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Média

  • Quand la presse joue avec le feu

    Ces derniers jours, la presse (ou une partie d'entre elle) a fait fausse route, de façon grave, sur au moins deux sujets. Ces faits doivent alerter sur le manque de boussole dont souffrent de nombreux titres qui n'est pas sans rapport avec les inquiétudes financières sur ce que d'aucuns ont appelé le 4e pouvoir.

    dsk,nouvel observateur,vincent peillon,libérationLe premier fait a été abondamment commenté : il s'agit du livre écrit par Marcela Iacub autour de sa liaison de quelques mois avec l'ancien patron du FMI. Le Nouvel observateur et Libération, surtout, ont fait leur choux gras de ce livre qui se donne des ambitions littéraires. Il n'est pas certain que ce talent soit reconnu à celle qui se veut d'abord juriste, mais le problème n'est pas vraiment là. Deux types de questions peuvent être posées sur cette affaire.

    Pourquoi s'acharner contre un homme dont la carrière entre autres est complètement anéantie suite à divers scandales ? Je fais partie de ceux, rares voici deux ans, qui doutaient fortement de sa capacité à incarner une alternative à gauche. D'une part,  ses orientations plutôt libérales et son éloignement des réalités françaisses n'étaient pas forcément les meilleurs atouts pour s'opposer au président sortant. Ensuite, j'avais eu écho de sa dépendance au sexe et je ne me doutais pas que quelques officines proches du pouvoir exploiteraient, le moment voulu, quelques secrets d'alcôve sulfureux. La gauche aurait pris des risques importants en le sélectionnant. Lorsque l'affaire Sofitel est sortie, une partie de la presse a été accusée de ne pas avoir informé ses lecteurs sur ce versant de la personnalité de Dominique Strauss Kahn. Serait-elle en train de se "rattraper" en publiant des récits sur ses aventures ?

    Sauf qu'en deux ans, la situation a diamétralement évolué. Celui qui, alors patron du FMI, n'allait faire qu'une bouchée du président sortant, n'a aujourd'hui aucun rôle politique ; il ne peut caresser l'espoir de revenir en politique, comme certains le disent pour Nicolas Sarkozy. C'est un homme mort, en politique du moins. Tout est ce qui est publié sur lui se résume à de l'étalage, à de la violation de la vie privée dont la préservation devrait pourtant être l'une des boussoles de la presse dite sérieuse. Ce qu'on pouvait savoir et publier sur les frasques de DSK n'avait de sens que parce que sa position de pouvoir pouvait lui donner des faveurs et qu'il pouvait être dans le mélange des genres (ce dont il ne s'est pas privé). Aujourd'hui, ce n'est plus le cas donc il faut, comme il l'a demandé, lui "foutre la paix".

    Le fait que deux journaux de la gauche intellectuelle se soient emparés de cet ouvrage pour projeter leurs propres fantasmes (Le Nouvel Obs écrit : "Iacub est allée au bout de la tristesse du monde et nous en a apporté un trésor : un éclat de réel") montre le délitement des modes de pensée, le décrochage des faiseurs d'opinion vis-à-vis de ce qui se passe dans la société. Comment penser que l'aventure érotico-intellectuelle de Iacub ait un lien avec le réel que des millions de Français affrontent ?

    Cette pauvreté, ce vide qui s'expriment parmi l'élite intellectuelle sont particulièrement inquiétants car ils expriment la panne de la pensée de gauche. Se replier sur les arcanes des vies personnelles, explorer les recoins inavoués de la sexualité (au nom de l'absence des tabous et de la libération de la parole) ne peuvent être un vade mecum pour la gauche qui a repris les rênes du pouvoir. Si on veut le dire autrement, le mariage homo pour lequel se sont fortement mobilisés les deux titres cités, ne peut être l'objectif essentiel de la gauche au pouvoir.

