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fleur pellerin

  • Gouvernement : renouvelé, cohérent mais très PS

    Voilà l'équipe Ayrault au grand complet. L'affaire a été plus compliquée que prévu après gouvernement Ayrault.jpgle claquement de porte – pas si inattendu que prévu – de Martine Aubry qui se voyait déjà à Matignon. Il a fallu, dès lors, revoir toute l'architecture gouvernementale. Sans doute, telle ou telle femme doit-elle sa présence autour de la table – chargée – du conseil des ministres à la décision de la première secrétaire du PS de se retirer dans son double fief de Lille et de la rue Solférino (Harlem Désir va devoir encore patienter avant de prendre sa place...).

    Quelques heures après cette nomination au forceps, quelques réflexions sur les forces et les faiblesses de ce nouvel exécutif. Incontestablement, l'équipe Ayrault est marquée par un vrai renouvellement du personnel. D'abord, le premier d'entre eux est un des rares Premiers ministres à ne pas sortir d'une grande école de cette élite républicaine qui parle beaucoup d'universalité mais aime tant les castes... En ce sens, il ressemble un peu à Pierre Mauroy, le premier homme de Matignon en 1981. Celui-ci ayraul.jpgétait une figure de la SFIO puis du PS d'Epinay, et surtout était le patron du Nord. Là, 31 ans plus tard, c'est un des ténors du PS, de l'Assemblée (espérons que ce soit un bon signe pour les députés) et surtout le maire de la plus grosse ville de l'Ouest.

    Choisir un élu de l'Ouest est un symbole fort car cela traduit l'ancrage progressif de la gauche dans cette région. La Bretagne (si on inclut la Loire-Atlantique) est entièrement (conseil régional + conseils généraux + grandes villes) contrôlée par les socialistes (qui ne ressemblent pas vraiment – pourvu que ça dure ! – à leurs homologues du Pas-de-Calais ou des Bouches-du-Rhône) alors que le PS était seulement puissant dans les Côtes d'Armor dans les années 80. Le fait qu'Ayrault soit d'extraction populaire et soit resté, semble-t-il, fidèle à ses origines modestes n'est pas pour déplaire à un moment où la grande masse de la population se demande si les élus les représentent vraiment.

    Le renouvellement est aussi frappant dans la composition du gouvernement. En termes d'extraction, on remarquera que quatre ministres ont des origines extra-européennes (dont, pour la fleur pellerin.jpgpremière fois, avec Fleur Pellerin, une ressortissante asiatique). Pour autant, aucun d'entre eux n'a de poste particulièrement en vue, sauf Najet Belkacem, porte-parole du gouvernement. Attention à ne pas en faire des gadgets ou des ministres alibis ! On regrettera également qu'aucune personne souffrant d'un handicap n'ait été retenu dans l'équipe Ayrault I. Mais il reste Ayrault II, après les législatives, pour se ratrapper...

    A part Laurent Fabius qui après avoir obtenu ce dernier (?) bâton de maréchal devra penser à sa retraite, tous les autres sont relativement novices. Certains, comme Pierre Moscovici, Michel Sapin ou Marylise Lebranchu, ont eu des fonctions plus ou moins secondaires sous Rocard ou Jospin, mais ils apparaissent comme des responsables politiques encore neufs. Pour d'autres, comme Vincent Peillon (éducation), Stéphane Le Foll (agriculture), Arnaud Montebourg (Redressement productif, sic) ou Manuel Valls (Intérieur), c'est l'épreuve de vérité. Ils sont en politique depuis 15 à 20 ans, ont souvent été dans les coulisses, tirant les ficelles des alliances avec les uns et les autres. Ils ont à prouver qu'être politiques, c'est aussi arbitrer au grand jour, prendre des risques et s'attirer les foudres des organisations professionnelles et des médias. Pour les deux derniers notamment qui soignent leur image, ils vont devoir apprendre à ne pas être aimés. De ce point de vue, donner sa chance à une génération qui attend depuis 10 ans l'alternance est plutôt un gage de confiance en l'avenir. Il leur reste à prouver que leur ramage est à la hauteur de leur plumage...

    Cette équipe n'est pas d'une grande originalité, mais on saluera tout de même deux innovations qui peuvent être porteuses d'évolutions culturelles : la création d'un maroquin à l'économie sociale et solidaire (confiée à Benoit Hamon qui lui aussi a tout à prouver), enfin reconnue, et la Coopération attribuée au EELV Pascal Canfin. Il sera intéressant de suivre canfin.jpgles premiers pas de celui qui était voici trois ans (avant les européennes où il bénéficia de l'effet Cohn-Bendit) journaliste à Alternatives économiques et qui aujourd'hui anime l'ONG Finance Watch. Signera-t-il vraiment la mort de la Françafrique qui, même affaiblie, a de beaux restes ? Réussira-t-il à mettre de l'ordre  et de la "morale" dans notre politique de coopération qui en a tant besoin? Cohabitera-t-il aisément avec le très realpolitik Laurent Fabius, dont on sait peu qu'ìl connaît assez bien la Chine (ce qui est au moins aussi précieux que la maîtrise de l'allemand de notre Premier ministre, le monde ne s'arrêtant pas aux portes de notre chère Europe)

    Cette équipe devrait être assez cohérente à l'image du duo que forme Hollande et Ayrault. Reste qu'elle souffre d'un gros défaut : être d'abord un gouvernement PS. A part les deux EELV (l'impatient Placé va devoir attendre un peu), la radicale Sylvia Pinel (on a échappé, semble-t-il de peu, à l'arrivée du très peu éthique Jean-Michel Baylet) et l'inclassable Christine Taubira (qui fut radicale de gauche, candidate en 2002) à la Justice, les trente autres ministres sont membres du PS. Les écuries, les sensibilités et les régions ont été bien représentées, mais cela fait tout de même une assise assez étroite pour conduire le changement.

    La question qui est posée est bien celle d'une ouverture vers la gauche, mais aussi vers le centre, pour rassembler très largement et rendre possible le redressement annoncé dont la route est très escarpée. Le pari est compliqué pour l'après-législative (dans l'hypothèse, très probable, où majorité présidentielle et parlementaire coïncideraient) puisqu'il va falloir réussir l'élargissement de ce gouvernement, sans rompre avec la cohérence sans laquelle rien n'est possible. Voilà Jean-Marc Ayrault (et sa femme) prévenus : ils vont devoir faire une croix sur les vacances 2012. Adieu la liberté des voyages en camping-car. Bonjour les folles journées à Matignon et au Parlement...