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  • Réforme de la dépendance : demandez le programme !

    Voici un article que j'ai publié dans "Travail social actualités" pour lequel je travaille (www.tsa-quotidien.fr/). La question de la prise en compte de la perte d'autonomie peut apparaître pointue, réservée à des spécialistes, mais pourtant, cela concerne des millions de Français angoissés par le déclin de leur parent et tous les problèmes humains et financiers que cela pose. Pendant la campagne, il en a été question cent fois moins que des rites d'abattage des animaux, par exemple, et pourtant, cela semble au moins aussi important... 

     

    "Les candidats ont du mal à rendre visible leur message en matière de perte d'autonomie", juge le collectif "Une société pour tous les âges" qui a sollicité les propositions des postulants à l'élection du 22 avril (lire encadré). Et pourtant, un récent sondage publié par "La Croix" confirme l'importance de ce problème au quotidien : près d'un tiers des personnes indiquait connaître - ou avoir connu - une situation de dépendance parmi leurs proches.

    Trois candidats sèchent le sujet

    L'examen des propositions concernant cette question est assez rapide chez trois candidats puisqu'il n'y en a pas. Si Jacques Chemindépendance,hollande,sarkozy,bayrouade s'intéresse beaucoup à l'espace souhaitant "raccourcir la durée future des trajets Terre-Mars et au-delà", la question du vieillissement n'a pas trouvé place dans le programme du candidat le plus âgé (71 ans). De son côté, Philippe Poutou (NPA) veut une mobilisation pour que les jeunes ne soient pas "la génération sacrifiée", mais reste muet sur le désarroi des familles face à la dépendance de leurs proches. Même scénario pour Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) dont les "37 propositions" sont étrangement silencieuses sur cet enjeu.

    "Renoncements impardonnables"

    Reste donc les sept autres candidats, plus ou moins diserts en la matière. Tout le monde s'accorde, dans des termes différents, sur la gravité de la situation. "Qu'ils [les anciens devenus dépendants] ne soient pas rejetés de la société, par l'isolement ou la misère, devrait être le minimum de toute société civilisée", estime ainsi Nathalie Arthaud (LO).
    Promis, juré, ce quinquennat fera bouger les choses après ce que tous estiment un raté de la présidence. "Les promesses de Nicolas Sarkozy ont été dramatiquement non tenues", déclare Marine Le Pen (1). Plus nuancé (il reconnaît des progrès en matière de prise en charge de la maladie d'Alzheimer) François Bayrou (MoDem) dénonce des "renoncements impardonnables" (1). Pour sa défense, le président candidat répète ce qu'il dit depuis l'automne dernier quand le chantier avait été officiellement
    reporté : "On ne peut financer la dépendance en créant de la dette et en reportant son financement sur les générations futures, ou en augmentant les impôts et en pénalisant le travail".

    Ce que veut faire le président candidat...

    Se sachant attendu sur ce dossier, Nicolas Sarkozy a fait figurer cette réforme parmi ses "propositions pour une France forte". Au rang 27, on peut ainsi lire : "Engager la réforme de la dépendance à partir de 2013, année où le déficit passera sous la barre des 3 % du PIB". Le libellé ne permet pas de savoir ce qu'il se passerait si la réduction de la dette n'était pas au rendez-vous... Sur les 4 milliards d'euros de mesures nouvelles (solutions de garde d'enfants, places de prison, etc.), le président annonce 700 000 euros dévolus à la réforme de la dépendance. Cela servirait à "financer l'amélioration du maintien à domicile, notamment par l'augmentation des plafonds d'aide de l'APA, et la baisse du reste à charge acquitté par les familles pour l'hébergement". Cette somme est à mettre en rapport avec le chiffrage fait lors du débat sur la dépendance, au printemps 2011, estimant entre "27 et 34 milliards d'euros les surcoûts de la dépendance" (2).

