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cécile dufflot

  • Nouvelle majorité : faire de bons choix !

    Voilà déjà six semaines que l'équipe Ayrault est en place. Certes, il y a eu sa version revue et corrigée avec le remaniement post-législatives, mais celle-ci est très proche de la précédente, au point qu'on peut dire que le gouvernement est en place depuis la mi-mai. Donc, il est déjà possible (même si la prudence et la retenue s'imposent) de dessiner de quelques lignes de force et de... faiblesse.

    Le remaniement du 21 juin a laissé paraître des signes qui ne traduisent pas une grande solidité. A tort ou à raison, il a été dit que la promotion à l'Environnement (suite à l'éviction de Nicole Bricq qui laisse un goût amer) de Delphine Batho (qui avait Garot + ségo.jpgsuccédé à Ségolène Royal comme députée dans les Deux-Sèvres) ainsi que l'arrivée à l'Agroalimentaire de Guillaume Garot (député-maire en Mayenne et l'ancien porte-parole de "Ségo") étaient des signes envoyés à celle qui fut la compagne du président de la République. Ces appréciations tout à fait plausibles (et assez désagréables pour les deux personnes susnommées) traduisent un vrai malaise dans la majorité.

    Depuis le premier tour calamiteux de Royal à la Rochelle, on a senti beaucoup de fébrilité du côté des proches de Hollande. D'abord, il a été assez reproché à l'ancien Président de ne pas séparer (c'est le moins qu'on puisse écrire) vie publique et vie privée pour ne pas être mal-à-l'aise face aux excès d'égard qu'on a eus envers l'ex du président. Certes, on m'objectera que c'est un personnage public avant d'être l'ancienne compagne de Hollande, mais on a bien senti que l'attention presque obsessionnelle en direction de Royal (« on te réserve le perchoir et puis, comme ça ne marche pas, les électeurs étant des imbéciles, incapables de comprendre l'intérêt supérieur de la Nation que représentait ce parachutage, on te console avec la nomination de de tes proches ») n'était pas simplement dictée par des considérations politiques. A moins que (je n'ose l'imaginer, mais il ne faut rien s'empêcher de penser) Ségo ne connaisse quelque secret dont l'entourage du président voudrait éviter la divulgation.

    Peu importe à la rigueur, mais ce mélange des genres et cette impression que décidément, les chefs d'Etat ont du mal à prendHollande + trieweiller.jpgre de la hauteur, ne poussent à la sérénité. Peut-être faut-il en prendre son parti et s'habituer à ce fait : les hommes (ou femmes) politiques sont un peu comme tout le monde, souvent empêtrés dans leurs histoires de couples et de libido. Dans ce cas-là, la Ve République, taillée pour un homme aussi exceptionnel que de Gaulle, doit être revue dare-dare, pour accentuer les contre-pouvoirs et limiter les faits du prince (ou de la princesse).

    Depuis quelques jours, le discours gouvernemental est à la rigueur tous azimuts. Il faut être de mauvaise foi (ou un éternel optimiste) pour s'en étonner. Hollande n'avait pas fait une campagne à la Mélenchon, sur le thème : on ouvre les vannes à plein tube. Il avait réaffirmé l'objectif (qui me semble totalement irréaliste dans le contexte actuel) de ramener le déficit budgétaire aux 3 % du PIB. Ce qui pose question, en revanche, c'est la compatibilité réelle entre cet objectif et des ambitions (certes mesurées, mais réelles) en matière sociale. Un exemple tout à fait récent.

    Le 28 juin, Cécile Duflot, ministre à l'Egalité des territoires et au Logement, a annoncé la fermeture de la plupart des centres d'hébergement d'urgence à partir du 1er juillet. Or, tout le monde le sait, la possibilité de trouver des solutions durables pour des gens à la rue, SDF.jpgsouvent très déstructurés, suppose de les stabiliser, d'éviter de les balloter d'un lieu à l'autre pour qu'ils ne replongent dans l'enfer de la rue. Quoi que dise la ministre, une partie de ces SDF actuellement hébergés va se retrouver à la rue, l'autre navigant d'un hôtel à l'autre (solution d'ailleurs très coûteuse). Selon des estimations assez crédibles, il fallait trouver 10 millions d'euros pour péréniser des centres d'urgence toute l'année. Et bien, manifestement, malgré les efforts de l'ex-patronne d'EELV, on ne les a pas trouvés !

    La gauche ne sera pas jugée sur ses proclamations de foi, sur ses bons mots généreux, ni sur ses gestes plutôt bienvenus (réduction du train de vie des uns et des autres, plus grande simplicité dans l'exercice des fonctions). Elle le sera sur sa capacité à redonner un cap à ce pays et à faire des choix à la fois courageux et acceptable dans le cadre contraint dans lequel nous évoluons.

