Alors que les militants écologistes de Greenpeace ont essayé (maladroitement ?) d’animer le débat sur le climat à quelques jours du sommet de Copenhague, le microcosme socialiste est agité par une question : faut-il accueillir sur les listes pour les régionales Julien Dray ? Comme on le sait, le conseil fédéral de l’Essonne a rejeté sa candidature, en se donnant la possibilité de le réintégrer au cas où il serait « blanchi » par la justice. Le malaise vient du fait que le député et vice-président de la région Ile-de-France n’a pas été jugé (donc pas condamné), ni mis en examen suite à l’enquête préliminaire qui le concerne dans des affaires financières. Le malaise s’accroît quand on sait que le président sortant de la région, Jean-Paul Huchon, condamné en novembre 2008 à six mois avec sursis pour prise illégale d’intérêts (son épouse avait bénéficié d’un emploi fictif), a été autorisé par ses camarades à conduire la liste dans les Yvelines et à postuler à sa propre succession. Deux poids - deux mesures ?
Si l’affaire Dray suscite autant de passions, c’est que le bonhomme symbolise une certaine époque. Venu de l’extrême gauche (LCR), il est à l’origine de la création de SOS-Racisme dont il a sélectionné et coaché la plupart des dirigeants. Il a entretenu des relations très nourries avec l’Elysée – qui a financé l’organisation anti-raciste – et œuvré à la réélection de François Mitterrand. Il n’a jamais pris ses distances avec les errements du second mandat du président dit socialiste (tout en étant l’un des artisans de la Gauche socialiste). Cette période a été marquée par des transferts d’argent douteux, une instrumentalisation du Front national et un train de vie ostentatoire (rappelons-nous du « gang des R25 »). Tout cela, Julien Dray, l’ancien révolutionnaire, l’a incarné jusqu’à la caricature. C’est peut-être cela que souhaite solder la direction du PS (Martine Aubry et son lieutenant de l’Essonne, François Lamy) qui trouve le symbole Dray bien encombrant…
Car le député – vice-président du conseil régional incarne tout ce qui a fait tant de mal au PS. Julien Dray, comme on le sait, a un goût prononcé pour le luxe (il collectionne les montres qu’aucun Smicard ne peut se payer), pour l’intrigue politique (il a été activement courtisé par Nicolas Sarkozy – à moins que ce soit l’inverse) et pour les petites phrases assassines. C’est un orfèvre des coups tordus au sein du parti et il paraît étonnant qu’il s’étonne que tous ses camarades n’aient pas mouillé la chemise pour le défendre.
Pour autant, se débarrasser d’un symbole peut s’avérer dangereux politiquement (les réseaux Dray vont s’activer pour trouver une riposte) et surtout ne règle pas les questions de fond. Comment séparer plus nettement l’exercice de la politique et l’accumulation d’argent ? Comment prétendre représenter des couches populaires paupérisées si on vit avec les revenus d’un cadre supérieur sans avoir connu d’ailleurs les vicissitudes de la vie d’une entreprise ? De nombreux Dray’s boys and girls (les anciens dirigeants de SOS-Racisme) sont passés directement du syndicalisme étudiant (qui n’est pas exempt de bizarreries financières) à la politique active, via souvent des cabinets politiques ou des agences de communication. Leur élévation sociale, l’accroissement considérable de leur niveau de vie sont liés à l’exercice de leurs fonctions politiques. Perdre un mandat pour Julien Dray (qui reste député) est insupportable du point de vue politique mais aussi sur un simple critère financier. Sauf à perdre toute crédibilité auprès de populations déjà sceptiques, la politique ne peut/ne doit être une rente de situation. En sanctionnant le « malheureux Juju », la direction du PS entend-elle prévilégier ce message ?