    ... Et son principal rival

    François Hollande n'est pas en reste sur cet objectif : "J'engagerai aussi une réforme de la dépendance permettant de mieux accompagner la perte d'autonomie", écrit-il au numéro 18 des ses "60 engagements". Mais encore ? Dans une interview à la "République du centre ouest", il indique vouloir "doubler le plafond de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile pour les personnes les moins autonomes". La question qui se pose est de savoir à partir de quel stade de perte d'autonomie on est "moins autonome". Vraisemblablement, le candidat socialiste exclurait du champ de ce doublement de l'APA les personnes en GIR 4, numériquement très nombreuses. En termes de financement, F. Hollande défend l'idée d'une cotisation, ce à quoi se refuse Nicolas Sarkozy. Mais il se garde bien de chiffrer le coût global de la réforme qu'il propose.
    A la gauche du président du conseil général de Corrèze, le porte-drapeau du Front de gauche reprend l'idée d'une augmentation de l'APA. Mais Jean-Luc Mélenchon ne s'arrête pas là puisqu'il défend le travail "indispensable" des associations et s'en prend au secteur privé lucratif aux "prix exorbitants". Mais il ne dit pas par quel miracle il pourrait interdire à l'initiative privée de proposer tel ou tel nouvel équipement...

    Solutions divergentes sur le financement

    Comme les autres (excepté Nicolas Sarkozy), Marine Le Pen défend l'idée d'une 5e branche de la Sécurité sociale. Mais en termes de financement, il n'est pas question de nouvel impôt, mais d'un "vaste plan d'économies", de "recettes issues des droits de douane et d'une plus grande taxation du revenu du capital". A l'autre extrémité de l'échiquier politique, Nathalie Arthaud n'est pas en désaccord total puisqu'elle propose que la prise en charge de la dépendance par l'Etat soit financée par "une hausse adéquate des cotisations patronales."
    De son côté, François Bayrou veut mettre en place un vaste plan "Face à la dépendance" qui "fera jouer tous les leviers disponibles, recherche médicale et pharmacologique, amélioration de la prise en charge dans les maisons de retraite et les hôpitaux, construction d'une offre plus abordable pour les familles, appui aux aidants". Mais la question du financement chez cet apôtre de la lutte contre l'endettement reste floue. Dans la réponse qu'il fait au collectif "une société pour tous les âges", il parle d'un "nouveau mode de financement" - sans préciser lequel - en ajoutant qu'il "conviendra d'inciter fortement, voire, un jour, de rendre obligatoire, à partir d'un certain âge, une démarche de prévoyance de la dépendance". L'un des proches du candidat centriste, Jean-Jacques Jégou, a proposé diverses voies de financement : alignement de la CSG des retraités sur celle des actifs, prise en compte des revenus pour la détermination de l'APA, création d'une seconde journée de solidarité (3)....

    Quel calendrier ?

    De son côté, la candidate d'Europe écologie les Verts se fait plus précise dans sa réponse au collectif puisqu'elle chiffre à "8 milliards d'euros dans les 20 ans qui viennent" les besoins de financement. "Ces chiffres ne sont pas du tout hors portée si on les rapporte en pourcentage du PIB," estime Eva Joly qui souhaite pour le financement ("du ressort de la solidarité nationale") un alignement des taux de CSG et une taxation sur les patrimoines les plus élevés. Elle voudrait que le débat s'engage dès cet été pour le vote d'une loi en 2013. Un calendrier qui correspond grosso modo à celui avancé par Marisol Touraine, responsable du pôle social du candidat socialiste : la loi sur le vieillissement qui comprendrait notamment la réforme de l'APA et l'adaptation de 80 000 logements (un axe repris par plusieurs candidats), serait discuté "fin 2012, début 2013".

    (1) Réponses aux questions posées par "Le Mensuel des maisons de retraite" (mars 2012).
    (2) Toujours selon le groupe de travail présidé par Bertrand Fragonard, 70 % de cette dépense est prise en charge par la puissance publique, soit entre 19 et 24 milliards d'euros.
    (3) Lors d'un débat organisé le 26 mars par l'AD-PA.

