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femmes

  • Portrait-robot du député européen

    Dans queparlement européen.jpglques jours, les euro-députés prendront leurs fonctions à Bruxelles et Strasbourg. Pour la France, ce sont 72 parlementaires désignés par 40 % du corps électoral (ne l'oublions jamais!). Nul besoin de rappeler les équilibres politiques avec un groupe UMP supérieur d'une unité au total PS + Europe écologie (EE), 29 élus pour le premier cas et deux fois 14 pour les seconds. On rajoutera les 6 députés MoDem, les 5 du Front de gauche, les 3 du FN et le dernier de Libertas, Philippe de Villiers. La liste devrait évoluer car Jean-François Kahn, tête de liste MoDem dans l'Est, a déjà annoncé qu'il céderait la place à la seconde de liste, députée sortante, alors que Brice Hortefeux, élu à la surprise générale dans le Centre, ne devrait pas suivre à Bruxelles ses collègues Michel Barnier et Rachida Dati, pour rester au gouvernement, ce qui permettra à une femme de siéger au Parlement européen.


    Regardons plus précisément qui représentera la France (sans tenir compte pour l'instant des deux démissions annoncées d'hommes). L'équilibre hommes/femmes est-il respecté, comme il devrait l'être selon l'esprit des lois sur ladite parité? Eh bien, à l'exception du groupe écologique qui compte plus d'élues (8) que d'élus (6) et du MoDem où l'équilibre est parfait, dans tous les autres groupes, les hommes sont plus nombreux que les femmes: à l'UMP, 16 contre 13; au PS, 8 contre 6; au Front de gauche, 4 contre 1 (le groupe le plus machiste!); au Front national, 2 contre 1. L'explication est toute simple: ces trois listes ayant placé plus d'hommes têtes de listes que de femmes, lorsque la liste obtenait un ou trois sièges, ces premiers étaient mieux représentés. On remarquera tout de même qu'avec 45 % de femmes députés, le Parlement européen fera deux à trois fois mieux que les deux chambres françaises.


    Regardons maintenant l'âge de nos euro-députés. L'âge moyen est de 53,5 ans avec les deux extrêmes : l'écolo Karima Delli, 28 anKarima Delli.jpgs, le frontiste Jean-Marie Le Pen, 80 balais. Là aussi, des différences sont sensibles d'un groupe à l'autre : autour de la moyenne, l'UMP (54 ans); en-dessous, le PS (52 ans) et EE (50 ans); au-dessus, le MoDem et le Front de gauche (56 ans), le FN (60 ans). On remarquera que la tranche d'âge 20-30 ans est représentée par 2 élus (UMP, EE), celle des 30-40 ans par 5 députés (2 UMP, 1 PS, 2 EE) alors que celle des 60-70 l'est par 17 députés (11 UMP, 2 PS, 3 EE, 1 Libertas). Ce n'est bien sûr pas la raison principale, mais il est clair que de nombreux jeunes ont du mal à se sentir représentés, au niveau générationnel, par des élus qui ont très souvent l'âge d'être leurs parents voire leurs grands-parents.


    Venons-en à la provenance professionnelle de nos députés. Et là, les distorsions avec la société française sont encore plus flagrantes. Dans un pays où le groupe des ouvriers reste encore numériquement important, aucun élu – pas même à gauche – n'en est issu. On a du mal à trouver des petits employés, des artisans voire des agriculteurs (deux élus: l'Aveyronnais José Bové (EE) et l'Alsacien Joseph Daul (UMP) qui dirigeait dans la précédente mandature le groupe du parti populaire européen) alors même que la Politique agricole commune reste un budget majeur. En revanche, vous retrouvez pléthore d'enseignants, de médecins et, plus curieux, au moins 7 journalistes ou patrons de presse (dont Dominique Baudis, Jean-Marie Cavada, Jean-François Kahn, Patrick Le Hyaric). Quant aux professionnels de la politique – ceux dont on oublie de noter la profession tellement ils ont accumulé des mandats ou des fonctions para-politiques comme conseillers ou membres de cabineparlement - PPE.jpgts -, il est difficile de les comptabiliser tellement ils sont nombreux.

