Ainsi donc, Marie-Luce Penchard devrait être virée sine die du gouvernement. En tout cas, c'est l'avis du Parti socialiste et de quelques personnalités de droite comme Patrick Balkany (dont les leçons d'intérêt général font sourire si on se souvient de ses frasques financières qui ont fait les délices de la chronique judiciaire). La secrétaire d'Etat aux DOM-TOM, par ailleurs candidate aux régionales sous la bannière UMP, a tenu des propos surprenant pour une représentante de l'Etat. En meeting quelques jours avant d'accompagner le chef de l'Etat dans la région, la fille de Lucette Michaux-Chevry (ancienne présidente de la région) a déclaré qu'elle « n’a envie de servir qu’une population, la population guadeloupéenne. » Nous voilà bien loin de l'attitude normale d'un serviteur de l'Etat qui doit se détacher de ses racines, de ses préférences (géographiques, politiques, religieuses) pour servir le bien commun. Ce à quoi Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, a répondu pour éteindre l'incendie. « Il ne faut pas sortir ces propos de leur contexte. Marie-Luce Penchard était auprès des Guadeloupéens, en campagne électorale. En l’occurrence, dans ses propos, elle n’était pas secrétaire d’Etat ».
Cette (petite) affaire appelle plusieurs remarques de fond sur le fonctionnement de notre système politico-médiatique. D'abord, comment dissocier sa casquette de candidate pour un scrutin local de ses responsabilités ministérielles? On est en plein jésuitisme (pardon pour la compagnie du même nom) et le citoyen ne peut pas comprendre cette confusion des rôles. Il est complètement anormal qu'un serviteur de l'Etat puisse en même temps le candidat d'un parti pour une élection. Qu'il le veuille ou non, il bénéficie des moyens humains et matériels dévolus à l'exercice de ses responsabilités. Un détail ne trompe pas: quand il se déplace sur le terrain, il se fait invariablement appeler Monsieur (ou Madame) le ministre. Même s'il bat la campagne pour sa chapelle... De plus, un ministre qui fait campagne ne voit son indemnité réduite du temps qu'il consacre à ses activités politiques. Il faudra bien un jour s'attaquer à cette étrangeté française qui est à rapprocher de la manie française du cumul des mandats.
L'autre remarque concerne l'emballement des politiques à réclamer la démission de la fautive. Cela avait déjà été le cas suite aux propos xénophobes de Brice Hortefeux (vous savez quand il y a un "Auvergnat", ça va, quand ils sont nombreux...), à la saillie anti-casquette de Nadine Morano et à d'autres moments que ma mémoire a ensevelis. Des propos, cela se critique, cela peut donner lieu à une citation devant un tribunal et bien sûr à une sanction des électeurs. Mais pourquoi diable faudrait-il renvoyer d'un gouvernement une personne sur ses propos aussi condamnables soient-ils. Il était un temps où un ministre démissionnait (ou était démissionné) lors d'un échec politique majeur. Aujourd'hui, dès que la langue fourche – au nom d'un politiquement correct assez insupportable – il faudrait couper une tête.
Ce genre de réflexe pavlovien (dont le principal parti d'opposition use et abuse) est problématique pour notre fonctionnement démocratique. A force de vouloir traquer les fausses notes des responsables politiques, on en oublie d'étudier leur politique et d'analyser ce qui est l'essence du politique: peser sur les réalités pour améliorer les choses. Les leaders si prompts à réclamer telle ou telle démission devraient plutôt pointer les insuffisances des politiques menées. Mais – ceci explique sans doute cela - cette stratégie n'alimenterait pas autant le buzz politico-médiatique.