Monsieur le ministre
Dois-je vous féliciter? Pour votre première grande interview politique, vous avez frappé fort. Dans l'entretien que vous avez accordé au journal Le Monde (édition du 16 mars), vous avez incontestablement le sens des for
mules et des propos coup de poing. Témoin ce passage « Les Français ont le sentiment que les flux non-maîtrisés changent leur environnement. Il ne sont pas xénophobes. Cela étant, ils veulent que la France reste la France. Ils veulent que leur mode de vie soit respecté, que la laïcité demeure à la base de notre pacte républicain. […] Les Français veulent que les nouveaux arrivés adoptent le mode de vie qui est le leur. »
Sur le coup, en lisant ces phrases, je me suis demandé si vous n'aviez pas ramassé dans votre boîte aux lettres un tract du Front national et si vous ne vous étiez pas emmêlé un peu les pinceaux. Mais non, me suis-je dit, ce n'est pas possible de la part d'un haut-fonctionnaire formé dans le moule républicain et exercé aux plus hautes fonctions...
Pour redevenir sérieux, je ne comprends pas très bien votre propos. « Les Français ne sont pas xénophobes. Cela étant... » Toutes les enquêtes d'opinion montrent une plus grande tolérance vis-à-vis des propositions excluantes portées depuis une bonne vingtaine d'années par le parti de la famille Le Pen. N'y aurait-il pas là un zeste de xénophobie qui signifie, sauf erreur de ma part, peur de l'étranger? Il me semble qu'un ministre de la République, laquelle s'appuie sur la Déclaration des droits de l'homme qui proclame que « les hommes naissent libres et égaux en droits », devrait dénoncer cette montée des peurs en direction des étrangers et non balayer d'un revers de la main une réalité que tous les observateurs sérieux notent : pour diverses raisons qu'il serait trop long d'expliquer ici, une frange de plus en plus large de la communauté nationale considère que la venue des étrangers est porteuse de périls et qu'il convient de s'en protéger. Comment comptez-vous endiguer cette montée de réactions xénophobes (appelons un chat un chat) qui fragilisent notre « vivre ensemble »? J'ai cherché réponse à ma question dans l'entretien. Je n'ai rien lu, si ce n'est un laconique « Le volet intégration de ce ministère doit être renforcé ». Quelles actions concrètes? Avec quels moyens? Quels éléments de mesure des progrès de l'intégration? Mystère et boule de gomme. Réponse dans une prochaine interview au Monde?
En revanche, vous êtes plus loquace sur ce que pensent les Français. « Les Français ont le sentiment », « les Français veulent », etc. Vous voilà donc porte-parole auto-proclamé des Français. Et si dans quelques années, « ils » veulent que l'on remette les immigrés à la mer, comme l'a suggéré finement une parlementaire de votre parti, appliquerez-vous la « solution » puisque « les Français » le veulent? Avec des raisonnements comme le vôtre, on aurait jamais légalisé l'IVG ni aboli la peine de mort. Passons...
Le coeur de votre propos est dans le titre que Le Monde a justement retenu : « Les Français veulent que la France reste la France. » Là encore, j'ai du mal à comprendre – ou alors je comprends trop bien. La France a toujours été une terre d'immigration, donc elle n'est jamais restée la même tout en étant fidèle à sa tradition d'accueil. J'ai le sentiment que c'est vous, ministre de la République, qui ne souhaitez pas que la France reste fidèle à sa tradition. En l'occurrence, je me sens plus fidèle à la France éternelle, celle qui s'est enrichie depuis des siècles au contact des immigrés. Au début du XXe siècle, les Français auraient également pu vouloir que « la France reste la France » et n'accueille pas les Italiens, les Polonais qui frappaient à sa porte. Fallait-il les rejeter au motif qu'ils risquaient de changer notre mode de vie?
Vous voulez que les flux migratoires soient maîtrisés. Très bien, mais comment fait-on quand on fuit la misère ou l'oppression? Pensez-vous qu'on va gentiment déposer une demande d'immigration dans nos ambassades et attendre tranquillement la réponse des autorités françaises? En général, on prend ses jambes à son cou pour sauver sa vie et/ou l'avenir de ses enfants. Fallait-il aussi que la France se ferme aux Hongrois qui fuyaient la répression communiste en 1956 (vous pouvez en parler avec l'homme politique que vous servez depuis des années)? Et les Vietnamiens et les Cambodgiens qui prenaient la mer dans les années 70, fallait-il leur demander d'aller voir ailleurs car il ne fallait surtout pas que notre gastronomie et nos modes de vie soient perturbés?
Vous voyez, la France, cela ne peut se résumer à des slogans électoralistes tout faits qui n'ont aucune portée sur les réalités (ou alors il faut tourner le dos à notre cadre républicain). Il n'est même sûr que l'ambition électoraliste qui vous anime – arrêter l'exode d'électeurs UMP vers Marine Le Pen – soit satisfaite par ce genre de déclaration. En tout cas, cela nous ferait presque regretter les outrances verbales, condamnées par la justice, de votre prédécesseur qui n'aimait pas trop les... Auvergnats.