    Chaque groupe a son mode de sur-représentation : à l'UMP, il vaut mieux être issu des professions médicales (5), des métiers du droit (2 avocats et 1 magistrate) et de l'enseignement (5) pour être élu député européen. On peut aussi occuper un poste important, comme expert comptable ou directrice financière voire agent d'assurance, mais pas question d'être artisan ou commerçant – un électorat qui vote souvent UMP – et bien sûr ouvrier ou technicien pour siéger à Bruxelles.

    Au PS, c'est plus homogène encore : tout le monde ou presque est universitaire, enseignant ou professionnel de la politique, à la rigueur avocat. Une seule exception: Françoise Castex, sortante réélue qui fut secrétaire générale adjointe du syndicat de l'éducation populaire. Avec le fondateur de SOS Racisme, Harlem Désir, elle a la seule à avoir une vraie expérience dans le monde associatif, avec lequel le PS aimerait tant avoir des relations. Parmi les élus socialistes, aucun syndicaliste ouvrier, enseignant ou agricole avec lequel le PS affiche pourtant sa proximité. 


    Europe écologie rompt avec ce monolitisme sociologique. Parmi les quatorze élus, on compte deux cadres dans des ONG environnementales, deux journalistes, deux ingénieurs, une magistrate, un paysan, une biologiste, une conseillère d'éducation... Si les catégories ouvriers/employés sont désespérément non représentées, au moins existe-t-il une vraie diversité en termes de parcours professionnels. Cette dimension a joué, selon moi, un rôle dans le succès des listes EE qui collaient mieux avec l'état de la société française, notamment par la représentation du tissu associatif.


    Que conclure de cette rapide description des élus européens? Les électeurs votent de moins en moins les yeux fermés en reconduisant d'une élection à l'autre la même étiquette. Ils regardent de plus en plus le contexte politique et l'identité des candidats. Un même électeur a pu voter François Bayrou à l'élection présidentielle d'avril 2007, pour un député socialiste en juin 2007 et Europe écologie en juin 2009. Les partis auraient tout intérêt à présenter des candidats dans lesquels les électeurs peuvent s'identifier. Cela ne veut surtout pas dire dénicher des candidats people – l'effet peut être très négatif.Parlement - Eva Joly.jpg

    Cela signifie que les formations politiques devraient faire confiance à des personnalités compétentes incarnant un idéal. On en dira ce qu'on voudra par ailleurs, mais il est clair que Daniel Cohn-Bendit, Eva Joly (Ile-de-France) ou José Bové (Sud-Ouest), mais aussi Jean-Paul Besset (Centre - proche de Nicolas Hulot), Michèle Rivasi (Sud-Est - spécialiste de la radioactivité) ou Yannick Jadot (Ouest - ancien négociateur du Grenelle de l'environnement) semblaient proposer plus de perspectives pour l'Europe que respectivement Harlem Désir, Kader Arif, Henri Weber, Vincent Peillon ou Bernadette Vergnaud pour le PS. Cela peut sembler très injuste pour ces personnalités sans doute méritantes, mais quelque chose nous dit que certains d'entre eux ne seraient jamais devenus députés européens s'ils avaient été élus à l'Assemblée nationale.

    Les électeurs tiennent de plus en plus le raisonnement suivant : si les candidats paraissent trop éloignés de ma propre histoire et de mes préoccupations, ils ne sont pas vraiment crédibles pour défendre les idées auxquelles ils disent croire. Ils n'ont pas la force de conviction suffisante pour emporter le vote d'un électeur de plus en plus atomisé et dont le bulletin (s'il est déposé dans l'urne) va à celui qui répond aux questions qu'il se pose.  


    (1) Nous nous appuyons sur le portrait des 72 élus publiés par Le Monde dans son édition du 9 juin