En répondant par un « Circulez, y'a rien à voir » à la déculottée des régionales, Nicolas Sarkozy semble jour après jour s'enfermer dans sa tour d'ivoire et se couper davantage du pays. Lui qui, pendant la campagne électorale, voire pendant les premiers mois de son quinquennat, sentait si bien l'air du temps et trouvait souvent les mots et gestes est aujourd'hui complètement à l'ouest. Au lieu de se ressaisir, de se donner du temps pour réfléchir, il persévère dans l'erreur, continue comme si de rien n'était. « Persevare diabolicum est »!
Certes, diront ses défenseurs, le Président a renvoyé aux calendes dites grecques l'idée d'une fiscalité écologique. Même si la taxe carbone était mal foutue, au point que le Conseil constitutionnel l'avait en partie retoquée, la sacrifier ainsi pour espérer s'attirer les faveurs de l'électorat UMP est catastrophique. D'abord parce que l'urgence écologique est bien réelle et qu'il est difficile d'être un ardent écologiste à Copenhague et d'épouser le discours écolo-sceptique à Paris. La Fondation Nicolas Hulot en a tiré les conclusions qui s'imposaient en suspendant sa participation au Grenelle de l'environnement qui ressemble de plus en plus à une coquille vide...
Ensuite, cette décision illustre ce qui est justement reproché au chef de l'Etat : n'avoir aucune vision d'avenir, voire aucune conviction. Comment peut-on corréler un immense chantier (une réforme aussi importante que l'abolition de la peine de la mort, prétendait Sarkozy) aux aléas électoraux? Comment lui faire confiance désormais, se diront les militants écologistes qui s'étaient engagés avec sincérité dans ce grand chantier de l'environnement? Fiasco donc.
En revanche, là où on pouvait attendre de la souplesse, on ne trouve que rigidité et dogmatisme. Sur le bouclier fiscal, critiqué par la gauche, les syndicats et maintenant par une partie de la majorité, Nicolas Sarkozy se montre inflexible. On n'y touche pas, un point, c'est tout. Ce dispositif qui bénéficie à 16500 heureux contribuables (pour un montant global de près de 600 millions d'euros, selon les chiffres de Bercy) est pourtant le symbole de l'injustice de la politique actuelle. Qu'Alain Juppé, dont les liens avec les amis de Besancenot sont pour le moins ténus, se fasse l'apôtre d'une suspension de cette mesure, qu'une douzaine de parlementaires UMP lui emboîtent le pas devraient faire réfléchir le chef de l'Etat. Mais non, crise ou pas crise, Sarko n'entend pas abandonner ce bouclier fiscal qui plait tant à une petite (mais influente) frange de son électorat. Les Français à qui on va vanter les sacrifices nécessaires pour « sauver notre système de retraite », risquent de fort peu apprécier.
En termes de méthodes, Nicolas Sarkozy est en train de se couper de ses propres relais au sein de l'UMP. Tous ceux qui, à la différence d'un Frédéric Lefebvre, ne sont pas béats devant chaque fait et geste du locataire de l'Elysée, sont de plus en plus consternés. En moins de 24 heures, sans même se donner le temps de réflexion, il a rafistolé une équipe gouvernementale qui avait besoin d'un sérieuse réorganisation comme le demandait le Premier ministre (notamment pour remplacer Kouchner, Besson, Hortefeux désavoués ou inaudibles). En débauchant un ancien chiraquien et un villepeniste, il fait un coup politique (comme l'ouverture à gauche précédemment) sans donner la moindre lisibilité politique.
Ensuite, il convoque les parlementaires à l'Elysée pour leur faire la leçon, sans leur accorder le moindre espace de débat. Ceux-ci commencent à douter sérieusement du flair politique de leur (ex)champion. La plupart ne disent rien officiellement, tétanisés par les méthodes musclées des Sarkozy's boys. D'autres - encore très minoritaires - s'engagent au côté du « félon » Villepin. Les derniers vont prendre des initiatives – comme celle sur le bouclier fiscal – pour montrer que loyauté ne se confond pas avec servilité. Ils espèrent prouver à leurs électeurs qu'ils disposent d'un peu d'autonomie et qu'ils ne peuvent être confondus avec l'autisme présidentiel. Dans sa majorité, le climat risque d'être de plus en plus lourd. Le nombre de responsables humiliés par Sarkozy – la dernière en date étant Chantal Jouanno qui s'est déclarée « désespérée », mais pas au point de démissionner... – devient impressionnant. Et la vengeance en politique est un plat qui se sert souvent froid...
« Ca va mal finir », avait pronostiqué, voici un an, François Léotard. La prédiction de l'ancien ministre UDF pourrait bien se vérifier ces prochains mois. Le délitement de la société française pourrait continuer à produire des effets qui ne lassent pas d'inquiéter. D'autant que les attaques contre l'euro risquent de fragiliser les économies européennes, toujours pas sorties, malgré les prédictions optimistes de Bercy, des turbulences.