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UMP - Page 5

  • Pourquoi tant de violences en politique ?

    Guerre ouverte entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Attaque de Bernard Accoyer contre Jean-François CoVillepin - Sarko.jpgpé. Compétition sans merci entre Martine Aubry et Ségolène Royal. Opposition forte entre Daniel Cohn-Bendit et Cécile Duflot. La politique est monopolisée, ces derniers temps, par des affrontements souvent musclés entre des hommes et des femmes qui sont, théoriquement, dans le même camp. La chose n'est pas nouvelle – pensez aux oppositions Chirac / VGE et Mitterrand / Rocard par exemple. Mais elle revêt de plus de plus une dimension obsessionnelle comme s'il fallait s'affirmer par rapport à celui qui est politiquement proche de soi. Tous les coups, toutes les allusions (notamment à la folie supposée de son rival) sont permis On est assez loin d'une éthique démocratique qui suppose un respect mutuel. On est plutôt dans l'étalage quotidien de la haine.

    Quelles conséquences cela a-t-il sur l'espace politique? Soyons clair: cela contribue encore à assombrir le blason d'une sphère fortement discréditée. Pour de nombreux concitoyens, non seulement les politiques mentent allègrement et manquent de courage, mais ils se conduisent comme des gamins insupportables, se chamaillant et incapables de se maîtriser. Dans une société où le « moi je » règne en maître et où se banalise la violence, il y a un besoin fort de préserver un espace ouvert qui obéisse à d'autres règles. Qui valorise l'intelligence et l'art de la conviction sur les ficelles faciles de la démagogie et de l'humiliation de l'autre. Mais quand un président de la République traite un citoyen de « pauv'con », quand le principal parti d'opposition se déchire lors d'uAubry - Ségo.jpgn congrès, s'accusant mutuellement de tricherie, quand un socialiste change de camp en pleine campagne présidentielle et reprend à son compte les thèmes auparavant honnis de l'identité nationale et de la chasse aux immigrés, on « trivialise » la politique; on en fait simplement un objet marchand puisque tout s'achète et que toutes les valeurs sont fonction du contexte et des opportunités.

    Cette affaire est grave car le politique n'a plus aucune légitimité à s'opposer à la montée des violences. Comment rendre crédibles les discours sur le « vivre ensemble », sur les voies pacifiques de résolution des conflits quand le « spectacle » de la politique n'obéit qu'aux lois de la trahison et du cynisme? Comment le Premier des Français peut-il donner envie d'entraîner le peuple dans son exhortation de la tolérance et de l'écoute des autres (message de voeux 2010) quand lui-même poursuit avec obsession l'idée de se venger d'un ancien Premier ministre? Comment faire évoluer la réflexion de certains jeunes embués dans la violence qui sont persuadés d'être victimes d'un complot dirigé contre eux, quand un conseiller de l'Elysée brandit cet argument à propos d'une vague et banale rumeur d'adultère? Bien des politiques qui font et défont les carrières devraient penser à l'image qu'ils donnent. Ils n'ont pas conscience, les malheureux, qu'ils sont en train de scier la fragile branche sur laquelle ils évoluent.

    Dans la sphère politique, il existait un courant qui semblait préservé des affres de la violence destructrice. Les Verts entendaient ainsi « faire de la politique autrement », respecter les personnes et ne s'opposer que sur des idées. Si tant est que cela ait un jour existé, il faut dire tranquillement que ce temps est révolu. Le mois qui a suivi la bonne perfoDuflot - Dany.jpgrmance d'Europe écologie a été marqué par des affrontements internes d'une rare violence entre les camps Duflot et Cohn-Bendit. Au centre des « débats », la question de la transformation des structures et l'éventuelle dissolution des Verts dans un ensemble plus vaste. Un ami arrivé récemment à Europe écologie me racontait l'avalanche de mots assassins qu'il a entendus et parfois endurés (« Je vais t'écrabouiller »...). Curieux scénario d'un mouvement qui se déchire alors qu'il est, à la différence de l'UMP ou du MoDem, dans une phase ascendante.

