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ps - Page 2

  • Chacun cherche sa profession de foi

     

    La campagne officielle se termine dans quelques heures. Il ne reste plus que demain samedi pour que les indécis se déterminent sur leur vote et pour mobiliser la cohorte potentielle d'abstentionnistes.

    J'ai reçu voici deux jours les professions de foi des principales listes (certaines n'ont pas les moyens de les imprimer) pour la circonscription Ile-de-France (les différences d'une région à l'autre sont finalement assez faibles. Je me suis plongé dans cette littérature peu sexy, mais importante pour connaître ce que chacun a dans le ventre. Sans en faire un commentaire détaillé, voici mon analyse comparée.

     P1000267.JPG

    Regardons le recto. Aucune profession de foi ne se ressemble, même si le format - imposé par la loi électorale - est le même. Visuellement, certaines listes ont fait le choix de tout miser sur un candidat, la tête de liste. C'est le cas pour Nicolas Dupont-Aignan sur fond mauve. Idem pour le Front national et pour la candidate du Centre national des indépendants et paysans (CNI), Annick du Roscoät avec ce curieux site de campagne « la droite rebelle ». Antoine Pinay, le leader du très droitier CNI, doit se retourner dans sa tombe! Le PS a pris la même option avec la tête rieuse d'Harlem Désir. Certains dans le parti ont regretté que le choix n'a pas été fait de présenter une équipe, notamment en valorisant le très médiatique Benoît Hamon.

    A l'inverse, d'autres listes mettent en avant le collectif : le NPA avec ses trois premiers de liste (dont Olivier Besancenot, 3e, qui est de taille plus réduite -sur la photo – que le premier Omar Slaouti); les Verts avec le duo à lunette Cohn-Bendit – Eva Joly (en plus petit les photos des 3e et 4e P1000266.JPGnettement plus jeunes) ; le Front de gauche avec une ribambelle de responsables (dont Marie-George Buffet qui n'est pas candidate) ou encore l'UMP avec la triplette gagnante (?) Barnier - Dati – Cavada. Les derniers ont fait un mixte: le MoDem met en avant sa tête de liste Marielle de Sarnez sous le patronage de François Bayrou qui, sur la photo, lève son bras comme pour indiquer une direction. Philippe de Villiers, le boss français de Libertas (listes financées par un milliardaire irlandais europhobe), fait un choix curieux en apparaissant en grand (alors qu'il est candidat dans l'Ouest) pour reléguer en haut à gauche la tête de liste Jérôme Rivière, ancien député de la Côte d'Azur.

    Le slogan ensuite. Le PS fait dans l'efficace quoique conventionnel « Changer l'Europe maintenant! »; l'UMP affiche un énigmatique « Quand l'Europe veut, l'Europe peut ». Cela ne vous rappelle pas le « Tout est possible » d'un certain Nicolas Sarkozy. A gauche, le Front P1000273.JPGde gauche a oublié de trouver un slogan, mais cite simplement les trois formations qui soutiennent ce Front: la Gauche unitaire (une ex-branche de feue la LCR), le Parti de gauche et le PCF. Ces trois-là ne se seraient-elles pas entendues sur le slogan? Le NPA assène son déjà connu leitmotiv « Partout en Europe, pas question de payer leur crise! » La liste conduite par « Dany » a fait le choix de ne pas mettre de slogan mais d'indiquer « 10 raisons de voter pour Europe Ecologie ».

    A droite, Dupont-Aignan propose une longue diatribe contre « PS, UMP, MoDem et Verts » qui « depuis 20 ans, ils ont signé ou soutenu tous les traités européens ». Lui propose de « défendre depuis toujours une France libre et une Europe différente, une Europe utile. » La candidate du CNI invite à « voter pour une Europe utile », sommet de l'originalité. De Villiers veut tout simplement « protéger nos emplois et défendre nos valeurs ». Mais quelles valeurs: est-il sûr que les Français partagent ses valeurs, lui qui est partisan des expulsions massives de sans-papiers et de la peine de mort? Le FN a le mérite de la clarté avec un slogan tout en nuances: « Contre l'arnaque européenne ».

    Tournons maintenant la page de la profession de foi. C'est là où figure (rarement) la composition de la liste et surtout les principaux engagements et propositions de la liste. Les contenus et tonalités sont très différents. Il y a ceux qui remplissent tout l'espace avec un texte dense. C'est le cas de l'extrême gauche. Lutte ouvrière avec un très long texte sur une page deux tiers commençant par un « Travailleuses, travailleurs, salariés, électeurs des classes populaires » (les autres n'existent pas). Le NPA propose un laïus un peu moins indigeste dans lequel se dégagent quatre slogans: « Une Europe sociale: nos vies, pas leurs profits »: « Une Europe par et pour les peuples »; « Pour une révolution écologique »; « Pour une Europe solidaire des peuples du monde ».