    Un second fait m'a interrogé sur la lucidité de la presse. Le ministre de l'Education, interrogédsk,nouvel observateur,vincent peillon,libération par une radio, a exprimé son intention d'ouvrir la discussion sur la réduction des vacances d'été. Tout de suite, la grosse cavalerie a été lancée, sur le thème : c'est une erreur politique, ce Peillon est vraiment trop maladroit. D'aucuns qui n'ont peur d'aucune contradiction ont sorti l'argument massue : cet homme est un intellectuel de Saint-Germain coupé des masses, donc incapable de comprendre les aspirations populaires.

    Sauf que cette histoire de vacances estivales constitue un vrai enjeu social ét éducatif. On sait très bien que les inégalités dans l'accès aux vacances sont féroces, entre des enfants qui vont apprendre beaucoup pendant ces deux mois entre des voyages, des stages sportifs et culturels et des séjours chez les grands-parents et ceux qui vont s'ennuyer ferme entre les murs de leur cité ou de leur village. D'autre part, une trop longue pause occasionne une grave déperdition de connaissances. Et ce point n'est pas anodin alors même que des études internationales montrent que la France perd des places en termes de niveau scolaire.

    Pour toutes ces raisons, c'est le rôle absolu d'un ministre de l'Education a fortiori de gauche de poser ces questions et d'en appeler à des changements. La presse doit être critique, mais pas pour dire n'importe quoi. Pointer les renoncements, les contradictions voire les mensonges, très bien, c'est son rôle. Flinguer les audaces, la volonté d'améliorer les choses... je ne comprends pas. Et j'ai bien peur que le peu de crédit qu'il reste à la presse sorte affaibli de ce jeu de dégommage systématique des faits et gestes des politiques.      

  • Quand la presse déraille...

    Difficile d'être journaliste aujourd'hui ! A quoi servons-nous ? Combien serons-nous dans dix ans ? Ces questions taraudent (ou devraient tarauder) la profession, d'autant que les mauvaises nouvelles s'accumulent. Libération aura du mal, sans nouveaux investisseurs, à passer l'hiver; Sud-Ouest annonce un plan de licenciement. La presse dite militante est en mauvaise posture : L'Humanité est maintenue artificiellement en vie ; Témoignage chrétien (auquel j'ai collaboré plus de 15 ans) a interrompu son hebdo papier avec l'espoir de redémarrer sous une autre forme.

    Certains incriminent, à juste titre, le rôle néfaste du Livre CGT qui bloque toutes les évolutions. D'autres s'interrogent, non sans raison, sur des directions d'entreprises défaillantes, sans vision stratégique, qui n'anticipent pas les évolutions et ont encouragé la voie mortifère des journaux gratuits. Mais peu (corporatisme oblige) remettent en cause une façon de faire du journalisme. Je ne vais pas m'arrêter sur la partie immergée de l'iceberg, les Une putassières de L'Express et du Point qui, à force de banalisation de l'islamophobie tracent un boulevard pour Marine Le Pen...

    Non, ce qui est intéressant, c'est le traitement de l'information, la hiérarchie de l'info. Revenons sur deux événements de la semaine écoulée : la conférence de presse de François Hollande ; la grève de la faim du maire de Sevran. Dans le premier cas, la prestation du Président a été analysée en long et en large (jusqu'à sa cravate) et tout le monde a convenu qu'elle avait été bonne. Cela nous fait une belle jambe, serait-on tenté de répondre!

    Car qu'est ce qui est important pour juger une politique? De savoir si les responsables savent argumenter, répondre aux attaques de l'opposition ou s'ils proposent une stratégie cohérente et en mesure de dompter les maux de la société? Si c'est le premier point de vue qui l'emporte, alors oui, François Hollande a réussi sa prestation. Il confirme que c'est un grand pro, calme et rusé, de la politique, sans doute l'un des meilleurs.

