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politique

  • Comment en finir avec la politique spectacle?

    Voici un mois, je rencontrais Roger-Gérard Schwartzenberg à l'occasion de la sortie de son livre L'Etat spectacle 2 (éditions Plon). L'ancien ministre de Lionel Jospin et ancien député reprend le fil de son L'Etat spectacle publié en 1977. Je vous propose de lire l'entretien publié dans l'hebdomadaire Témoignage Chrétien (www.temoignagechretien.fr)

    livre Schwartzenberg.jpg 

    Depuis votre premier livre, quels ont été les changements les plus notables?

    Roger-Gérard Schwartzenberg: Je distinguerai quatre évolutions notables. D'une part, la télévision occupe désormais une place essentielle. Elle a supplanté la presse écrite qui jouait un rôle primordial dans le débat d'idées. La télévision, et surtout les chaînes privées, juge la politique tellement austère qu'ils suppriment les émissions de débat ou les placent en fin de soirée. Pour ce média, l'image l'emporte sur le message.La seconde évolution a trait à l'entrée en force des professionnels de la communication. Pour eux, le message, c'est le candidat. La présidentielle de 1981 a constitué un tournant lorsque François Mitterrand, jusque-là rétif à cette intervention, s'est appuyé sur le publiciste Jacques Séguéla.

    Les deux autres changements?

    C'est d'abord l'influence de la presse people que douze millions de Français lisent aujourd'hui. La plupart des responsables politiques acceptent maintenant de médiatiser leur vie privée. Ils y parlent plus d'eux mêmes que de politique. Dernière évolution majeure, la politique est marquée par un déclin fort des idéologies. Dans les années 70 - 80, la gauche était très fortement influencée par le marxisme. La droite, quant à elle, était très inspirée par le reaganisme et le libéralisme économique intégral. Aujourd'hui, les partis de gouvernement développent des programmes plus convergents, ce qui offre un boulevard aux partis extrêmes. Faute de pouvoir se distinguer sur le fond, les candidats ont tendance à se différencier sur leur image.

    En 2007, les deux finalistes de la présidentielle ont très largement utilisé l'outil internet. A-t-il une vraie influence sur la vie politique?

    Chacun des candidats a développé un usage différent de ce média. Ségolène Royal a, à travers son site Désirs d'avenir, privilégié une démarche participative en faisant appel aux avis des internautes alors que Nicolas Sarkozy valorisait les images de sa campagne à travers sa web-télé. Celui qui a le plus utilisé cet outil, c'est Barack Obama. Le futur président américain avait la capacité de communiquer avec treize millions d'internautes. Cet outil a été utilisé de façon descendante pour faire passer des messages auprès des supporters.


    Dans les prochaines années, internet ne va-t-il pas supplanter la télévision pour organiser le débat politique?

    C'est tout à fait possible car les chaînes généralistes traversent une grave crise. Aux Etats-Unis, celles-ci ont vu leur audience passer de 90% à 40% entre 1990 et 2000. Le phénomène n'a pas pris cette ampleur en France, mais de grandes chaînes comme TFI accusent une baisse, en raison notamment de la concurrence de la TNT. On se dirige peut-être vers la post-télévision, une ère qui ne serait plus marquée, comme aujourd'hui, par le règne des grandes chaînes. Cela pourrait conduire à remettre en cause la tendance à la « spectacularisation » de la politique qu'encouragent les grandes chaînes.


    L'instauration du quinquennat a t-elle changé la donne?

    La Ve République s'est construite autour d'une figure monarchique. Cela suppose une certaine distance, une réserve voire un mystère. Conformément à ce qu'il avait annoncé , Nicolas Sarkozy fait le contraire en se positionnant comme un dirigeant de proximité. C'est l'une des conséquences du passage du septennat au quinquennat qui amène le Président de la République à être davantage sur le terrain. Si le style présidentiel s'est un peu « démonarchisé », les pouvoirs du Président restent largement supérieurs à ceux de ses homologues étrangers.

    Comment se positionnent les citoyens face à cette politique-spectacle?

    Ils sont à la fois captivés comme des spectateurs et assez lassés car ils ont moins de moins prise sur les décisions. Plus le programme est flou et incertain, moins le citoyen est en capacité d'intervenir sur les choix politiques. Cette lassitude est d'autant plus marquée que les Français sont désireux de vrais débats comme on l'a vu lors du référendum européen en 2005.

    Les professionnels de la politique ne seraient pas à la hauteur des exigences citoyennes?

    Tout à fait. Les dirigeants politiques - pas tous bien sûr - traitent les citoyens comme des spectateurs, sur les émotions desquels on joue. La grande majorité des citoyens aspire, au contraire, à être considérés comme des adultes à qui on devrait exposer la vérité.

    Voilà un propos très mendésiste...

