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Les politiques changeront-ils en 2016 ?

A écouter hier soir le propos assez terne et convenu du Président de la République lors de la cérémonie de vœux, je m'interrogeais sur la capacité des politiques à comprendre la société et les ruptures parfois brutales qui l'affectent.

Que s'est-il passé de fondamental pendant cette si singulière année 2015 ? Trois événements ont été particulièrement marquants : les terribles attentats de janvier et novembre ; la victoire du Front national aux élections régionales ; la conclusion d'un accord sur le climat lors de la COP 21. Sur le premier fait, la question ne peut être principalement sécuritaire, comme le pouvoir a voulu le faire croire. Des mesures toujours plus drastiques ne seront jamais en mesure de juguler la volonté de kamikazes de tout faire sauter, y compris eux-mêmes.

L'originalité des attentats de 2015 est qu'ils ont été commis par des enfants de la République. Qu'ils soient binationaux ou pas ne change rien à l'affaire : ils ont été éduqués, scolarisés, socialisés dans l'espace français, républicain. La question qui nous est posée est : comment éviter que des jeunes Français retournent leur énergie, leur enthousiasme contre leur pays ? C'est un tas de chantiers sur la citoyenneté, les ghettos (de pauvres et de riches), la culture de masse (et l'inculture), l'éducation (à l'école mais pas seulement) qu'il fallait l'ouvrir.

A part quelques mesures sur l'enseignement des valeurs républicaines et des enveloppes budgétaires pour la politique de la Ville, il ne s'est rien passé de significatif. La mesure épouvantail sur l'inscription dans la Constitution de la possibilité de déchoir de leur nationalité française les terroristes ne va qu'accroitre le sentiment d'un "2 poids-2 mesures" bien ancré dans de nombreux territoires de relégation. Il est probable que d'autres actions terroristes auront lieu sur notre territoire et que les politiques n'auront toujours pas compris qu'il faut tout remettre à plat. Mais comment le pourraient-ils, eux qui ne connaissent de la société française que les cercles du pouvoir qu'ils fréquentent depuis 20 à 30 ans ?

Autre fait marquant de 2015 : l'ascension du Front national, premier parti français. Les causes sont bien connues (dégradation de la situation économique, accentuation des inégalités, épuisement de la classe politique, ségrégations territoriales, incertitudes internationales, etc.), mais aucune perspective n'a été dessinée pour endiguer cette montée continue du parti d'extrême droite. Le fait que finalement aucune région n'a été décrochée par le parti de Marine a provoqué un lâche soulagement, empêchant l'indispensable électrochoc. La préoccupation du parti Les Républicains est de savoir quand auront lieu les primaires pour la présidentielle. Et l'exécutif est obsédé par le souci de diviser et d'affaiblir la droite afin qu'elle arrive en troisième position de la présidentielle (la proposition sur la binationalité relève aussi de cette démarche).

Comment faire pour retrouver la confiance de citoyens qui se sentent exclus de la communauté nationale et trouvent dès lors des boucs-émissaires ? Comment lutter contre la peur de l'étranger qui monte dangereusement dans notre pays ? Comment redonner de l'espoir aux zones rurales ou péri-urbaines qui se sentent abandonnées voire méprisées ? A cet égard, la réforme territoriale qui fait le pari d'une "rationalisation" de la gouvernance locale ne prend absolument pas compte le désir de proximité : c'est une erreur politique, comme l'a été cette refonte des régions qui n'a obéi à aucune logique historique ou sociologique.

A droite comme à gauche, on joue avec le FN, en espérant que la goupille explosera dans le camp d'en face. Si le pire arrivait en 2017, les citoyens engagés, les républicains sincères auront des comptes à demander à cette classe politique incapable de prendre ses responsabilités.

Troisième fait marquant : la signature d'un accord sur le climat en décembre à Paris. Incontestablement, cela représente une victoire pour la diplomatie française, en particulier son chef Laurent Fabius. Reste maintenant à faire vivre cet engagement international. En France, on aurait pu attendre que le pouvoir déroule une vrai programme d'actions balisant la route de la transition écologique. Il ne s'est rien passé de cela ; une fois que la séquence climat (c'est ainsi que raisonnent nos communicants) était terminée, on est passée à une autre (celle de la binationalité). Le pouvoir qui avait l'occasion de surfer sur cette réussite a encore raté le coche. Pour quelle raison ?

Mon hypothèse est que les technos qui nous gouvernent n'ont aucune notion de la façon de s'y prendre. Ou alors ils savent qu'il faudrait revoir tout un modèle et cet énorme chantier se heurterait à des lobbies puissants prêts à en découdre. Comme d'habitude, les politiques préfèrent reculer, différer plutôt que de mener des batailles.

