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Nicolas Sarkozy - Page 8

  • Il faut (absolument) sauver le soldat Woerth

    Il aura fallu attendre plusieurs semaines pour que deux membres du gouvernement, mis en cause dans joyandet.jpgdes affaires d'utilisation personnelle des deniers publics, en tirent la seule conséquence qui s'imposait: démissionner. Les décisions de Christian Blanc et Alain Joyandet paraissent si peu spontanées et tellement coordonnées qu'il sera difficile de ne pas y voir la patte de l'Elysée soucieux de couper quelques branchblanc.jpges malades pour sauver un arbre gouvernemental malade. Que ces décisions tardives interviennent en pleine affaire « Bettencourt-Woerth » n'est sans doute pas un hasard. Les affaires qui ont été reprochées aux deux démissionnaires ne sont que des broutilles en comparaison des soupçons qui pèsent sur l'actuel ministre des Affaires sociales.

    Alors pourquoi Sarkozy ne sacrifie-t-il pas le trésorier de l'UMP et ministre de la République, prenant dès lors le risque de pourrir encore plus le climat politique et de voir sa cote de popularité plonger encore? La situation d’Eric Woerth, en effet, est presque désespérée à mesure que sortent les informations sur le mélange des genres entre les préoccupations de trésorier d'un grand parti au budget faramineux et celles d'un ex-ministre du Budget qui a fait de la lutte contre l'exil fiscal l'un de ses chevaux de bataille. Avec sa casquette « trésorier », ledit Woerth est à la recherche de soutiens financiers de poids, quitte à fermer les yeux sur la fraude fiscale et l'envol vers les paradis financiers de certaines grandes fortunes. Avec sa casquette « ministre », il se doit de démasquer ceux qui essayent, par tous les moyens, d'échapper au couperet du fisc.

    Quand, pour woerth.jpgcompliquer l'affaire, la femme de l'homme aux deux casquettes travaille pour la plus grande fortune française qui, elle aussi, joue sur les deux tableaux – arrosant le parti au pouvoir et planquant une partie de son magot dans quelques paradis fiscaux -, on se dit que le mélange des genres et le conflit d'intérêts sont à leur comble. Comment imaginer, dès lors, que l'homme à la double casquette soit chargé de faire avaler la pilule amère de la réforme de la retraite aux syndicats, vent debout contre, et à une population qui s'y oppose très majoritairement? Au sentiment d'injustice ne pourrait que se greffer le sentiment d'écœurement. Dans le climat économique morose, ce cocktail pourrait bien être explosif.

    Alors pour quels intérêts supérieurs, le soldat Woerth reste-t-il en place? Deux hypothèses peuvent être avancées, aussi inquiétantes l'une que l'autre. La première serait empreinte d'un cynisme tout à fait d'époque. Ayant côtoyé pendant des années des grandes fortunes à l'éthique douteuse, ayant éventuellement participé à des montages financiers douteux (que sait-on exactement de la contribution de la « bande du Fouquet's » au financement de la campagne de Sarko en 2007?), l'homme saurait trop de choses pour qu'on le congédie brutalement comme une vulgaire Boutin. Il faudrait le ménager, le couvrir publiquement d'éloges, comme s'y sont essayés, non sans ridicule, les pontes de l'UMP membres du Sarko's fans club. Il faudrait gagner du temps pour exfiltrer le malheureux, lui trouver un point de chute (une ambassade, une mission pour préparer la présidence française du G20, que sais-je?) mais surtout ne jamais le provoquer. Ledit Woerth en a sans doute « gros sur la patate » puisqu'il ne s'est probablement pas enrichi dans l'affaire, sauf s'il est prouvé que l'ancien travail de Madame, fortement rémunéré, est directement lié à la position stratégique de son mari au Budget.

