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  • Quand la presse déraille...

    Difficile d'être journaliste aujourd'hui ! A quoi servons-nous ? Combien serons-nous dans dix ans ? Ces questions taraudent (ou devraient tarauder) la profession, d'autant que les mauvaises nouvelles s'accumulent. Libération aura du mal, sans nouveaux investisseurs, à passer l'hiver; Sud-Ouest annonce un plan de licenciement. La presse dite militante est en mauvaise posture : L'Humanité est maintenue artificiellement en vie ; Témoignage chrétien (auquel j'ai collaboré plus de 15 ans) a interrompu son hebdo papier avec l'espoir de redémarrer sous une autre forme.

    Certains incriminent, à juste titre, le rôle néfaste du Livre CGT qui bloque toutes les évolutions. D'autres s'interrogent, non sans raison, sur des directions d'entreprises défaillantes, sans vision stratégique, qui n'anticipent pas les évolutions et ont encouragé la voie mortifère des journaux gratuits. Mais peu (corporatisme oblige) remettent en cause une façon de faire du journalisme. Je ne vais pas m'arrêter sur la partie immergée de l'iceberg, les Une putassières de L'Express et du Point qui, à force de banalisation de l'islamophobie tracent un boulevard pour Marine Le Pen...

    Non, ce qui est intéressant, c'est le traitement de l'information, la hiérarchie de l'info. Revenons sur deux événements de la semaine écoulée : la conférence de presse de François Hollande ; la grève de la faim du maire de Sevran. Dans le premier cas, la prestation du Président a été analysée en long et en large (jusqu'à sa cravate) et tout le monde a convenu qu'elle avait été bonne. Cela nous fait une belle jambe, serait-on tenté de répondre!

    Car qu'est ce qui est important pour juger une politique? De savoir si les responsables savent argumenter, répondre aux attaques de l'opposition ou s'ils proposent une stratégie cohérente et en mesure de dompter les maux de la société? Si c'est le premier point de vue qui l'emporte, alors oui, François Hollande a réussi sa prestation. Il confirme que c'est un grand pro, calme et rusé, de la politique, sans doute l'un des meilleurs.

    S'il s'agit de mesurer la cohérence d'une politique, on doit être forcément dubitatif et c'est le rôle de la presse de l'être. Et là, ce n'est pas une question de style (comme Libé, toujours aussi peu inspiré, l'a relevé), mais d'analyse des politiques. Comment peut-on à la fois en appeler aux coupes budgétaires (10 milliards d'euros doivent être dénicher) et trouver justifiés divers besoins sociaux qui s'expriment, et qui vont être mis sur la table lors de la conférence sur la pauvreté en décembre? Comment continuer à parler d'un déficit ramené à 3% du PIB alors que la croissance risque de ne pas être durablement au rendez-vous? Comment ne pas s'interroger sur les limites du choc de compétitivité qui pourrait diminuer de 3% le coût global des produits (pour le grand défi de reconquête des exportations)? On pourrait aligner des dizaines de questions que des médias devraient poser chacun avec sa sensibilité. Dans les faits, elles ne sont qu'effleurées, et toujours mises au second plan par rapport au style, à la forme. Nombre de journalistes politiques sont devenus des critiques de spectacle politique. Est-ce ce qu'on attend de la presse?

    Second exemple : la grève de la faim menée pendant cinq jours par Stéphane Gatignon. Si on enlève les commentaires grotesques d'un Barbier (disant qu'un politique n'avait pas à utiliser cette arme... et pourquoi donc), l'essentiel du traitement journalistique a tourné autour des visites qu'il a reçues (Valls, Duflot, etc.) et des pressions qu'il aurait subies pour cesser de ne plus s'alimenter. Est-ce l'essentiel? Ne fallait-il pas profiter de cette action d'éclat un peu désespérée de ces villes pauvres touchées par la double peine (la crise des finances publiques et la crise sociale)? Mais non, la presse globalement ne s'est pas risquée à aller dans le fin fond de la Seine-Saint-Denis pour se plonger dans le quotidien de cette population durement touchée par le chômage, les difficultés de logement etd e transport, la violence, la drogue...

    Si la presse ne répond plus aux questions que la grande masse de la population se pose (et celle-ci n'est pas réductible au petit cercle des éditorialistes ou des utilisateurs des réseaux sociaux), si elle est dans la connivence ou, du moins, dans l'entre-soi avec les élites, il ne faudra pas s'étonner qu'elle batte de plus en plus de l'aile. Il faut se poser très vite quelques questions essentielles avant de verser des larmes de crocodile...  

      

  • Gouvernement : pourquoi ça patine (sec)

    Semaine après semaine, les cotes de confiance des deux têtes de l'exécutif continuent à s'effriter, atteignant des niveaux préoccupants (un tiers d'opinion favorable), seulement 6 mois après le début du quinquennat. Certes, me dira-t-on, on ne gouverne pas les yeux rivés sur les sondages, mais ces chiffres traduisent tout de même une réalité : la nouvelle équipe n'a pas réussi à susciter l'adhésion.

