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  • A quoi a vraiment servi cette campagne ?

    Nous voilà donc à une semaine du premier rendez-vous électoral de ce printemps décidément très politique. Le moment de faire un premier bilan de deux mois 10 candidats 2012.jpgde campagne électorale, depuis l'entrée officielle en campagne du président sortant (voir mon post du 15 février). Essayons de baliser le champ de réflexion autour de trois grandes interrogations.

     

    1/ Les rapports de force ont-ils changé ?

    Par moment, on peut se demander si la campagne électorale a vraiment produit des effets. A part la montée spectaculaire (et assez exceptionnelle) de Jean-Luc Mélenchon qui a grosso modo doublé ses intentions de vote depuis février, les positions entre les deux favoris n'ont pas beaucoup bougé. Certes, Nicolas Sarkozy pourrait talonner (voire dépasser) Franprésidentielle.jpgçois Hollande au premier tour, mais c'est en grande partie dû à l'élimination de concurrents potentiels comme Hervé Morin, Christine Boutin ou Dominique de Villepin (les deux premiers s'étant ralliés au candidat UMP). De plus, son discours ultra-droitier lui aurait permis de grignoter quelques voix tentées par Marine Le Pen, alors que le positionnement mal compris de François Bayrou lors du drame de Toulouse (il avait continué à faire campagne comme si de rien n'était et estimé que la dérive de Merah était le fruit de la société) aurait amené certains de ses supporters à lui préférer la posture présidentielle de Nicolas Sarkozy.

    Mais pour lui, l'essentiel – et le plus grave – est ailleurs : le rapport de force avec Hollande au secour tour. Dans le meilleur des cas (en tenant compte de la marge d'erreur inhérente aux sondages), il serait à au moins 6 points du candidat socialiste, ce qui nous ramènerait au rapport de force, inversé, de 2007. Certes, l'argumentaire de l'UMP est bien rôdé : on ne peut pas présumer du second tour tant que le premier n'a pas révélé ses résultats ; après un discours très droitier, le candidat sortant va s'adresser aux électeurs centristes et sa tâche sera facilitée par les appels du pied des socialistes à l'électorat Mélenchon, ce qui pourrait mettre en syncope plus d'un centriste ; la gravité de la crise pourrait conduire des électeurs hésitants à faire le choix d'une continuité plus rasssurante que « l'aventure Hollande » etc.

    Sauf que jusque-là, comme nous l'avons déjà écrit (post du 2 avril), le candidat sortant n'a pas beaucoup valorisé ses habits de président, se mettant dans une curieuse position de challenger. Cette posture agressive, parfois iconoclaste (par exemple sur Schengen), souvent en décalage avec la position euro-responsable qu'il a voulu asseoir dans la seconde partie de son quinquennat, n'est pas de nature à dissiper les inquiétudes de tous ceux, de gauche comme de droite, qui l'ont trouvé trop agité, peu rassurant et n'incarnant pas une constance et une profondeur de vue requises par l'exercice des plus hautes fonctions poliitiques. On en revient à ce qui représente le principal obstacle de sa candidature : sa propre personnalité. C'est sans doute cela qui rend le rassemblement au second tour autour de sa candidature particulièrement problématique.

     

    2/ Le grand favori a-t-il réussi à convaincre ?

    Là également, les deux derniers mois de campagne ne nous ont pas appris grand-chose. François Hollande est resté celui qu'il était pendant la campagne primaire des socialistes : solide, constant et surtout prudent. Il représente toujours l'anti-thHollande officiel.jpgèse de Nicolas Sarkozy, d'autant que celui-ci a été la caricature de lui-même. Jusqu'à son affiche officielle, le candidat socialiste campe assez efficacement le portrait du président de rechange. Pour autant, a-t-il convaincu qu'il avait un vrai dessein pour le pays ? On a du mal à répondre positivement à cette question. Certes, il a mis l'accent assez justement sur la priorité à la jeunesse et à l'éducation ; il semble sensible aux dimensions éthiques de l'exercice politique ; il garde un oeil sur l'état des finances publiques.

