A quoi sert le Parlement?, se demandent régulièrement certains citoyens. Les raisons de douter de son utilité sont bien connues: prééminence de l'exécutif (encore renforcée avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy), faiblesse des débats en raison, notamment, de la concordance des majorités au Sénat et à l'Assemblée, place très réduite de l'initiative parlementaire, discipline de choc au sein des divers groupes politiques qui privilégient trop souvent les « qualités » d'obéissance à la créativité. La question subsidiaire qu'il faudrait se poser est plutôt celle-ci: à quoi servent certains parlementaires? A en croire le palmarès établi par le site internet (1) Lesinfos.com, cette interrogation est vraiment pertinente. Ce site a en effet comptabilisé depuis leur élection en juin 2007 les interventions en commission (là où s'élabore la loi) et en plénière (là où elle se vote), sans oublier de recenser les propositions de loi et les rapports rédigés ou signés par les députés. A partir de là, il propose un classement des députés selon leur activité. Sauf à être devenus totalement blasés, on tombe littéralement de sa chaise. Quand les parlementaires les plus actifs sont intervenus (plénière + commission) plus de trois cents fois, quelques-uns n'ont ouvert leur bouche en séance publique qu'une voire zéro fois. En trois ans tout de même, il faut le faire!
Citons le tableau du déshonneur parlementaire. Et notons que les bonnets d'âne se recrutent aussi bien à gauche qu'à droite (2). L. Cathala (Val-de-Marne, PS) partage la position de dernier avec F.-X. Villain (Nord, UMP), tous deux muets comme une carpe; auteurs d'une seule intervention, on trouve aussi bien les UMP Bassot (Orne), Briand (Indre-et-Loire) ou Cuq (Yvelines) que les socialistes Pérez (Aude) ou Pajon (Seine-Saint-Denis). A un tel stade de désertion des enceintes parlementaires, on peut se demander à quoi servent leurs attachés parlementaires. Ils doivent s'ennuyer comme des rats morts, à moins qu'ils ne soient entièrement dévolus à la présence dans la circonscription.
Un peu mieux classés, mais à un rang peu honorable, les « stars » de la politique, qui font souvent le pied de grue dans la salle des Quatre colonnes pour guetter les journalistes: les socialistes Cambadélis (3 interventions), Lang (5), Dray (12), Vaillant (15), Fabius (24), Hollande et Moscovici (26 chacun), la communiste Buffet (52), le centriste Bayrou (29) et les UMP Balkany (14), Perben (34) et Raoult (35).
Le haut du tableau est lui aussi ultra éclectique. Dans les cinq premières places, on retrouve deux UMP - Patrick Ollier (photo) et Pierre Méhaignerie -, un Nouveau Centre (Charles de Courson), un socialiste (François Brottes, photo) et un communiste (Jean-Pierre Brard). Les deux premiers cités ont le grand avantage de présider une commission parlementaire, ce qui leur confère un temps de parole prépondérant et des moyens d'action non négligeables.
Cette inégalité abyssale dans le travail législatif soulève au moins trois types de questions:
1/ Est-il normal que l'indemnité d'un député et l'enveloppe pour payer son staff soit les mêmes pour un député comme J.-P. Brard (photo) qui est intervenu 317 fois, a signé 9 rapports et est le co-auteur de 10 propositions de loi, et pour un autre, Michel Pajon, lui aussi de Seine-saint-Denis, qui a fait une seule intervention en commission. Pourquoi l'Assemblée n'applique pas enfin son règlement qui prévoit la possibilité d'infliger des pénalités à des parlementaires peu assidus ? Pourquoi les partis qui font régulièrement leur grand numéro sur l'enjeu démocratique du travail législatif ne choisiraient pas d'exclure d'une investiture les sortants qui n'ont pas réalisé un minimum de travail? Certes, on peut juger que le critère purement quantitatif devrait être complété par des éléments qualitatifs, mais tout de même à qui fera-t-on croire qu'un député intervenant une ou deux fois par an contribue à la vitalité démocratique. Le site Lesinfos.com note tout de même qu'une cinquantaine de députés sont intervenus moins de dix fois en trois ans. Presque 10% de l'hémicycle qui ne sert à rien en termes de production législative, cela pose tout de même question...
2/ Même si cette explication est partielle, la question du cumul des mandats se pose évidemment. On remarquera, par exemple, que plusieurs présidents de région semblent absents des débats parlementaires. Jean-Jack Queyranne (Rhône-Alpes) n'est intervenu qu'à huit reprises, ses homologues de PACA (Michel Vauzelle) ou d'Aquitaine (Alain Rousset) n'ayant fait entendre leur voix qu'une trentaine de fois. La même remarque pourrait s'appliquer à des présidents de département (Claude Bartolone, 30 interventions) ou à des maires de grandes villes comme Pierre Cohen (Toulouse, 18) ou Michel Destot (Grenoble, 23). Si ces grands barons ne veulent rien lâcher, histoire de mieux contrôler leur territoire, il faudra bien que la loi leur apprenne à être raisonnable.
3/ Comment les citoyens peuvent-ils être informés de la réalité du travail de son parlementaire? La plupart proposent à leurs électeurs des bulletins d'information qui recensent leurs faits et gestes. Mais bon, on imagine mal ceux-ci expliquer pourquoi leur honorable élu n'est présent qu'une ou deux journées par semaine à Paris, sachant que sur ce temps, il a souvent des rendez-vous dans les administrations centrales pour régler des problèmes locaux. Le drame – car la nature humaine est complexe -, c'est que bien des électeurs sont honorés de voir leur parlementaire pour la remise de je-ne-sais quelle médaille ou pour l'inauguration du dernier rond-point (bien souvent inutile). Si la chose se passe en semaine, notamment les mardi, mercredi et jeudi, jours de travail à l'Assemblée, ils devraient plutôt leur demander pourquoi ils ne sont à Paris pour faire la loi ou contrôler l'exécutif. Lorsque ce critère d'assiduité parlementaire sera déterminant dans le choix des électeurs, peut-être qu'un certain nombre de politiques qui veulent durer changeront de comportement et honoreront le mandat pour lequel ils ont été élus.
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Une fois encore, on peut se demander pourquoi les sites internet sortent cette info intéressante pour le citoyen, mais pas les quotidiens dits de référence.
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On a exclu de ce classement les parlementaires arrivés en cours d'année, notamment lors de remaniement ministériel.