    Les commentateurs ont tendance à attribuer cette dégringolade à une erreur de casting : le choix de JeanJM Ayrault.jpg-Marc Ayrault comme Premier ministre. Certes, d'autres nomminations étaient posssibles conciliant l'expérience et le charisme, toutes qualités que n'a manifestement pas l'ancien maire de Nantes. Différents "couacs", ces dernières semaines, ont peut-être fait regretter à François Hollande son choix. Mais là, finalement, n'est pas le problème essentiel, même si les éditorialistes (souvent un peu courts dans leurs analyses) ont trouvé un nouveau punching-ball qu'ils ne vont pas ménager.

    Serait-ce alors que le nouveau pouvoir ne respecte pas ces engagements pris devant le pays ? Il est un peu prématuré pour dresser un bilan, mais les premiers pas ont plutôt montré qu'il y avait une volonté d'appliquer la feuille de route donnée par Hollande. Certes, on note des prudences qui pourraient devenir coupables sur la réforme fiscale ou le droit de vote des étrangers, par exemple, mais il n'y a eu aucun reniement majeur jusqu'ici.

    Alors qu'est ce qui pose problème pour mettre la nouvelle majorité dans cette situation très inconfortable? Deux éléments majeurs peuvent être cités. D'une part, il y a la sihollande.jpgtuation économique et sociale. Incontestablement, le candidat Hollande n'avait pas pris la mesure de la gravité de celle-ci. L'a-t-il fait délibérement? Difficile à dire. C'est vrai qu'il n'était pas aux manettes et que dès lors, diverses informations lui échappaient (sans oublier que l'ancien pouvoir a tenté d'adoucir la situation, par exemple en retardant l'annonce de divers plans sociaux). Pour autant, quand on sait le nombre de ses conseillers, officiels ou officieux, placés à des postes importants dans l'appareil d'Etat, on a du mal à croire à cette version des faits.

    Comme d'habitude, serait-on tenté de dire, on a construit des programmes sur des hypothèses de croissance ultra-optimistes; on a fait croire qu'il était possible de marier justice sociale (redistribution) et respect des critères irréalistes de l'Europe. Qui peut penser que la France pourra tenir l'engagement d'un déficit public ramené à 3% du PIB? Ce serait nous entraîner sur une pente espagnole ou grecque, désastreuse socialement et suicidaire politiquement. On n'atteindra pas cet objectif (comme d'autres pays européens d'ailleurs), mais on fera croire à notre allié allemand qu'on y arrivera coûte que coûte.

    Deuxième élément qui peut être noté - et qui découle du premier : l'impossibilité à dégager des marges de manoeuvre pour les politiques. Etre ministre aujourd'hui, c'est d'abord être pompier, être en capacité d'éteindre rapidement les débuts de feu qui s'allument ici ou là. Ca cartonne à Marseille ou en Corse, on envoie le ministre de l'Intérieur faire de martiales déclarations (qui ne changent rien à la situation d'extrême violence) ; ça licencie dans de grandes entreprises, le ministre du Redressement productif (quel intitulé déplacé au vu de la situation actuelle !) se démène comme un beau diable pour réduire la facture...

    Le politique est devenu un spectateur, certes impliqué et volontaire, de la marche du monde. Et comme ses marges de manoeuvre sont devenues très faibles, il doit faire des efforts démesurés pour s'attirer les bonnes grâces de tel ou tel acteur économique, le prier de coopérer ou du moins de ne pas mettre des bâtons dans les les roues. Pas étonnant dès lors d'assister au spectacle d'un pouvoir faire des risettes à Madame Parisot, calmer les ardeurs de Monsieur Thibault et négocier en coulisses avec les grandes banques pour qu'elles desserrent l'étau du crédit (quitte à retarder la réforme bancaire promise qui semble urgente pour freiner les dérives spéculatives).

    Ce que n'a pas réussi à faire (jusque-là) le président de la République, c'est d'expliquer la route qu'il va emprunter pour faire progresser le pays dans le sens de la justice et de la réduction des inégalités sans dévisser du cadre européen. Cela suppose un peu de rentrer dans le vif des désaccords, de ne pas faire toujours plaisir à Madame Merkel. A ceux qui nous disent que nous n'avons pas les moyens d'un conflit avec l'Allemagne, répondons-leur que l'espace euro ne peut pas se passer de la seconde économie européenne. Donc, il faut arrêter de se faire peur et exposer tranquillement une voie possible. C'est un peu plus compliqué que de trouver un successeur "gentil" à la tête du PS, mais c'est essentiel pour ne pas désespérer totalement de la politique.

    Les électeurs de Hollande n'attendent pas simplement des "résultats" (ils savent très bien que le politique ne peut tout), mais aussi une volonté d'affronter les obstacles dans une marisol touraine.jpgdémarche de vérité (dire les choses, ne pas les "arranger) qui fait si souvent défaut au politique. Par exemple, au lieu de crier victoire suite à la signature laborieuse de l'accord sur les dépassements d'honoraires - qui ne va rien régler -, Madame Touraine eût été plus inspirée de dire qu'il faudra reprendre le chantier par la voie politique, quitte à ne pas faire plaisir à tous les acteurs de ce dossier. Quand l'intérêt général n'est pas pris en compte, comme dans cet accord, le politique doit reprendre la main pour le faire valoir.