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Nicolas Sarkozy - Page 2

  • Quand le sarkozysme se décompose...

    Devant le spectacle tantôt pathétique, tantôt grotesque, offert par l'UMP depuis une quinzaine de jours, certains observateurs peu inspirés ont cru y voir l'occasion pour Nicolas Jean-François Copé, françois fillonSarkozy de refaire surface et de se préparer dans l'optique de la revanche de 2017. Ce genre de conclusion (dont on peut tout de même percevoir une résonance avec une nostalgie qui a saisi le petit monde de la politique depuis le départ de l'ancien Président) me semble en décalage total avec la réalité des faits. L'affrontement fratricide dans lequel évolue le principal (?) parti d'opposition est plutôt le signe d'un état de décomposition très avancé de l'héritage sarkozyste. On a même le sentiment que la rapidité et la brutalité des événements qui ont conduit à l'éclatement (difficilement réversible) de l'UMP sont à la mesure de l'empressement qu'avait eu Nicolas Sarkozy à prendre le contrôle de la droite.

    Il faut bien faire dresser le bilan politique du sarkozysme. Et il n'est pas glorieux ! En cinq années, la droite a perdu de nombreux départements, des villes grandes et moyennes et surtout un Sénat jugé imprenable voici peu. Il a crédibilisé les thèses d'une extrême droite en faisant apparaître la fille Le Pen comme finalement présentable. Le FN qu'il avait Jean-François Copé, françois fillonsérieusement esquinté en 2007 grâce à une campagne audacieuse a repris du poil de la bête. La frontière, quasi étanche, que Jacques Chirac avait réussi à établir entre la droite républicaine et celle qu'on est obligé d'appeler extrême s'est complètement effrité.

    Cela n'effraie plus bon nombre d'électeurs UMP de reporter leurs voix, au second tour, sur un candidat frontiste. Ce qui explique pourquoi de nombreux seconds tours FN/gauche lors des législatives de juin ont donné lieu à un résultat du type 45/55 voire 52/48. Auparavant, un frontiste ne dépassait que rarement la barre des 40% lorsqu'il devait affronter un candidat de gauche au second tour. Sauf à être dans une exaltation quasi pathétique de "Nicolas", il est tout de même difficile de ne pas considérer que cette situation a quelque chose à voir avec la façon dont l'ancien Président a joué avec quelques allumettes au prix d'un piétinement assez méthodique de ce qu'il restait de l'héritage gaulliste. 

    Pourquoi en est-on arrivé à cette situation explosive à la tête de l'UMP ? Bien entendu, on peut simplement stigmatiser la guerre des chefs, le choc des egos et tutti quanti. Pour ceux qui seraient nés en politique voici peu, rappellons les épisodes assez virils entre Chaban et Chirac (1974), entre VGE et toujours Chirac (de 1976 à... aujourd'hui), entre Balladur et encore Chirac (1993-1995), sans oublier, même si c'était finalement assez exotiques, les bisbilles entre Sarkozy et Villepin. Donc, rien de neuf sous le soleil, sauf que cette fois-ci, les conséquences sont lourdes.

    Deux raisons majeures expliquent, selon moi, la gravité des conséquences de cette crise. D'une part, l'absence de culture démocratique, le refus de vivre des désaccords. On l'a oublié, mais la création de l'UMP, en 2002, a démarré sur un mensonge. Pour rassembler toute la famille éclatée allant du centre-droit ) la droite dure, promis-juré, l'UMP allait faire vivre le débat entre les sensibilités différentes (on ne parlait pas de courant pour ne surtout pas ressembler au PS). Cela n'a jamais existé à l'UMP car le chef Sarkozy n'en voulait pas. Pas question de se "faire emmerder" avec la perte de temps et d'énergie que représente le débat d'idée ; la démocratie, c'est bon pour les discours, pas pour prendre le pouvoir.