    Pour préparer mon livre, j'ai relu La République moderne, écrit par Pierre Mendès-France en 1962. Il y préconisait une « démocratie de participation ». C'est une idée qu'il faudrait mettre en oeuvre. Au niveau local, cela pourrait passer par les budgets participatifs, les assemblées de quartier ou les référendums d'initiative locale qui sont trop peu utilisés car laissés à l'initiative des assemblées délibérantes. Au niveau national, il faudrait multiplier les référendums.

    Comment expliquer le décrochage entre les politiques et le peuple?


    Le libéralisme économique qui a imprégné les mentalités pendant deux décennies a encouragé l'hyper-individualisme. Or, la démocratie suppose un sentiment d'appartenance collective. Les citoyens en sont encore porteurs alors que les politiques sont généralement guidés par leur ego, par le « culte du moi » comme aurait dit Barrès.

    Pour en finir avec l'Etat spectacle, écrivez-vous en conclusion. Est-ce possible?


    Je suis optimiste. La crise que nous vivons appelle des solutions politiques coordonnées. L'intervention de la puissance publique est moins caricaturée et l'individualisme devrait régresser. Pour ma part, je veux me battre pour faire reculer l'Etat spectacle, car celui-ci mine la démocratie.

  • En mai, fais ce qu'il te plait...

     Encore un qui se met à faire un blog... Et en plus, il veut nous parler de politique... Il se prend pour Apathie ou pour July... J'avoue tout: oui, je démarre ce 10 mai un blog essentiellement politique. Pas à la manière de mes brillants confrères qui abordent la vie politique essentiellement sous l'angle des bisbilles internes et des écuries présidentielles. Sauf exception, je n'ai accès qu'à très peu de secrets (y compris d'alcôve puisque cela plait beaucoup) et il y aura donc très peu de scoops à se mettre sous la dent.

    Ce qui m'intéresse à travers ce blog, c'est d'explorer très librement la question du désamour vis-à-vis de la politique. Pourquoi cette activité essentielle à la vie d'une démocratie est-elle si mal perçue, si souvent associée au mensonge, à la trahison et à la bassesse? Pourquoi un tel décalage entre les échelons locaux – comme la mairie – perçus positivement et les jeux nationaux qui suscitent, dans le meilleur des cas, haussements d'épaules et ironie?Mitterrand 10 mai.jpg

    10 mai... le choix de ce titre n'est pas tombé tout seul. Il renvoie à une date, le 10 mai 1981, qui a marqué, pour moi, mon entrée véritable dans le chaudron politique que je n'ai pas vraiment quitté depuis. Evoluant au début des années 80 dans un milieu très politisé, avec des parents engagés au parti socialiste, j'avais 14 ans quand François Mitterrand a été élu président de la République. « Changer la vie », promettait-il. La mienne a changé le soir même avec une grande fête toute la nuit et la possibilité de sécher les cours au collège le lendemain matin...

    De cette époque bénie des dieux politiques, je n'ai pas oublié grand-chose. Ni les gaffes du ministre des Relations extérieures (comme on disait alors), Claude Cheysson. Ni le renvoi du trop audacieux – aux yeux de « nos amis » de la Françafrique – Jean-Pierre Cot. Ni la « parenthèse de la rigueur » et les démissions de Jean-Pierre Chevènement. Je n'ai pas oublié non plus la cérémonie d'investiture au Panthéon – pompeuse mais émouvante -, la bataille de « l'école libre » qui emporta le courageux Alain Savary...

    J'aurais tant aimé oublier le naufrage du Rainbow Warrior qui annonça tant d'autres naufrages, moraux, financiers, humains. Comment oublier le suicide de Pierre Bérégovoy, l'ouvrier autodidacte de Gaz de France devenu Premier ministre? L'expérience de la gauche au pouvoir commençait dans la liesse et l'espérance pour se conclure dans le sang et l'odeur de « l'argent qui corrompt » (expression de Mitterrand lui-même).

    Quinze ans ont passé depuis le retour de la droite à l'Elysée. Les leçons de cette expérience politique inédite ont-elles été analysées et retenues? Pas sûr à voir le spectacle désolant qu'offre une gauche mollassonne, rabougrie et en panne d'imagination... Les caciques de l'ère Jospin cohabitent avec les jeunes loups à la langue de bois bien affutée. Les premiers font tout pour rater le rendez-vous de 2012; les seconds pensent déjà à 2017 (la présidentielle d'après) en pariant sur une réélection de Sarkozy. En attendant, le « peuple de gauche » comme on disait dans les années 80 se lamente tranquillement mais sûrement.

    Ce besoin de gauche, d'inventivité et de renouveau sera une des lignes-force de ce blog qui veut contribuer, évidemment modestement, à redonner corps à la réflexion politique. La question du leadership – qui obsède tant mes chers confrères et tant de responsables politiques – me semble prématurée: la gauche souffre davantage d'une colonne vertébrale défaillante et d'organes vitaux affaiblis que d'une absence de tête. Alors place aux libres réflexions qui donneront à de libres réactions (tout cela sans invective ni simplisme si possible...).

    En mai (et le reste du temps), fais ce qu'il te plait pour que la gauche se porte un peu mieux.