Solférino a-t-il encore de l'autorité sur le parti socialiste? La question de l'influence de la direction nationale du PS se pose sérieusement au vu des derniers soubresauts de la préparation des régionales de mars prochain. Le 12 décembre dernier, le parti réunissait en grandes pompes ses têtes de liste à Tours pour le lancement de la campagne. Il fallait donner l'impression d'un PS uni et rassemblé, alors que la réalité est un peu différente. Les présidents de région n'ont pas besoin du parti pour faire campagne et conserver - éventuellement - leur siège. Malgré les grandes déclarations de principe, chacun mène son affaire comme il l'entend: chacun, son style; chacun, ses alliés (avec ou sans le MoDem); chacun, ses priorités.
L'épisode du Languedoc-Roussillon en dit long sur l'affaiblissement de l'échelon central par rapport aux féodalités locales. Les choses étaient pourtant entendues sur le papier: il n'était pas question d'investir le président sortant, le fantasque George Frêche, exclu du PS à la suite de propos racistes, notamment sur les harkis. Dans l'esprit de Solférino, le septuagénaire, passablement fatigué, devait laisser la place à la relève socialiste. Sauf que l'appareil local entièrement contrôlé par les proches du président sortant a tout fait pour remettre en selle le mal-nommé Frêche.
La candidature anti-Frêche conduite par Eric Andrieu, patron socialiste de l'Aude, a été écartée par les militants qui ont préféré un homme de paille du président sortant qui avait annoncé, avant le scrutin interne, qu'il s'effacerait au profit de son mentor. La ficelle était grosse, déloyale, mais elle est passée dans cette région où les pratiques clientélistes ne sont pas un vain mot. Et l'appareil socialiste s'est incliné devant cette magouille interne, au nom du respect du vote des militants, en l'absence d'alternative à la candidature Frêche. Après cela, il sera difficile pour les leaders du parti socialiste d'ironiser sur les saillies racistes de Brice Hortefeux ou consorts.
Le feuilleton Julien Dray - qui connaît son épisode semble-t-il ultime, comme par hasard juste après l'investiture des listes PS - complique également sérieusement la donne pour la direction nationale. Officiellement, tout le monde se félicite de voir le député de l'Essonne non renvoyé en correctionnelle pour des transferts d'argent douteux en provenance d'associations « amies ». En réalité, la situation est très embarrassante pour Solférino qui n'avait pas caché son souhait de ne pas voir Dray concourir pour les régionales. Les mêmes qui justifiaient l'éviction préventive d'un homme jugé encombrant (voir ma précédente note « Dray, ou comment s'en débarrasser ») affirment aujourd'hui qu'il est tout à fait légitime à la tête de la liste socialiste de l'Essonne. Comprenne qui pourra!
Il n'en reste pas moins que la tête de liste Dray ne va pas de soi. Oublions provisoirement la question du cumul des mandats - on s'est très vite assis sur la volonté des militants d'y mettre fin. Intéressons-nous à ce que dit la justice. Julien Dray, certes, ne sera pas traduit en justice mais le procureur général de Paris le rappelle à la loi pour ses pratiques douteuses. On dit, par ailleurs, que la Cour des comptes veut mettre son nez dans le système Dray. Est-il raisonnable d'investir un homme aussi controversé alors que la demande d'éthique en politique et de rapports assainis avec l'argent est de plus en plus pressante dans la société? Europe écologie qui dispute en Ile-de-France la première place au PS et le parti de gauche de l'ex-copain à « Juju », Jean-Luc Mélenchon, vont faire leur beurre de ses (petites) entorses avec la morale politique (d'autant que le président sortant, Jean-Paul Huchon, a été condamné voici un an à du sursis dans une affaire de prise illégale d'intérêts).
La campagne va être difficile pour Huchon, d'autant que six conseillers régionaux sortants PS, non réinvestis par le PS, ont claqué la porte pour leur parti, certains annonçant rejoindre les concurrents de gauche. Une défaite dans la région capitale serait un sérieux avertissement pour Solférino. Un de plus, serions-nous tenté d'écrire.
Commentaires
Il faut dire que Frêche jouit sur place d'une popularité paradoxale. Mais ceux qui ne supportent pas son style reconnaissent que c'est un visionnaire et un développeur.
Pas si simple de s'en priver.
Est-il toujours visionnaire pour la région? Même si on retire la question importante de ses saillies verbales, il a tout de même 72 ans. A quelle âge la retraite a-t-elle été votée par les socialistes en 1981?
Je vous applaudis pour votre exercice. c'est un vrai état d'écriture. Développez .