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UMP - Page 3

  • Les cantonales, le "coup de Munich" et 2012

    L'UMP est dans la seringue du Front national et ne sait pas comment en sortir. Le problème pour elle, c'est qu'elle s'y est mise toute seule. En deux phrases lapidaires, voilà comment on peut résumer la sitLe Pen fille.jpguation politique française au lendemain d'un premier tour d'élections cantonales calamiteux, au regard de l'abstention massive (plus de 55 % et parfois dans certains quartiers populaires de près des deux tiers) et de l'implantation des thèses de Marine Le Pen. Celle-ci dipose certes d'une présence militante du Front national encore limitée, mais dans n'importe quel canton, il lui suffisait de présenter un inconnu - jeune, vieux, homme, femme : aucune importance -, de l'affubler d'un portrait de la chef du FN pour rassembler à coup sûr 8 à 10 % et, si le terreau était fertile (délocalisations, quartiers sensibles abandonnés, frontières terrestres proches), multiplier le jackpot par deux ou trois.

    Dans cet entre-deux tours qui a du mal à passionner le pays, on se retrouve avec une situation très particulière: le FN sera présent dans près de 400 cantons, après avoir concouru dans 1440 cantons. Près d'une fois sur trois, le parti de Marine Le Pen se qualifie pour le second tour, avec parfois dix points d'avance sur l'autre candidat qualifié! Le plus drôle, si on peut dire, c'est que le relèvement du seuil pour être qualifié au second tour (12,5 % des inscrits au lieu de 10 %) décidé par l'UMP devait justement empêcher le FN d'être qualifié. Avec une si faible participation, les triangulaires sont devenues aussi rares que le nombre d'élus MoDem, mais les éliminés ne sont pas ceux qu'on croit.

    Sept fois sur dix, le porte-drapeau du FN sera confronté à un candidat de gauche (204 PS, 37 PCF, plus quelques divers). Ce qui signifie que dans plus de 250 cantons de la République, la droite présidentielle, qu'elle soit UMP tendance dure ou molle, centriste façon Nouveau Centre ou divers droite, ne sera pas représentée. Rayée de la carte, éliminée! Pour un parti qui entendait imiter les exemples anglais, allemand ou espagnol en formant un grand parti populaire, la déconvenue est violente.

    Alors maintenant que dire aux électeurs de droite orphelins de leur candidat pour leSarko 3.jpg second tour? A l'UMP, c'est la cacophonie. La ligne Copé/Sarkozy, suivie par l'essentiel de l'appareil, est finalement celle du candidat communiste Jacques Duclos en 1969 (cela ne nous rajeunit guère...) disant, à propos du duel Poher-Pompidou, avec son accent rocailleux : « Bonnet blanc et blanc bonnet! ». Mais là, l'affaire est plus compliquée car il ne s'agit pas de choisir entre un néo-gaulliste de droite et un néo-démocrate chrétien de centre-droit, mais entre un candidat de gauche et un candidat épousant, qu'il le veuille ou non, les théses de l'extrême droite.

    Si on comprend bien la position officielle, en tout cas élyséenne, c'est justement pour ne pas renforcer le FN qui dénonce une collusion entre l'UMP et le PS (parlant d'UMPS) qu'il ne faut pas appeler à voter pour le candidat de gauche. C'est donc pour conserver le pacte républicain qu'il faudrait tourner le dos au front républicain. L'argument peut séduire, mais est tout de même un peu spécieux et au final, dangereux. Une nouvelle fois, l'UMP fait le jeu du Front national puisqu'il se positionne sur son terrain. Depuis deux ans, le parti présidentiel a calé ses pas sur la marche du FN, en lançant ce calamiteux débat sur l'identité nationale puis en entonnant la nauséabonde dénonciation des Roms et des jeunes délinquants étrangers, et enfin en annonçant un fumeux débat sur l'islam (rebaptisé en catastrophe débat sur la laïcité). Voilà qu'il a peur de ses convictions, républicaines ose-t-on penser, pour ne pas chiffonner la grande blonde et ses électeurs remontés contre les trahisons du Président Sarkozy.

    En face de ce nouveau coup de Munich (en référence à la lâche trahison des démocraties occidentales devant les vociférations d'Hitler), quelques voix, celles de centristes (Borloo, Arthuis), de rares ex-chiraquiens (Pécresse) et du Premier ministre, tentent de faire entendre raison à la droite sarkozyste. Ils ont très peu de chances d'être entendu par un parti paralysé par la double peur des coups de menton de Marine Le Pen et des coups de poker permanents de son chef.