Pour redevenir sérieux et pour conclure, si votre objectif est de lutter contre la progression du FN, je ne vous conseille pas de tenter d'en proposer une version soft mais de vous attaquer aux questions qui sont au coeur de cette désespérance politique: la montée du chômage et de la précarité, le dénigrement de la fonction publique et plus généralement de tous ceux qui œuvrent, par exemple dans les associations, à créer du lien social. Vous et l'équipe gouvernementale devriez également vous attaquer aux injustices et aux ghettos de pauvres comme de riches qui favorisent la montée des peurs. C'est cette forme de communautarisme qui menace le plus notre pacte républicain, davantage que quelques prières dans la rue de musulmans faute de lieu de culte décent.
En résumé, vous devriez refaire de la politique dans son sens le plus noble, servir l'idéal de « liberté, égalité, fraternité » au lieu de courir après un démon qui sera toujours plus rapide et habile que vous.
J'espère, Monsieur le ministre, qu'après un bizutage un peu inquiétant pour nos valeurs, vous vous ressaisirez et redeviendrez digne de la République qui vous a confié ses pouvoirs.
unis-, alors que le monde arabe vit une mutation sans précédent, voilà que nos médias français (franchouillards, oserais-je écrire) se passionne pour un non-événement: la venue à Paris pour une réunion financière du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Bien entendu, tout le monde guettait un signe tangible de son intérêt pour 2012, tout en sachant bien que sa position internationale ne lui permettait pas de prendre position. Cela d'ailleurs lui aurait été reproché car, au vu de la situation tendue sur les marchés (notamment ceux des matières premières), une option de DSK sur la présidentielle aurait pu encore plus compliquer la situation internationale. N'oublions pas que l'onde de choc dans le monde arabe est lourde de conséquences pour le pétrole. Un renchérissement brutal des cours de l'or noir aurait raison de la timide reprise économique dans le monde occidental et on peut comprendre que le patron du FMI ait d'autres soucis que la présidentielle française (même il doit y penser de temps en temps, pas simplement en se rasant...).
à une Rachida Dati, timorée et peu convaincante dans son éloge de la politique du président de la République, elle incarnait une voie populaire décomplexée. L'enfant de l'immigration maghrébine apparaissait, avec son apparence stricte et ses lèvres rouge vif, comme la représentante de l'establishment alors que la fille du tribun richissime de l'extrême droite, peu maquillée et souriante, faisait fille du peuple, cool comme on dit aujourd'hui. La télé fabrique de l'image et cette inversion des symboles entre « Rachida » et « Marine » est absolument terrible car elle est porteuse d'un brouillage de repères dans un monde qui en manque déjà cruellement. 

pitoyable équipe - par ailleurs remplaçant de luxe d'un prestigieux club espagnol - qui, à en croire la presse, serait l'un des meneurs de la grève de l'entraînement. Que cette rencontre ait lieu le jour d'une grande grève nationale (grève signifie perte de salaire pour ceux qui ne sont pas milliardaires du foot) ne semble pas choquer le Château.
le sketch hilarant de Stéphane Guillon sur la venue de DSK), mais on ne peut que s'inquiéter des choix idéologiques des patrons du service public de la radio. Trouver scandaleux tel ou tel sketch, c'est par définition refuser le statut d'humoriste qui forcément franchit régulièrement la ligne jaune érigée par les censeurs. S'il ne provoquait pas la réaction des « grands » ou supposés tels de ce monde médiatique, il raterait son objectif. S'il n'était plus un poil à gratter, parfois mal élevé, inconvenant ou grossier, il ne serait plus digne du nom de bouffon.
livre écrit voici près de deux ans, François Léotard prophétisait un « ça va mal finir », en décryptant l'évolution du régime politique incarné par Nicolas Sarkozy pour lequel il avait voté. Celui qui n'avait pas toujours été un politique bien inspiré (souvenons-nous de la privatisation de TF1) trouvait des mots justes pour décrire cette dégradation générale du climat, cette banalisation de tout (de la fonction présidentielle, de l'honneur, du rapport éthique avec les deniers publics...). Il annonçait le règne des fausses valeurs et de la médiocrité ambiante. Nous y voilà donc. Et si l'on ajoute les conséquences d'une grave crise économique – dont les plus faibles vont payer le plus lourd tribut -, il faut vraiment s'inquiéter de la situation française. Sans vouloir jouer aux oiseaux de mauvais augure, rappelons tout de même que les fascismes européens sont toujours nés de la conjonction d'une décadence morale des « autorités », d'un sentiment d'humiliation nationale et d'une paupérisation des couches laborieuses. En tout cas, dans ce marais nauséabond, il est une responsable politique qui doit se frotter les mains. Elle porte le patronyme de Le Pen et le prénom de Marine...