    Mais voilà que le chef perd le pouvoir... Rien n'a été prévu pour faire vivre ce moment d'hésitation, de maturation démocratique. On a à la tête du parti un mini-Sarko (le talent en moins) qui est prêt à tout pour garder le pouvoir. Il ne lâche même pas l'appareil le temps de la campagne interne, l'utilisant de façon éhontée à son seul avantage. Son rival, qui a envie d'exister par lui-même pour faire oublier sa vassalisation pendant cinq ans, ne s'intéresse même pas aux questions statutaires pourtant déterminantes dans toute phase électorale. Et il a suffi d'un scrutin très serré pour que le chateau de carte d'une organisation bricolée et caporalisée s'effondre en 48 heures. Surtout qu'une partie des adhérents à cheval sur les principes moraux n'a pas l'intention de se faire "voler" l'élection... 

    L'autre raison qui n'a peut-être pas été assez développée, tient à la libération de la violence en politique qu'a permis voire encouragé Nicolas Sarkozy. Entre les "casse-toi, pauv'con !", la banalisation de l'humiliation (de François Fillon à Patrick Devedjian en passant par Jean-Louis Borloo) et cette façon de faire en permanence la leçon à nos partenaires étrangers, l'ancien Président a trop souvent confondu authenticité et vulgarité, refus du "politiquement correct" et celui de la courtoisie toute républicaine. Il a installé dans le pays l'idée selon laquelle il fallait être malin, roublard voire menteur pour garder le pouvoir et en jouir. Passant sans arrêt d'une idée à l'autre, d'une priorité à l'autre, d'un fait divers à un autre, affichant jusqu'à l'impudeur les affres personnels de tout homme, fût-il président français, il a, avec un talent qu'on ne lui contestera pas, donné le tournis à tout le monde.

    Un certain noJean-François Copé, françois fillonmbre de repères ou de bornes, par exemple la capacité de la négociation en coulisses (qui aurait bien utile pendant les 48 heures suivant le scrutin de l'UMP) ou celui du compromis ont complètement volé en éclat. A cet égard, Jean-François Copé aura été le meilleur élève de cette école du cynisme en politique qui aboutit à ce résultat complètement fou : le jouet de Sarkozy, l'UMP, n'aura pas résisté à la chute de ce dernier !

     

  • Débat : le spectre de la ligne Maginot

    Que retenir de ces près de trois heures de confrontation entre les deux prétendants à l'Elysée ? IncontestabSarko hollande.jpglement, un état de tension maximal entre ces deux politiques aguerris qui se croisent depuis une vingtaine d'années sur la scène politique. L'un et l'autre se sont voulus ultra-clivants, François Hollande dans son rôle de président rassembleur, à la fois modeste et exigeant, Nicolas Sarkozy dans sa posture de protecteur face aux périls qui menacent notre pays (« la folie dépensière » du socialiste, « la faucille et le marteau » des syndicats, la passoire que serait l'Europe de Schengen). Chacun était dans son rôle et il n'y aura eu au final aucune grande surprise dans ce débat.

    On pourra malgré tout s'étonner de l'absence de questions sur le domaine régalien par excellence qu'est la défense nationale. Quelques thèmes auraient mérité d'être abordés. Faut-il rester dans le commandement de l'Otan, comme nous y a replacé l'actuel président ? Par-delà le bourbier afghan, quelle doit être notre philosophie en matière d'intervention dans les différents conflits régionaux? Sur le nouveau foyer du terrorisme que constitue l'espace sahélien (à deux heures d'avion, comme on disait en parlant de la « bataille de Sarajevo »), jusqu'où peut-on aller dans la lutte contre ce nouveau péril ? Et sur l'axe de la politique étrangère, là aussi escamoté, on aurait bien aimé avoir des perspectives quant à notre relation avec la Chine ou avec les puissances émergentes (Inde, Brésil...), sans oublier les rapports avec notre allié américain. Que dire également du silence sur le conflit israélo-palestinien ou sur les nouveaux régimes arabes plus ou moins démocratiques?

    En regardant ce débat où les charges succédaient aux bons mots, où les attaques gratuites (que venait faire DSK dans cette galère?) se mêlaient aux traits d'humour (là dessus, Hollande est vraiment au-dessus du lot), on pouvait avoir le sentiment que la France vivait seule dans sa bulle, qu'elle était simplement entourée de notre voisin allemand dans la vieille relation ambiguë d'admiration et de crainte et avec quelques contre-exemples à ne pas suivre, la Grèce et l'Espagne, longtemps dirigés par des socialistes (dixit Sarkozy) ou l'Italie contrôlée par « votre ami Berlusconi » (selon Hollande).

