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  • Rencontre avec un "député européen sortant sorti"

    Gilles Savary.jpgJeudi 28 mai, j'enregistrais avec mon ami Nadir Djennad une émission pour Beur FM (www.beurfm.net) sur la question du parlement européen (1) . Notre invité était Gilles Savary, député européen "sortant sorti", selon sa propre expression, membre du Parti socialiste européen (PSE).

    En l'écoutant, on pouvait mieux comprendre les causes du désenchantement des peuples vis-à-vis de la construction européenne. Il ne cachait pas son abattement vis-à-vis du sort qu'on réserve à ce Parlement. Gilles Savary rappelait, non sans raisons, que cette chambre assez récente (première élection en 1979) était la seule expérience dans le monde où une institution internationale était composée par des membres élus au suffrage universel. Ce n'est pas une mince affaire, effectivement, et il serait bon de ne pas l'oublier.

    Le "député européen sortant sorti" expliquait pourquoi l'élection du 7 juin risque de connaître un taux d'abstention record. D'abord, il y a une raison objective. De par son travail à Bruxelles (trois semaines dans le mois) et à Strasbourg (une semaine), il est forcément éloigné de la circonscription régionale dans lequel il est élu. Il ne peut serrer des louches tous les quatre matins. Ou alors il ne fait plus son boulot législatif...

    Ensuite, son travail est sans doute plus difficile à rendre compte, à expliquer. L'essentiel de l'intervention se fait dans le cadre de commissions (ouvertes au public et à la presse) où le parlementaire va essayer de faire valoir son point de vue à travers la présentation et la défense d'amendements. Il faut, comme dans toute institution internationale, faire preuve de diplomatie et négocier avec ceux qu'on combat politiquement par ailleurs.

    Le manque de clarté et de clivage est souvent noté et regretté dans le débat français. On reproche notamment au PSE de voter avec le groupe PPE (droite). Comment le citoyen peut-il dès lors se retrouver? Gilles Savaray conteste cet argument en relevant que l'extrême droite et l'extrême gauche votent souvent ensemble contre un tas de disposition. Il explique que sur des aspects techniques (la réglementation sur la consommation par exemple), PSE et PPE votent souvent de concert, mais que sur les dimensions sociales et économiques, les choix sont souvent différents. On se souvient que les gauches ont emporté la bataille sur le directive Bokelstein (finalement réécrite dans le sens plus social)...

    Comment réintéresser au Parlement? Il faudrait d'abord, explique Gilles Savary, que les partis français s'y impliquent. Dans notre pays, le Parlement européen est une chambre d'attente d'une élection nationale. On se souvient de Pierre Moscovici, ancien vice-président du Parlement et ancien ministre des Affaires européennes (sous Jospin) quittant cette chambre dès son élection à l'Assemblée nationale. Cette fois-ci encore, les appareils ont choisi leurs candidats sans s'intéresser beaucoup à l'implication des sortants (Savary a été ainsi écarté). Dans d'autres pays qui ont plus d'influence à Bruxelles, les bons députés européens restent trois ou quatre mandats (de cinq ans à chaque fois) pour pouvoir faire leur trou et être entendu par la Commission. Pas chez nous où les effets d'image et de carrière nationale l'emportent sur d'autres considérations...

    Les médias devraient également mieux faire connaître le travail parlementaire. Pourquoi ne pas ouvrir régulièrement le JT de 20 heures par un sujet sur les débats au Parlement, comme le propose Gilles Savary? Cela permettrait de sortir d'une image anxyogène de l'Europe et de montrer que c'est un vrai espace démocratique. Problème actuel: peu de journalistes s'intéressent à ces débats qui effectivement nous sortent de notre cadre (carcan) national.

    Faut-il élire les députés le même jour dans le cadre d'une seule liste européenne? Cette solution, défendue par les Verts, permettrait de sortir l'élection de considérations nationales et de construire un vrai projet européen. Gilles Savary n'est pas opposé à cette solution, mais remarque qu'elle ne peut se faire que dans le cadre d'une fédération européenne. Actuellement, l'Union est définie comme une fédération d'Etats-nations. Les élections doivent se faire dans ce cadre. Lui serait partisan d'un scrutin dans lequel l'électeur pourrait panacher les listes. Ce ne serait plus les partis qui décideraient de ceux qui sont sûr d'être élus ou d'être battus. L'électeur aurait véritablement son mot à dire. La campagne en serait sans oute plus intéressante: le mandat européen ne serait plus pour certains une rente de situation jamais menacée pour peu qu'on ait une influence dans son parti.

    En tout cas, le désastre annoncé en termes de participation devrait obliger tout le monde à réfléchir à des moyens de réformer les choses. L'actuelle Commission présidée par le très libéral Barroso devrait s'interroger pourquoi sa politique anti-réglementation provoque l'incompréhension et la colère des peuples. Et les partis politiques, s'ils sont pro-européens, pourquoi il leur faut refaire aimer l'Europe. 

    (1) Emission diffusée le 30 mai entre 11 h et 12 h.