Dans un mois de juillet plutôt calme, deux hommes politiques auront fait l'actualité: Nicolas Sarkozy pour son malaise (cardiaque?) et Manuel Valls. Laissons tomber le premier dont les problèmes de surmenage ont été abondamment commentés. Que dire de plus?
Manuel Valls mérite toute notre attention. Non pas tant parce qu'il serait le futur leader que toute la gauche attend pour 2012. Ses imprudences et son côté cow-boy le condamnent, pour l'instant du moins, à jouer un rôle de second plan. Mais sa montée en puissance témoigne d'un vide sidéral au PS et d'un climat délétère dans le principal (?) parti d'opposition. Que la première secrétaire du parti lui enjoigne de se taire ou de quitter le PS est pour le moins inquiétant. Inquiétant pour le manque de maîtrise dont fait preuve Martine Aubry dont les penchants autoritaire sont confirmés une fois encore. Même au temps de la fronde noniste lors du référendum européen, François Hollande ne s'était jamais adressé ainsi à Mélenchon, Fabius et consorts. Inquiétant également pour l'absence de réactions d'envergure à ce type de « management » assez surprenant.
Menacer un député-maire d'une exclusion pour des propos très durs portés contre la direction, cela n'est pas vraiment dans la culture d'un parti, mais plutôt de celui d'à-côté, le PCF (du temps de Marchais). La peur s'est installée au PS. La peur de déplaire à la direction pour les futures investitures (on l'a bien vu lors des désignations pour les européennes). La peur de se faire repérer par les commissaires politiques des deux principales écuries soutenant Aubry, Cambadélis (strauss-kahnien) et Bartolone (fabiusien). La peur de perdre pour la troisième fois l'élection présidentielle. La peur, surtout, de ne plus avoir de crédit auprès de la population.
Valls, sans tourner autour du pot, exprime l'état de déshérence du parti. Il en fait des tonnes, se met en scène bâillonné dans El Païs (un peu populiste, cher Manuel), se déclare candidat en 2012. Le style du bonhomme est aux antipodes de celui de Lionel Jospin qu'il servit à Matignon. Mais ce n'est pas sur le style de celui-ci qu'il faut répondre, mais sur le fond de son propos.
Quand il affirme que le PS n'a produit aucune explication argumentée à sa bérézina des européennes, quand il assène que ce parti n'incarne plus l'espoir, qui peut sérieusement contester ce propos ? Quand il s'interroge sur la légitimité d'une direction élue dans des conditions troubles, il est possible de lui rétorquer qu'il faudrait arrêter de resservir les plats rémois et regarder vers l'avenir. Pour autant, difficile d'ignorer que la malaise demeure dans et hors du parti sur les manoeuvres qui ont conduit à empêcher Ségolène Royal de prendre les rênes du PS.
Valls a raison de dire qu'il faut se remettre à penser, à réfléchir et à avoir des affrontements idéologiques. Il faut clarifier, actualiser le projet, le rendre crédible. Arrêter de se prosterner devant le totem trinitaire (Jaurès – Blum – Mitterrand). Arrêter d'ânonner des slogans vides de contenu, de se référer à l'unité de la famille socialiste qui est plus divisée que jamais. Et penser librement sans peur du politiquement correct et des tabous des socialistes. A cet égard, Manuel Valls a prouvé son aptitude à penser librement, par exemple en proposant d'aménager la loi de 1905 sur la laïcité, notamment pour permettre aux religions émergentes en France d'avoir des lieux de culte dignes de ce nom.
Martine Aubry, en prenant les rênes du PS, avait promis un sursaut du parti et une reprise en main. Si la reprise en main est réelle bien que désordonnée (avant que de s'attaquer à Valls, ne faudrait-il pas nettoyer certaines fédérations au fonctionnement opaque, comme celle du Pas-de-Calais?), le souffle nouveau se fait toujours attendre. Et on risque de l'attendre longtemps, les écuries soutenant Aubry n'ayant pas intérêt à ce qu'elle prenne son envol.
Si Valls prend une telle place dans le débat socialiste, sans doute exagérée par rapport à sa dimension politique, c'est qu'il est un des rares (avec Gaëtan Gorce notamment) à mettre les pieds dans le plat. On peut contester ses réponses, parfois droitières voire teintées de sarkozysme, mais on ne peut pas l'empêcher de tenter de sortir le PS de sa (tor)peur. Sinon, la SFIOsation du PS est inéluctable. Et Sarko a un boulevard devant lui pour 2012...