    Dans une lettre signée par Cohn-Bendit, Joly et José Bové (candidat dans le Sud-Ouest), la liste Europe Ecologie insiste sur l'urgence écologique et ses conséquences pratiques (« Nous sommes convaincus qu'il faut changer nos manières de produire, de P1000275.JPGconsommer, de vivre et de travailler ») ainsi que les exigences éthiques de la politique (« vous élirez des député-e-s qui se consacreront uniquement à leur mandat européen »).

    Le MoDem est sans doute le plus précis avec 27 engagements. Entre autres, « défendre les services publics pour préserver notre cohésion nationale », « créer une avant-garde européenne formée à partir des pays de la zone euro » ou encorP1000278.JPGe « assurer la sécurité en Europe à travers la création d'un procureur de l'Union […] pour lutter contre la criminalité organisée ».

    L'UMP est plus vague avec six directions. « Refuser l'adhésion de la Turquie » est curieusement le premier des points alors que la question ne devrait pas être d'actualité sous le mandat 2009-2014. La question sécuritaire est très fortement présente avec ce point: « soutenir une politique de lutte résolue contre l'immigration clandestine. Nous refuserons les régularisations massives d'immigrés clandestins ». Comme si cela était de la compétence de l'Union. Cette tonalité anti-Turquie la rapproche des listes Libertas dont le premier point est « Pour une Europe des Nations, vraiment européenne, sans la Turquie ». Pour le reste, l'UMP reste relativement vague: que veut dire exactement « défendre le capitalisme des entrepreneurs contre le capitalisme des spéculateurs »? Comment « soutenir la mise en place d'une véritable politique industrielle européenne »? On demandera à Mme Dati des lumières sur ces questions...

    Le PS P1000274.JPGpropose également six engagements qui auraient gagné à être explicités. C'est quoi un « Pacte européen de progrès social »? Quelles règles le PS entend-il « imposer au capitalisme financier »? « La politique agricole commune plus ambitieuse et plus juste » que le PS appelle de ses voeux, comment se traduirait-elle? Le PS préfère manifestement cogner sur « l'Europe libérale de la majorité sortante, celle de Nicolas !sarkozy, Silvio Berlusconi, José Manuel Barroso » (pourquoi ne pas citer Angela Merkel? Parce qu'elle gouverne avec le SPD?) que de détailler son programme pour « changer l'Europe ». Certains y verront un aveu de défaite: les rapports de force en Europe n'étant pas en faveur de la gauche, le PS veut-il plus taper sur la droite que construire une alternative?

    Le Front de gauche, de son côté, axe toute sa campagne contre le Traité de Lisbonne « adopté main dans la main par la droite et les socialistes européens qui gouvernent ensemble les institutions européennes ». Le Front de gauche fait une dizaine de propositions parmi lesquelles un « Smic européen égal à 60 % du salaire moyen dans chaque pays » ou un « pôle public bancaire ». Le propos est souvent assez vague, s'inscrivant davantage dans un cadre français qu'européen. Quant aux listes Debout la République de M. Dupont-Aignan, elles proposent tout simplement de « supprimer la Commission de Bruxelles » et de la « remplacer par « des agences de coopération thème par thème comme l'agence spatiale européenne qui a réussi la fusée Ariane ». Supprimer la Commission? Voilà au moins un débat qui aurait permis à la campagne de... décoller.

  • Européennes: la grande frousse du PS

    aubry.jpgA deux semaines de l'élection des députés européens, tout l'appareil socialiste est aux abois. Non seulement – si on se réfère aux sondages – le PS a toutes les chances d'être loin derrière les listes présentées par l'UMP, mais il pourrait être en-dessous de la barre symbolique des 20 %. La situation politique est totalement paradoxale : le gouvernement multiplie les mécontentements (université, services publics, syndicats...), la France est entrée dans une phase de récession qui pourrait durer plusieurs mois, la côte de popularité du Président de la République est au plus bas... mais le principal parti d'opposition ne parvient pas à engranger les fruits politiques d'une conjoncture qui théoriquement lui offrirait un boulevard.

    Les raisons de ce paradoxe ne manquent pas et il faut les prendre en compte dans leur globalité. Première raison qui saute aux yeux de tous les citoyens: le parti socialiste, est totalement divisé entre chapelles qui non seulement s'ignorent mais se font la guéguerre. Le dernier congrès de Reims en novembre 2008 aurait dû clarifier la question du leadership. Il n'a fait que la compliquer. En constituant une très courte majorité (une centaine de voix de différence dans un climat de contestation), faite de bric et de broc (allant des amis de Benoît Hamon à ceux de Bertrand Delanoë en passant par ceux de Laurent Fabius), Martine Aubry n'a absolument pas clarifié la ligne politique du PS. Comme on pouvait s'y attendre, elle doit, pour se maintenir, à son poste ne mécontenter aucun des leaders politiques qui l'y ont amené. Comment, dans ces conditions, entraîner le parti dans cet élan de rénovation dont tout le monde en interne fait ses gorges chaudes? En face, le camp Royal est plus divisé que jamais entre les supporters de Ségolène Royal, les amis de Vincent Peillon décidés à exister par eux-mêmes et les grands barons régionaux qui ont repris leur autonomie, soucieux de la préservation de leurs intérêts.

