La situation française est grave, mais est-elle désespérée ? C'est la question qui se pose alors que François Hollande démarre sa seconde année de quinquennat. Lors de sa seconde conférence de presse, il a indiqué qu'il entendait mobiliser le pays notamment contre le chômage, en avançant sur la voie d'une plus grande intégration européenne. L'idée en soi est plutôt bonne, tant il est vrai que la solution à la récession qui s'installe sur notre continent ne peut venir que de l'activation de mécanismes de cohérence interne et de solidarité entre les pays membres. Pour autant, dire cela suffit-il à indiquer un chemin ?
On a souvent dit et écrit - de façon erronée - que François Hollande n'avait pas de cap. Pourtant, le cap économique est assez clair (réduction des déficits en douceur et des réformes du marché du travail négocié entre partenaires sociaux), mais ce qui manque à l'approche élyséenne, c'est de préciser le chemin qui permet d'atteindre le cap. D'où cette impression de flou et de manque de détermination qui caractérise le gestion hollandaise du pouvoir.
Dans cette affaire européenne, on a du mal à voir pourquoi et comment le même scénario d'une forme d'impuissance ne se reproduirait pas. Là encore, ce n'est pas l'objectif qui pose problème - même s'il ne fait pas plaisir aux eurosceptiques permanents à droite comme à gauche - mais bien l'absence de chemin qui peut amener à sa réalisation. Pour quelles raisons l'Allemagne se mettrait-elle à accepter ce gouvernement économique resserré alors même que la condition mise par ce pays (la réduction des déficits budgétaires, notamment en France) n'est absolument pas remplie ? Par quel miracle la Commission européenne changerait-elle sa doxa libérale ? Comment des pays très affaiblis comme la Grêce et l'Espagne, entre autres, peuvent-ils revenir dans le jeu européen ? Par quel mystère l'euroscepticisme ambiant serait-il transformé en un volontarisme permettant d'avancer dans la voie d'une intégration. Sur toutes ces questions, on n'a rien entendu de très convaincant de la bouche du Président. Celui-ci parie essentiellement sur des discussions avec ses homologues pour avancer, mais pourquoi la méthode de la discussion par le haut marcherait maintenant alors qu'elle a globalement échoué depuis des mois et des mois.
Encore une fois, François Hollande donne le spectacle d'une forme d'impuissance. Il a l'honnêteté - à la différence de son prédécesseur - de ne pas noyer le poisson dans un déluge d'annonces et d'effets de communication. L'homme est sobre et d'une certaine manière, honnête. Il ne déclenchera pas de sentiment de haine, comme a pu le susciter Nicolas Sarkozy. Non, son risque à lui est de susciter une forme de détachement et de découragement. Le peuple de gauche, comme on disait, risque de devenir spectateur d'une gestion gouvernementale d'un classicisme assez désespérant.
Dans l'âme, François Hollande est resté le premier secrétaire du PS qu'il a été pendant dix ans. Sa volonté de rassembler coûte que coûte, sa peur des féodalités locales le conduisent à chercher en permanence le point d'équilibre, le plus petit dénominateur commun. Il a tendance à se couper des idées nouvelles, des groupes contestataires qui portent en germe des nouvelles façons de voir. Les calculs sont partout alors qu'il faudrait un élan, un enthousiasme ; les ministres, le Premier en tête et à quelques exceptions près, sont d'une tristesse affligeante alors que la gauche (en 1981, en 1988 et même en 1997) était habitée par une joie de la transformation sociale. L'une des clés du succès (relatif) de Mélenchon, c'est qu'il donne l'impression de vouloir soulever des montagnes, de ne pas renoncer.
De plus, le Président est obsédé par son souci de se présenter comme l'anti-Sarko permanent. Donc, ne rien brusquer, toujours attendre le moment opportun. Sauf que le pays a déjà oublié l'épisode Sarkozy (cruelle amnésie !) au point que d'aucuns veulent rejouer un scénario à la De Gaulle (le retour de l'homme providentiel) et qu'il attend un sursaut, une volonté de prendre les problèmes à bras-le-corps. On peut pardonner au pouvoir des échecs, pas des renoncements aussi rapides, par exemple devant le pouvoir de la finance...
François Hollande a gagné en mai dernier parce qu'il a voulu apaiser la société française et lui a proposé un cap réaliste : la baisse du chômage, la réduction des inégalités et l'évolution vers une croissance verte. Un an après, aucun de ces axes n'a avancé sérieusement et même les réformes peu coûteuses (fin du cumul des mandats) sont en panne sèche face à la levée des conservatismes. Contrairement à ce qui est dit ici ou là, le problème n'est pas principalement celui des dysfonctionnements gouvernementaux (même si la question se pose parfois, notamment à Bercy), mais celui d'un capitaine qui semble tellement effrayé par la lourdeur des défis qu'il a tendance à louvoyer et à entraîner le pays dans une torpeur assez effrayante.
Commentaires
Je vous approuve pour votre exercice. c'est un vrai œuvre d'écriture. Continuez .