Maintenant que la tourmente médiatico-politique autour de Frédéric Mitterrand semble s'apaiser, il nous faut réfléchir à la signification de cet « événement ». Pourquoi une affaire d'ordre privée envahit-elle une fois encore le débat politique, au point où tout le monde est sommé de répondre à la question : « oui ou non, doit-il rester au gouvernement? » (personnellement, je suis « sans opinion »)?
Ce qui me frappe dans cette affaire, c'est d'abord l'emballement autour d'une phrase de la fille Le Pen, accusant le ministre de la Culture d'acte pédophile. Le porte-parole du PS se croit obliger de surenchérir (au nom de qui parle-t-il?) et après, tout le monde s'y met avec, bien entendu, des amalgames avec l'affaire Polanski, accusé de viol sur mineure. La palme
de la bêtise revient sans doute à Alain Finkielkraut. Lui le pourfendeur de la modernité béate, en vient à affirmer qu'à 13 ans, la fille avec qui le cinéaste a eu des relations sexuelles « n'était plus une enfant ». Ah bon!
Pourquoi diantre un philosophe se mêle-t-il de ces affaires, et pas des suicides à répétition à France Télécom ou de la nomination suspecte du fiston Sarkozy? Pourquoi cette obsession, de part et d'autre, pour les affaires de moeurs? On a justement dénoncé le fait que l'Eglise catholique était obsédée par les histoires de « quéquette » (avec cette volonté de tout réglementer en matière de sexualité), mais là on découvre que l'univers médiatique (ce terme englobe pour moi tous les faiseurs d'opinion: éditorialistes, intellectuels des plateaux, porte-parole des partis) peut se passionner pour des affaires qui concernent, dans un cas, la justice (Polanski) et, dans l'autre, la conscience d'un homme (Mitterrand). C'est peut-être une coïncidence, mais la même semaine , L'Express faisait sa Une sur Monsieur Besson, avec des extraits du livre de son ex-femme, au contenu très intime.
En quelques années, la vie politique a profondément changé avec la fin de la séparation entre public et privé. Je sais ce que rétorquent les Saint-Just de la transparence : « les journalistes étaient au courant des « coucheries » de tel ou tel homme politique et n'en parlaient pas ; aujourd'hui, au moins, il y a moins d'hypocrisie ». Eh bien, c'est justement ce « tout se sait » (qui est d'ailleurs et heureusement faux) qui pose problème. A force de traquer tous les responsables sur leur vie privée, on biaise tout débat puisqu'on aura tendance à tout analyser à cette aune-là.
Cette volonté, plus ou moins consciente, d'essentialiser le débat politique est dangereuse. Pour certains, on ne peut pas être à gauche si on paye l'ISF; pour d'autres, si on touche le RMI, on ne peut voter qu'à gauche ou à... l'extrême droite; pour d'autres encore, on ne peut être que pour le mariage homosexuel si on est attiré par des personnes de son sexe. Où est la liberté d'opinion si on est déterminé par sa condition sociale et ses préférences sexuelles?
Il faut donc protéger de la curiosité la vie privée des hommes et femmes politiques (à condition qu'ils n'enfreignent pas la loi). A eux aussi de se prémunir contre cette tentation de se donner en spectacle. Ce n'est pas vouloir protéger une caste, comme on l'entend ici ou là chez tous les coupeurs de tête et pseudo-moralistes, c'est contribuer à ce que le débat politique reprenne ses droits. Pour éviter que la désespérance – qui s'accommode très bien avec le voyeurisme et le cynisme ambiants – ne grandisse dans notre pays qui ressemble de plus en plus à l'Italie de Berlusconi.
urope, on savait déjà que la France soutenait l'actuel président de la Commission, Jose Manuel Barroso, qui n'a pas contribué à améliorer l'image de l'Europe dans l'opinion publique. Voilà que le gouvernement français s'adjoint les services de Pierre Lellouche, spécialiste des questions de défense et atlantiste avéré. On doute - mais on aimerait avoir tort – que le nouveau secrétaire d'Etat aux questions européennes (le troisième en deux ans!) se battent beaucoup pour affirmer la voix autonome de l'Europe. Le maintien au Quai d'Orsay de Bernard Kouchner, lui aussi grand ami de l'Amérique, confirme que la volonté gaullienne d'une voix originale de la France est bel et bien enterrée.
le, la super-prise s'appelle F. Mitterrand (F comme Frédéric). On ne sait rien des projets du nouveau ministre de la Culture, de sa réflexion par rapport à la loi Hadopi, inapplicable et vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel, mais on imagine sans peine le plaisir intense de Nicolas Sarkozy à intégrer un Mitterrand dans son tableau de chasse. Lequel tableau de chasse est finalement assez maigre. Pas de socialiste, actuel ou repenti (Claude Allègre devra encore patienter), pas d'écologiste, pas même un radical de gauche, malgré les attentions du chef de l'Etat à leur égard. Simplement, l'arrivée d'un responsable du MoDem, le sénateur Michel Mercier qui avait déjà pris ses distances à l'égard de Bayrou. Pour amuser les journalistes, on a fait entrer une médecin d'origine algérienne, Nora Berra, dans
un nouveau secrétariat d'Etat aux Ainés (là aussi, même interrogation: quelle projet vis-à-vis des troisième et quatrième âges?). Mais elle n'aura pas la visibilité d'une Rachida Dati dont le ministère échoit à l'exfiltrée de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie (dont la longévité gouvernementale est exceptionnelle, n'ayant pas quitté le pouvoir depuis... 2002). On a également promu un jeunot de 39 ans, Benoist Apparu (Logement et urbanisme). Ces nouvelles figures permettront à Paris Match de nous proposer quelques beaux reportages pour faire oublier que l'ouverture, réelle ou tronquée, des premiers mois est bien derrière nous.
nement a été composé pour placer sur bonne orbite Nicolas Sarkozy en vue de 2012. Ceux qui n'auraient pas compris cela devront méditer sur le sort de Rama Yade, rétrogradée aux Sports – ce qui a permis de sortir le calamiteux Bernard Laporte – pour avoir résisté à la volonté de l'Empereur Sarkozy. Elle n'a dû son maintien au pouvoir qu'à la très bonne image qu'elle a dans l'opinion publique. Ce gouvernement, comme tant d'autres, ne répond pas à des critères de compétence et de talent, simplement à la recherche d'une belle image, d'un beau casting. Certains diront d'ailleurs, non sans raison, que toutes les décisions étant prises à l'Elysée, autant avoir des visages sympathiques à présenter pour exécuter la volonté impériale.