    L'autre hypothèse traduirait une coupure totale du pouvoir vis-à-vis de l'opinion publique. A force d'être entouré de bénis oui oui, à force de ne pas écouter les esprits les plus lucides de sa majorité, le Président de la République serait incapable de prendre la mesure des dégâts considérables de toutes ces affaires d'argent qui planent autour du gouvernement. Ces dernières semaines ont été cités les ministres et secrétaires d'Etat suivants: Alain Joyandet (utilisation d'un jet privé, permis de construire illégal), Fadela Amara (utilisation familiale d'un appartement de fonction), Christian Blanc (12000 euros de cigares payés par l'Etat), Christian Estrosi (double appartement de fonction), sans oublier l'ancienne ministre Christine Boutin et sa mission aussi douteuse qu'onéreuse sur la mondialisation. Ajoutez à cela un ministre condamné pour injures raciales (l'ineffable Brice Hortefeux) et vous avez une ambiance fin de règne qui n'est pas sans rappeler la fin du septennat de VGE. Il ne reste plus qu'à dégoter une nouvelle affaire des diamants et à retrouver un ministre noyé dans cinquante centimètres d'eau pour rajeunir de trente ans.

    Le pouvoir présidentiel isole et aveugle; un pouvoir présidentiel absolu isole et aveugle absolument. C'est sans doute l'une des grandes leçons de cette phase du quinquennat où l'on aura eu la confirmation qu'un candidat ingénu et inventif (quoique contradictoire) pendant une campagne présidentielle peut, au terme de trois années élyséennes, devenir un piètre tacticien, incapable de se remettre en cause un tant soit peu.    

  • Cela va (vraiment) mal finir...

    Il règne une drôle d'ambiance dans ce pays. Quand je dis « drôle », je devrais plutôt dire bizarre ou écœurante. Sur le plan politique, le pouvoir remet chaque semaine une louche de rigueur alors qu'il jurait, au moment des régionales, qu'il n'y aurait pas de plan de réduction des dépenses. Personne ne le croyait alors, mais pourquoi ne faudrait-il plus croire la parole des autorités? D'ailleurs, à quoi bon appeler « autorités » des instances qui n'ont plus aucune crédibilité? Ces derniers jours, on a même vu le pouvoir s'interroger sur la réalité de l'augmentGuéant.jpgation des rémunérations des fonctionnaires prévue ce 1er juillet. Juste avant les vacances, il faut le faire! Et puis, on a pu lire dans un journal anglais que le secrétaire général de l'Elysée promettait pour l'automne de nouvelles coupes dans les budgets publics. Qui est-il, ce Monsieur Guéant, l'homme des basses œuvres sarkozystes et des relations aussi étroites que nauséabondes avec quelques dictateurs africains (qui ont eu la peau de Jean-Marie Bockel à la Coopération), pour faire ce type d'annonce? N'existe-t-il pas dans ce pays un Premier ministre et un ministre de l'Economie et des Finances? Pourquoi un tel mépris pour les autorités légitimes? A ce compte-là, puisqu'il faut faire des économies, pourquoi ne pas supprimer, après la Garden Party de l'Elysée, Matignon et quelques autres ministères?

    Parlons-en, d'ailleurs, des maroquins ministériels. Certains d'entre eux,Christian blanc.jpg sans doute peu harassés de travail, se comportent comme des gougnafiers. Prenons l'exemple de Christian Blanc qui s'est fait pincer par Le Canard enchaîné avec une facture de 12000 euros de cigares pris en charge par le Trésor public. 12000 euros, Monsieur Blanc, c'est à peu près ce que gagne un Smicard sur une année! Ils sont des millions à se contenter de ce que vous fumez en une année... Le comble dans l'affaire, c'est que notre fumeur de havanes aux frais de la princesse désargentée, non seulement ne présente pas sa démission (ce qui se passe fréquemment chez nos voisins, et pour des sommes souvent moindres), mais qu'il charge un ancien de ses collaborateurs coupable, selon lui, de la fuite vers la presse.

    Cela rappelle furieusement la situation du week-end dans l'équipe de France de foot où les joueurs firent la grève d'un entraînement, non pour dénoncer les propos inqualifiables d'un de ses membres en direction du sélectionneur (certes médiocre, mais ce n'est tout de même pas lui qui est en charge de marquer des buts), mais pour le soutenir ou faire semblant. La seule obsession de cette clique de bras cassés aux salaires ahurissants était de savoir qui avait révélé les propos de ce joueur particulièrement mal élevé qui avait conduit à son exclusion. Dans ce pays, ce qui est grave n'est pas d'avoir des pratiques illégales ou des paroles injurieuses, mais de révéler des faits. Le comble est que le Premier des Français reçoive, dès sa sortie d'avion, l'un des joueurs de cette Thierry Henry.jpgpitoyable équipe - par ailleurs remplaçant de luxe d'un prestigieux club espagnol - qui, à en croire la presse, serait l'un des meneurs de la grève de l'entraînement. Que cette rencontre ait lieu le jour d'une grande grève nationale (grève signifie perte de salaire pour ceux qui ne sont pas milliardaires du foot) ne semble pas choquer le Château.

