociaux. Les 80 % de la population inquiète pour l'avenir de ses enfants va très mal vivre le vacarme médiatique qui risque d'accompagner fleurir la naissance de l'enfant du président. L'exaspération risque de monter d'un cran dans ce pays : une partie de ceux qui ont voté Sarko en 2007 vont se dire que non seulement « on » les a trompés, mais qu' « on » est incapable d'admettre les échecs et d'en tirer des conséquences.

    L'acharnement des responsables UMP à combattre toute idée de primaire – ou à la renvoyer aux calendes grecques – tient sans doute à l'intuition présente ici ou là que, dans le cadre d'une primaire ouverte au « peuple de droite », le président sortant pourrait être battu par un Fillon ou un Juppé. Alors, pour éviter de se rendre à l'évidence – que la candidature Sarko mène très probablement la droite dans le mur -, les leaders de l'UMP ont choisi une autre tactique : taper sans discernement sur les primaires. Manque de bol pour elle, tous ses arguments lui reviennent comme un boomerang.

    Projetons-nous dans les six mois. Lorsque le débat au second tour opposera Hollande à Sarkozy (pour peu que celui-ci parvienne à distancer Marine Le Pen...), le premier ne manquera pas de rappeler au second que sa candidature à lui a été avalisée après un long processus et deux votes, alors que la sienne ne procède que de sa volonté souveraine et du suivisme de quelques caciques de l'UMP (dont certains ont tout intérêt à la défaite en 2012). Il va sans dire que le candidat sortant aura bien du mal à reprendre les arguments – pour le moins fragiles – qui ont servi à discréditer la désignation d'un candidat par un corps électoral élargi. La primaire apparaîtra alors comme une formidable machine de guerre contre la logique bonapartiste du président sortant. Et le piège se refermera sur une majorité qui, en l'occurrence, a oublié se se servir de son intelligence politique.

  • Sénat : la bérézina de la droite

    « L'anomalie démocratique » dénoncée naguère par Lionel Jospin, le Sénat, a accouché d'une majorité de gauche, ce qui ne s'était jamais vu depuis l'avènement de la Ve République. Voilà un berezina6.jpgsacré pied de nez aux certitudes bien installées dans les têtes qui renvoient au fond à une vision archaïque des territoires, pour ne pas dire de la « province ». Les élus municipaux qui constituent la grande majorité du corps électoral (donnée qui était à la base de la remarque cinglante de Jospin) étaient considérés comme d'indécrottables conservateurs, acquis forcément à la droite.

    Et bien voilà que ces « apolitiques » ou plutôt sans étiquette ont très souvent préféré des candidats étiquetés de gauche à ceux de la majorité. Car, contrairement à ce qu'ont pu dire les uns et les autres, ce ne sont pas les conquêtes dans les grandes villes en 2008 ou les nouveaux sièges dans les conseils généraux en 2011 qui expliquent la victoire assez nette de la gauche (environ 25 sièges supplémentaires quand les pronostics les plus optimistes leur en donnaient une dizaine). Ces quelques milliers de grands électeurs supplémentaires, clairement identifiés à gauche, n'auraient jamais suffi à faire basculer la Haute-Assemblée. Il a fallu le renfort de ces élus de la Fransenat.jpgce profonde qui se positionnent davantage sur le fond des dossiers – et la réalité de leurs problèmes – que sur des considérations politiciennes. Qu'on le veuille ou non, ces élus de terrain sont le pouls de notre pays. Et disons le clairement, le pouls est mauvais.

    Par-delà les effets conjoncturels (la division à droite et les candidatures dissidentes), ce scrutin catastrophique pour la défunte majorité traduit, en effet, un malaise profond des territoires. Ceux-ci ont le sentiment d'être complètement abandonnés par le pouvoir central qui a abandonné son rôle d'aménagement – ou de rééquilibrage - du territoire (à travers la fermeture des services publics, notamment des écoles) et en plus d'être malmenés par les préfets qui redécoupent à la hache la carte des intercommunalités. Il suffit de regarder à la loupe quelques départements pour se rendre compte de la lame de fond. Par exemple, dans le Morbihan, seul département breton à avoir un conseil général à majorité de droite, les trois sénateurs élus au scrutin uninominal sont de gauche (un PS, un PS et un Europe écologie). Sans doute, le contexte local explique-t-il pour partie cette bérézina, mais tout de même, comment ne pas y voir une formidable inquiétude de cette terre agricole et maritime ? Des constats voisins pourraient être faits à partir de la mésaventure qui est arrivée à Maurice Leroy, ministre de la Ville, non élu dans son fief du Loir-et-Cher, battu par un élu socialiste.

    JP Bel.jpgQue va-t-il se passer maintenant ? Sauf coup de théâtre dramatique pour la démocratie (puisque cela serait la suite de combines et de débauchages individuels), Jean-Pierre Bel l'Ariégeois socialiste devrait remplacer le Francilien néo-gaulliste Gérard Larcher. Une majorité rose-rouge-verte devrait succéder à une alliance UMP - Union centriste. Cela va considérablement compliquer le travail de l'actuel exécutif pour faire passer ces dernières réformes. Le blocage du Sénat, s'il n'est pas irrévocable (puisque l'Assemblée a le dernier mot), va exacerber les tensions au sein de la majorité présidentielle.

    Les éléments les moins godillots vont redire ce qui s'était murmuré au sortir de la débâcle aux régionales : et si Nicolas Sarkozy était le candidat qui fait perdre son camp? Bien entendu, aucun élu UMP de premier plan ne va demander officiellement au Président de la république de s'effacer. Mais dans les têtes, à droite, l'idée que Nicolas Sarkozy est une damnation électorale va progresser. Même le Sénat, il l'a « donné » à la Gauche, vont se dire les électeurs traditionnels de la droite. Dans un contexte économique très tendu, alors que de nouvelles coupes budgétaires sont attendues, ce doute profond sur la baraka électorale du champion de 2007 ne peut que renforcer la candidature Le Pen (plus que celle de Jean-Louis Borloo qui a du mal à décoller). Un 21 avril à l'envers n'est absolument pas à exclure avec une élimination du candidat UMP.

    La désespérance des territoires qui a tant bénéficié à la gauche ce 25 septembre pourrait bénéficier à la candidate décliniste (puisqu'en dénonçant le déclin français, Marine Le Pen ne fait que l'alimenter). A la gauche, maintenant qu'elle contrôle une assemblée, de faire la preuve qu'un changement, raisonnable mais significatif, est possible. A la droite de montrer qu'elle peut, cette fois-ci, faire ce qu'elle dit et ne plus faire rimer liberté économique avec accroissement des inégalités. La débâcle sénatoriale devrait l'inviter à cet examen de conscience.