    Il n'y a pas d'explication simple à cette dégradation des moeurs en politique (même s'il faut se garder d'idéaliser le passé). Peut-être faut-il y voir la conséquence de cet affaiblissement prodigieux des références idéologiques, qui a libéré l'affirmation des ambitions personnelles. Plus de tabou, par exemple, à dire deux ans avant l'échéance, qu'on est candidat à l'Elysée! Les partis ne sont plus, pour certains de ses responsables, qu'un espace destiné à la conquête du pouvoir. La réflexion peut attendre ou alors elle est sous-traités à des thinks tank ou laboratoires internes.

    Dans ce contexte, la décision de communistes critiques (comme Patrick Braouezec) de quitter leur parti pour imaginer de nouveaux lieux politiques et la proposition de Dany Cohn-Bendit d'organiser Europe écologie sous la forme d'une coopérative (reste à en préciser les contours...) sont des initiatives intéressantes pour réfléchir à un dépassement de la forme « parti » qui s'est transformé en simple machine électorale.

  • Sarkozy peut-il tenir (encore) deux ans?

    En répondant par un « Circulez, y'a rien à voir » à la déculottée des régionales, Nicolas Sarkozy semble jour après jour s'enfermer dans sa tour d'ivoire et se couper davantage du pays. Lui qui, pendant la campagne électorale, vSarko heureux.jpgoire pendant les premiers mois de son quinquennat, sentait si bien l'air du temps et trouvait souvent les mots et gestes est aujourd'hui complètement à l'ouest. Au lieu de se ressaisir, de se donner du temps pour réfléchir, il persévère dans l'erreur, continue comme si de rien n'était. « Persevare diabolicum est »!

    Certes, diront ses défenseurs, le Président a renvoyé aux calendes dites grecques l'idée d'une fiscalité écologique. Même si la taxe carbone était mal foutue, au point que le Conseil constitutionnel l'avait en partie retoquée, la sacrifier ainsi pour espérer s'attirer les faveurs de l'électorat UMP est catastrophique. D'abord parce que l'urgence écologique est bien réelle et qu'il est difficile d'être un ardent écologiste à Copenhague et d'épouser le discours écolo-sceptique à Paris. La Fondation Nicolas Hulot en a tiré les conclusions qui s'imposaient en suspendant sa participation au Grenelle de l'environnement qui ressemble de plus en plus à une coquille vide...

    Ensuite, cette décision illustre ce qui est justement reproché au chef de l'Etat : n'avoir aucune vision d'avenir, voire aucune conviction. Comment peut-on corréler un immense chantier (une réforme aussi importante que l'abolition de la peine de la mort, prétendait Sarkozy) aux aléas électoraux? Comment lui faire confiance désormais, se diront les militants écologistes qui s'étaient engagés avec sincérité dans ce grand chantier de l'environnement? Fiasco donc.

    En revanche, là où on pouvait attendre de la souplesse, on ne trouve que rigidité et dogmatisme. Sur le bouclier fiscal, critiqué par la gauche, les syndicats et maintenant par une partie de la majorité, Nicolas Sarkozy se montre inflexible. On n'y touche pas, unJuppé.jpg point, c'est tout. Ce dispositif qui bénéficie à 16500 heureux contribuables (pour un montant global de près de 600 millions d'euros, selon les chiffres de Bercy) est pourtant le symbole de l'injustice de la politique actuelle. Qu'Alain Juppé, dont les liens avec les amis de Besancenot sont pour le moins ténus, se fasse l'apôtre d'une suspension de cette mesure, qu'une douzaine de parlementaires UMP lui emboîtent le pas devraient faire réfléchir le chef de l'Etat. Mais non, crise ou pas crise, Sarko n'entend pas abandonner ce bouclier fiscal qui plait tant à une petite (mais influente) frange de son électorat. Les Français à qui on va vanter les sacrifices nécessaires pour « sauver notre système de retraite », risquent de fort peu apprécier.