    Pour autant, ses silences sur la politique étrangère, son souci de ne pas trop bousculer la société française (et ses conservatismes souvent mortifères) et sa faible appétence pour l'exigence écologique montrent les limites du changement prudent qu'il entend incarner. Le grand défi pour Hollande reste le même : prouver qu'il peut être autre chose qu'un président par défaut. Il devra, sans doute dans l'entre-deux-tours, sortir de ses prudences pour susciter un enthousiasme autour de sa candidature qui lui fait encore cruellement défaut.

    3/ Cette campagne a-t-elle rehaussé le crédit de la politique ?

    On ne peut pas dire que ces deux mois de campagne ont brillé par leur intelligence et la hauteur de vue qui devrait être la règle au cours de ce grand moment de vie démocratique. Les médias ont souvent des mots très durs sur les petites manoeuvres des poliitiques, mais ils devraient, une fois encore, faire leur examen de conscience : abus des sondages et refus d'expliquer la marge d'erreur qui les entoure ; goût démesuré pour la petite phrase souvent sans intérêt...

    Quoiqu'en disent certains de mes confrères, les médias, surtout audiovisuels, fabriquent l'agenda politique en sélectionnant ce qui « intéresse les Français » et ce qui est « loin de leurs préoccupations ». Pourquoi, à un moment donné, ont-ils accepté de relayer la surenchère sur la viande hallal orchestrée par Marine Le Pen ? Pourquoi, un an après la catastrophe de Fukushima, ont-ils décrété que la question énergétique était réservée aux spécialistes et ne pouvait donc pas, dans les débats importants, rivaliser avec la question des rites d'abattage ? Pourquoi ont-ils tout d'un coup mis au second plan le débat sur l'avenir de la zone euro, alors même que les alertes chez nos voisins prouvent que rien n'est fondamentalement réglé ?

    Plus grave sans doute, le travail de décryptage des propositions des candidats n'est pas fait, ou de façon très superficielle. Les candidats lancent des chiffres, tablent sur des hypothèses de croissance souvent très optimiscanard bis.jpgtes, mais rarement confrontent ces données avec des études sérieuses, avec des chiffrages indépendants. « Le Canard enchaîné » de cette semaine propose ce travail de déconstruction particulièrement éclairant. Il nous apprend aussi les approximations du candidat sortant. Par exemple, sur le RSA, il escompte en durcissant les contrôles sur 1 milliard d'euros d'économies alors que, comme le rappelle le balmipède, « 1,7 million des pauvres qui y ont droit ne l'ont pas encore réclamée. S'ils se réveillaient, il en coûtera au moins 5 milliards de plus à l'Etat.

    Concernant François Hollande, le « Canard » insiste sur les zones de flou. Par exemple, l'embauche de 60 000 fonctionnaires pour l'Education nationale et les forces de l'ordre devrait conduire logiquement dans les autres ministères (puisque les effectifs globaux ne devraient pas bouger) à appliquer la règle sarkozyste du remplacement d'un fonctionnairMélenchon 2012.jpge sur deux partant à la retraite. Quant à Jean-Luc Mélenchon, l'hebdo satirique note la folie des grandeurs de son programme. Par exemple, le remboursement à 100 % des ftais de santé coûterait la bagatelle de 76 milliards d'euros. Mais là, d'une certaine manière, les chiffres importent peu puisque le porte-drapeau du Front de gauche ne pense pas, même dans le plus fou de ses rêves, gouverner un jour.

    Cette campagne révèle un problème de fond. Certains proposent des programmes qui n'ont que pour vocation de faire rêver (et de faire oublier les lendemains qui ne chanteront pas forcément ?) alors que d'autres sortent des chiffres qui paraissent sérieux, mais qui ne résisteront pas longtemps à l'épreuve de la réalité. Les premiers savent qu'ils ne seront pas aux commandes, donc veulent influencer les favoris. Lesquels doivent prouver qu'ils sont en capacité de gouverner (d'où les propositions chiffrées), mais en trouvant des accomodements avec la réalité des chiffres pour ne pas effrayer l'électeur moyen. Avec cette répartition des rôles, il n'est pas sûr que le débat démocratique en sorte gagnant.

