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  • Les écolos se sont-ils tirés une balle dans le pied ?

    Europe Ecologie Les Verts (EELV) a-t-il eu raison de se passer des services de Nicolas Hulot? Autreva joly,nicolas hulot,europe écologie les vertsement dit, les militants et sympathisants qui se sont exprimés en juin pour désigner leur porte-drapeau lors de la présidentielle de l'an prochain ont-ils fait le bon choix? Alors que le courant écolo fait sa rentrée lors de la sa traditionnelle université d'été, la question doit être posée, même si évidemment la réponse n'est pas aisée à huit mois de l'échéance.

    Pour quelles raisons l'ancienne juge franco-norvégienne Eva Joly lui a été préférée? Difficile de démêler ce qui relève des qualités de la première et des erreurs du second, mais il apparaît clairement que Hulot n'avait pas le profil-type pour plaire à la base électorale d'EELV. Il est trop « mouillé » avec la chaîne honnie, TF1, a développé des activités lucratives autour de son émission vedette... Passe encore, mais surtout il n'est pas vraiment « écologiquement correct ». eva joly,nicolas hulot,europe écologie les vertsSon avis nuancé sur le nucléaire (même s'il a durci ses positions depuis Fukushima), ses amitiés à droite (Chirac, Borloo) et son absence de militantisme dans l'organisation ne plaident pas en sa faveur. A contrario, le profil ultra-engagé contre les puissants du monde, les accents moraux, sans oublier sa bonne connaissance des réseaux locaux (elle a sillonné le pays pendant des mois) ont constitué des atouts de poids pour Eva Joly.

    Les militants ont donc choisi la solution la plus sure pour la campagne, celle qui appliquera le mieux les consignes de l'appareil. Avec Eva Joly, déjà aguerrie à la chose politique depuis son élection en 2009 au Parlement européen et surtout habituée aux rapports de force dans ses habits de juge, les risques de sortie de piste sont assez faibles alors qu'ils ne manquaient pas avec l'ex-animateur télé. Joly est déjà un « animal politique » que ne sera jamais Nicolas Hulot. Dans le contexte d'une formation qui préfère le tumulte à la sérénité, la solution de confiance incarnée par la candidate est précieuse.

    Pour autant, ce qui est bon pour l'appareil et ses fragiles équilibre de pouvoir l'est-il pour la cause qu'il s'agit de défendre? Là, il est permis d'être dubitatif. Quel sera, en effet, le contexte dans quelques mois? Au vu de la gravité de la crise liée à la dégringolade estivale des cours de la Bourse et la fragilisation de la zone euro, il est fort probable que l'attention sera monopolisée par les dimensions économiques et sociales. Et quel sera le grand oublié, le cocu de l'histoire? L'enjeu écologique, pardi ! La question du redressement de l'économie mondiale, l'hymne à la croissance vont être sur toutes les lèvres. Dans ce contexte qui pourrait être celui d'une dépression généralisée – surtout si la zone euro ne résiste pas aux assauts de la finance internationale qui veut sa peau -, il sera très difficile de faire entendre l'impérieuse nécessité de repenser notre développement. « On verra cela plus tard », diront les doctes politiques pour qui l'écologie se résume à construire un peu plus de pistes cyclables et à protéger deux ou trois espèces en danger.

    L'avantage que pouvait avoir dans ce contexte difficile pour l'écologie politique une personnalité comme Nicolas Hulot, c'est sa capacité à imposer l'enjeu écologique dans le débat par la crédibilité personnelle et sa notoriété. Quand il parle d'un patrimoine naturel en danger, il sait de quoi il parle!Hulot aurait peut-être pu faire comprendre que l'essoufflement du modèle libéral de mondialisation avait à voir avec l'épuisement de la Terre et que repenser notre rapport aux éléments naturels conduit à réorienter l'économie.

    eva joly,nicolas hulot,europe écologie les vertsBien entendu, Eva Joly va développer cette équation. Mais sa faible crédibilité sur ce terrain environnementaliste, sa popularité encore limitée risquent de l'handicaper grandement. C'est justement parce que Hulot touche ce public qui regarde TF1 et qui n'a jamais voté écolo qu'il pouvait susciter ce sursaut citoyen. Amener l'écologie politique au-dessus de la barre des 10% pouvait changer la donne, obliger le PS à prendre la question écologiste enfin au sérieux.

    Pour secouer les frilosités hexagonales, la posture prophétique – qui n'est pas toujours comprise de prime abord, mais marque les esprits – est préférable à la traditionnelle posture politicienne qui ménage tout le monde. En étant la candidate du plus petit dénominateur commun et la moins encombrante pour l'appareil EELV, Eva Joly prend le risque de ne pas bousculer beaucoup le débat politique (ce n'est pas la polémique, sympathique mais sans grand enjeu, autour du 14 juillet, qui le permettra). Il lui reste cependant quelques mois pour s'émanciper de cette lourde tutelle et incarner cette urgence écologique que tout le monde proclame, mais qui reste sans (grand) effet sur les politiques publiques...