    Curieuse impression que celle de notre pays qui ne voit la mondialisation que sous ces angles négatifs (délocalisation, immigration sauvage) et se déchire sur des enjeux de politique nationale. Bien entendu, les candidats pourront arguer, non sans raison, qu'ils auraient bien aimé répondre à des questions internationales et qu'ils ont manqué de temps pour cela (ce qui donnera de l'eau au moulin de Sarkozy qui proposait plusieurs débats). Mais, par exemple dans leur conclusion qui était totalement libre, aucun des deux n'a élargi le débat. François Hollande, certes, a pris de la hauteur en parlant de justice, de redressement du pays et de refus des peurs qui seraient véhiculées par son adversaire (en ce sens, on a été servi avec une nouvelle fois le chiffon vert de l'islam agité par le président sortant) tandis que Nicolas Sarkozy s'adressait, assez maladroitement d'ailleurs, aux électeurs de Marine Le Pen, de François Bayrou et aux abstentionnistes (qui sont effectivement sa seule issue pour ne pas faire ses valises pour Neuilly). Là encore, on cultive l'idée que notre pays (qui bien sûr a des atouts) va s'en sortir seul, grâce à la vaillance de son peuple et à la lucidité (?) de ses élites. Il faut avouer que tout cela paraît un peu court...

    Sur l'immigration, par exemple, chacun a rivalisé en promesses pour évidemment accueillir moins d'étrangers (sauf sur les étudiants où Hollande a fait entendre sa différence). En tenant ce discours de la maîtrise quasiment mathématique des frontières, on a oublié d'expliquer pourquoi tant de nos voisins, notamment africains, veulent venir chez nous et sont prêts à risquer leur vie pour cela. La France, seule, ne peut évidemment impulser le développement de ces pays, mais elle peut tout de même prendre la tête des pays riches pour aller dans cette direction. Pas un mot n'a été dit sur ce sujet et on a fait croire que l'on pouvait, dans ce contexte, réduire les migrations alors qu'elles vont, sans doute, s'accentuer dans les prochaines années. Sur ce plan, le candidat de gauche, lui aussi paralysé par les 18 % de Le Pen, n'a pas su faire entendre une musique un tantinet différente. Caresser l'opinion dans le sens du poil ne nous prépare pas aux échéances difficiles qui nous attendent sur les enjeux de la crise écologique, de l'arme nucléaire ou du partage des richesses. En écoutant hier le débat, on pouvait avoir le sentiment que notre horizon s'arrêtait aux portes de Strasbourg, Vintimille ou San Sebastien. Cruelle illusion !

    En définitive, on peut sans doute s'accorder sur un match nul entre Hollande et Sarkozy. L'un et l'autre ont été fidèles à leur image, personne n'a « écrasé » l'autre (comment penser que cela pouvait arriver, au vu de l'expérience des deux protagonistes?). Pour autant, nous n'avons pas été plus éclairé sur la présidence qu'ils voulaient incarner : tout avait été dit précédemment et le style du débat, très accroché et peu pédagogique, ne permettait guère d'aller plus loin. Il faudra d'ailleurs, à terme, réfléchir aux modalités pratiques pour faire vivre ce grand moment de débat démocratique. La façon dont cela est conçu actuellement donne lieu davantage à un combat de boxe qu'à un vrai échange d'arguments. Peut-être est-ce ce que les médias (et les spectateurs que nous sommes) recherchent. Mais cela ne grandit pas forcément la politique. Il faudrait sans doute à l'avenir proposer deux débats, l'un sur les enjeux purement internes, l'autre sur la France dans le monde et surtout introduire le débat par un exposé neutre (rappeler des faits et des chiffres) pour éviter cette bataille de chiffonniers à laquelle les deux postulants à l'Elysée se sont livrés, par exemple sur les statistiques du chômage.

    La nouvelle façon de présider que nous promet François Hollande suppose que notre pays grandisse dans sa façon de débattre. Les passions politiques sont évidemment nécessaires et aucune rationalité ne s'impose d'en-haut. Pour autant, en ces temps compliqués et tourmentés, il serait bon de ne pas réinventer je ne sais quelles nouvelles lignes Maginot. Celles-ci n'ont amené dans notre histoire que désillusions et défaites. Ce n'est pas parce qu'un électeur sur cinq veut tout jeter par-dessus bord et se donner à une pseudo Jeanne d'Arc que notre pays doit s'engager sur des voies chimériques et dangereuses qui n'ont jamais préparé son avenir.