En fait, les responsables politiques sont devenus (et le quinquennat n'a fait qu'accentuer cela) des comptables, j'allais écrire des notaires qui enregistrent les situations, mais n'agissent plus sur celles-ci. La montée de l'abstention à chaque élection s'explique, en partie, par le sentiment de plus en plus répandu selon lequel les politiques sont au mieux des figurants honnêtes d'un jeu dont ils ne maîtrisent pas les règles, au pire des calculateurs mus par leur seul intérêt. Ont-ils simplement conscience de la gravité de la crise de confiance ? Puisse 2016 éveiller les plus intelligents d'entre eux à la nécessité de changer...    

Commentaires

  • Déjà, merci à l'ami Noël pour sa constance à tenir son blog : ça nous fait des occasions de discuter politique, une pratique qui tend à se tarir, vu l'absence de perspectives et le découragement, voire le désir d'aller cultiver ses choux, suscités par la politique désastreuse de l'équipe au pouvoir.
    De mon point de vue, une cause fondamentale de l'échec de l'équipe socialiste réside dans la fameuse politique néolibérale (l'austérité) qu'elle poursuit avec entêtement depuis 2012. Quelques arguments pour étayer ce discours, qui n'est pas seulement l'apanage du Front de gauche et de Mélenchon, mais est tenu par une pléiade d'économistes de gauche, dont une bonne part se situe dans la mouvance (modérée) régulationniste et non anti-capitaliste.
    L'Espagne est ces temps-ci considérée par Bruxelles comme le bon élève de l'Europe et de fait son PIB se rapproche des + 3%. Mais dans le même temps, dixit Alternatives Economiques, 21,6% de la population active est au chômage, celui des moins de 25 ans s'élevait à 46,7% (!) en septembre 2015, la dette publique a progressé de 40% depuis 4 ans, les salariés ont perdu 10% de pouvoir d'achat depuis 2008, tandis que la précarité, les emplois sous-payés, l'absence de couverture sociale se développent à vitesse grand V. Est-ce là l'exemple que nous voulons suivre ? A noter qu'au Portugal, en Italie, sans parler de la Grèce, les politiques d'austérité, consciencieusement appliquées depuis 2008, ont donné les mêmes résultats médiocres ou franchement catastrophiques.
    Autre donnée frappante : en 2008, l'état de l'économie, aux USA, était clairement plus dégradé qu'en Europe. Le taux d'endettement de l'Etat, des ménages, des entreprises était bien supérieur au taux européen. Pourtant, aujourd'hui, les Etats-Unis ont largement dépassé leur niveau de PIB de 2008, alors que l'Europe ne parvient pas à le retrouver ; et le taux d'emploi s'est accru de plusieurs millions de postes de travail par rapport à ce qu'il était en 2008, alors que l'Europe n'a pas retrouvé son niveau d'avant la crise (je suis en congé, loin de Paris et n'ai pas les chiffres précis sous le coude, mais la tendance est celle-là). Tout ceci, parce que les US ont curieusement adopté une attitude plus pragmatique que les Etats européens et mis en oeuvre une politique de relance qui a porté ses fruits.

    En clair, pour moi, le problème clé auquel sont confrontés les hommes politiques, c'est la hausse catastrophique du chômage, le chômage de masse qui ne fait que croître et embellir depuis 30 ans, et qu'ils se montrent impuissants à endiguer. Lié à cette hausse, il y a l'état médiocre de notre économie, qui humilie nos compatriotes, face aux succès insolents de l'Allemagne et, plus grave, l'idée qui s'installe de plus en plus dans les esprits, que nous sommes en décadence, que la vie sera plus difficile pour nos enfants que celle que nous avons connue. Ce chômage éternellement croissant et l'impuissance des politiques exaspère, à juste titre, les couches populaires qui le subissent de plein fouet, ce qui nourrit le terreau sur lequel prospère le Front national et ses recettes démagogiques et régressives.
    C'est de mon point de vue, un enjeu essentiel que les gens qui ont des convictions de gauche solides, se construisent un minimum de culture économique, ce qui leur permettra de se situer par rapport à ce débat sur l'austérité, lequel me parait cantonné aujourd'hui à un cercle assez étroit de spécialistes. En clair, notre boulot aujourd'hui, c'est de piocher ces sujets, de les maîtriser, faute de quoi on est réduit à l'impuissance, on est condamné à faire confiance aux "sachants" et une part essentielle des enjeux nous échappe, reste un continent noir.

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