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  • Le sarkozysme a t-il perdu la tête?

    Le sarkozysme perdrait-il le sens de la mesure? Aurait-il perdu le contact avec le pays qui lui assurait jusqu'à peu un flair incontestable? Divers événements peuvent le laisser penser.

    Bienjean Sarkozy.jpg sûr, tout le monde a en tête l'incroyable projet élyséen de mettre à la tête de l'Epad le fiston Jean. Qu'il n'ait que 24 ans n'est pas tellement le problème (sinon, c'est une prime à la gérontocratie), qu'il n'ait pas réussi à empocher le moindre diplôme universitaire n'est pas suffisant pour le disqualifier (les diplômes ne font pas forcément de bons politiques), mais qu'il n'ait que deux ans d'expérience politique – comme conseiller général d'un territoire qui ne fait pas partie du périmètre de l'Epad – est gravement problématique. On a peine à croire qu'un jour, le fiston se soit réveillé un matin en se disant à ce jeune épouse : « chérie, que dirais-tu si je devenais président de l'Epad ». L'idée vient assurément, si ce n'est du président, du moins d'un conseiller du château qui a voulu se rendre intéressant auprès du grand-chef. Que personne ne lui ait dit que cette nomination acadabrantesque du fils à papa à la tête du plus grand centre d'affaires européen risquait de choquer les Français de droite comme de gauche montre que l'esprit de cour a remplacé le sens politique.

    Beaucoup moins médiatisé, le projet de refonte de la carte des collectivités territoriales n'en est pas moins problématique. L'idée agitée par les pontes du régime, c'est que la gestion locale est beaucoup trop coûteuse, illisible et inefficace. Qu'il y ait un besoin de clarification est difficilement discutable (par exemple pour spécialiser davantage les collectivités), mais remettre en cause les acquis de la décentralisation est très dangereux. Si la qualité des services proposés à la population a augmenté considérablement depuis un quart de siècle, ce n'est pas dû à l'Etat – régulièrement épinglé par la Cour des comptes pour ses gaspillages -, mais bien à l'action des villes (et communautés), des départements et des régions. Par exemple, la question de l'environnement – dans les transports, les déchets, l'habitat, l'agriculture – a été prise à bras le corps depuis des années par de nombreuses collectivités alors que l'Etat restait très timoré en ce domaine (et l'est encore: voir la difficile traduction dans les faits du Grenelle de l'environnement).

    La volonté de faire élire des conseillers territoriaux à la fois en charge des départements et des régions pose un problème de confusion des rôles: comment peut-on défendre à la fois les intérêts des deux échelons ? Est-ce bien conforme à l'esprit de la Constitution française qi prévoir une libre administration des collectivités? Très concrètement, l'esprit régional va être fragilisé et laisser place à une âpre bataille entre représentants des départements. Croit-on ainsi améliorer la compétitivité des territoires à l'échelle européenne, comme nous le serine à longueur de temps les zélateurs zélés du sarkozysme? Tout cela sent mauvais car elle traduit la volonté du pouvoir central d'affaiblir les échelons locaux qui jouent pourtant un rôle déterminant pour amoindrir les secousses économiques.

    Et puis, il y a une autre bombe à retardement qui se prépare dans les cuisines élyséennes. Celle de changer les modes de scrutin en instaurant une élection uninominale à un tour. En clair, le candidat arrivé en tête à un scrutin (même avec 35 % des suffrages) serait élu sans attendre un second tour plus aléatoire. Ce système qui pourrait être testé en 2014 avec l'élection des conseillers territoriaux vise à protéger l'UMP. Le parti présidentiel réussit souvent le premier tour des élections, mais est handicapé pour le second en raison de son manque de réserves de voix. Ainsi, voilà donc, comment le parti de Nicolas Sarkozy entend mettre toutes les chances de son côté. Ce n'est guère brillant côté éthique (mais c'est le cadet des soucis des Sarko's boys), mais en outre, les petites magouilles et grandes combinaisons pourraient fort déplaire à un peuple français qui aime bien les rouleurs de mécaniques, mais guère les aventuriers politiques qui son obsédés par les intérêts de leur boutique.