  • La stratégie à (très) hauts risques de Sarkozy

    Curieux entre-deux-tours ! Un candidat archi-favori fait semblant, pour mobiliser son camp, d'annoncer un second tour très serré (ce qu'aucun institut de sondage, même en prenant la marge d'erreur inhérente à l'exercice, ne prédit) ; un sortant qui multiplie les effets d'annonce et parfois les provocations, se bat comme un second tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozybeau lion, en sachant que la partie sera ultra-difficile pour lui. Ajoutez à cela, histoire de pimenter une affaire qui en manque quelque peu, un ancien prétendant à l'Elysée, déchu dans une série d'affaires glauques, qui réapparaît à une semaine de ce second tour dans une soirée que les Tartuffe ont appelée privée...

    Il faut bien le reconnaître, quel que soit le fil qu'on tire, on ne voit pas comment Nicolas Sarkozy pourrait l'emporter, même avec 50,1 %. Prenons d'abord l'arithmétique électorale qui, loin d'être infaillible, donne tout de même quelques indications précises.

    9 candidats contre 1

    Pendant toute la campagne, dans un aveu de lucidité désabusée, le candidat sortant a pesté contre une situation inédite où il était seul contre neuf. Cela n'était pas faux et cela se traduit logiquement par son absence de réservoirs de voix. Là où François Hollande peut compter l'essentiel des suffrages qui se sont portés au premier tour sur Mélenchon, Joly et mêmesecond tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozy Poutou qui ont appelé à l'élire ou du moins à battre Sarkozy (les trois candidats remportant en tout presque 15 %), Nicolas Sarkozy n'a aucune réserve naturelle. Même Nicolas Dupont-Aignan qui vient du RPR n'a pas appelé ses électeurs à se reporter sur celui qui se prétend encore néo-gaulliste.

    Reste ensuite l'électorat des 3e et 5e candidats du premier tour. Mathématiquement, Sarko pourrait l'emporter s'il agrégeait à ses 27 %, les 18 % de Le Pen et les 9 % de Bayrou. Mais les reports ne se feront pas à 80 %, ni même à 70 % chez ces deux candidats. Dans le meilleur des cas, Nicolas Sarkozy peut espérer en agrégeant, pour des raisons totalement différentes (la peur de l'étranger chez les électeurs frontistes et la peur des déficits chez ceux du centre), la moitié de ces deux électorats, arriver à un capital électoral de 41 à 42 %. Même s'il espère, sans doute à raison, mobiliser une partie de l'électorat traditionnel de la droite qui l'a boudé au premier tour et/ou a préféré profiter de vacances pluvieuses, il aura tout de même beaucoup de mal à franchir la barre des 50 %.

    La stature de Hollande renforcée

    Comme « l'animal » ne se rend pas aussi facilement, il en vient à faire feu de tout bois, franchissant allègrement bien des tabous. Lors de son discours de Toulouse le 29 avril, il a repris même l'idée du « racisme anti-Français » inlassablement invoqué par la famille Le Pen. Le problème pour Nicolas Sarkozy, c'est qu'il a en face de lui un animal à sang froid qui jamais ne tombe dans son panneau. Donc, son attitude survoltée second tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozyqui, une fois encore (lire mes posts précédents), est davantage celle d'un challenger que d'un sortant, renforce la stature de chef d'Etat que souhaite camper François Hollande. Il est tout de même paradoxal – et on s'étonne que les spécialistes de la doxa sarkozyste ne s'en étonnent pas – que celui qui en appelle aux solutions de responsabilité face à la gravité de la crise prenne le risque de déchaîner quelques passions nationalistes, teintées parfois de xénophobie.

    Chasser sur les terres frontistes ?