  • Cinéma : Pater ou la politique mise à nu

    En cette période faussement estivale où les politiques vont entamer de (courtes) vacances,Alain Cavalié, Vincent Lindon, mitterrand, sarkozy ils auraient tout intérêt à se précipiter dans une salle obscure pour voir Pater (à tout hasard, je leur conseillerai également Une séparation pour la profondeur du drame et la lecture tout en finesse de la société iranienne).

    Pater donc. Un homme âgé, le Président (Alain Cavalier, également le réalisateur) demande à un autre, la cinquantaine (Vincent Lindon, remarquable) de devenir son Premier ministre. Cela ne se passe dans un palais nappé de tapis rouges et de huissiers en redingote, mais dans une grande maison de campagne visitée par un chat. Le second accepte, fort de son expérience d'une entreprise couronnée de succès, mais compte mettre en oeuvre un principe qui a régi la réussite de sa boite : la limitation des écarts de revenu de un à dix. C'est sur la base de cette idée simple sur le papier que leur relation se noue. Le Président semble accepter ce principe, mais pragmatique, veut l'atténuer : passer d'un écart de un à quinze. Histoire de ne pas heurter sa majorité...

    Pater se déroule ainsi sur un ton badin, alternant scène sur le choix des cravates ou la peau douce d'Inès de Fressange, et réflexions sur le sens de la politique, jusqu'au dénouement final. Pour les élections qui arrivent, le Président souhaite ne pas représenter et céder sa place au Premier ministre. Lequel semble accepter puis se ravise quand il voit que son projet de réduction des écarts de salaire est retoqué par la majorité. Il démissionne et il ira à la bataille contre le Président, lequel est « obligé » de repartir au combat malgré sa lassitude...

    Pas d'action dans ce film (à part le fameux chat qui rentre et sort), mais de vraies joutes oratoires sur le sens de la politique. Le Premier ministre s'inscrit dans une optique de changement. Il parle, dans des formules un peu pompeuses, d'ouvrir sur les forces de la vie, en se débarrassant des logiques de peur et d'égoïsme. Le Président, dans un style qui rappelle davantage Mitterrand que Sarkozy, veut davantage composer avec les forces politiques, avancer tranquillement quitte à caler au premier obstacle. L'affrontement est ici feutré, entre gens de bonne compagnie, mais il n'en est pas moins réel, renvoyant au duel éternel idéalisme/réalisme.

    Dans ce film savoureux, parfois drôle, on découvre également le rôle de conseiller du prince (qui s'inscrit dans la lignée des Talleyrand et autres Fouché), empreint de cynisme. Une scène prodigieuse rassemble le conseiller, le Président et le Premier ministre autour d'une photo compromettante de leur rival. Que faut-il en faire? Le Premier ministre décide de ne pas l'utiliser, mais de la garder précieusement avec lui. On ne sait jamais... Toute ressemblance avec des faits ayant existé (très récemment) ne serait pas que pure coïncidence...

    On ressort de Pater assez interrogatif sur le sens de la politique. On y découvre l'idéaliste de Premier ministre pas insensible à l'impression que ferait sur son voisinage l'insigne de la Légion d'honneur griffée sur sa veste. On y voit tout le narcissisme qui est inhérent à la fonction politique. Faut-il s'en indigner ? Evidemment quand le culte du moi emporte tout, y compris la vague préoccupation de l'intérêt général, quand l'amour de sa « belle gueule » conduit à oublier tous ceux qu'on doit servir. En même temps – et le film le montre bien -, la politique étant faite par des hommes et des femmes, pas par des machines, elle doit composer avec tous ces éléments : ambition, égoïsme, contradictions personnelles. A nier les ressorts personnels qui animent les grands et petits fauves de la politique, on ne se donne aucun outil pour tenter de les contenir. C'est peut-être en refusant cette évidence que la gauche s'est laissé emporter par les débordements des uns et des autres, dans une actualité lointaine ou très récente...

