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Il faut (absolument) sauver le soldat Woerth

Il aura fallu attendre plusieurs semaines pour que deux membres du gouvernement, mis en cause dans joyandet.jpgdes affaires d'utilisation personnelle des deniers publics, en tirent la seule conséquence qui s'imposait: démissionner. Les décisions de Christian Blanc et Alain Joyandet paraissent si peu spontanées et tellement coordonnées qu'il sera difficile de ne pas y voir la patte de l'Elysée soucieux de couper quelques branchblanc.jpges malades pour sauver un arbre gouvernemental malade. Que ces décisions tardives interviennent en pleine affaire « Bettencourt-Woerth » n'est sans doute pas un hasard. Les affaires qui ont été reprochées aux deux démissionnaires ne sont que des broutilles en comparaison des soupçons qui pèsent sur l'actuel ministre des Affaires sociales.

Alors pourquoi Sarkozy ne sacrifie-t-il pas le trésorier de l'UMP et ministre de la République, prenant dès lors le risque de pourrir encore plus le climat politique et de voir sa cote de popularité plonger encore? La situation d’Eric Woerth, en effet, est presque désespérée à mesure que sortent les informations sur le mélange des genres entre les préoccupations de trésorier d'un grand parti au budget faramineux et celles d'un ex-ministre du Budget qui a fait de la lutte contre l'exil fiscal l'un de ses chevaux de bataille. Avec sa casquette « trésorier », ledit Woerth est à la recherche de soutiens financiers de poids, quitte à fermer les yeux sur la fraude fiscale et l'envol vers les paradis financiers de certaines grandes fortunes. Avec sa casquette « ministre », il se doit de démasquer ceux qui essayent, par tous les moyens, d'échapper au couperet du fisc.

Quand, pour woerth.jpgcompliquer l'affaire, la femme de l'homme aux deux casquettes travaille pour la plus grande fortune française qui, elle aussi, joue sur les deux tableaux – arrosant le parti au pouvoir et planquant une partie de son magot dans quelques paradis fiscaux -, on se dit que le mélange des genres et le conflit d'intérêts sont à leur comble. Comment imaginer, dès lors, que l'homme à la double casquette soit chargé de faire avaler la pilule amère de la réforme de la retraite aux syndicats, vent debout contre, et à une population qui s'y oppose très majoritairement? Au sentiment d'injustice ne pourrait que se greffer le sentiment d'écœurement. Dans le climat économique morose, ce cocktail pourrait bien être explosif.

Alors pour quels intérêts supérieurs, le soldat Woerth reste-t-il en place? Deux hypothèses peuvent être avancées, aussi inquiétantes l'une que l'autre. La première serait empreinte d'un cynisme tout à fait d'époque. Ayant côtoyé pendant des années des grandes fortunes à l'éthique douteuse, ayant éventuellement participé à des montages financiers douteux (que sait-on exactement de la contribution de la « bande du Fouquet's » au financement de la campagne de Sarko en 2007?), l'homme saurait trop de choses pour qu'on le congédie brutalement comme une vulgaire Boutin. Il faudrait le ménager, le couvrir publiquement d'éloges, comme s'y sont essayés, non sans ridicule, les pontes de l'UMP membres du Sarko's fans club. Il faudrait gagner du temps pour exfiltrer le malheureux, lui trouver un point de chute (une ambassade, une mission pour préparer la présidence française du G20, que sais-je?) mais surtout ne jamais le provoquer. Ledit Woerth en a sans doute « gros sur la patate » puisqu'il ne s'est probablement pas enrichi dans l'affaire, sauf s'il est prouvé que l'ancien travail de Madame, fortement rémunéré, est directement lié à la position stratégique de son mari au Budget.

L'autre hypothèse traduirait une coupure totale du pouvoir vis-à-vis de l'opinion publique. A force d'être entouré de bénis oui oui, à force de ne pas écouter les esprits les plus lucides de sa majorité, le Président de la République serait incapable de prendre la mesure des dégâts considérables de toutes ces affaires d'argent qui planent autour du gouvernement. Ces dernières semaines ont été cités les ministres et secrétaires d'Etat suivants: Alain Joyandet (utilisation d'un jet privé, permis de construire illégal), Fadela Amara (utilisation familiale d'un appartement de fonction), Christian Blanc (12000 euros de cigares payés par l'Etat), Christian Estrosi (double appartement de fonction), sans oublier l'ancienne ministre Christine Boutin et sa mission aussi douteuse qu'onéreuse sur la mondialisation. Ajoutez à cela un ministre condamné pour injures raciales (l'ineffable Brice Hortefeux) et vous avez une ambiance fin de règne qui n'est pas sans rappeler la fin du septennat de VGE. Il ne reste plus qu'à dégoter une nouvelle affaire des diamants et à retrouver un ministre noyé dans cinquante centimètres d'eau pour rajeunir de trente ans.

Le pouvoir présidentiel isole et aveugle; un pouvoir présidentiel absolu isole et aveugle absolument. C'est sans doute l'une des grandes leçons de cette phase du quinquennat où l'on aura eu la confirmation qu'un candidat ingénu et inventif (quoique contradictoire) pendant une campagne présidentielle peut, au terme de trois années élyséennes, devenir un piètre tacticien, incapable de se remettre en cause un tant soit peu.    

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