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juppé

  • Quand le sarkozysme se renie...

    Qu'écrire de plus sur le remaniement gouvernemental fait dans la précipitation? Il était évidemment urgent d'exfiltrer "en douceur" deux éléments particulièrement encombrants de l'organigramme: Michèle Alliot-Marie parce que son feuillethortefeux-et alliot-marie.jpgon touristico-familial en Tunisie l'empêchait désormais de voyager dans les pays arabes et interdisait toute parole crédible sur le séisme politique en cours dans la région; Brice Hortefeux parce que sa gestion du ministère de l'Intérieur n'est pas à la hauteur de la priorité sécuritaire de Nicolas Sarkozy en vue de 2012 et parce que sa condamnation pour propos racistes – actuellement en appel – faisait un peu tache dans le décor.

    C'est donc fait et plutôt bien fait car Nicolas Sarkozy a joué la carte de la sécurité en plaçant Claude Guéant, à l'Intérieur, et Alain Juppé au Quai d'Orsay. Le premier est connu pour être dévoué corps et âme au Président et pour connaître parfaitement le milieu policier, particulièrement inquiet par les conséquences de l'austérité budgétaire. Le second a laissé un bon souvenir de son passage aux Affaires étrangères du temps de la cohabitation Balladur-Mitterrand et jouit d'une crédibilité dont souffraient terriblement Bernard Kouchner et MAM.

    Reste que ce remaniement illustre une fois encore l'impossible renouvellement deJuppé, longuet, Guéant.jpgs élites dirigeantes. Les trois promus (Guéant, Juppé et Gérard Longuet) ont la soixantaine bien sonnée et fréquentent les allées du pouvoir depuis vingt à trente ans. Le premier est un pur produit de la haute administration française qui vit en cercle fermé, dans un rapport incestueux avec la classe politique. Le second doit beaucoup à Jacques Chirac qui l'a fait adjoint à la mairie de Paris puis premier ministre de la son gouvernement. Même s'il s'est affranchi de la tutelle chiraquienne en partant à la conquête de Bordeaux, il n'en reste pas moins un disciple de l'ancien Président, ce qui lui donne une sensibilité aux enjeux diplomatiques (bien utile en ces temps de manichéisme sarkozyste), mais aussi une absence d'originalité, voire un opportunisme. N'oublions pas que le maire de Bordeaux avait critiqué l'alignement de la France sur les Etats-Unis lors de la réintégration de notre pays dans le haut-commandement de l'Otan. N'oublions pas non plus qu'il avait promis à ses administrés bordelais de se consacrer à temps plein à la ville...

    Quant au troisième, Gérard Longuet, on se demande bien les raisons de son arrivée dans l'équipe gouvernementale. S'agit-il d'un clin d'oeil à l'extrême droite au vu du passé sulfureux de notre ministre de la Défense? S'agit-il d'un signe envoyé à la majorité sénatoriale (relative) qui s'est sentie oubliée lors du dernier remaniement (vous vous rappelez, celui de novembre où des « professionnels » arrivaient aux commandes...) et qui va être mise à rude épreuve lors du renouvellement de septembre prochain? S'agit-il tout simplement d'un renvoi d'ascenseur entre deux hommes (Sarkozy et Longuet) qui ont fréquenté assidument le milieu de la finance et des grandes entreprises? On remarquera à l'occasion que le Président prend un risque politique en nommant l'ami Gérard à ce poste stratégique car l'ancien président du groupe UMP au Sénat a été cité dans un nombre incalculable d'affaires financières et il n'est impossible que l'une d'entre elles se rappelle à son bon souvenir.

    Que reste-t-il, moins de trois ans après son arrivée à l'Elysée, de la promesse d'un souffle frais à la tête de l'Etat? Le trio « diversité » (Rachida Dati, Rama Yade, Fadela Amara) a été écarté sans trop de ménagement des allées du pouvoir. Les personnalités d'ouverture (de Kouchner à Bockel en passant par Hirsch ou Jouyet) ne sont plus qu'un souvenir, bon ou médiocre. La relative jeunesse de l'équipe a été remplacée par l'expérience du pouvoir si rassurante. En procédant ainsi, Nicolas Sarkozy annihile tout ce qui a fait son charme: sa capacité à donner sa chance à des aventuriers de la politique, pas forcément passés par le moule administratif français. Ce projet a certes donné des résultats moyens voire calamiteux, mais ce n'est pas le dessein de renouvellement qu'il faut critiquer, mais la façon dont il a été mis en oeuvre. Miser simplement sur la fougue, l'enthousiasme et... la fidélité au chef n'est pas suffisant pour incarner le renouveau. Au contraire, il peut laisser penser qu'on singe le profil des politiques traditionnels, la compétence en moins.

    La classe politique, à droite comme à gauche, a besoin de sang neuf. Cela ne se juge pas à la jeunesse des artères: certains quadras qui ont fréquenté, depuis leurs années estudiantines, les allées du pouvoir paraissent déjà si vieux... Cela se jauge plutôt à l'immersion dans la société, les expériences accumulées dans le monde du travail, la richesse des engagements associatifs. Malgré les professions de foi célébrant l'ouverture, le monde politique a de plus en plus tendance à se replier sur son pré-carré, entretenant ses réseaux internes – liés à la fréquentation d'une grande école ou d'une loge maçonnique – et se coupant des forces vives qui amènent des innovations et des façons différentes de penser le monde. Le conformisme ambiant est mortel pour la politique. Même si les contextes sont profondément différents, le tourbillon sur la rive Sud de la Méditerranée devrait faire réfléchir nos politiques. En sont-ils capables?