  • Sarkozy ou la tentation populiste

    Sarkozy.jpgNicolas Sarkozy est à mi-chemin dans l'accomplissement de son premier mandat. Deux ans et demi, c'est court, mais cela paraît déjà extrêmement long. Il y a une promesse que le président a tenu: celle de la rupture. Dans le style, tout le sépare de son prédécesseur: son interventionnisme permanent sur tous les sujets (Chirac n'intervenait publiquement que dans les grandes occasions), l'absence d'autorité du Premier ministre (alors que Raffarin et Villepin en avaient), l'obsession de la communication (qui existait déjà avant, mais dans des proportions moindres), sans compter l'affichage de la vie privée (alors que l'ancien président se faisait discret...).

    Mais il y a aussi le fond. On pourrait ainsi faire la liste des promesses tenues – elles sont nombreuses – et celles complètement oubliées. J'en citerai deux, emblématiques: la défense du pouvoir d'achat des Français (pas brillant, et ce avant même le début de la crise financière) et la fin de la Realpolitik en politique étrangère. Avec les Russes, les Chinois et les dictateurs africains (regardez l'épisode tragico-comique au Gabon), le président oublie allègrement la question des droits de l'homme. Business is business... On aimerait entendre un peu André Glucksman qui s'était rallié à Sarko sur cette question. Le seul pays avec lequel l'Elysée maintient un discours dur est l'Iran. Comme s'il fallait faire plaisir aux sionistes les plus exaltés qui y voient le nouveau péril mondial.

    Ce qui me semble le plus intéressant à analyser, c'est la méthode Sarkozy. L'idée sous-jacente du Président, c'est qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, autrement dit que rien n'est possible dans ce pays si on n'y va pas franchement. On arrive à une situation où toute réforme passe par une phase de démolition de l'acquis. Pour supprimer le juge d'instruction, on monte en épingle diverses affaires dont celle d'Outreau ou la remise en liberté de tel ou tel malade sexuel. Au lieu de s'interroger sur la responsabilité des uns et des autres dans ce grand scandale judiciaire - y compris celle du parquet et le juge des libertés publiques - au lieu de renforcer l'accompagnement psychologique des délinquants sexuels pour réduire le risque de récidive, on émet des propositions simplistes (la castration chimique), on brandit un bouc-émissaire, on dénigre toute une profession, laquelle se sentant agressée se défend, ce qui donne prise à l'accusation de corporatisme.

    Le même procédé a été utilisé vis-à-vis des enseignants, des fonctionnaires, des étrangers mais aussi des élus locaux qu'on accuJuppé et Raffarin.jpgse de faire flamber les impôts locaux pour mieux leur imposer une réorganisation hasardeuse (ce qui expliquent la fronde de deux anciens premiers ministres, Raffarin et Juppé). Cette brutalisation du corps social pose question car le pays rumine ses inquiétudes, ses peurs. Le pouvoir central en rajoute une louche en se croyant tout permis, comme l'a prouvé l'affaire Jean Sarkozy.

    Cette violence du pouvoir vis-à-vis de la société pose problème à trois niveaux. D'abord, elle a tendance à compliquer l'avancée des dossiers. Sur la taxe professionnelle, personne ne sait aujourd'hui quel régime fiscal s'appliquera aux collectivités locales. Cette méthode qui entendait accélérer les décisions risque au contraire de les ralentir.

    D'autre part, cela provoque des réactions violentes voire désespérées de la part de ceux qui sont agressés dans leur métier, dans leur identité. Les syndicats partisans de la négociation (la direction de la CGT, la CFDT) sont affaiblis en interne et en externe (SUD a le vent en poupe). La situation dans les quartiers populaires devient très lourde avec la mise au chômage de milliers d'intérimaires et la clémence de la justice vis-à-vis de comportements violents de certains policiers. Le politique qui devait mettre de la cohésion, faire du lien entre des groupes souvent en opposition a tendance à accentuer les divisions, à souffler sur les braises.

