Et dire que Nicolas Sarkozy, lors du remaniement ministériel de novembre dernier, avait souhaité une équipe resserrée constituée de professionnels... A la découverte du vaudeville tunisien de notre ministre des Affaires étrangères, on peut ironiser sur le professionnalisme de ceux qui constituent le gouvernement de la France. Car tout de même, à qui fera-t-on croire que les liens de Michèle Alliot-Marie avec le clan Ben Ali datent de ses vacances de fin d'année payées par le milliardaire Aziz Miled et qu'ils étaient inconnus de l'Elysée ? En fait, c'est toute une partie de l'UMP - et peut-être certains socialistes - qui avait des liens pour le moins ambigus avec ce régime corrompu et policier. Pour amuser la galerie, on racontait que Ben Ali était le meilleur rempart contre l'islamisme, mais en fait, la Tunisie était devenue l'arrière-cour d'une classe dirigeante qui pouvait passer des vacances tout confort dans des palaces à moindre coût, et éventuellement faire des affaires (comme c'est le cas pour la famille de MAM). On pourrait même faire de singulières découvertes dans les prochaines semaines. Car comment expliquer autrement la complaisance dont a bénéficié ce régime pendant des décennies?
Cette vilaine affaire illustre, une fois encore, le naufrage de la diplomatie française qui était déjà mal en point sous Bernard Kouchner, mis en cause pour ses liens avec le régime birman et gabonais. Dans les deux cas, nous avons à faire avec des politiques vieillissants qui trainent dans les allées du pouvoir depuis des décennies et ont oublié depuis longtemps l'intérêt général, pour penser à leurpatrimoine et leurs petits avantages personnels. A la lumière de ces épisodes, il ne serait pas inutile de procéder avec les ministres de la République comme pour le Président: connaître l'état du patrimoine avant l'entrée en fonction et après. On aurait peut-être quelques surprises (sous réserve bien sûr que les ministres soient sincères...).
Avec ce fiasco vis-à-vis du monde arabe, la diplomatie française devient la risée du monde entier. Non seulement elle a soutenu, dans un premier temps, le régime de Ben Ali, non seulement elle n'a rien compris au soulèvement du peuple égyptien, mais elle persiste dans l'erreur. Dans l'émission « Face aux Français », Nicolas Sarkozy a osé parler, sans rire, de la position claire de la France sur les dossiers tunisien et égyptien et a évoqué de nouveau le risque islamiste dans la région, faisant un parallèle osé avec l'Iran des mollahs. Il faut d'urgence offrir une formation au Président sur l'islam: il y découvrirait la différence essentielle entre le chiisme et le sunnisme dans le rapport au pouvoir, le premier disposant d'un vrai clergé précieux pour une stratégie politique, le second étant éclaté en une multitude de chapelles, rendant plus compliquée toute prise du pouvoir.
Contrairement à ce que laisse entendre le chef de l'Etat, les Frères musulmans ont très peu de chances de prendre le pouvoir, d'abord parce qu'ils sont très divisés en interne; ensuite parce qu'ils sont loin d'incarner la majorité du peuple. Si le Président était en relation avec l'ambassade française du Caire – à condition que celle-ci soit plus perspicace que celle de Tunis qui n'avait rien vu venir... -, il aurait appris que les Frères étaient relativement discrets dans les manifestations et n'ont pas sorti leurs slogans islamistes. Si tant est que leur objectif est la prise du pouvoir, ils ont senti que le moment n'était pas propice à celle-ci. Mais notre Président enfermé dans sa bulle élyséenne, obsédé par la montée de l'islamisme, n'a pas compris cela, croyant toujours – ou feignant de le croire – que le scénario iranien (qui date de... 1979) peut se reproduire.
Est-ce pour se racheter du ratage arabe et/ou pour faire oublier le bourbier dans lequel s'est enferré MAM, toujours est-il que le pouvoir a joué l'épreuve de force avec le Mexique. Dans l'affaire Florence Cassez qui, semble-t-il, est victime d'un déni de justice, le Président et sa ministre des Affaires étrangères ont menacé, mis en cause ce pays de façon complètement disproportionnée. Ils n'ont fait que réveiller un nationalisme mexicain très vivace et compliquer la sortie de crise. De même, ce chantage autour de l'année du Mexique en France est complètement contre-productif et laisse entendre que ce genre de manifestation n'est pas empreinte d'arrière-pensées politiques.
Pour essayer de dénouer ce type de situation, les contacts discrets, le jeu diplomatique traditionnel sont beaucoup plus efficaces que les déclarations martiales et les rodomontades. Depuis le temps qu'il échoue (aussi bien en Côte d'Ivoire qu'en direction de l'Iran) avec son style de surveillant général de lycée de province des années 60, Nicolas Sarkozy devrait avoir compris quelques rudiments de la diplomatie. Cela suppose pour lui de construire une relation à l'autre qui soit basée sur la connaissance et le respect. Il n'est pas sûr que le second mandat présidentiel auquel il aspire indubitablement lui permettrait de combler cette grave lacune.