    A cette critique, certains défenseurs du leader de l'UMP vous diront qu'avec un FN à 18 %, il n'y a pas d'autre solution que d'aller chasser sur les terres frontistes. Et ils vous rappellent le scénario de 2007 où un Sarko offensif et sans complexe avait ramené l'électorat Le Pen à 10 %. Sauf que la stratégie de 2007 ne peut être reproduite, sauf à épouser totalement le discours plus présentable, mais totalement démagogique, de celle qui a pris la relève dans l'entreprise politique familiale. Elle repose en fait sur une erreur d'interprétation de l'électorat Le Pen. L'alchimie insécurité + immigration (deux domaines où la présidence Sarkozy n'a d'ailleurs pas forcément excellé) n'est pas le vecteur principal de l'électorat Le Pen, en tout cas dans certaines régions. Si cette radicalisation du type Ligue du Nord (électorat petit-bourgeois qui vit plutôt bien mais qui craint une dégringolade sociale avec l'arrivée des étrangers) existe dans certaines régions, notamment sur le pourtour méditerranéen (elle rassemble 27 % des électeurs gardois), le processus d'adhésion à « Marine » est autrement plus complexe dans d'autres régions.

    « Marine » à 20 % dans des départements ruraux

    Si le cocktail « immigration + insécurité » était totalement explicatif de ce vote, comment comprendre que dans l'Indre ou l'Orne (départements ruraux s'il en est), le FN fasse près de 20 % et que dans l'Aube (où est élu François Baroin), il cartonne à 25 %? A l'inverse, second tour présidentielle,patrick buisson,ump,nicolas sarkozycomment analyser le fait qu'en Seine-Saint-Denis, là où présence d'étrangers et niveau d'insécurité sont élevés, le FN n'atteigne même pas les 14 % ? Et pour aller à la pêche de ces électeurs frontistes en Indre, l'Aube ou l'Orne, il ne faudrait pas parler viande hallal ou racisme anti-français (même s'ils peuvent y être sensibles), mais plutôt pouvoir d'achat, emploi, lutte contre la désertification, services publics... Autant de questions sur lesquelles le Président sortant est un peu moins prolixe.

    Le risque de cette stratégie sarkozyste est non seulement son échec électoral prévisible, mais qu'elle pourrait conduire à une seconde – et encore plus large – défaite au tour d'après, les législatives. En effet, quelques critiques se sont déjà fait entendre dans les rangs de l'UMP. Certes, les Chantal Jouanno, Etienne Pinte ont une influence fort limitée dans le parti présidentiel, mais ils constituent la garde avancée de ceux qui, lucides et courageux, ont compris que la stratégie Buisson (du nom de ce conseiller venu de l'extrême droite, très influent à l'Elysée) menait à la division de l'UMP et à la polarisation autour du FN.

    Risque d'implosion à l''UMP

    Que va-t-il se passer à partir du 7 mai, si la défaite de Sarko est confirmée? Les bouches vont s'ouvrir, les confessions se multiplier, les règlements de compte s'intensifier (notamment entre les clans Fillon et Copé). Si on reste sur le terrain strictement politique (car du point de vue judiciaire, certaines affaires pourraient connaître de nouveaux développements), les risques d'éclatement de l'UMP sont majeurs, même si tout lemonde, la main sur le coeur, promettra de rester unis. Les législatives vont donner lieu à trois types de scénarios : celui où la droite, plutôt bien placée, aura en face d'elle un candidat de gauche et devra négocier le report des voix du FN; celui (peut-être dans une centaine de circonscriptions) où aura lieu une triangulaire UMP/gauche/FN avec le risque que le candidat de gauche arrive presque partout en tête.

    Que faire face à un second tour FN/gauche ?

    Reste le dernier scénario qui pourrait se produire très fréquemment : le candidat de droite, n'ayant pas atteint les 12,5 % des suffrages (avec une participation plus basse, c'est possible avec moins de 20 % des voix), il reste au second tour deux candidats, de gauche et FN. Que fera dès lors le candidat de droite ? Appeler à voter « républicain » (comme le feront sans doute les quelques candidats de gauche éliminés, par exemple dans les Alpes-Maritimes ou le Var), prôner un vote blanc, voire dans quelques cas extrêmes, se désister en faveur du frontiste au nom de la lutte contre le pouvoir socialiste ? Il est évident que cette dernière situation conduirait à diviser profondément feu le parti majoritaire. Plus de leader incontesté, un centre de gravité déplacé vers la droite, deux défaites successives, des défections vers le FN voire vers le MoDem... la stratégie « à droite toute » de Nicolas Sarkozy pourrait avoir un effet délétère sur ce parti qu'il avait façonné pour sa victoire de 2007. Mais le président sortant n'est-il pas, peut-être à son corps défendant, dans une optique « après moi, le déluge » ?