  • Les dessous de l'affaire Mitterrand

     

    Frédéric Mitterrand.jpgMaintenant que la tourmente médiatico-politique autour de Frédéric Mitterrand semble s'apaiser, il nous faut réfléchir à la signification de cet « événement ». Pourquoi une affaire d'ordre privée envahit-elle une fois encore le débat politique, au point où tout le monde est sommé de répondre à la question : « oui ou non, doit-il rester au gouvernement? » (personnellement, je suis « sans opinion »)?

    Ce qui me frappe dans cette affaire, c'est d'abord l'emballement autour d'une phrase de la fille Le Pen, accusant le ministre de la Culture d'acte pédophile. Le porte-parole du PS se croit obliger de surenchérir (au nom de qui parle-t-il?) et après, tout le monde s'y met avec, bien entendu, des amalgames avec l'affaire Polanski, accusé de viol sur mineure. La palmeFinkielkraut.jpg de la bêtise revient sans doute à Alain Finkielkraut. Lui le pourfendeur de la modernité béate, en vient à affirmer qu'à 13 ans, la fille avec qui le cinéaste a eu des relations sexuelles « n'était plus une enfant ». Ah bon!

    Pourquoi diantre un philosophe se mêle-t-il de ces affaires, et pas des suicides à répétition à France Télécom ou de la nomination suspecte du fiston Sarkozy? Pourquoi cette obsession, de part et d'autre, pour les affaires de moeurs? On a justement dénoncé le fait que l'Eglise catholique était obsédée par les histoires de « quéquette » (avec cette volonté de tout réglementer en matière de sexualité), mais là on découvre que l'univers médiatique (ce terme englobe pour moi tous les faiseurs d'opinion: éditorialistes, intellectuels des plateaux, porte-parole des partis) peut se passionner pour des affaires qui concernent, dans un cas, la justice (Polanski) et, dans l'autre, la conscience d'un homme (Mitterrand). C'est peut-être une coïncidence, mais la même semaine , L'Express faisait sa Une sur Monsieur Besson, avec des extraits du livre de son ex-femme, au contenu très intime.

    En quelques années, la vie politique a profondément changé avec la fin de la séparation entre public et privé. Je sais ce que rétorquent les Saint-Just de la transparence : « les journalistes étaient au courant des « coucheries » de tel ou tel homme politique et n'en parlaient pas ; aujourd'hui, au moins, il y a moins d'hypocrisie ». Eh bien, c'est justement ce « tout se sait » (qui est d'ailleurs et heureusement faux) qui pose problème. A force de traquer tous les responsables sur leur vie privée, on biaise tout débat puisqu'on aura tendance à tout analyser à cette aune-là.

    Cette volonté, plus ou moins consciente, d'essentialiser le débat politique est dangereuse. Pour certains, on ne peut pas être à gauche si on paye l'ISF; pour d'autres, si on touche le RMI, on ne peut voter qu'à gauche ou à... l'extrême droite; pour d'autres encore, on ne peut être que pour le mariage homosexuel si on est attiré par des personnes de son sexe. Où est la liberté d'opinion si on est déterminé par sa condition sociale et ses préférences sexuelles?

    Il faut donc protéger de la curiosité la vie privée des hommes et femmes politiques (à condition qu'ils n'enfreignent pas la loi). A eux aussi de se prémunir contre cette tentation de se donner en spectacle. Ce n'est pas vouloir protéger une caste, comme on l'entend ici ou là chez tous les coupeurs de tête et pseudo-moralistes, c'est contribuer à ce que le débat politique reprenne ses droits. Pour éviter que la désespérance – qui s'accommode très bien avec le voyeurisme et le cynisme ambiants – ne grandisse dans notre pays qui ressemble de plus en plus à l'Italie de Berlusconi.

  • PS: révolution ou bal des faux culs?