    S'il s'agit de mesurer la cohérence d'une politique, on doit être forcément dubitatif et c'est le rôle de la presse de l'être. Et là, ce n'est pas une question de style (comme Libé, toujours aussi peu inspiré, l'a relevé), mais d'analyse des politiques. Comment peut-on à la fois en appeler aux coupes budgétaires (10 milliards d'euros doivent être dénicher) et trouver justifiés divers besoins sociaux qui s'expriment, et qui vont être mis sur la table lors de la conférence sur la pauvreté en décembre? Comment continuer à parler d'un déficit ramené à 3% du PIB alors que la croissance risque de ne pas être durablement au rendez-vous? Comment ne pas s'interroger sur les limites du choc de compétitivité qui pourrait diminuer de 3% le coût global des produits (pour le grand défi de reconquête des exportations)? On pourrait aligner des dizaines de questions que des médias devraient poser chacun avec sa sensibilité. Dans les faits, elles ne sont qu'effleurées, et toujours mises au second plan par rapport au style, à la forme. Nombre de journalistes politiques sont devenus des critiques de spectacle politique. Est-ce ce qu'on attend de la presse?

    Second exemple : la grève de la faim menée pendant cinq jours par Stéphane Gatignon. Si on enlève les commentaires grotesques d'un Barbier (disant qu'un politique n'avait pas à utiliser cette arme... et pourquoi donc), l'essentiel du traitement journalistique a tourné autour des visites qu'il a reçues (Valls, Duflot, etc.) et des pressions qu'il aurait subies pour cesser de ne plus s'alimenter. Est-ce l'essentiel? Ne fallait-il pas profiter de cette action d'éclat un peu désespérée de ces villes pauvres touchées par la double peine (la crise des finances publiques et la crise sociale)? Mais non, la presse globalement ne s'est pas risquée à aller dans le fin fond de la Seine-Saint-Denis pour se plonger dans le quotidien de cette population durement touchée par le chômage, les difficultés de logement etd e transport, la violence, la drogue...

    Si la presse ne répond plus aux questions que la grande masse de la population se pose (et celle-ci n'est pas réductible au petit cercle des éditorialistes ou des utilisateurs des réseaux sociaux), si elle est dans la connivence ou, du moins, dans l'entre-soi avec les élites, il ne faudra pas s'étonner qu'elle batte de plus en plus de l'aile. Il faut se poser très vite quelques questions essentielles avant de verser des larmes de crocodile...  

      

  • DSK: pourquoi tant d'emballement?

    Alors que le monde est suspendu à la situation dramatique en Libye et la fuite en avant du dictateur Kadhafi - ami du ministre Ollier et admiré, entre autres, par le nouvel ambassadeur français à TDSK, Marine Le Pen, JL Mélenchon, médiasunis-, alors que le monde arabe vit une mutation sans précédent, voilà que nos médias français (franchouillards, oserais-je écrire) se passionne pour un non-événement: la venue à Paris pour une réunion financière du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Bien entendu, tout le monde guettait un signe tangible de son intérêt pour 2012, tout en sachant bien que sa position internationale ne lui permettait pas de prendre position. Cela d'ailleurs lui aurait été reproché car, au vu de la situation tendue sur les marchés (notamment ceux des matières premières), une option de DSK sur la présidentielle aurait pu encore plus compliquer la situation internationale. N'oublions pas que l'onde de choc dans le monde arabe est lourde de conséquences pour le pétrole. Un renchérissement brutal des cours de l'or noir aurait raison de la timide reprise économique dans le monde occidental et on peut comprendre que le patron du FMI ait d'autres soucis que la présidentielle française (même il doit y penser de temps en temps, pas simplement en se rasant...).

    Et voilà que nos bons médias s'emballent, jaugent une déclaration de sa femme sur son blog (qu'elle tient depuis belle lurette) et spéculent déjà sur un duel Sarkozy-DSK. Cette façon de précipiter l'agenda et de dicter aux Français le duel auquel tout le monde (dans les grands médias) rêvent ne peut qu'accroître les fractures dans l'opinion publique. Mais pensez donc, un tel duel serait si alléchant. Deux fauves de la politique face à face, chacun ayant côtoyé les grands de ce monde, chacun ayant construit de solides réseaux dans les milieux politiques, patronaux et médiatiques. Comme on prête à Sarko comme à DSK des casseroles (sans qu'on sache si elles seraient d'ordre personnel ou financier) qui pourraient sortir à cette occasion, les « observateurs » de la vie politique voient dans ce duel tous les ingrédients réunis d'une pièce à rebondissements.