    Enfin, l'affaiblissement voulu par l'Elysée de tous les contre-pouvoirs (syndicats, juges, presse) aboutit à une sorte de désert social et politique. Le sens du collectif s'efface grandement, chacun essaye de protéger ce qui peut l'être encore, tout le monde a peur de l'avenir. Dans ce contexte, le populisme est exacerbé. Un candidat exaltant le ras-le-bol des élites et du parlementarisme, la province contre Paris, ceux qui travaillent contre ces fainéants de chômeurs pourrait ramasser la mise en 2012.

    Alors Sarkozy et son entourage sont-ils conscients de ce risque? Difficile de répondre. Mais de deux choses l'une. Soit ils jouent avec le feu sans le savoir et il serait temps de se réveiller. Soit ils préparent ainsi le terrain pour la réélection de Sarkozy. Celui-ci pourrait prendre à témoin le pays des blocages et des privilèges des uns et des autres (y compris ceux des grandes fortunes?) pour proposer une méthode forte permettant de nettoyer la France. Le premier charter d'Afghans, la remise sur le tapis de l'identité nationale et la volonté de réprimer les mineurs dits délinquants laissent craindre que la tentation populiste taraude le pouvoir central.

  • Demandez le casting ministériel !

    Quel était l'objectif du président, pardon du premier ministre, en remaniant son équipe ministérielle? S'agissait-il essentiellemeP1000281.JPGnt de remplacer les deux partants pour le Parlement européen, Michel Barnier et Rachida Dati? Si c'était le cas, les changements n'auraient pas été de cette ampleur. Car, tout de même, huit entrants (et huit sortants) et une dizaine de changements d'affectation, ce n'est pas un simple ajustement technique. Donc, il faut chercher ailleurs...


    S'agissait-il alors de répondre aux leçons des élections européennes du début de mois? Celles-ci sont, à mon avis, au nombre de trois: une aspiration à une révolution écologique, ou tout du moins une demande de prise en compte des conséquences du réchauffement climatique; un désir d'une Europe plus proche des citoyens et qui ne serait plus synonyme de régression sociale (cela s'est traduit dans le fort taux d'abstention); une volonté de faire de la politique moins en opposition à une personne qu'en adhésion à des propositions (ce qui s'est remarqué dans les « bides » électoraux du PS et du MoDem).


    Pour la première, on n'a pas vu dans ce gouvernement Fillon IV, ni d'ailleurs dans le discours de Nicolas Sarkozy devant le Congrès, une vraie inflexion « écolo ». Jean-Louis Borloo a juste eu le droit de décliner l'ensemble de ses attributions : « écologie, énergie, développement durable, mer [qui n'est plus rattachée à l'agriculture, NDLR], technologies vertes, négociations sur le climat ». A part ça, pas grand-chose de neuf d'autant que le départ, voici quelques mois, de la seule écologiste de l'UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, se fait lourdement sentir pour la crédibilité gouvernementale sur les dossiers environnementaux.


    Concernant l'EPierre Lellouche.jpgurope, on savait déjà que la France soutenait l'actuel président de la Commission, Jose Manuel Barroso, qui n'a pas contribué à améliorer l'image de l'Europe dans l'opinion publique. Voilà que le gouvernement français s'adjoint les services de Pierre Lellouche, spécialiste des questions de défense et atlantiste avéré. On doute - mais on aimerait avoir tort – que le nouveau secrétaire d'Etat aux questions européennes (le troisième en deux ans!) se battent beaucoup pour affirmer la voix autonome de l'Europe. Le maintien au Quai d'Orsay de Bernard Kouchner, lui aussi grand ami de l'Amérique, confirme que la volonté gaullienne d'une voix originale de la France est bel et bien enterrée.