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    La révolution rénovatrice serait-elle en marche au PS? On pourrait répondre positivement au vu du résultat du référendum interne, net et sans bavure. En effet, sur les deux questions principales (concernant le non-cumul des mandats et l'organisation d'une primaire avant la présidentielle), plus de deux adhérents sur trois – en tout cas sur la petite moitié qui s'est déplacée - ont signifié leur adhésion. Ce n'est pas rien pour un parti qui a pris la fâcheuse habitude de se diviser et d'avoir des résultats tellement étriqués qu'ils donnent lieu aux soupçons et à la contestation. Martine Aubry aurait tort de bouder son plaisir: pour la première fois depuis son arrivée - contestée - à la tête du parti, le PS fait parler autrement de lui que pour ses échecs électoraux (aux européennes notamment) ou pour ses prises de bec et autres échanges de noms d'oiseaux.
    Mais pour passer de la promesse à la réalité de la rénovation, le PS va devoir faire sa propre révolution interne. Et cela ne va pas être du gâteau tellement le contexte est difficile pour le principal parti d'opposition. Toute promesse supposant des gestes, il faudra surveiller de très près tout ce qui pourrait annoncer que la révolution rénovatrice est en marche. Voici quelques signes qui pourraient être encourageants.

    1/ Le vote des militants doit être pleinement respecté. Cela paraît évident, mais comme pour une loi avec ses décrets d'application, la façon dont les décisions vont être mises en oeuvre importe beaucoup. En 2010, va-t-on élire des conseillers régionaux cumulards comme si de rien n'était? Si oui, cela annihilerait le signe positif du référendum. La primaire ouverte pour désigner le candidat socialiste le sera-t-elle vraiment ou mettra-t-on de telles barrières (en nombre de supporters, de membres du conseil national) que seront habilités à concourir les mêmes membres de la gentry socialiste? Comment mettra-t-on en oeuvre la diversification des candidats en fonction des origines « ethniques » et sociologiques? S'il s'agit de reprendre les bonnes vieilles méthodes de parachutage et de prime aux « jolis minois », le succès électoral ne sera pas au rendez-vous et l'ouverture du monde politique, non plus.

    2/ Les élus doivent être exemplaires. Les députés-maires, les sénateurs-présidents de conseil général ont, en général, le même discours: « socialistes, on est évidemment pour le partage du pouvoir, mais bon, vous comprenez, sans moi, la circonscription est perdue et puis, pourquoi ferait-on ce que la droite n'ose pas entreprendre »... Eh bien, disons-le franchement, ce raisonnement n'est plus audible dans l'opinion publique qui ne peut plus supporter le double discours, le « faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ». Les élus socialistes n'ont pas simplement le devoir de bonne gestion et de respect des engagements pris devant les électeurs, ils doivent avoir des pratiques exemplaires. Exercice pratique: lors des prochaines régionales, tous les présidents socialistes (à l'exception notable de Georges Frêche) seront-ils réinvestis? Certains, comme Jean-Paul Huchon en Ile-de-France ou Michel Vauzelle, en PACA, entendent rempiler pour un troisième mandat (celui-ci étant souvent synonyme d'échec). Face à cela, la droite présentera des têtes de liste (pour partie) renouvelés et les Verts s'affairent pour présenter des candidats attrayants. A cet égard, le résultat de la législative partielle dans les Yvelines, fin septembre, devrait interroger les socialistes : pour la première fois depuis longtemps, une candidate écolo a devancé un socialiste au premier tour avant de rassembler très largement au second au-delà de la gauche (dans une circonscription très à droite). Si le PS ne renouvelle pas profondément son personnel régional, il va au devant de sérieuses déconvenues.
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    3/ Les socialistes doivent se réconcilier. Complètement engoncés dans leurs calculs à la petite semaine, les leaders ne se rendent pas compte des dégâts considérables que font sur les citoyens leurs petites querelles et leurs haines ordinaires. Ségolène Royal avait raison de dire que les socialistes doivent s'aimer ou disparaître. On peut discuter du terme « aimer » appliqué à la politique, mais pas de la conclusion. Si les haines recuites héritées parfois du congrès de Rennes (1989) ne s'éteignent pas, aucune rénovation ne sera possible dans le désormais vieux parti d'Epinay.