  • Une campagne vraiment extra-ordinaire

    Où va la campagne présidentielle ? A trois semaines du premier tour, difficile de prévoir à quoi ressemblera le paysage politique à la fin de ce mois. S’il est plus que probable que les deux jean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandefinalistes seront Hollande et Sarkozy, il reste bien des points d’interrogation, aussi bien sur l’ordre d’arrivée des candidats que sur la tournure que prendra le second tour.

    La difficulté de toute prévision vient du fait que le scénario est totalement inédit. D’une part, c’est la première fois qu’un sortant confortablement élu (53 % des voix en 2007) accuse un tel retard par rapport à son challjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandeenger, même s’il a rattrapé une partie de celui-ci. Etre à 44 ou 45 % des voix du second tour, à cinq semaines de celui-ci, ne s’est jamais vu dans l’histoire déjà longue de la Ve République. Cette situation atypique conduit à une sorte de renversement de rôle : le sortant se présente en homme nouveau, multiplie les effets d’annonce, attaque à tout-va son challenger et bien entendu "oublie" de se référer à son bilan. En face, ledit challenger (F. Hollande) fait une campagne de sortant, annonce au compte-goutte des propositions et évite de répondre aux provocations de son principal concurrent. Si on voulait être désagréable, on pourrait dire qu’il s’agit de l’affrontement entre un « sale gosse » insolent et impétueux qui voudrait tant amener son rival dans le bac à sable face à un notaire de province qui gère, en bon père de famille, son capital électoral et qui ne veut surtout pas recevoir le moindre éclat de boue.

    On reconnaîtra que ce scénario peut désorienter. Il n’est sans doute pas pour rien dans le désintérêt manifesté par l’opinion publique pour ce scrutin avec le risque bien réel d’un fort taux d’absentention. On est donc à des années lumière de 2007 où l’on avait vu deux candidats flamboyants – sans doute moins costauds – déclenchant les passions (il faut se souvenir de l’hystérie autour de Sarkozy et, on l’a oublié, de Royal), alors que François Bayrou suscitait un intérêt intellectuel très fort, transcendant les clivages.

    Cette fois-ci, le troisième homme de 2007 pourrait être le 5e et il semble lui aussi usé, répétant en boucle le même discours. Certes, on peut lui reconnaître d’avoir visé juste sur divers thèmes (l’endettement, les atteintes aux libertés sous Sarkozy..), mais la mayonnaise a du mal à prendre, d’autant qu’on a le sentiment que notre Béarnais revient vers ses eaux naturelles, le centre droit.

    L’élément nouveau par rapport à 2007, c’est que le débat s’est profondément pjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandeolarisé autour de deux candidatures emblématiques, celles de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Examinons d'abord le cas de la « chef » du front national. Une opinion répandue dans le petit monde politico-médiatique voudrait que sa campagne marquerait le pas et qu'elle réaliserait une contre-performance. C'est sans doute prendre ses rêves (le mien aussi) pour la réalité. Tout cela est lié à des sondages qui, après un début de campagne tout feu tout flamme la font plafonner à 14-15 %. Prudence cependant ! Car on ne soulignera jamais assez la versalité et l’existence d’une marge d’erreur d’au moins deux points : quand on nous annonce un candidat à 13 %, il peut aussi bien être à 11 % qu’à 15 %, ce qui change tout de même les données. De plus, les sondages ont pratiquement tout le temps minimisé le score du FN.