  • En direct chez les supporters de Sarkozy

    Après des semaines et des semaines de suivi et d'analyses de la campagne présidentielle, comment et où passer la soirée électorale ? Y'a l'option téloche avec pizza et bière, pour commenter avec les potes les résultats. Pas mal, mais pas très original. Et pourquoi pas aller sur place et voir comment les militants réagissent à l'annonce des résultats. Décision est prise de faire la tournée des camps politiques. Je ne pars pas seul puisque m'accompagnent mon fils qui a voté pour la première fois (à gauche) et un vieux copain, militant écolo et électeur d'Eva Joly .

    Mutualité Sarko.jpgDirection d'abord la Mutualité dans le quartier latin (1). La « Mutu » n'est plus le repère de la gauche, comme ce fut le cas pendant des décennies. Première mission : rentrer dans le bunker pris d'assaut par des centaines de militants UMP et surveillé comme un sommet intrenational. La carte de presse, finalement, constitue un sésame précieux. On entre donc dans ce palais et on trouve difficilement une place dans les tribunes du haut, là où il fait une chaleur proche d'un hammam.

    De part et d'autre de la scène géante, deux écrans télé. L'un branché sur TF1, l'autre sur France 2. Le premier a nettement plus les faveurs des spectateurs-supporters. Tout simplement parce que la chaîne privée annonce un écart d'un peu plus d'un point (elle est d'ailleurs la plus proche du résultat final qui indiquera tard dans la nuit 1,5 point de plus pour François Hollande) alors que la « publique » parie sur trois points de retard du président sortant. Un électeur UMP nous confie qu'il est plutôt content que Marine Le Pen fasse près de 20 % (finalement, ce sera 18 %) parce qu'il y voit une grosse réserve de voix pour son chouchou qui en manque tant.

    Dans la salle, c'est du délire. Le public siffle à tout va quand un leader de gauche apparaît. La palme de la bronca va à Ségolène Royal qui fut le premier adversaire de Nicolas Sarkozy. Mais Douste-Blazy qui a rejoint François Bayrou, reçoit également un accueil sympathique. A tue-tête, les supporters crient un très optimiste « On va gagner » suivi d'un géographique « Hollande en Corrèze, Sarko à l'Elysée ». Enfin, ici, on ne l'appelle pas Sarkozy, mais Nicolas. Un peu de tendresse dans ce monde de brutes !

    Quand Marine Le Pen apparaît à l'écran, on sent une grande attention du public qui sait que son attitude sera déterminante pour améliorer le report des voix vers le candidat UMP (qui selon les sondages du soir, était de 2/3 pour Sarko, 1/3 vers Hollande). Son intervention suscite tout de même quelques sifflets, mais beaucoup moins que pour Ségolène Royal. Tout de façon, son discours est rapidement coupé par une interrution de son tout à fait opportune. Le son revient pour l'intervention de François Fillon qu'on voit d'abord sur l'écran puis 10 minutes plus tard à la Mutu. Pour être aussi rapide, son chauffeur n'a pas dû respecter les limitations de vitesse...

    C'est un défilé gouvernemental à la Mutualité : Bruno Le Maire, Claude Guéant, Roselyne Bachelot, Gérard Longuet (qui de loin ressemble vraiment à Bertrand Delanoë). MêMutualité Copé.jpgme Michèle Aliot-Marie est de retour, suivi par son POM (Patrick Ollier) de mari. Le patron de l'UMP Jean-François Copé, le « grand ami » du Premier ministre, prend la parole depuis la salle, sans monter sur la tribune, et harangue la foule. Il loue « le projet solide » du sortant, parle de « campagne extraordinaire » et conclut par un solennel « L'avenir de la France est en jeu ». Délire dans la salle !

