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Pourquoi Ségolène patine

site Désirs d'avenir.pngIl y a des signes qui ne trompent pas. Sur Rue89, un article assez ironique revenant sur les réactions au lancement du nouveau site de Désirs d'avenir (1) a suscité en 24 heures près de 200 000 visites et 130 commentaires. C'est énorme: à titre de comparaison, un article reprenant des accusations de Daniel Cohn-Bendit sur la triche au PS, et mis en ligne une journée plus tôt, a rassemblé huit fois moins de visiteurs (c'est pourtant une bonne fréquentation pour un article politique). Voilà qui est incontestable: Ségolène Royal est la personnalité politique qui suscite le plus de passions. Sans doute plus encore que Nicolas Sarkozy qui réactive un clivage gauche/droite.

L'ex candidatSégolène Royal.jpge socialiste, elle, divise profondément l'électorat de gauche. Chacun connaît, dans son entourage, une personne de gauche qui serait prête à se faire moine pour qu'elle se représente en 2012 et une autre qui clame haut et fort qu'elle préfèrerait voter blanc que de mettre un bulletin Ségolène Royal. Parmi les commentaires qui peuvent être lus sur Rue89 (la plupart portent sur le coût prohibitif de ce site et son design jugé ringard), deux, fort contrastés, résument l'extrême polarisation autour de Royal. Côté défense : « Plus la femme politique est attirante sexuellement, plus cette haine se fera globale et totale. » Côté accusation: « Si elle n'a pas le recul nécessaire pour voir qu'un simple site créé à la va-vite avec un budget exorbitant peut s'avérer catastrophique, qu'en aurait-il été de la conduite d'une nation ? »

Le machisme de la société française ou l'incompétence et l'amateurisme de « Ségolène »... les points de vue, caricaturaux, semblent ne pas avoir bougé depuis la campagne de 2007. En deux ans, pas grand-chose n'a changé de ce point de vue-là, et c'est un échec indéniable pour la socialiste qui entendait « crédibiliser » sa personne. Et pourtant, entre 2007 et 2009, il s'est passé moult évènements qui auraient dû modifier cette image. Ségolène Royal a été l'une des personnalités les plus opposées au Président de la République; sa personnalité a dominé le congrès du parti socialiste à Reims et n'a pu devenir premier secrétaire que par une alliance très fragile des contraires (de Benoît Hamon à Dominique Strauss-Kahn) lors d'un scrutin pour le moins douteux; son plaidoyer pour la rénovation du PS (fin du cumul des mandats, transparence des votes, primaires pour la présidentielle) a été repris presque tel quel par Martine Aubry qui n'avait pourtant pas de mots assez durs sur son inconsistance politique...

Comment comprendre ce paradoxe d'une femme qui arrive à faire passer une partie de ses idées, mais qui continue à diviser l'madame Royal.jpgopinion publique, notamment à gauche? Dans un livre passionnant publié en 2005, Madame Royal (éditions Jacob-Duvernet), le journaliste Daniel Bernard écrivait justement: « Ségolène Royal colle à la France d'aujourd'hui, c'est-à-dire à ses contradictions. En quatre mots répétés à satiété - « en même temps » - elle dit tout des hésitations françaises. […] Oui au mariage gay et « en même temps » oui aux « familles au carré ». Pour le maintien des bureaux de poste et des écoles en zone rurale « et en même temps » contre les augmentations d'impôts. […] Ségolène veut tout à l'image de la société française des années 2000. »

Ségolène Royal n'a pas profondément changé par rapport à cette description psychologico-politique. Ses dernières expressions publiques – sur la taxe carbone, sur les accusations de fraude électorale au PS – traduisent un grand écart. Elle veut une révolution écologique dans nos modes de vie mais refuse catégoriquement – et sans proposition alternative crédible – la taxe carbone proposée par Rocard/Sarkozy. Elle exige la vérité sur le scrutin interne de novembre dernier (dont les anomalies avaient été déjà relevées dans la presse) tout en se déclarant attachée à l'unité du PS. Le drame de Royal, c'est qu'elle a une vraie difficulté à clarifier les termes d'un débat et à choisir une voie. Dans les deux exemples cités, que retiendra-t-on? Davantage le côté contre (la taxe carbone, l'unité du PS) que la dimension propositionnelle.

La lassitude qui s'exprime à son égard dans l'opinion publique – et même chez certains de ses amis – vient sans doute de cette impression de flottement permanent et d'hésitation qu'elle dégage. Face à un Président dont on décèle souvent le côté versatile, imprévisible voire opportuniste, l'opposition de gauche a besoin de rassurer, d'incarner des lignes claires et de défendre un projet assumé. La direction actuelle du PS est loin de répondre à de tels objectifs, mais celle qui la conteste plus ou moins ouvertement ne donne pas non plus ces gages. Reste que dans l'éventail des opposants au chef de l'UMP, la présidente de Poitou-Charentes garde un socle solide de popularité. Notamment dans les espaces ruraux et parmi les couches populaires, elle incarne une part de rêve qui fait cruellement défaut aux Aubry, Valls, DSK et autre Hollande. Comment concilier les deux – la popularité et le sérieux – dans une alternative à Sarko? Personne au PS n'a semble-t-il de réponse à cette question déterminante pour 2012.

(1) http://www.rue89.com/2009/09/17/segolene-royal-modifie-son-site-mais-le-net-na-pas-fini-den-rire

 

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