    En termes de méthodes, Nicolas Sarkozy est en train de se couper de ses propres relais au sein de l'UMP. Tous ceux qui, à la différence d'un Frédéric Lefebvre, ne sont pas béats devant chaque fait et geste du locataire de l'Elysée, sont de plus en plus consternés. En moins de 24 heures, sans même se donner le temps de réflexion, il a rafistolé une équipe gouvernementale qui avait besoin d'un sérieuse réorganisation comme le demandait le Premier ministre (notamment pour remplacer Kouchner, Besson, Hortefeux désavoués ou inaudibles). En débauchant un ancien chiraquien et un villepeniste, il fait un coup politique (comme l'ouverture à gauche précédemment) sans donner la moindre lisibilité politique.

    Ensuite, il convoque les parlementaires à l'Elysée pour leur faire la leçon, sans leur accorder le moindre espace de débat. Ceux-ci commencent à douter sérieusement du flair politique de leur (ex)champion. La plupart ne disent rien officiellement, tétanisés par les méthodes musclées des Sarkozy's boys. D'autres - encore très minoritaires - s'engagent au côté du « félon » Villepin. Les derniers vont prendre des initiatives – comme celle sur le bouclier fiscal – pour montrer que loyauté ne se confond pas avec servilité. Ils espèrent prouver à leurs électeurs qu'ils disposent d'un peu d'autonomie et qu'ils ne peuvent être confondus avec l'autisme présidentiel. Dans sa majorité, le climat rJouanno.jpgisque d'être de plus en plus lourd. Le nombre de responsables humiliés par Sarkozy – la dernière en date étant Chantal Jouanno qui s'est déclarée « désespérée », mais pas au point de démissionner... – devient impressionnant. Et la vengeance en politique est un plat qui se sert souvent froid...

    « Ca va mal finir », avait pronostiqué, voici un an, François Léotard. La prédiction de l'ancien ministre UDF pourrait bien se vérifier ces prochains mois. Le délitement de la société française pourrait continuer à produire des effets qui ne lassent pas d'inquiéter. D'autant que les attaques contre l'euro risquent de fragiliser les économies européennes, toujours pas sorties, malgré les prédictions optimistes de Bercy, des turbulences.

  • Régionales: les cinq enseignements nationaux

    La tradition électorale est respectée: le second tour confirme, voire amplifie, la tendance du premier. Les princes de la Sarkozye, brieffés par les sorciers de l'Elysée, avaient fait mine de croire que le 21 mars pouvait défaire ce que le 14 mars avait dessiné, c'est-à-dire un désavurnes électorales.jpgeu majeur du pouvoir. Certes, il s'agissait de vingt-deux scrutins régionaux (pour ne parler que de la métropole) avec ses particularités et le poids des majorités sortantes – pratiquement toutes de gauche. Mais quand tant de ministres concourent, que le Premier ministre mouille autant sa chemise et que le Président, décidément incapable de rester en retrait, coache l'ensemble, allant jusqu'à arbitrer telle ou telle place sur une liste, il est difficile de penser que ce scrutin ne propose pas d'enseignements nationaux. En voici cinq, majeurs.

    1/ La montée de l'indifférence électorale.

    Un citoyen français sur deux est resté étranger au scrutin. La participation est légèrement supérieure pour ce second tour, mais reste dans des eaux très basses, de plus de dix points inférieure à ce qu'elle fut en 2004. A part l'Alsace où les campagnes fortement conservatrices, notamment dans le nord du Bas-Rhin, ont voté pour le candidat UMP, les électeurs de droite ont boudé le scrutin. Exemple emblématique, les Hauts-de-Seine où la gauche est en tête: l'abstention touche un électeur sur deux – alors qu'en 2004, elle n'en concernait qu'un sur trois. Le discours de déni de la réalité entonné par les leaders de droite (« on ne peut tirer aucun enseignement d'un scrutin marqué par un tel taux d'abstention ») a renforcé chez les sympathisants UMP l'idée selon laquelle la majorité, Président en tête, était incapable de les écouter.

    A côté de cette abstention très politique – qui ne représente sans doute pas plus de 5-6 points – existe et se développe une indifférence électorale très préoccupante, sur le registre: « Puisque les politiques ne s'intéressent pas à mon sort, je me détourne de leur univers et de leurs jeux politiciens. » Il ne s'agit pas forcément de populisme (mot fourre-tout), mais plutôt d'une coupure entre des mondes qui devraient s'interpénétrer. Ceux qui se détournent des scrutins le font, pour certains, de façon délibérée. Aux partis politiques d'en tenir compte!