    Il faut bien l'écrire : en cette fin juin, sans enterrer cette équipe (ce serait totalement loufoque), il est permis de se poser quelques questions sur la clarté des choix et sur la cohérence de l'équipe en place. L'été, même s'il va être studieux et animé (avec par exemple la fermeture annoncé de PSA à Aulnay et les nombreux plans de licenciements annoncés), doit permettre de préciser les objectifs et surtout les méthodes de gouvernement.

    En clair, après cette séquence occupée par la joie - légitime - des vainqueurs et les sautes d'humeur, moins légitimes, des « femmes » du Président, il va falloir refaire de la politique. Et, si possible avec les marges de manoeuvre ultra-limitées que nous connaissons, ne pas se tromper...

  • "Une classe politique loin des Français"

    Dans une interview publiée cette semaine notamment dans Le Courrier français, Semeur hebdo, La Haute-Marne libérée et La Liberté de l'Yonne, Laurent Lesage m'interroge sur la rentrée politique des principaux partis.

    L'entretien a été réalisé avant la publication d'un livre révélant les fraude lors du vote en novembre dernier pour le premier secrétaire du PS et avant la polémique autour des propos douteux de Brice Hortefeux.

     

    Est ce que depuis l’université d’été de la Rochelle, le parti socialiste est désormais en ordre de bataille derrière Martine Aubry ?

    C’est effectivement la première fois depuis plusieurs années que l’université d’été de la Rochelle n’est pas dominée par les batailles de courant et les petites phrases. Depuis son élection assez controversée comme Premier secrétaire, Martine Aubry était apparue assez absente. Cette fois, elle a fait preuve d’autorité et a réussi à prendre de vitesse les « éléphants » du parti sur la question du cumul des mandats. Elle a satisfait une demande qui était exprimée par les courants les plus jeunes du parti socialiste, et notamment ceux qui incarnaient la rénovation comme Arnaud Montebourg et Vincent Peillon. De ce point de vue, le PS semble en meilleure santé. Pour autant, les problèmes de fond ne sont pas réglés d’autant, qu’ils ne sont pour l’heure pas encore mis sur la table.

    Martine Aubry a aussi accepté la demande d’Arnaud Montebourg d’organiser des primaires ouvertes largeMontebourg.jpgment à gauche.

    Elle a accepté des primaires « ouvertes ». Ce n’est pas nouveau, c’était écrit dans sa motion pour le congrès. Par ailleurs, on ignore comment tout cela peut être organisé. Surtout, la plupart des partenaires potentiels ont décliné l’invitation. Les Verts ont décliné l’invitation. Le parti communiste et le parti de gauche ont déclaré que cela ne les intéressait pas. Le Nouveau parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot est dans une opposition très forte au parti socialiste, donc absolument pas concerné. On se dirige donc vers une primaire pour désigner le candidat socialiste, avec comme nouveauté, le fait qu’elle soit ouverte aux sympathisants socialistes et non plus aux seuls militants. Cela peut donc permettre à des millions de Français, s’ils s’y intéressent, de participer à ces primaires. C’est un pas en avant certes, mais on est encore très loin de la révolution annoncée par Arnaud Montebourg. D’autre part, cette question des primaires, est vraiment secondaire pour les français dans le contexte actuel…

    Le vrai problème du PS c’est l’absence d’un leader naturel mais aussi et surtout l’absence de projet…

    C’est certain. Si le PS passe son temps à régler ses problèmes de leadership, sans mettre la même énergie pour clarifier ce qu’il entend faire, il arrivera peut-être à trouver un bon candidat, mais avec un projet ultra-faible. Dès lors, la campagne se fera essentiellement sur « l’allure » du candidat et non pas sur le projet. Le PS va ainsi reproduire la campagne de 2007, au cours de laquelle, quelles que soient ses qualités et ses défauts, Ségolène Royal avait du mal à savoir où elle en était, puisque le projet socialiste n’avait pas clarifié les choses. Les mêmes causes vont produire les mêmes effets. Ainsi, il me semble que cette question des primaires n’est pas la priorité du moment. Par ailleurs, alors que la rentrée est difficile pour beaucoup de Français, le PS fait preuve de nombrilisme, en se focalisant sur le mode de désignation de son candidat dans deux ans.
    Peillon.jpg

    Depuis plusieurs semaines, une sorte d’alliance à trois semble se dessiner entre le PS, les Verts et le MoDem… Cet axe, mis sur orbite cet été par Vincent Peillon, peut-il avoir du sens ?

    On peut ajouter Robert Hue, qui incarne une tendance contestataire au sein du parti communiste, que Vincent Peillon a invité lors de son rassemblement estival. Visiblement, Vincent Peillon mise sur une stratégie de large rassemblement au premier ou au second tour de la prochaine présidentielle, mais c’est une alliance compliquée a mettre en œuvre.