    La dimension affaire d'Etat prise par l'élimination de l'équipe de France, le choix d'un interlocuteur discutable (est-ce le responsable de la main qualificative des Bleus, le meneur de la fronde, le plus « capé » des Bleus qui est reçu?) par « l'autorité » publique qui prétend s'immiscer dans les affaires internes d'une fédération sportive pourtant autonome dans sa gestion, le mépris affiché en direction de centaines de milliers de citoyens qui craignent pour leur retraite... tout cela donne le vertige ou la nausée. On aimerait que quelques consciences nationales ou quelques éditorialistes courageux s'élèvent contre l'indignité nationale de cette nouvelle religion d'Etat qui en arrive à éclipser tout le reste. Ce 24 juin, par exemple, l'Elysée a annulé une rencontre avec des ONG pour parler du G20 et de la situation des pays pauvres... Sans importance tout cela au regard de l'avenir du coq français!

    Cerise sur le gâteau, pourrait-on dire, on apprenait ces jours-ci le limogeage sans trop d'égards de deux humoristes qui intervenaient le matin sur France Inter. On peut aimer ou non leur humour (moi, j'aimais plutôt et je ne suis pas prêt d'oublierGuillon.jpg le sketch hilarant de Stéphane Guillon sur la venue de DSK), mais on ne peut que s'inquiéter des choix idéologiques des patrons du service public de la radio. Trouver scandaleux tel ou tel sketch, c'est par définition refuser le statut d'humoriste qui forcément franchit régulièrement la ligne jaune érigée par les censeurs. S'il ne provoquait pas la réaction des « grands » ou supposés tels de ce monde médiatique, il raterait son objectif. S'il n'était plus un poil à gratter, parfois mal élevé, inconvenant ou grossier, il ne serait plus digne du nom de bouffon.

    Dans unLéotard bis.jpg livre écrit voici près de deux ans, François Léotard prophétisait un « ça va mal finir », en décryptant l'évolution du régime politique incarné par Nicolas Sarkozy pour lequel il avait voté. Celui qui n'avait pas toujours été un politique bien inspiré (souvenons-nous de la privatisation de TF1) trouvait des mots justes pour décrire cette dégradation générale du climat, cette banalisation de tout (de la fonction présidentielle, de l'honneur, du rapport éthique avec les deniers publics...). Il annonçait le règne des fausses valeurs et de la médiocrité ambiante. Nous y voilà donc. Et si l'on ajoute les conséquences d'une grave crise économique – dont les plus faibles vont payer le plus lourd tribut -, il faut vraiment s'inquiéter de la situation française. Sans vouloir jouer aux oiseaux de mauvais augure, rappelons tout de même que les fascismes européens sont toujours nés de la conjonction d'une décadence morale des « autorités », d'un sentiment d'humiliation nationale et d'une paupérisation des couches laborieuses. En tout cas, dans ce marais nauséabond, il est une responsable politique qui doit se frotter les mains. Elle porte le patronyme de Le Pen et le prénom de Marine...

  • Pourquoi tant de violences en politique ?

    Guerre ouverte entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Attaque de Bernard Accoyer contre Jean-François CoVillepin - Sarko.jpgpé. Compétition sans merci entre Martine Aubry et Ségolène Royal. Opposition forte entre Daniel Cohn-Bendit et Cécile Duflot. La politique est monopolisée, ces derniers temps, par des affrontements souvent musclés entre des hommes et des femmes qui sont, théoriquement, dans le même camp. La chose n'est pas nouvelle – pensez aux oppositions Chirac / VGE et Mitterrand / Rocard par exemple. Mais elle revêt de plus de plus une dimension obsessionnelle comme s'il fallait s'affirmer par rapport à celui qui est politiquement proche de soi. Tous les coups, toutes les allusions (notamment à la folie supposée de son rival) sont permis On est assez loin d'une éthique démocratique qui suppose un respect mutuel. On est plutôt dans l'étalage quotidien de la haine.