    Le climat d'inquiétude, voire de spleen national qui paralyse le pays depuis plusieurs années, accentué par la tragique tuerie de Toulouse, devrait une fois encore servir le discours de peur et d'exclusive à tout va qu'entretient, avec un certain talent, mademoiselle Le Pen. Certes, elle ne peut pas prétendre réitérer l’exploit de son père, en réalisant un « 21 avril à l’envers », mais elle suscite un intérêt réel au-delà de l’électorat traditionnel du Front national. La nouveauté, c’est qu’elle veut donner à son mouvement une crédibilité dont souffrait terriblement son vieux pater marqué par l'histoire de la seconde moitié du XXe siècle (l'Occupation, l'antisémitisme, les guerres de décolonisation, etc). Certes, nombre de ses propositions ne tiennent pas la route (notamment la fin de l’euro et l’immigration zéro), mais elle a réussi à faire croire à beaucoup qu’à la différence de son père, elle souhaite gouverner.

    Elle vise non pas 2012, mais 2017. D’ici là, elle espère que l’échec de Nicolas Sarkozy qu’elle va contribuer à faire advenir dans l’entre-deux-tours provoquera une explosion de l’UMP, permettant d’envisager une alliance, à l’italienne, avec la partie la plus droitière de feu le parti unitaire. Dans une compétition où Nicolas Sarkozy marche allègrement, et sans trop de mauvaise conscience, sur ses plate-bandes, elle entend marquer des points en rassemblant son camp et en séduisant ceux qui, par ras-le-bol, veulent renverser la table d'un système où ils ont sentiment que tout change pour ne rien changer.

    La candidaturjean-luc mélenchon,marine le pen,nicolas sarkozy,françois hollandee de Jean-Luc Mélenchon est à la fois la plus opposée qui soit à celle de Le Pen (par le choix de valeurs, par les références historiques), mais en même temps, celle qui s'alimente le plus de ce terreau de la désespérance. Là où le FN mise sur les ferments de la division et de la colère face au fatalisme de la crise, Jean-Luc Mélenchon exalte les vertus du politique pour redresser le pays. L'une joue sur le registre du « tout fout le camp », l'autre sur celui de « la volonté politique qui peut tout », mais ils sont l'un et l'autre l'expression d'une volonté de renverser la table. « Sortez-les ! », disait Mélenchon dans l'un de ses livres...

    Incontestablement, l'actuel député européen (peu actif, semble-t-il) marque cette campagne par son enthousiasme, son charisme et sa personnalité. Tout un chacun, même celui qui n'épouse ces idées, sent bien que la politique est sa raison de vivre et qu'il y met une forme de sincérité et un allant assez rares. Au risque d'en défriser certains, son énergie ressemble à celle qui anima Sarkozy en 2006-2007... Vraisemblablement, Mélenchon ira prendre des voix dans le flot qu'on annonce intense des abstentions et parmi ceux qui auraient pu céder aux sirènes du FN. Il refait adhérer aux vertus de la politique, propose un discours carré qui ne s'embarrasse pas d'un chiffrage économique et du sens du compromis qui a été la caractéristique des politiques depuis 1988 (avec la réélection de Mitterrand), si on enlève les deux premières années de la présidence Sarkozy. Il fait rêver, disent certains, et on aurait tort de gâcher son plaisir en ces temps de morosité.

    Mais quel serait le débouché d'un Mélenchon à 15 % (ce qui lui ferait retrouver le score du communiste Georges Marchais... en 1981) ? Incontestablement, cela obligerait François Hollande dont le score ne serait pas le double, à reprendre certaines de ses propositions. Avec le risque de faire fuir une bonne majorité des électeurs centristes dont la gauche a besoin pour gagner... Sans rentrer dans ces considérations purement tacticiennes, la question se pose de la « gestion » de ce capital électoral. En annonçant qu'il ne participerait par au gouvernement « social-libéral » de Hollande, Mélenchon se prive d'une possibilité de négociation avec les socialistes. Il conserve pour lui une forme de pureté « révolutionnaire », mais se condamne à n'être que la mouche du coche. En même temps, il lui sera très difficile d'entrer dans une équipe plus proche de l'esprit d'un Delors que d'un Mitterrand versus 1981. Pour le flamboyant candidat du Front de gauche, le plus dur commence le 23 avril...