    La question qui est posée, mais que personne n'a le courage de soulever au sein de l'UMP se dessine encore plus nettement au regard de cette nouvelle bérézina électorale: le président sortant est-il le bon candidat pour la droite en 2012 si elle veut tout simplement ne pas être éliminé dès le premier tour et se retrouver à arbitrer un duel PS - FN? Si un tel scénario survenait (et le premier tour vient de confirmer que ce n'est pas simplement une lubie de sondeur...), il ferait éclater à coup sûr le parti qui se voulait, voici peu, majoritaire. C'est donc une opération survie pour la droite qui est engagée.

    Le choix du débat et de la démocratie interne qui a été méthodiquement écarté depuis le lancement de l'UMP (malgré la promesse d'un parti ouvert et pluraliste) est la seule voie possible pour une formation aux abois. Sans cette ouverture, le parti pourrait voir certains de ses membres, notamment dans les régions où le FN représente un électeur sur quatre, faire les yeux doux à la blonde de l'extrême droite soft et d'autres s'affranchir de la dérive droitière pour créer un pôle plus centriste. Ce débat nécessaire ne rendrait pas la politique du gouvernement plus populaire, ni lui ferait retrouver une cohérence incompatible avec l'instabilité chronique de notre Président, mais lui permettrait de retrouver la lucidité qui l'a quitté depuis belle lurette et d'examiner ses chances de survie en 2012. Il faut espérer pour l'UMP - et aussi pour le jeu démocratique - que François Fillon, après cette distanciation salutaire avec l'Elysée, n'en reste pas là face à l'autisme suicidaire des curieux conseillers de Nicolas Sarkozy.

  • Lettre ouverte à Monsieur Claude Guéant

    Monsieur le ministre

    Dois-je vous féliciter? Pour votre première grande interview politique, vous avez frappé fort. Dans l'entretien que vous avez accordé au journal Le Monde (édition du 16 mars), vous avez incontestablement le sens des forclaude-gueant.jpgmules et des propos coup de poing. Témoin ce passage « Les Français ont le sentiment que les flux non-maîtrisés changent leur environnement. Il ne sont pas xénophobes. Cela étant, ils veulent que la France reste la France. Ils veulent que leur mode de vie soit respecté, que la laïcité demeure à la base de notre pacte républicain. […] Les Français veulent que les nouveaux arrivés adoptent le mode de vie qui est le leur. »

    Sur le coup, en lisant ces phrases, je me suis demandé si vous n'aviez pas ramassé dans votre boîte aux lettres un tract du Front national et si vous ne vous étiez pas emmêlé un peu les pinceaux. Mais non, me suis-je dit, ce n'est pas possible de la part d'un haut-fonctionnaire formé dans le moule républicain et exercé aux plus hautes fonctions...

    Pour redevenir sérieux, je ne comprends pas très bien votre propos. « Les Français ne sont pas xénophobes. Cela étant... » Toutes les enquêtes d'opinion montrent une plus grande tolérance vis-à-vis des propositions excluantes portées depuis une bonne vingtaine d'années par le parti de la famille Le Pen. N'y aurait-il pas là un zeste de xénophobie qui signifie, sauf erreur de ma part, peur de l'étranger? Il me semble qu'un ministre de la République, laquelle s'appuie sur la Déclaration des droits de l'homme qui proclame que « les hommes naissent libres et égaux en droits », devrait dénoncer cette montée des peurs en direction des étrangers et non balayer d'un revers de la main une réalité que tous les observateurs sérieux notent : pour diverses raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici, une frange de plus en plus large de la communauté nationale considère que la venue des étrangers est porteuse de périls et qu'il convient de s'en protéger. Comment comptez-vous endiguer cette montée de réactions xénophobes (appelons un chat un chat) qui fragilisent notre « vivre ensemble »? J'ai cherché réponse à ma question dans l'entretien. Je n'ai rien lu, si ce n'est un laconique « Le volet intégration de ce ministère doit être renforcé ». Quelles actions concrètes? Avec quels moyens? Quels éléments de mesure des progrès de l'intégration? Mystère et boule de gomme. Réponse dans une prochaine interview au Monde?