    Quelles conséquences cela a-t-il sur l'espace politique? Soyons clair: cela contribue encore à assombrir le blason d'une sphère fortement discréditée. Pour de nombreux concitoyens, non seulement les politiques mentent allègrement et manquent de courage, mais ils se conduisent comme des gamins insupportables, se chamaillant et incapables de se maîtriser. Dans une société où le « moi je » règne en maître et où se banalise la violence, il y a un besoin fort de préserver un espace ouvert qui obéisse à d'autres règles. Qui valorise l'intelligence et l'art de la conviction sur les ficelles faciles de la démagogie et de l'humiliation de l'autre. Mais quand un président de la République traite un citoyen de « pauv'con », quand le principal parti d'opposition se déchire lors d'uAubry - Ségo.jpgn congrès, s'accusant mutuellement de tricherie, quand un socialiste change de camp en pleine campagne présidentielle et reprend à son compte les thèmes auparavant honnis de l'identité nationale et de la chasse aux immigrés, on « trivialise » la politique; on en fait simplement un objet marchand puisque tout s'achète et que toutes les valeurs sont fonction du contexte et des opportunités.

    Cette affaire est grave car le politique n'a plus aucune légitimité à s'opposer à la montée des violences. Comment rendre crédibles les discours sur le « vivre ensemble », sur les voies pacifiques de résolution des conflits quand le « spectacle » de la politique n'obéit qu'aux lois de la trahison et du cynisme? Comment le Premier des Français peut-il donner envie d'entraîner le peuple dans son exhortation de la tolérance et de l'écoute des autres (message de voeux 2010) quand lui-même poursuit avec obsession l'idée de se venger d'un ancien Premier ministre? Comment faire évoluer la réflexion de certains jeunes embués dans la violence qui sont persuadés d'être victimes d'un complot dirigé contre eux, quand un conseiller de l'Elysée brandit cet argument à propos d'une vague et banale rumeur d'adultère? Bien des politiques qui font et défont les carrières devraient penser à l'image qu'ils donnent. Ils n'ont pas conscience, les malheureux, qu'ils sont en train de scier la fragile branche sur laquelle ils évoluent.

    Dans la sphère politique, il existait un courant qui semblait préservé des affres de la violence destructrice. Les Verts entendaient ainsi « faire de la politique autrement », respecter les personnes et ne s'opposer que sur des idées. Si tant est que cela ait un jour existé, il faut dire tranquillement que ce temps est révolu. Le mois qui a suivi la bonne perfoDuflot - Dany.jpgrmance d'Europe écologie a été marqué par des affrontements internes d'une rare violence entre les camps Duflot et Cohn-Bendit. Au centre des « débats », la question de la transformation des structures et l'éventuelle dissolution des Verts dans un ensemble plus vaste. Un ami arrivé récemment à Europe écologie me racontait l'avalanche de mots assassins qu'il a entendus et parfois endurés (« Je vais t'écrabouiller »...). Curieux scénario d'un mouvement qui se déchire alors qu'il est, à la différence de l'UMP ou du MoDem, dans une phase ascendante.

    Il n'y a pas d'explication simple à cette dégradation des moeurs en politique (même s'il faut se garder d'idéaliser le passé). Peut-être faut-il y voir la conséquence de cet affaiblissement prodigieux des références idéologiques, qui a libéré l'affirmation des ambitions personnelles. Plus de tabou, par exemple, à dire deux ans avant l'échéance, qu'on est candidat à l'Elysée! Les partis ne sont plus, pour certains de ses responsables, qu'un espace destiné à la conquête du pouvoir. La réflexion peut attendre ou alors elle est sous-traités à des thinks tank ou laboratoires internes.

    Dans ce contexte, la décision de communistes critiques (comme Patrick Braouezec) de quitter leur parti pour imaginer de nouveaux lieux politiques et la proposition de Dany Cohn-Bendit d'organiser Europe écologie sous la forme d'une coopérative (reste à en préciser les contours...) sont des initiatives intéressantes pour réfléchir à un dépassement de la forme « parti » qui s'est transformé en simple machine électorale.