    Est ce que cela peut profiter au MoDem de François Bayrou ?

    François Bayrou a trouvé une position médiane risquée, mais c’est probablement la seule possible en ce qui le concerne. Il ne peut pas aller sur une position de fermeture de toute discussion avec la gauche, sinon Sarkozy aurait déjà quasiment gagné la prochaine élection présidentielle. Il s’agit en fait d’obtenir un bon report au second tour de la présidentielle du modem vers la gauche ou de la gauche vers le modem. Par réalisme, il n’a ainsi pas fermé la porte à un rapprochement. Mais, dans le même temps, il ne souhaite en aucun cas refaire le « programme commun » de la gauche, puisque le MoDem ne se définit pas à gauche, mais au centre. François Bayrou a seulement proposé l’ouverture de discussions pour recentrer le débat sur le fond, sur l’économie, la protection sociale, les retraites, ou l’immigration, afin de voir quels sont les points de convergence et de divergence. Bien sûr, on sait d’avance qu’il y aura des divergences, mais l’intérêt de la démarche de François Bayrou, c’est qu’il remet les idées au centre des débats.

    Pendant ce temps, l’UMP séduit les écologistes avec la taxe carbone…

    Du point de vue de la stratégie, l’UMP se frotte les mains. Il y a une rupture sur cette question entre les écologistes qui sont favorables à la taxe carbone et le reste de la gauche, qui refuse la taxe dans sa formule actuelle. Sur le fond, c’est un peu plus compliqué. L’UMP était jusque-là le parti le moins sensible à la question écologique. On l’a vu dans la campagne présidentielle. Il a fallu que Nicolas Hulot fasse le forcing pour que Sarkozy s’intéresse à ces questions. A l’assemblée, au sein du groupe UMP, il y a aussi beaucoup de réticences. D’autant que de nombreuses questions sont en suspens. A quoi va servir la taxe carbone ? On attend encore les réponses.

    Duflot.jpgDepuis leur succès aux Européennes, les Verts sont toujours euphoriques…

    Ils étaient les champions de la cacophonie et de la division. Depuis les Européennes et le très bon score réalisé par Europe écologie, ils donnent presque des leçons de rassemblement. Pour autant, cette campagne leur a permis de franchir un palier : la prise de conscience écologique des Français est nettement plus élevée. Il n’y a pas que la faiblesse du parti socialiste qui explique le bon score des Verts.

    Cécile Duflot pour les Verts et Corinne Lepage pour le MoDem disent que la taxe carbone à 14 euros (1), ce n’est pas suffisant…

    Elles sont cohérentes. Elles disent que pour qu’il y ait des changements de comportements, il faut qu’il y ait une vraie taxation dissuasive. Il faudrait aussi pour que cette taxe ait un sens, qu’il y ait une vraie politique de transports en commun dans le pays. En période de difficultés économiques, ce n’est certes pas évident pour le pouvoir d’imposer une taxe qui va peser lourd dans le portefeuille des ménages. Mais sur le plan de la pédagogie, et si on veut vraiment aller au bout des objectifs écologiques que l’on brandit, il faut une taxe qui ne joue pas que sur quelques centimes…

    Qui a donc marqué des points pendant l’été?

    Je vais être assez radical : personne… Avec toutes ces universités d’été, la classe politique a montré une nouvelle fois combien elle est décrochée des préoccupations des Français. Les universités d’été ont permis de remettre en selle Martine Aubry ou à François Bayrou de sortir de son silence, mais n’ont rien apporté sur le fond. Les politiques sont davantage dominées par des logiques de communication et de jeux internes à leur parti, que par le souci de s’adresser aux Français. Quand le PS se prononce sur les primaires et le cumul des mandats, c’est peut-être d’une certaine manière, un succès pour Martine Aubry, mais c’est perçu avec un très grand détachement par la majorité des Français. Cela favorise la dépolitisation et profite à Nicolas Sarkozy, qui est dans une autre manière de faire de la politique. Il gouverne en fonction de l’opinion, au risque de se contredire. On l’a vu au moment de la crise, puisqu’il voulait un système à l’américaine avec les « subprimes » et il a fait marche arrière. Sarkozy accumule les effets d’annonce, sans proposer une vision très claire de la société. Il essaie de régler les problèmes les uns après les autres, ce qui fait que ses opposants l’attaquent sur sa communication. Pour l’instant, ils tombent dans son piège…

     

    Propos recueillis par Laurent Lesage

    (1) L'entretien a été réalisé avant la fixation à 17 euros par Nicolas Sarkozy du montant de la tonne carbone