    Quand François Hollande s'exprime depuis son fief corrézien (il y a fait plus de 40 % alors que dans les Hauts-de-Seine, Sarko est talonné par le candidat socialiste), difficile de suivre son propos. C'est la bronca et les dizaines de « Menteurs » qui sont lancés un peu partout. De toute façon, là encore, un problème technique intervient. Tous les regards se tournent vers Alain Juppé qui fait une entrée triomphale à la « Mutu ». Les militants ne sont pas rancuniers ou alors complètement amnésique car l'actuel ministre des Affaires étrangères n'a pas ménagé ses critiques pendant au moins deux ans.

    Toujours pas de Nicolas Sarkozy en vue dont on nous annonce pourtant l'arrivée imminente. Alors, on fait un peu connaissance A côte de nous, une jeune femme beaucoup moins BCBG que la moyenne des jeunes (qui sont en nombre assez limité). Ici, la veste est de rigueur (pas de cravate, tout de même, c'est la fête...) et les filles ne sont pas débraillées. Notre voisine est, comme nous, une intruse : elle a voté François Hollande. Elle accompagne son papa et sa soeur plus jeune, tous deux électeurs UMP. « Vous comprenez, je travaille dans l'enseignement et la recherche en mathématique. Après ce que Sarko nous fait, il n'est pas possible de voter Sarkozy ». Une discusion s'engage avec la soeurette, électrice de Nicolas Sarkozy, mais qui est loin d'être une passionnaria. Il y est question notamment d'écologie (elle regrette que Nicolas Hulot n'ait pas été candidat)..

    21h45. Arrêtons de causer. La star de la Mutu arrive dans une vacarme indescriptible. « Nicolas, Nicolas ». Une nuée de drapeaux tricolores (qui avaient été distribués juste avant Mutualité interv sarko.jpgpar le service de campagne) envahit notre champ de vision. Cette fois-ci, le son est maximal. Le regard grave, aucun signe d'euphorie sur le visage, le candidat sortant déroule un discours impeccable où il fait clairement un appel du pied à la leader frontiste en insistant sur l'immigration et la sécurité. Mais il en appelle aussi au rassemblement le plus large en se voulant social: « Les angoisses, les souffrances des Français, je les connais...). Il sort alors sa carte magique en exigeant l'organisation de trois débats (voici quelques jours, c'était deux...). « Les Français ont le droit à la vérité et à la clarté », s'écrit-il. Et le candidat crédité de 27 % de conclure en réaffirmant son « amour de la patrie ». Dans les minutes qui suivent son intervention courte (pas plus de 10 minutes), la salle de Mutualité se vide rapidement.

    Dans un café proche de la Mutu, les clients qui présentent une allure vraiment différente de la sage, bine que survoltée, assemblée UMP, commentent, pas toujours dans la finesse, les commentaires de TF1. Notre ami Pernaut est parti à Louviers (le fief de Pierre Mendès-France) à la rencontre des vrais Français. Quand le reporter parle du rassemblement UMP qui s'achève, il raconte que « les militants sont maintenant dispersés dans la rue ». Un client du bar s'approche de la porte, incrédule, et s'exclame : « Eh bien, y'a personne ».

     

    1. La tournée continuera rue Solférino au siège du PS. Mais là, la pluie aidant, vers 23 heures, la fête est terminée. Ne reste plus qu'une poignée de militants et de responsables socialistes, ainsi qu'une cohorte de journalistes, dont beaucoup de correspondants de la presse étrangère.

       

      Retour sur mes pronostics (voir ci-dessous)

      Difficile de s'auto-évaluer, mais je me mets la note de 12/20. La moyenne est assurée car j'ai indiqué le bon ordre des candidats (alors que beaucoup voyaient Mélenchon devancer Le Pen). J'ai gagné quelques points en indiquant un écart de deux points entre Hollande et Sarko (il est d'un point et demi) et en évaluant Bayrou à son niveau (9 %). Par contre, et cela me fait perdre l'espoir d'avoir les félicitations du jury, j'ai un peu sous-évalué Hollande et Sarko (que je voyais à 27 et 25 %) et surtout j'ai sur-évalué la performance du leader de Front de gauche que j'avais pronostiqué à un niveau élevé (16 %). J'ai été, comme beaucoup, intoxiqué par les sondages qui le mettait à un niveau élevé (entre 14 et 16 %).