    Et le débat politique dans tout ça? Il a été encore une fois oublié. Comme l'a dit avec justesse François Hollande, c'est le directeur général du FMI qui s'est exprimé, pas le candidat putatif à la présidentielle. Qu'il se soit permis d'égratigner indirectement la gestion Sarkozy ne prouve rien, si ce n'est que DSK n'a pas oublié qu'il appartenait à la gauche française.

    Fin d'un épisode (sans grand intérêt). Mais réfléchissons à ce que cette spectacularisation de la vie politique pourrait amener. La classe politique subit dans l'opinion un discrédit très fort. En tout cas, celle qui passe l'essentiel de son temps dans les palais parisiens de la République. Le tableau est connu et nul ne peut le contester. Les médias souffrent eux aussi d'un manque de crédibilité qui n'est pour rien dans la crise économique que traverse la presse écrite. Outre quelques ratés mémorables, on leur reproche d'être trop proches des puissants et de se désintéresser du quotidien des Français. Malheureusement, tout n'est pas faux dans ce tableau, même si le discours conspirationniste (voir des complots partout) qui l'entoure souvent est totalement réducteur.

    Dans ce tableau sombre, la tentation des médias à vouloir annoncer un duel DSK/Sarkozy est non seulement risquée (on devrait se rappeller comment Balladur en 1995 puis Jospin en 2002, chouchous des médias, ont été éliminés dès le premier tour), mais dangereuse. Elle fait le lit du discours protestataire qui monte un peu partout dans la société. Celui-ci a beau jeu de comparer la fortune de DSK (d'autant que ses émoluments faramineux de DG du FMI ne sont pas soumis à l'impôt) au goût prononcé de l'argent de notre Président. En gros, l'héritier contre le nouveau riche. Cette thématique risque de ne pas servir celui qu'on veut lancer dans l'arène, DSK, mais d'alimenter le discours de Marine Le Pen (et accessoirement celui de Jean-Luc Mélenchon). Celle-ci atteindrait déjà 20% d'intentions de vote dans un récent sondage et ses marges de progression sont réelles. La candidature sous la bannière FN aux cantonales d'un syndicaliste de la CGT, ancien militant de l'extrême gauche, témoigne, même si le cas reste encore isolé, d'un attrait pour le discours plus social et ultra-laïque de la fille Le Pen (lire mon post du 13 décembre).

    Vouloir discréditer l'éventuelle candidature de DSK au nom de sa fortune revient non seulement à donner du crédit aux thèses de l'extrême droite, mais à tuer le débat politique. On ne peut pas démolir un politique sur ce que sa naissance – ou son mariage – lui a donné. La critique doit porter sur la cohérence de son parcours (avec une question que j'ai du mal à trancher: peut-on avoir une gestion plus à gauche du FMI?) et surtout sur ses propositions. S'il s'avérait que le candidat des socialistes (en supposant que la primaire d'octobre le désigne) faisait preuve de frilosité dans l'indispensable lutte contre les inégalités et dans la redistribution des richesses, on pourrait alors se demander s'il est toujours de gauche et si sa fréquentation de la haute finance internationale (qu'il a habilement critiquée sur France2) n'a pas déteint sur ses convictions. Mais à l'heure d'aujourd'hui, tout procès d'intention à l'égard de DSK est déplacé. Il sert plus le FN que l'UMP, empêtré dans ses contradictions et ses ratages diplomatiques en rafale.

  • Faut-il condamner l'outrance?

    Le journaliste Eric Zemmour a écopé d'une amende (avec sursis) pour ses propos très contestables sur les "Noirs" et les "Arabes" à la télé. Toute personne ayant des convictions anti-racistes peut s'en féliciter: cette condamnation jouera, espère-t-on, un rôle dissuasif vis-à-vis de tous ceux qui, eric zémour,le pen,mélenchonvrais racistes ou démagogues irresponsables, activent les ressorts de la peur de l'Autre particulièrement vivaces en cette période troublée.

