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Média - Page 3

  • Putain, neuf ans !

    Pour aujourd'hui, un texte un peu différent. Pas de "grande politique", ni un manifeste pour ce blog lancé dimanche 10 mai (merci à tous ceux qui l'ont déjà visité et qui y ont laissé un commentaire). Non simplement, une petite réflexion, un peu à chaud, sur mon expérience professionnelle puisque je tourne ces jours-ci la page d'une longue expérience professionnelle.TC.jpg

    Le 10 mai 2000 (eh oui, le 10 mai a souvent été marquant pour moi), j'intégrais comme rédacteur permanent l'hebdomadaire Témoignage chrétien pour qui je collaborais depuis des années. J'y ai successivement occupé diverses fonctions: rédacteur en chef adjoint puis plus adjoint (c'est-à-dire red chef) pour devenir ensuite rédacteur. Peu importent les circonstances de mes promotions ou rétrogradation (ce n'est pas le lieu d'en parler et puis cela a peu d'intérêt). Neuf ans après presque jour pour jour, je quitte ce journal.

    Je fouillais ce premier matin de "quille" dans une grande enveloppe contenant divers papiers. Un mot manuscrit d'une personne interviewée, une réaction d'une personnalité suite à un édito (pour ne pas le nommer - c'est fait maintenant - Nicolas Sarkozy, alors patron de l'UMP), un texte sur Jésus envoyé par un prêtre croisé lors d'un reportage, quelques cartes postales reçues au fil des étés, des dessins de mes enfants... Que reste-t-il de ces neuf années passées à scruter l'actualité, à décrypter les enjeux du moment et à mettre le projecteur sur ce qu'on appelait dans ce journal "les oubliés du 20 heures"? Dans cet exercice légèrement narcissique, je m'interroge sur ce qu'il peut bien rester de ces milliers d'heures à enquêter, à écrire, à corriger, à légender des photos... Qui peut répondre honnêtement à la question sans se raconter trop d'histoires ou, à l'inverse, sombrer dans le nihilisme stérile?

    Ce que je retiens tout de même de cette déjà longue expérience à TC et ailleurs (car j'ai longtemps pigé avant), c'est que nous journalistes devons être au service de vérités (le "s" est important). Nous devons essayer de respecter les faits, ne pas les tordre pour imposer notre opinion. C'est tout aussi important dans des journaux d'opinion que dans ceux qui se présentent abusivement "neutres". Vis-à-vis des personnes, même d'un autre "bord" politique, nous devons être totalement respectueux de leur histoire, de leurs convictions. Cela ne veut pas dire s'applatir devant elles, ne pas mettre en évidence leurs failles ou contradictions, mais simplement ne pas salir.

    J'ai trop souvent regretté chez certains de mes confrères la tentation (mais qui ne l'a pas eue?) de rechercher la petite-phrase-qui-tue, de s'arrêter à la surface des choses sans creuser, sans tenter de rendre compte de la complexité des choses. Je me souviens il y a pas mal d'années la réflexion d'un attaché de presse du PS alors que je lui demandais des infos sur les divers ateliers de l'université d'été de la Rochelle là où débattaient les militants. "Tu es un des rares à me poser ce genre de questions..." Effectivement, c'était pas très glamour, mais il me semblait plus intéressant de savoir ce que les anonymes du parti pensaient que de tenter de recueillir l'énième petite phrase de Jospin (alors premier ministre), de Hollande (il adorait ça) ou de Fafa. Me serais-je trompé, tellement j'ai l'impression que nous ne sommes pas nombreux à penser comme cela?

    Excusez-moi ce petit prêche (je n'ai pas été à Témoignage chrétien pour rien), mais j'ai envie d'écrire cela. Car j'aimerai tant que la profession se saisisse un peu plus de ces questions "éthiques". Il y a urgence, me semble-t-il, car la presse (engagée ou "neutre") traverse une grave crise. Avant d'être économique, c'est une crise de confiance.    

  • Comment en finir avec la politique spectacle?

    Voici un mois, je rencontrais Roger-Gérard Schwartzenberg à l'occasion de la sortie de son livre L'Etat spectacle 2 (éditions Plon). L'ancien ministre de Lionel Jospin et ancien député reprend le fil de son L'Etat spectacle publié en 1977. Je vous propose de lire l'entretien publié dans l'hebdomadaire Témoignage Chrétien (www.temoignagechretien.fr)

    livre Schwartzenberg.jpg 

    Depuis votre premier livre, quels ont été les changements les plus notables?

    Roger-Gérard Schwartzenberg: Je distinguerai quatre évolutions notables. D'une part, la télévision occupe désormais une place essentielle. Elle a supplanté la presse écrite qui jouait un rôle primordial dans le débat d'idées. La télévision, et surtout les chaînes privées, juge la politique tellement austère qu'ils suppriment les émissions de débat ou les placent en fin de soirée. Pour ce média, l'image l'emporte sur le message.La seconde évolution a trait à l'entrée en force des professionnels de la communication. Pour eux, le message, c'est le candidat. La présidentielle de 1981 a constitué un tournant lorsque François Mitterrand, jusque-là rétif à cette intervention, s'est appuyé sur le publiciste Jacques Séguéla.