    En revanche, vous êtes plus loquace sur ce que pensent les Français. « Les Français ont le sentiment », « les Français veulent », etc. Vous voilà donc porte-parole auto-proclamé des  Français. Et si dans quelques années, « ils » veulent que l'on remette les immigrés à la mer, comme l'a suggéré finement une parlementaire de votre parti, appliquerez-vous la « solution » puisque « les Français » le veulent? Avec des raisonnements comme le vôtre, on aurait jamais légalisé l'IVG ni aboli la peine de mort. Passons...

    Le coeur de votre propos est dans le titre que Le Monde a justement retenu : « Les Français veulent que la France reste la France. » Là encore, j'ai du mal à comprendre – ou alors je comprends trop bien. La France a toujours été une terre d'immigration, donc elle n'est jamais restée la même tout en étant fidèle à sa tradition d'accueil. J'ai le sentiment que c'est vous, ministre de la République, qui ne souhaitez pas que la France reste fidèle à sa tradition. En l'occurrence, je me sens plus fidèle à la France éternelle, celle qui s'est enrichie depuis des siècles au contact des immigrés. Au début du XXe siècle, les Français auraient également pu vouloir que « la France reste la France » et n'accueille pas les Italiens, les Polonais qui frappaient à sa porte. Fallait-il les rejeter au motif qu'ils risquaient de changer notre mode de vie?

    Vous voulez que les flux migratoires soient maîtrisés. Très bien, mais comment fait-on quand on fuit la misère ou l'oppression? Pensez-vous qu'on va gentiment déposer une demande d'immigration dans nos ambassades et attendre tranquillement la réponse des autorités françaises? En général, on prend ses jambes à son cou pour sauver sa vie et/ou l'avenir de ses enfants. Fallait-il aussi que la France se ferme aux Hongrois qui fuyaient la répression communiste en 1956 (vous pouvez en parler avec l'homme politique que vous servez depuis des années)? Et les Vietnamiens et les Cambodgiens qui prenaient la mer dans les années 70, fallait-il leur demander d'aller voir ailleurs car il ne fallait surtout pas que notre gastronomie et nos modes de vie soient perturbés?

    Vous voyez, la France, cela ne peut se résumer à des slogans électoralistes tout faits qui n'ont aucune portée sur les réalités (ou alors il faut tourner le dos à notre cadre républicain). Il n'est même sûr que l'ambition électoraliste qui vous anime – arrêter l'exode d'électeurs UMP vers Marine Le Pen – soit satisfaite par ce genre de déclaration. En tout cas, cela nous ferait presque regretter les outrances verbales, condamnées par la justice, de votre prédécesseur qui n'aimait pas trop les... Auvergnats.

    Pour redevenir sérieux et pour conclure, si votre objectif est de lutter contre la progression du FN, je ne vous conseille pas de tenter d'en proposer une version soft mais de vous attaquer aux questions qui sont au coeur de cette désespérance politique: la montée du chômage et de la précarité, le dénigrement de la fonction publique et plus généralement de tous ceux qui œuvrent, par exemple dans les associations, à créer du lien social. Vous et l'équipe gouvernementale devriez également vous attaquer aux injustices et aux ghettos de pauvres comme de riches qui favorisent la montée des peurs. C'est cette forme de communautarisme qui menace le plus notre pacte républicain, davantage que quelques prières dans la rue de musulmans faute de lieu de culte décent.

    En résumé, vous devriez refaire de la politique dans son sens le plus noble, servir l'idéal de « liberté, égalité, fraternité » au lieu de courir après un démon qui sera toujours plus rapide et habile que vous.

    J'espère, Monsieur le ministre, qu'après un bizutage un peu inquiétant pour nos valeurs, vous vous ressaisirez et redeviendrez digne de la République qui vous a confié ses pouvoirs.

  • Quand le sarkozysme se renie...

    Qu'écrire de plus sur le remaniement gouvernemental fait dans la précipitation? Il était évidemment urgent d'exfiltrer "en douceur" deux éléments particulièrement encombrants de l'organigramme: Michèle Alliot-Marie parce que son feuillethortefeux-et alliot-marie.jpgon touristico-familial en Tunisie l'empêchait désormais de voyager dans les pays arabes et interdisait toute parole crédible sur le séisme politique en cours dans la région; Brice Hortefeux parce que sa gestion du ministère de l'Intérieur n'est pas à la hauteur de la priorité sécuritaire de Nicolas Sarkozy en vue de 2012 et parce que sa condamnation pour propos racistes – actuellement en appel – faisait un peu tache dans le décor.