  • Sarkozy ou la tentation populiste

    Sarkozy.jpgNicolas Sarkozy est à mi-chemin dans l'accomplissement de son premier mandat. Deux ans et demi, c'est court, mais cela paraît déjà extrêmement long. Il y a une promesse que le président a tenu: celle de la rupture. Dans le style, tout le sépare de son prédécesseur: son interventionnisme permanent sur tous les sujets (Chirac n'intervenait publiquement que dans les grandes occasions), l'absence d'autorité du Premier ministre (alors que Raffarin et Villepin en avaient), l'obsession de la communication (qui existait déjà avant, mais dans des proportions moindres), sans compter l'affichage de la vie privée (alors que l'ancien président se faisait discret...).

    Mais il y a aussi le fond. On pourrait ainsi faire la liste des promesses tenues – elles sont nombreuses – et celles complètement oubliées. J'en citerai deux, emblématiques: la défense du pouvoir d'achat des Français (pas brillant, et ce avant même le début de la crise financière) et la fin de la Realpolitik en politique étrangère. Avec les Russes, les Chinois et les dictateurs africains (regardez l'épisode tragico-comique au Gabon), le président oublie allègrement la question des droits de l'homme. Business is business... On aimerait entendre un peu André Glucksman qui s'était rallié à Sarko sur cette question. Le seul pays avec lequel l'Elysée maintient un discours dur est l'Iran. Comme s'il fallait faire plaisir aux sionistes les plus exaltés qui y voient le nouveau péril mondial.

    Ce qui me semble le plus intéressant à analyser, c'est la méthode Sarkozy. L'idée sous-jacente du Président, c'est qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, autrement dit que rien n'est possible dans ce pays si on n'y va pas franchement. On arrive à une situation où toute réforme passe par une phase de démolition de l'acquis. Pour supprimer le juge d'instruction, on monte en épingle diverses affaires dont celle d'Outreau ou la remise en liberté de tel ou tel malade sexuel. Au lieu de s'interroger sur la responsabilité des uns et des autres dans ce grand scandale judiciaire - y compris celle du parquet et le juge des libertés publiques - au lieu de renforcer l'accompagnement psychologique des délinquants sexuels pour réduire le risque de récidive, on émet des propositions simplistes (la castration chimique), on brandit un bouc-émissaire, on dénigre toute une profession, laquelle se sentant agressée se défend, ce qui donne prise à l'accusation de corporatisme.

    Le même procédé a été utilisé vis-à-vis des enseignants, des fonctionnaires, des étrangers mais aussi des élus locaux qu'on accuJuppé et Raffarin.jpgse de faire flamber les impôts locaux pour mieux leur imposer une réorganisation hasardeuse (ce qui expliquent la fronde de deux anciens premiers ministres, Raffarin et Juppé). Cette brutalisation du corps social pose question car le pays rumine ses inquiétudes, ses peurs. Le pouvoir central en rajoute une louche en se croyant tout permis, comme l'a prouvé l'affaire Jean Sarkozy.

    Cette violence du pouvoir vis-à-vis de la société pose problème à trois niveaux. D'abord, elle a tendance à compliquer l'avancée des dossiers. Sur la taxe professionnelle, personne ne sait aujourd'hui quel régime fiscal s'appliquera aux collectivités locales. Cette méthode qui entendait accélérer les décisions risque au contraire de les ralentir.

    D'autre part, cela provoque des réactions violentes voire désespérées de la part de ceux qui sont agressés dans leur métier, dans leur identité. Les syndicats partisans de la négociation (la direction de la CGT, la CFDT) sont affaiblis en interne et en externe (SUD a le vent en poupe). La situation dans les quartiers populaires devient très lourde avec la mise au chômage de milliers d'intérimaires et la clémence de la justice vis-à-vis de comportements violents de certains policiers. Le politique qui devait mettre de la cohésion, faire du lien entre des groupes souvent en opposition a tendance à accentuer les divisions, à souffler sur les braises.

    Enfin, l'affaiblissement voulu par l'Elysée de tous les contre-pouvoirs (syndicats, juges, presse) aboutit à une sorte de désert social et politique. Le sens du collectif s'efface grandement, chacun essaye de protéger ce qui peut l'être encore, tout le monde a peur de l'avenir. Dans ce contexte, le populisme est exacerbé. Un candidat exaltant le ras-le-bol des élites et du parlementarisme, la province contre Paris, ceux qui travaillent contre ces fainéants de chômeurs pourrait ramasser la mise en 2012.

    Alors Sarkozy et son entourage sont-ils conscients de ce risque? Difficile de répondre. Mais de deux choses l'une. Soit ils jouent avec le feu sans le savoir et il serait temps de se réveiller. Soit ils préparent ainsi le terrain pour la réélection de Sarkozy. Celui-ci pourrait prendre à témoin le pays des blocages et des privilèges des uns et des autres (y compris ceux des grandes fortunes?) pour proposer une méthode forte permettant de nettoyer la France. Le premier charter d'Afghans, la remise sur le tapis de l'identité nationale et la volonté de réprimer les mineurs dits délinquants laissent craindre que la tentation populiste taraude le pouvoir central.