    Les deux autres changements?

    C'est d'abord l'influence de la presse people que douze millions de Français lisent aujourd'hui. La plupart des responsables politiques acceptent maintenant de médiatiser leur vie privée. Ils y parlent plus d'eux mêmes que de politique. Dernière évolution majeure, la politique est marquée par un déclin fort des idéologies. Dans les années 70 - 80, la gauche était très fortement influencée par le marxisme. La droite, quant à elle, était très inspirée par le reaganisme et le libéralisme économique intégral. Aujourd'hui, les partis de gouvernement développent des programmes plus convergents, ce qui offre un boulevard aux partis extrêmes. Faute de pouvoir se distinguer sur le fond, les candidats ont tendance à se différencier sur leur image.

    En 2007, les deux finalistes de la présidentielle ont très largement utilisé l'outil internet. A-t-il une vraie influence sur la vie politique?

    Chacun des candidats a développé un usage différent de ce média. Ségolène Royal a, à travers son site Désirs d'avenir, privilégié une démarche participative en faisant appel aux avis des internautes alors que Nicolas Sarkozy valorisait les images de sa campagne à travers sa web-télé. Celui qui a le plus utilisé cet outil, c'est Barack Obama. Le futur président américain avait la capacité de communiquer avec treize millions d'internautes. Cet outil a été utilisé de façon descendante pour faire passer des messages auprès des supporters.


    Dans les prochaines années, internet ne va-t-il pas supplanter la télévision pour organiser le débat politique?

    C'est tout à fait possible car les chaînes généralistes traversent une grave crise. Aux Etats-Unis, celles-ci ont vu leur audience passer de 90% à 40% entre 1990 et 2000. Le phénomène n'a pas pris cette ampleur en France, mais de grandes chaînes comme TFI accusent une baisse, en raison notamment de la concurrence de la TNT. On se dirige peut-être vers la post-télévision, une ère qui ne serait plus marquée, comme aujourd'hui, par le règne des grandes chaînes. Cela pourrait conduire à remettre en cause la tendance à la « spectacularisation » de la politique qu'encouragent les grandes chaînes.


    L'instauration du quinquennat a t-elle changé la donne?

    La Ve République s'est construite autour d'une figure monarchique. Cela suppose une certaine distance, une réserve voire un mystère. Conformément à ce qu'il avait annoncé , Nicolas Sarkozy fait le contraire en se positionnant comme un dirigeant de proximité. C'est l'une des conséquences du passage du septennat au quinquennat qui amène le Président de la République à être davantage sur le terrain. Si le style présidentiel s'est un peu « démonarchisé », les pouvoirs du Président restent largement supérieurs à ceux de ses homologues étrangers.

    Comment se positionnent les citoyens face à cette politique-spectacle?

    Ils sont à la fois captivés comme des spectateurs et assez lassés car ils ont moins de moins prise sur les décisions. Plus le programme est flou et incertain, moins le citoyen est en capacité d'intervenir sur les choix politiques. Cette lassitude est d'autant plus marquée que les Français sont désireux de vrais débats comme on l'a vu lors du référendum européen en 2005.

    Les professionnels de la politique ne seraient pas à la hauteur des exigences citoyennes?

    Tout à fait. Les dirigeants politiques - pas tous bien sûr - traitent les citoyens comme des spectateurs, sur les émotions desquels on joue. La grande majorité des citoyens aspire, au contraire, à être considérés comme des adultes à qui on devrait exposer la vérité.

    Voilà un propos très mendésiste...

    Pour préparer mon livre, j'ai relu La République moderne, écrit par Pierre Mendès-France en 1962. Il y préconisait une « démocratie de participation ». C'est une idée qu'il faudrait mettre en oeuvre. Au niveau local, cela pourrait passer par les budgets participatifs, les assemblées de quartier ou les référendums d'initiative locale qui sont trop peu utilisés car laissés à l'initiative des assemblées délibérantes. Au niveau national, il faudrait multiplier les référendums.

    Comment expliquer le décrochage entre les politiques et le peuple?


    Le libéralisme économique qui a imprégné les mentalités pendant deux décennies a encouragé l'hyper-individualisme. Or, la démocratie suppose un sentiment d'appartenance collective. Les citoyens en sont encore porteurs alors que les politiques sont généralement guidés par leur ego, par le « culte du moi » comme aurait dit Barrès.

    Pour en finir avec l'Etat spectacle, écrivez-vous en conclusion. Est-ce possible?


    Je suis optimiste. La crise que nous vivons appelle des solutions politiques coordonnées. L'intervention de la puissance publique est moins caricaturée et l'individualisme devrait régresser. Pour ma part, je veux me battre pour faire reculer l'Etat spectacle, car celui-ci mine la démocratie.