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jean-noël guérini

  • Le système Guérini décortiqué et mis en cause

    L'interminable affaire DSK a éclipsé, la semaine dernière, une autre affaire, beaucoup moins médiatique mais finMartine Aubry, Jean-Noël guérini, Alain Richardalement tout aussi éclairante sur les moeurs politiques : le verdict du bureau national du PS sur Jean-Noël Guérini, patron du conseil général des Bouches-du-Rhône, sénateur (à ses heures perdues) et jusqu'à peu, premier secrétaire fédéral (ça veut dire « chef ») du PS dans le même département.

    Comme je l'avais raconté dans un post du 4 mars intitulé « PS : faire le ménage devant sa porte » (repris par le site Rue 89), Arnaud Montebourg (candidat à la primaire socialiste) avait rédigé un rapport « confidentiel » pour la direction nationale. Laquelle, après des déclarations à l'emporte-pièce protégeant le seigneur marseillais, s'était résolu à nommer une commission d'enquête présidée par l'ancien ministre Alain Richard. Laquelle a rendu un rapport détaillé et qui, même si elle évite toute formule agressive et personnelle, constitue un véritable réquisitoire contre la pratique départementale et les agissements du clan Guérini. Il est, d'ailleurs, pour le moins cocasse que celui-ci se félicite des conclusions de ce rapport (qui effectivement évitent la solution peu praticable de la mise sous tutelle). L'ont-ils simplement lu, J.-N. Guérini et ses acolytes, ce rapport d'une vingtaine pages, que j'ai, pour ma part, épluché consciencieusement?

    Je ne résiste pas au plaisir de citer quelques extraits significatifs. Sur le nombre d'adhérents (la « fédé » des Bouches-du-Rhône est la quatrième par ses effectifs), la commission ne s'étonne pas du nombre important dans ce gros département : « La fédération de Paris, de développement beaucoup plus récent, a également un ratio d’implantation supérieur : 53 adhérents par 10 000 habitants contre 44 pour les Bouches-du-Rhône ». Mais elle note « la particularité du PS dans les Bouches-du-Rhône »: « la concentration des adhérents dans un petit nombre de sections à gros effectifs. » Elle cite l'exemple de la commune d’Allauch, près de Marseille, qui « fin 2008 avait 913 personnes inscrites au PS pour une population municipale de 18 728 habitants. Avec le même ratio le Parti au niveau national aurait plus de trois millions de membres… »

    Toujours sur ce chapitre des sections, la commission note les tripatouillages de la fédération pour redessiner le contour des sections, la présence massive de certains adhérents n'habitant pas la commune (c'est légal, mais là, cela prend des proportions édifiantes). Commentaire ironique : «  Il faut un surprenant concours d’affectivité pour totaliser jusqu’à 200 adhérents non résidents dans une même section alors que rien de semblable n’apparaît dans les sections voisines. »

    La commission Richard constate que se sont constituées « des sections « taillées sur mesure » pour des élus »: on parle de « la section de Mme X » ou de « la section du camarade Y », comme on parlait sous l’Ancien Régime du régiment de Penthièvre ou de Clermont-Tonnerre, du nom de la famille ducale qui le possédait »

    Et ce n'est pas fini : le rapport s'étonne de la proportion insensée de responsables socialistes salariés du conseil général. Sans compter, explique le rapport, qu'un « nombre significatif de cadres politiques ont vu, dans des circonstances variées, des membres de leur famille devenir également agents départementaux ». En gros, sans jamais citer le mot, le clientélisme du système Guérini est mis à jour. Quand on ajoute à ce tableau des accusations – actuellement examinées par la justice – sur les faveurs dont a bénéficié l'entrepreneur Alexandre Guérini, mis en examen par la justice, de la part du conseil généra présidé par son frère, on n'est pas loin d'un système mafieux.

    Cela est corroboré par le tableau d'une fédération où les débats politiques sont systématiquement étouffés pour des arrangements personnels, la tendance à éviter tout vote interne. « En faisant la revue d’une centaine de situations de désignation uninominale de candidats, celles des candidats aux cantonales des séries 2008 et 2011 et des têtes de listes des municipales de 2008, la commission a constaté qu’il n’y avait eu, dans quasiment tous les cas, qu’un ou une candidate à la candidature ». En clair, on s'arrange avant entre barons du parti et les adhérents n'ont plus qu'à avaliser le choix du prince.

    Ce tableau très sévère est accompagné de recommandations plutôt prudentes sur la rénovation de la fédération, ce qui suppose des « remises en cause de méthodes de direction ». Laquelle direction doit être gérée de façon collégiale, avec des élections du premier secrétaire fédéral par l'ensemble des adhérents (actuellement, le chef du PS est un proche de J.-N. Guérini).

    On peut être sceptique sur les mesures préconisées par le rapport (notamment la constitution de sections de moins de 250 adhérents ou une direction collégiale), penser que la dynamique de rénovation interne aura bien du mal à faire jour après des décennies de fonctionnement clanique. Mais on ne peut pas nier que le rapport inflige un avertissement sans concession au « système Guérini ». Celui-ci a trouvé la parade pour essayer de passer à travers les gouttes, en annonçant, le jour du vote au bureau national, le ralliement à Martine Aubry. Laquelle, porteuse de l'idéal de rénovation du PS, sera jugée sur sa capacité à encourager la rénovation en profondeur du fonctionnement de la fédération des Bouches-du-Rhône.