    Pour autant, la condamnation devant les tribunaux d'un journaliste, porte-drapeau de l'anti-politiquement-correct qui serait l'apanage de la gauche morale, pose plus de questions qu'elle n'en résoud. D'une part, quelles sont les limites de la liberté d'expression? Le journaliste a estimé que les contrôles au faciès se justifiaient par le fait que les délinquants sont très souvent noirs ou arabes. Son point de vue doit être démonté de façon argumentée: la société française étant ethniquement et socialement stratifiée, il est malheureusement logique que les actes de délinquance soient davantage le fait de jeunes vivant dans des ghettos de pauvres que dans des ghettos de riches. Cela n'a pas grand-chose à voir avec la couleur de peau des délinquants. On observera que dans les quartiers huppés de la capitale ou dans la ville dont fut maire Nicolas Sarkozy, les fils d'ambassadeurs africains ne se font pas plus remarquer que leurs condisciples "blancs" par des pratiques délictueuses. D'ailleurs, on aurait quelques surprises si on enquêtait sur la consommation de drogue - et donc sur les réseaux de distribution - dans ces quartiers huppés paraît-il si tranquilles (mais là, comme par hasard, on est discret).

    Donc, Eric Zemmour a tort non pas dans son constat, mais dans la conclusion qu'il en tire. Cela fait-il de lui un fieffé raciste? Pas sûr et à vouloir faire condamner ce type de propos, on réactive l'idée selon laquelle il ne faudrait pas dire la vérité dans ce pays. Cela met de l'eau au moulin de ceux qui estiment que les élites ne vivent pas les problèmes de la population et pratiquent le déni de réalité pour mieux protéger leur tranquillité. Evidemment, Eric Zemmour ne vit pas plus que ses confrères du Nouvel Obs ou du Monde à la Courneuve et ne franchit pas souvent le périph', mais il donne le sentiment à des millions de Français qui se sentent abandonnés qu'ils peuvent compter sur sa voix. Le condamner n'est pas forcément un bon moyen de combattre les clichés qu'il véhicule.

    Par-delà la question de la liberté de parole qu'il me semble périlleux de vouloir contenir dans une démocratie d'opinions, se pose celle des lieux de contradiction. Pourquoi faut-il aller devant un tribunal alors même que le propos incriminé ne met pas en danger la paix civile? Pourquoi ne pas lui répondre dans une émission de grande écoute en montrant ses incohérences? D'une certaine manière, les anti-racistes ont renoncé à ce travail de pédagogie. Manque de courage? Peut-être. On se souvient que seul Tapie dans les années 80 acceptait de contredire Jean-Marie Le Pen, les autres politiques disant, pour se disculper de tant de lâchetés, qu'on ne débat avec le diable. Eh bien, si le diable est installé dans nos murs - certains disent en nous -, faut-il le laisser ainsi prospérer sans ne rien dire? 

    Le média télé a une part de responsabilité dans cette surenchère démagogique et xénophobe. Pour contrer l'argument semble-t-il imparable de Zemmour (il y a beaucoup de Noirs et d'Arabes dans nos prisons donc ils sont culturellement moins respectueux de la loi que les autres), il faut prendre quatre-cinq minutes - sans être interrompu - pour expliquer les clivages sociaux et ethniques profonds de notre pays. Il faut parler des problèmes de déracinement des parents immigrés, de leur difficulté à trouver leur place et leurs repères. Il ne s'agit pas d'excuser des attitudes illégales, parfois graves, mais juste de montrer que dans notre République, tout le monde ne part pas sur un pied d'égalité. Mais quel programme télé à une heure de grande audience accepte de se prêter à cet exercice de pédagogie? Il est plus payant en termes d'audimat de mettre sur le ring Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui vont ainsi s'envoyer des noms d'oiseau à la figure que de convoquer des sociologues ou des journalistes de terrain pour parler ce qui se vit aujourd'hui.

    Finalement, cette affaire Zemmour signe une double faillite de notre système politico-médiatique. Celle d'un certain journalisme qui éditorialise à outrance, ne prend plus le temps de se plonger dans les réalités complexes du terrain et se transforme en "causeur" (façon salons savants ou café du commerce). Faillite aussi de l'esprit de raison ou du "progressisme" qui, n'ayant plus la capacité ou la force de convaincre par des arguments, préfère faire juger les différends devant les tribunaux.