    2/ L'ancrage du Front national

    C'est la grande surprise de ce scrutin qu'aucun institut de sondage n'avait vu veniLe Pen JM et Marine.jpgr – comme en 2002 lors de la présidentielle: la remontée du parti de la famille Le Pen. Non seulement le FN a réussi à dépasser la barre des 10% dans une douzaine de régions, mais il progresse sensiblement d'un tour sur l'autre. C'est un fait nouveau (et inquiétant): jusque-là, les électeurs du FN donnaient un coup de semonce au premier tour et, pour certains, retrouvaient leur famille politique d'origine au second tour (la droite parlementaire pour une majorité, la gauche pour les autres). Cette fois-ci, non seulement les électeurs du premier tour sont restés fidèles à leur choix, mais le score du FN d'un dimanche à l'autre a été renforcé, dépassant les 20% dans deux régions. Dans le Nord-Pas-de-Calais, celui-ci progresse de 4 points, tout comme en Picardie et en Lorraine. En Languedoc-Roussillon, la hausse atteint les 7 points. Les régions où le FN avait provoqué une triangulaire sont aussi celles où la participation a le plus progressé: + 7 points en PACA, + 5 points en Picardie et en Lorraine, + 4 dans le Nord-Pas-de-Calais. Difficile de faire la part des divers facteurs explicatifs de ce rebond du FN – l'aggravation des difficultés économiques, la déception vis-à-vis de Sarkozy, la montée de l'islamophobie, le débat sur l'identité nationale, la personnalité de Marine Le Pen – mais une certitude: le Président de la République qui n'enorgueillait d'avoir terrassé l'hydre frontiste en 2007 a, une nouvelle fois, échoué, malgré ses appels du pied insistants en direction de cet électorat.

    3/ Les couleurs retrouvées du PS

    Même si Martine Aubry n'a pas réussi son pari du grand chelem, même si Georges Frêche la nargue avec son score de 55% - et ce dans le cadre d'une triangulaire -, le parti socialisAubry.jpgte gravement fragilisé depuis l'échec de 2007 retrouve une vraie légitimité. Attention, il ne s'agit pas d'une adhésion à son programme national et à ses leaders, mais d'une confiance dans ses élus locaux, notamment régionaux, qui ont su développer quelques politiques intéressantes en matière de transports notamment. Les présidents de région, parfois peu connus, ne sont pas associés dans l'esprit de la population aux batailles de chef qui secouent la rue de Solférino (même s'ils y participent parfois). Ils bossent plutôt bien, donc on les récompense d'un second voire d'un troisième mandat.

    Comment passer d'un carton presque plein localement (21 régions métropolitaines, les 2/3 des départements, les ¾ des grandes villes) à une crédibilité nationale? Cette équation suppose au minimum d'articuler trois axes:

    • réussir les politiques régionales, notamment en mettant en oeuvre ce fameux bouclier social promis aux Français. Avec la crise économique et de la volonté de l'Etat de reprendre une partie de l'autonomie des régions (suppression de la taxe professionnelle, réforme des collectivités locales), la partie ne va pas être simple pour les exécutifs régionaux.

    • définir un projet national. Sur un tas de questions (retraite, fiscalité, énergie nucléaire, politique industrielle), difficile de savoir que ferait le PS arrivé au pouvoir. Il faut vraiment que ce parti, tellement à l'aise dans les campagnes électorales, se mette à travailler intellectuellement et à faire des arbitrages. L'exercice si longtemps différé par François Hollande sera-t-il enfin mené à terme par Martine Aubry? Sa crédibilité pour la présidentielle en dépend.

    • clarifier son mode de désignation. On le sait, les adhérents ont largement approuvé, à l'automne dernier, le recours aux primaires larges de la gauche. Mais on ignore toujours les modalités de cette formule, son ouverture à d'autres formations et bien sûr la date. Les organiser trop tôt (printemps 2011) risque de précipiter le travail programmatique nécessaire; les prévoir à l'automne 2011, comme la dernière fois, aurait l'inconvénient de laisser un temps réduit au candidat pour s'installer dans l'opinion. Le PS doit, par ailleurs, méditer la leçon des régionales à droite: il faut respecter la diversité des sensibilités des électeurs; un candidat unique peut être un handicap pour le second tour.