    C'est donc fait et plutôt bien fait car Nicolas Sarkozy a joué la carte de la sécurité en plaçant Claude Guéant, à l'Intérieur, et Alain Juppé au Quai d'Orsay. Le premier est connu pour être dévoué corps et âme au Président et pour connaître parfaitement le milieu policier, particulièrement inquiet par les conséquences de l'austérité budgétaire. Le second a laissé un bon souvenir de son passage aux Affaires étrangères du temps de la cohabitation Balladur-Mitterrand et jouit d'une crédibilité dont souffraient terriblement Bernard Kouchner et MAM.

    Reste que ce remaniement illustre une fois encore l'impossible renouvellement deJuppé, longuet, Guéant.jpgs élites dirigeantes. Les trois promus (Guéant, Juppé et Gérard Longuet) ont la soixantaine bien sonnée et fréquentent les allées du pouvoir depuis vingt à trente ans. Le premier est un pur produit de la haute administration française qui vit en cercle fermé, dans un rapport incestueux avec la classe politique. Le second doit beaucoup à Jacques Chirac qui l'a fait adjoint à la mairie de Paris puis premier ministre de la son gouvernement. Même s'il s'est affranchi de la tutelle chiraquienne en partant à la conquête de Bordeaux, il n'en reste pas moins un disciple de l'ancien Président, ce qui lui donne une sensibilité aux enjeux diplomatiques (bien utile en ces temps de manichéisme sarkozyste), mais aussi une absence d'originalité, voire un opportunisme. N'oublions pas que le maire de Bordeaux avait critiqué l'alignement de la France sur les Etats-Unis lors de la réintégration de notre pays dans le haut-commandement de l'Otan. N'oublions pas non plus qu'il avait promis à ses administrés bordelais de se consacrer à temps plein à la ville...

    Quant au troisième, Gérard Longuet, on se demande bien les raisons de son arrivée dans l'équipe gouvernementale. S'agit-il d'un clin d'oeil à l'extrême droite au vu du passé sulfureux de notre ministre de la Défense? S'agit-il d'un signe envoyé à la majorité sénatoriale (relative) qui s'est sentie oubliée lors du dernier remaniement (vous vous rappelez, celui de novembre où des « professionnels » arrivaient aux commandes...) et qui va être mise à rude épreuve lors du renouvellement de septembre prochain? S'agit-il tout simplement d'un renvoi d'ascenseur entre deux hommes (Sarkozy et Longuet) qui ont fréquenté assidument le milieu de la finance et des grandes entreprises? On remarquera à l'occasion que le Président prend un risque politique en nommant l'ami Gérard à ce poste stratégique car l'ancien président du groupe UMP au Sénat a été cité dans un nombre incalculable d'affaires financières et il n'est impossible que l'une d'entre elles se rappelle à son bon souvenir.

    Que reste-t-il, moins de trois ans après son arrivée à l'Elysée, de la promesse d'un souffle frais à la tête de l'Etat? Le trio « diversité » (Rachida Dati, Rama Yade, Fadela Amara) a été écarté sans trop de ménagement des allées du pouvoir. Les personnalités d'ouverture (de Kouchner à Bockel en passant par Hirsch ou Jouyet) ne sont plus qu'un souvenir, bon ou médiocre. La relative jeunesse de l'équipe a été remplacée par l'expérience du pouvoir si rassurante. En procédant ainsi, Nicolas Sarkozy annihile tout ce qui a fait son charme: sa capacité à donner sa chance à des aventuriers de la politique, pas forcément passés par le moule administratif français. Ce projet a certes donné des résultats moyens voire calamiteux, mais ce n'est pas le dessein de renouvellement qu'il faut critiquer, mais la façon dont il a été mis en oeuvre. Miser simplement sur la fougue, l'enthousiasme et... la fidélité au chef n'est pas suffisant pour incarner le renouveau. Au contraire, il peut laisser penser qu'on singe le profil des politiques traditionnels, la compétence en moins.

    La classe politique, à droite comme à gauche, a besoin de sang neuf. Cela ne se juge pas à la jeunesse des artères: certains quadras qui ont fréquenté, depuis leurs années estudiantines, les allées du pouvoir paraissent déjà si vieux... Cela se jauge plutôt à l'immersion dans la société, les expériences accumulées dans le monde du travail, la richesse des engagements associatifs. Malgré les professions de foi célébrant l'ouverture, le monde politique a de plus en plus tendance à se replier sur son pré-carré, entretenant ses réseaux internes – liés à la fréquentation d'une grande école ou d'une loge maçonnique – et se coupant des forces vives qui amènent des innovations et des façons différentes de penser le monde. Le conformisme ambiant est mortel pour la politique. Même si les contextes sont profondément différents, le tourbillon sur la rive Sud de la Méditerranée devrait faire réfléchir nos politiques. En sont-ils capables?