    Un bon test de cette évolution aura lieu en octobre prochain : si, lors des primaires (ouvertes à tous les sympathisants), la maire de Lille obtient dans les Bouches-du-Rhône un score massif (de 70 ou 80 %), on pourra se dire que rien n'a vraiment changé dans le fief de Jean-Noël Guérini. Mais veut-on vraiment, à Paris, que les choses changent à Marseille ?

    PS : Cet article a été publié également sur le site internet d'informations Rue 89 

  • PS: faire le ménage devant sa porte

    Alors que le pouvoir essaie de faire diversion en vantant les racines chrétiennes de notre pays (ça ne mange pas de pain!) et en lançant un débat périlleux sur l'islam (qui ne peut que pJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collombrofiter à une Marine Le Pen en pleine ascension), on a quelque gêne à s'intéresser à la cuisine interne du PS. Cela paraît assez mesquin en ces temps de turbulence arabe. Et pourtant, l'affaire du rapport Montebourg sur la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône est révélatrice de la duplicité des appareils politiques.

    Que dit le candidat à la candidature socialiste dans un rapport qui, nous dit-on, aurait dû rester confidentJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collombiel? Que cette fédération dirigée par le sénateur et président du conseil général Jean-Noël Guérini et qui, par le nombre de ses adhérents, est la troisième ou quatrième du PS, fonctionne selon des principes douteux, avec des systèmes de pressions personnelles, de chantage financier (puisque le conseil général délivre des subventions qui, du jour au lendemain, peuvent être supprimées) et d'obscures tractations sur le vote des militants.

    Généralement, le choix de la direction fédérale est suivi à 80% par les adhérents du département. Pourquoi dans les Bouches-du-Rhône (mais on pourrait également s'intéresser au Pas-de-Calais, à l'Hérault et, dans une moindre mesure, à la Seine-Maritime) n'y a-t-il pas la diversité politique que l'on connaît dans la plupart des autres fédérations? Y aurait-il un micro-climat qui expliquerait cette uniformité politique?

    L'hypothèse de la plupart des observateurs avisés de ces réalités, dont se fait l'écho Arnaud Montebourg, est la suivante: le patron de la fédé négocie nationalement son ralliement à tel ou tel leader, à tel ou tel courant, non pas sur la base d'une adhésion à un projet, mais selon le principe de marchands de tapis: « Si je t'amène 80% des voix des adhérents, tu me donnes quoi? ». Cela veut dire des places dans l'appareil socialiste et sJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collomburtout l'impunité quant aux pratiques douteuses (on a vu ainsi certaines sections des Bouches-du-Rhône « dissidentes » dissoutes par la fédération et des effectifs ici ou là grossièrement gonflés). Lors du dernier congrès PS de Reims, Jean-Noël Guérini s'était rapproché de Gérard Collomb, autre grand féodal (lyonnais), pour négocier son ralliement à Ségolène Royal. Il était quelque peu cocasse de voir la dame du Poitou, adepte d'un discours volontiers moral, s'allier au Marseillais aux manières fort peu policées. Mais bon, business is business...

    Le plus surprenant dans cette affaire, c'est la réaction outragée de Martine Aubry: « Il n'y a rien dans ce rapport. Pas un élément concret, précis, pas un fait », a-t-elle osé déclarer. Cette réaction a également été entonnée par la gauche du PS et par quelques autres, sur le thème: on ne tire pas contre camp surtout à trois semaines d'un scrutin cantonal dans lequel le PS espère ravir quelques départements. Mais justement à quoi sert-il de conquérir de nouveaux territoires s'il s'agit d'y appliquer des méthodes de fonctionnement néo-féodales et anti-démocratiques?

    La preJean-Noël Guérini, arnaud montebourg, georges frêche, martine aubry, gérard collombmière secrétaire du PS refuse de voir la réalité en face, comme voici trois-quatre ans, l'ancienne direction ne souhaitait pas mettre son nez dans la fédé de l'Hérault, avant que l'équipe d'Aubry s'y implique au dernier moment avec le résultat calamiteux que l'on connaît (le triomphe de feu Frêche et la déroute de la maire de Montpellier aux élections régionales). Non seulement cet aveuglement aura à terme des conséquences désastreuses sur les positions de la gauche dans ce département (car la mise en examen d'Alexandre Guérini dans des affaires de marchés truqués pourrait bien rejaillir sur son frère), mais surtout il illustre le décalage entre le renouvellement des idées, actuellement à l'œuvre, quoique de façon tempérée, au sein de l'appareil socialiste, et les pratiques locales qui parfois sont restées aussi archaïques (embrigadement et absence de débat).

    Ce fossé est d'autant plus fâcheux que Martine Aubry vient de s'exprimer dans un livre (« Pour changer de civilisation », éd. Odile Jacob) sur les valeurs de la gauche et sur ses principes d'action. L'un des premiers devrait être de faire le ménage dans les écuries socialistes pour que les fonctionnements les plus choquants soient bannis du parti. Mais évidemment, cela donnerait des armes à la droite locale – pas beaucoup plus ragoutante – et ferait perdre quelques milliers de voix dans le cadre de la compétition locale pour les primaires. Mais faut-il compromettre ses beaux principes pour un plat peu appétissant de lentilles, fussent-elles à la sauce marseillaise?