    Reste l'aspiration à faire de la politique « positive », c'est-à-dire à ne pas se positionner par rapport aux autres, mais bien par rapport à un projet pour le pays. Là, il est trop tôt pour juger si cette équipe sera en mesure de mettre en oeuvre des réformes justes et efficaces, si elle aura la cohésion et l'intelligence nécessaires pour endiguer les conséquences très lourdes de la dépression économique. On remarquera cependant que la lisibilité de l'arrivée ou du départ de tel ou tel n'est pas très évidente et qu'aucune personnalité parmi les entrants n'a un charisme débordant ou une crédibilité exceptionnelle...

    Brice Hortefeux.jpg
    Alors quelles sont les raisons profondes d'un tel remaniement? On pourrait résumer le casting en une formule : des fidèles et des people. Les fidèles, en effet, ne manquent pas chez Fillon IV. Outre l'arrivée à l'Intérieur de Brice Hortefeux qui devra gérer deux dossiers ultra-sensibles (le redécoupage électoral et la réforme des collectivités locales) et celle de Luc Chatel à l'Education, deux entrants sont des très proches du chef de l'Etat: Pierre Lellouche et Christian Estrosi (à l'Industrie).

    Question peopF. Mitterrand.jpgle, la super-prise s'appelle F. Mitterrand (F comme Frédéric). On ne sait rien des projets du nouveau ministre de la Culture, de sa réflexion par rapport à la loi Hadopi, inapplicable et vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel, mais on imagine sans peine le plaisir intense de Nicolas Sarkozy à intégrer un Mitterrand dans son tableau de chasse. Lequel tableau de chasse est finalement assez maigre. Pas de socialiste, actuel ou repenti (Claude Allègre devra encore patienter), pas d'écologiste, pas même un radical de gauche, malgré les attentions du chef de l'Etat à leur égard. Simplement, l'arrivée d'un responsable du MoDem, le sénateur Michel Mercier qui avait déjà pris ses distances à l'égard de Bayrou. Pour amuser les journalistes, on a fait entrer une médecin d'origine algérienne, Nora Berra, dansNora Berra.jpg un nouveau secrétariat d'Etat aux Ainés (là aussi, même interrogation: quelle projet vis-à-vis des troisième et quatrième âges?). Mais elle n'aura pas la visibilité d'une Rachida Dati dont le ministère échoit à l'exfiltrée de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie (dont la longévité gouvernementale est exceptionnelle, n'ayant pas quitté le pouvoir depuis... 2002). On a également promu un jeunot de 39 ans, Benoist Apparu (Logement et urbanisme). Ces nouvelles figures permettront à Paris Match de nous proposer quelques beaux reportages pour faire oublier que l'ouverture, réelle ou tronquée, des premiers mois est bien derrière nous.


    Ce gouverRama Yade.jpgnement a été composé pour placer sur bonne orbite Nicolas Sarkozy en vue de 2012. Ceux qui n'auraient pas compris cela devront méditer sur le sort de Rama Yade, rétrogradée aux Sports – ce qui a permis de sortir le calamiteux Bernard Laporte – pour avoir résisté à la volonté de l'Empereur Sarkozy. Elle n'a dû son maintien au pouvoir qu'à la très bonne image qu'elle a dans l'opinion publique. Ce gouvernement, comme tant d'autres, ne répond pas à des critères de compétence et de talent, simplement à la recherche d'une belle image, d'un beau casting. Certains diront d'ailleurs, non sans raison, que toutes les décisions étant prises à l'Elysée, autant avoir des visages sympathiques à présenter pour exécuter la volonté impériale.



    Post-scriptum: l'info a échappé à la plupart des observateurs. Le départ d'André Santini, ex-secrétaire d'Etat à la Fonction publique (poste non remplacé...) pourrait lui permettre de retrouver son poste de député des Hauts-de-Seine. Mais Frédéric Lefebvre, son suppléant, est-il prêt à s'effacer? Il y a fort à parier que l'Elysée va trouver un lot de consolation à « Dédé » pour laisser le porte-parole de l'UMP continuer à provoquer la gauche...