    4/ Les promesses d'Europe écologie

    En termes de sièges régionaux, la constellation écologiste est la grande vainqueur de ce scrutin: Europe écologie (EE) devrait doubler le nombre des conseillers Verts et surtout celui de ses vice-présidences. L'écologie ne peut plus être la roue de secours d'une gauche mal inspirée. Elle doit l'aider à faire sa mue en reconsidérant ses postulats scientisDany.jpgtes et productivistes qui marquent encore sa pensée. Après deux scrutins réussis, les difficultés commencent pour EE. Elle va devoir s'organiser dans un nouveau cadre. Dany Cohn-Bendit propose plus ou moins la dissolution des Verts et l'organisation d'une sorte de fédération plus souple et ouverte qu'un parti. L'appareil des Verts ne semble pas emballée par cette perspective. Débats en perspective.

    D'autre part, 2012 pourrait être un piège pour EE. Faut-il ou non se présenter à cette élection ultra-personnalisée qui ne correspond pas à la culture écolo? Faut-il négocier avec le PS pour avoir des places éligibles? Mais alors comment conserver une forme d'autonomie qui a fait le succès d'EE? Le scénario de la Bretagne doit, en tout cas, faire réfléchir les dirigeants. Dans le cadre d'une triangulaire avec la gauche, Guy Hascoët a fait passer le score d'EE de 12 à 17 % alors même que la participation a augmenté de 4 points. Une partie de l'électorat écologiste ne veut pas d'alliance avec la gauche traditionnelle, du moins tant que celle-ci ne s'est pas profondément rénovée.

    5/ Le désarroi de la droite

    La conservation de l'Alsace et la conquête de la Réunion et la Guyane (avec des spécificités locales très fortes) ne peut consoler la droite. Non seulement elle ne reconquiert aucune des régions prises par la gauche en 2004, mais elle est souvent battue largement par celle-ci. L'UMP est toujours à plus de dix points du président sortant et dans certaines régions, elle subit une humiliation: 26% pour Valérie Létard dans le Nord-Pas-de-Calais (quatre points de plus que Marine Le Pen), 28 % pour Xavier Darcos en Aquitaine... Étonnamment, le discours du second tour ressemblait à celui du premier: on a certes perdu, mais on ne va pas changer grand-chose dans notre façon de faire. Un petit reliftage gouvernemental – avec l'éventuel départ des Hirsch ou Bockel, symboles de l'ouverture sarkozyenne – n'est pas à la hauteur du désarroi d'un électorat qui est nostalgique de l'élan de 2007 et ne retrouve plus son « Nicolas ». La difficulté pour la droite est la rançon de son succès: comme l'UMP a « caporalisé » son organisation, évacué tout débat depuis sa victoire, Copé.jpgtoute critique, même mesurée, est vécue comme un affront, un vrai crime-de-lèse-majesté. La période est propice à des tentatives de dissidence. Dissidence ouverte pour Dominique de Villepin qui veut empêcher la réélection de Sarkozy en 2012. Dissidence feutrée pour Jean-François Copé qui veut se placer en embuscade pour réorganiser la droite après un éventuel échec à la présidentielle. Au centre droit, l'échec du MoDem pourrait donner des envies d'autonomie (relative). L'enjeu pour la droite est le suivant: faire accepter au président de la République l'idée selon laquelle le débat et la contradiction peuvent servir son dessein pour 2012 et non l'entraver. Au vu de l'autisme élyséen, c'est pas gagné...

  • L'énigme des 15 points et la stratégie de Sarko

    Quinze. C'est le chiffre qu'il faut retenir de ce premier tour des élections régionales. Cela ne correspond pas au score de telle ou telle formation Sarko impérial.jpgpolitique, mais à l'augmentation de l'abstention en six ans pour un même scrutin. Plutôt que de parler de la (contre) performance de tel ou tel (tout a été dit lors de la soirée électorale), il faut s'arrêter sur le principal enseignement de ce 14 mars.

