Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Politique étrangère

  • La France empêtrée dans l'imbroglio syrien

    Les déclarations martiales de l'exécutif français qui sort volontiers ses muscles en réponse aux provocations
    du dictateur syrien ne peuvent faire oublier la situation très embarrassante dans laquelle il s'est placé. Dans cette affaire, il a pâti d'un diagnostic un peu simpliste et d'un concours de circonstances fâcheux. Ce dernier élément, tout le monde en connait les ingrédients : un vote défavorable - apparemment surprenant - du Parlement britannique ; la décision du président américain d'attendre un accord – tout à fait incertain - de ses parlementaires ; le refus des autres membres de l'Otan d'intervenir au Proche-Orient.

    Mais la situation d'isolement de la France est liée également à un diagnostic pour le moins simpliste du pouvoir. Suite au gazage de sa population par les militaires syriens, le pouvoir incarné par Bachar El-Assad devait être puni. Pour le pouvoir français, laisser ce crime de guerre et cette violation des conventions internationales sur les armes chimiques sans réaction ne pouvait qu'encourager le régime syrien à poursuivre sa spirale de mssacres et de répression aveugles. Une intervention ciblée contre des installations militaires devait permettre de lui mettre un coup d'arrêt et de favoriser une opposition syrienne en situation délicate depuis quelques semaines (le régime ayant, semble-t-il repris le contrôle de diverses villes jusque-là aux mains des rebelles).

    Le raisonnement français souffre de faiblesses structurelles qui sont apparues de façon encore plus manifeste à mesure que les autres puissances prenaient la tangente sur une intervention en Syrie. Trois faiblesses majeures peuvent être relevées.

    1/ L'idée d'une punition est ambigüe

    Que veut dire « punir » le régime syrien ? Ce langage moralisant qui présente quelque proximité avec le discours de la « guerre contre le Mal » cher à George W. Bush n'est pas adapté à une situation complexe, traversée par de multiples contradictions. L'issue du conflit syrien aura forcément un impact sur les autres points sensibles de la région (Liban, Israël/Palestine, voire Egypte). On a parfois le sentiment que le pouvoir français cherche à se rattraper après plus de trois années de vaine agitation diplomatique et de laisser-faire de la communauté internationale. L'utilisation de ce langage de père-fouettard traduit une sorte de culpabilité générale (sentiment qu'on peut comprendre au vu des dizaines de milliers de morts). Il n'est pas sûr qu'on fasse une bonne politique internationale en agitant des sentiments, fussent-ils nobles. Veut-on réellement punir le régime syrien ou bien se punir de la position de spectateur désolé que nous avons eue depuis le début de la guerre syrienne ? 

    2/ L'exemple malien est inopérant en Syrie.

    Reconnaissons-le : l'intervention française au Mali - sur laquelle j'avais exprimé quelques réserves - est un franc succès, même si tous les problèmes de fond (notamment la place des Touaregs et le développement du nord du pays) sont loin d'être réglés. Un pouvoir civil légitime est en place suite à une élection présidentielle qui s'est déroulée dans un climat serein. Très bien, mais l'exemple malien n'a aucune utilité pour comprendre la situation syrienne. Sans faire de procès d'intention à François Hollande, on a pu sentir ici ou là un peu d'orgueil de l'exécutif français par rapport au succès de cette intervention.

    Le Président français n'a pas oublié que sa volonté de porter secours à un pouvoir politico-militaire exsangue menacé par des djihadistes avait été accueillie avec beaucoup de scepticisme par nos partenaires. Au regard de cette issue favorable, Hollande peut se dire que là encore, il va tordre le cou à des critiques qui peuvent être interprétées comme des refus de s'engager.

    Sauf que la situation n'est absolument pas comparable. Dans un cas (le Mali), la France venait au secours d'un pays ami dont une partie du territoire était occcupée par des forces rebelles en partie étrangères au pays. Dans le second cas, la France s'attaque à un pouvoir installé depuis des décennies qui bénéficie de soutiens solides dans une partie de la population. Son allié objectif qu'il entend aider par cette intervention est profondément divisé et ne présente aucune garantie de sa volonté d'installer un pouvoir démocratique. A cet égard, l'épilogue malheureux de la révolution égyptienne (un coup d'Etat contre un pouvoir islamiste contesté mais légal) ne plaide pas en faveur d'une opposition dans laquelle la composante islamiste n'est pas négligeable.

    3/ Les buts de guerre ne sont absolument pas clairs et les risques d'embrasement réels.

    Il faut bien comprendre que le pouvoir syrien est aux abois et qu'il fera tout pour ne pas tomber. Ne pas oublier également qu'il bénéficie de relais importants auprès d'un pays (l'Iran) et de groupes politico-militaires (le Hezbollah libanais) qui peuvent ou ont pu mener des actions terroristes.

    Il est donc peu probable que deux ou trois jours d'attaques ciblées (même si elles atteignent leurs objectifs) suffisent à faire plier un régime prêt à perpétuer tous les massacres. Il serait naïf d'espérer que celui-ci affaibli par ces attaques reviendra autour de la table des négociations pour trouver un compromis politique. Il est également illusoire d'espérer que l'allié russe abandonne son soutien à « l'ami Assad » ou fasse pression sur lui pour revenir à de meilleures dispositions. Donc, si les attaques ne servent pas à grand-chose, il faut soit abandonner cette idée, soit aller plus loin : armer les rebelles syriens (avec les risques de dissémination qui se sont vérifiés en Lybie), envisager une action terrestre permettant de déloger le pouvoir tyrannique. S'en tenir à cette chimère des interventions punitives est dangereux car il ne permettra pas de dénouer l'impasse syrienne et risque de nous entraîner dans un conflit dont on mesure mal les conséquences collatérales aussi bien sur place que chez les voisins.

    Il est donc urgent non pas d'attendre, mais de reprendre le chemin des diplomaties pour imaginer une riposte concertée et réaliste aux agressions répétées et inacceptables du pouvoir syrien contre son peuple.