    Seconde raison: le PS, même s'il a repris le chemin des manifestations, n'a pas repris pied dans la société civile. Les syndicats, les grandes associations continuent à le laisser à distance, inquiets de toute tentative de récupération et fatigués par sa paresse intellectuelle et ses atermoiements. Même si ce parti continue à avoir des militants engagés dans le corps social, ses dirigeants (blancs, quinquagénaires voire sexagénaires, hauts-fonctionnaires, élus depuis des décennies) inquiètent par leur détestation réciproque et leur incapacité à se remettre en cause. A tort ou à raison, on se dit que François Hollande, à qui on a reproché son inertie politique après la débâcle de 2002, veut prendre sa revanche, que les amis de DSK ne travaillent qu'au retour parisien de l'actuel directeur du FMI, que Benoît Hamon travaille déjà pour la présidentielle de... 2017, que Laurent Fabius et Bertrand Delanoë sont en embuscade au cas où... On a bien compris que Ségolène Royal pense être incontournable pour 2012 et qu'elle va jouer, s'il le faut, l'opinion contre le parti. Quel ouvrier menacé de chômage, quel étudiant terrorisé pour son avenir, quel fonctionnaire inquiet par l'état des services publics, quel citoyen alerté par les atteintes à la démocratie peut s'intéresser à ce petit monde d'intrigants coupés, quoi qu'ils en disent, des réalités populaires?

    La troisième raison du risque de « dégelée électorale » pour le PS découle des deux précédentes. Elle tient à la composition des listes pour les européennes. Celles-ci ont été composées en dépit du bon sens qui voudrait qu'on ne reprenne que les députés sortants non cumulards et ayant fait les preuves de leur travail au Parlement européen et qu'on investisse des candidats investis dans leur région et pouvant apporter une expertise, une expérience sur les enjeux de la construction européenne (la redéfinition de la PAC, la construction de normes sociales, l'affirmation d'une politique étrangère commune, le renforcement de la lutte contre le réchauffement climatique...). C'est bien simple: le PS a fait tout le contraire. Il a replacé en position éligible une bonne partie des fainéants du Parlement, écartant certains des plus travailleurs (Gilles Savary, Marie-Ange Carlotti, entre autres) et offert un siège à d'illustres inconnus de la question européenne, très bien implantés dans l'appareil socialiste.

    La région Nord-Ouest est une caricature avec la première place accordée au premier secrétaire du PS du Nord (un proche d'Aubry) et la seconde à une élue de Seine-Maritime (le fief de Fabius). Il a dès lors fallu recaser deux sortants de cette région – pas des plus assidus à Bruxelles : Vincent Peillon dans le Sud-Est et Henri Weber, maintenu dans le Centre malgré un vote défavorable des militants.

    Chacun des barons a imposé ses proches à des places jouables : ainsi, Aurélie Fillipetti, proche de Ségolène Royal, est 3e dans l'Est alors même qu'elle est déjà députée à Paris (principe de précaution, semble-t-il, car la circonscription conquise par la jeune élue devrait disparaître); ainsi, François Hollande a t-il poussé deux de ses proches: Stéphane Le Foll, sortant mais très peu présent à Bruxelles (2e dans l'Ouest) et Frédérique Espagnac, son ancienne attachée de presse (4e dans le Sud-Ouest); ainsi, Arnaud Montebourg imposant un économiste de l'OMC, Mustapha Sadni (4e dans l'Est); ainsi, Harlem Désir, le fidèle lieutenant de Bertrand Delanoë (mais lui au moins a travaillé...). Parmi ces candidats, pas ou très peu de spécialistes des questions agricoles ou industrielles, de connaisseurs des réseaux européens, mais plutôt des « technos » proches d'un baron du PS.

    Comme me l'expliquait un député européen sortant et sorti, on ne peut pas participer au travail des commission à Bruxelles et aux réunions du bureau et secrétariat national du PS qui ont lieu toutes deux les mardi et mercredi. Ceux qui prennent à coeur leur mandat choisissent la première solution (au risque de ne pas être réinvestis) alors que ceux qui privilégient leur place dans l'appareil préfèrent sécher l'essentiel du travail en commission, obscur et peu visible. Voilà pourquoi, entre autres, le groupe socialiste français a tant de mal à faire valoir ses positions au sein du Parti socialiste européen (PSE)...

    Bien entendu, le faible score du PS pourrait également s'expliquer par la très forte concurrence politique, avec les listes écologistes (très intelligemment constituées), du MoDem, du Front de gauche et même du NPA. Ces quatre formations pourraient effectivement tirer parti des faiblesses structurelles du parti socialiste. Pour autant, s'il vous plaît, mes amis socialistes, ne nous refaites pas le coup de 2002, où les amis de Lionel Jospin nous avait expliqué que l'élimination de leur champion était de la faute des autres.