    Pourquoi plus d'un électeur sur deux n'a pas jugé bon de se rendre dans son bureau de vote? Pourquoi cette claque adressée à la classe politique? On peut évidemment y voir des circonstances conjoncturelles. Certes, les élections régionales ne sont très sexy: les questions sont assez techniques et ne se prêtent guère à des clivages francs et nets; les présidents, à part Ségolène Royal en Poitou-Charentes et Georges Frêche en Languedoc (tous deux, en marge du PS, réalisent parmi les meilleurs scores de la gauche), jouissent d'une très faible notoriété. On peut ajouter que la campagne a été « polluée » par des affaires qui n'ont pas rehaussé l'intérêt des électeurs. Évidemment, il faut également incriminer le contexte économico-sociale qui favorise un certain fatalisme vis-à-vis de la politique: les régions, si elle peuvent encourager un certain type d'entreprises, n'ont aucunement les moyens d'empêcher tel plan social ou telle délocalisation. Elles sont pas le « bouclier social » que promeut la gauche, mais simplement un petit édredon qui amortit les chocs. Sans être négligeable, cela n'est pas de nature à mobiliser des franges populaires très inquiètes (à juste titre) pour l'avenir.

    Avec ces facteurs, on n'a pas résolu l'énigme des 15 points. Que s'est-il passé en six ans pour en arriver à ce désintérêt patent de la politique? Voici bientôt trois ans, un homme est arrivé à l'Elysée et a tout bouleversé. Sa façon de concevoir l'action politique est aux antipodes de ce qui a pu se faire avant. Jusque-là, une majorité conduite par le Premier ministre mettait en oeuvre son programme et le cap défini par le Président de la République. Celui-ci restait en dehors de la mêlée (ce qui n'empêchait pas les coups bas et les trahisons). Depuis 2007, Nicolas Sarkozy est en permanence dans le feu de l'action, ne prend jamais de recul, bâillonne sa majorité et débauche régulièrement des personnalités de l'opposition. S'ensuit un fort mécontentement dans l'électorat de droite qui, entre nominations Besson-Kouchner puis Migaud-Charasse, bling-blig et Cécilia-Carla, n'y retrouve pas ses petits (d'où la gamelle de l'UMP ce dimanche), mais plus fondamentalement un grand désarroi dans la société.

    Tout le monde s'interroge sur ce que veut faire exactement Sarko. Tout est réversible chez lui, tout jugement sur sa politique peut être contesté. C'est un libéral convaincu. Oui, mais il tonne contre les bonus accordé aux traders et entend réguler le système financier mondial (comment, on l'ignore). Il flatte l'électorat du Front national (qui le lui rend mal). Oui, mais il dit vouloir s'attaquer aux discriminations visant les Français dont la peau est moins blanche que Gérard Longuet. Il a pris à bras le corps la question du réchauffement climatique Sarko grimace.jpgdepuis le Grenelle de l'environnement jusqu'à la négociation de Copenhague. Oui, mais le premier n'avance pas fort et, devant des agriculteurs inquiets, lance: « L'écologie, ça suffit comme ça ». Il veut réformer la société française. Oui, il l'a montré pendant trente mois - au risque du tournis -, mais le voilà annonçant qu'en 2011, on va « délégiférer ». Comprenne qui pourra!

    Faute de savoir ce qu'il veut faire du pouvoir qui lui a été accordé pour cinq ans, Sarko se démène pour le garder cinq années de plus. Et pour jouir encore et toujours du pouvoir sur les gens (plus que sur les réalités), il faut accroître la confusion politique, brouiller toutes les lignes, saccager le clivage gauche-droite et « viriliser » le débat (tout est rapport de force et intérêt bien compris; l'intérêt général peut bien attendre). En un mot, dépolitiser.

    De ce point de vue, le scrutin de ce dimanche est satisfaisant pour l'Elysée: il a dégoûté une frange non négligeable d'électeurs de s'intéresser à la politique et, en outre, a affaibli le pouvoir régional qu'il pourra ensuite « achever » lors de la réforme des collectivités locales. Du beau travail, Monsieur le Président, mais qui peut nous laisser un goût bien amer!