  • Pourquoi Fillon a gagné une manche

    Dans cette affaire de démission du Premier ministre et sa reconduction quelques heures plus tard, François Fillon a marqué des points importants dans son duel à fleurets mouchetés avec le Président. Il estF. Fillon.jpg assez clair qu'avant l'été quand Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de renouveler l'équipe gouvernementale, il ne pensait sans doute pas reconduire son Premier ministre. Il a envisagé différentes hypothèses comme la nomination à Matignon de Michèle Alliot-Marie, de Jean-Louis Borloo (le grand favori, écarté de façon humiliante, comme c'est souvent le cas sous le sarkozysme) et de quelques autres. S'il s'est finalement résolu à prolonger le bail de son Premier ministre à Matignon, c'est qu'il n'avait pas d'autre choix raisonnable. Plusieurs facteurs expliquent cette décision qui, aux yeux de l'opinion publique, va paraître bien surprenante.

    1/ Le Premier ministre rassure une opinion publique inquiète par les coups de menton de l'Elysée. C'est une situation presque inédite sous la Ve République où l'on était habitué à voir un Premier ministre usé par l'exercice du pouvoir servant de fusible au Président de la République quand son action commence à être impopulaire. Là, la situation est inversée: l'action de la majorité est globalement critiquée, mais la responsabilité est imputée prioritairement à Nicolas Sarkozy, jugé confus, contradictoire, peu fiable et ne respectant pas ses engagements (sur la retraite, le pouvoir d'achat, etc.) alors que François Fillon est considéré, à tort ou à raison, comme celui qui amortit les chocs, limite les dégâts.

    2/ François Fillon a les préférences de la majorité qui le considère comme un vrai leader. Un doute très fort a envahi les rangs de l'UMP sur la capacité de l'actuel Président à porter de nouveau les couleurs de l'UMP aux présidentielles de 2012. En l'adoubant comme son chef et en recalant le trop imprévisible Jean-Louis Borloo, la majorité lui propose un statut de recours possible. Comme on le sait, Nicolas Sarkozy a été élu président en 2007 grâce à un vote massif des plus de 60 ans. Il n'est pas sûr que cet électorat soit prêt à réélire un homme qui a, à ce point, dévalorisé la fonction présidentielle et affaibli l'image de la France dans le monde. François Fillon, qui s'est démarqué de l'hystérie présidentielle ces dernières semaines en se présentant comme un défenseur des libertés (sur le dossier des Roms, sur les écoutes des journalistes...), peut, au contraire, incarner une voie plus raisonnable de réformes et de sécurisation de la société. Reste à savoir dans quel contexte le Premier ministre va pouvoir conduire son action et si l'Elysée lui laissera des marges de manœuvre qui lui ont fait tant défaut pendant trois ans et demi.

    3/ En rappelant probablement Alain Juppé et peut-être d'autres barons de la majorité, l'UMP ferme la parenthèse de la rupture annoncée par le Président lors de son élection. C'est un retour aux fondamentaux qui s'annonce, avec un discours beaucoup plus lisse, une volonté de rassurer une opinion publique traumatisée par les changements de pieds incessants de la présidence. Cette raison explique sans doute pourquoi l'hypothèse Borloo, porteuse de beaucoup d'incertitudes, a été écartée. Ce souci d'apaisement pourrait être facilitée par les chantiers internationaux qui devraient occuper Nicolas Sarkozy avec la présidence du G20 et du G8, et laisser un peu de champ à l'équipe gouvernementale. L'éventuelle absence dans celle-ci de Brice Hortefeux, dans la ligne de mire de Matignon, pourrait traduire le poids nouveau du locataire de Matignon.

    Toutes ces raisons expliquent le maintien de Fillon à son poste. C'est sans doute un moindre mal dans l'état de la majorité, mais cela ne donne pas le souffle nouveau qu'aurait pu espérer le pays. Mais pour escompter sur ce souffle qui manque tant, il faudrait que le sarkozysme ait un projet à proposer au pays. Et qu'il sorte enfin des postures successives qui font office de programme politique. En quelque sorte, imaginer un dessein collectif alors que la tendance naturelle du Président est d'exacerber les divisions et tensions.