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Pourquoi Sarkozy n'a pas encore perdu

La partie est-elle bien engagée pour la gauche et fort mal pour la droite? La fin de l'été peut donner cette impression à dix-huit mois de l'élection présidentielle. L'offensive sécuritaire-Aubry.jpgxénophobe du Président de la République et de sa garde rapprochée a suscité une levée de boucliers des associations et partis de gauche (classique...), mais également – et c'est plus embêtant – de l'épiscopat catholique. La violence du propos sarkozyste contre les Roms, notamment, suscite un vrai malaise au sein des cadres de l'UMP, et notamment chez tous les anciens Premiers ministres (Juppé, Raffarin et bien sûr Villepin). L'actuel a même, par une formule jésuitique, pris ses distances avec la volonté de l'Elysée de trouver un nouvel bouc-émissaire (« l'affreux gitans voleur de poules ») aux difficultés économiques, sociales et politiques. Ce premier coup de canif public à la solidarité entre Sarko et Fillon annonce sans doute le prochain changement de locataire à Matignon dans quelques semaines.

L'interminable feuilleton Woerth amène, jour après jour, des éléments qui semblent confirmerBettecourt - Woerth.jpg des connivences coupables entre l'ancien ministre du Budget (et ancien trésorier de l'UMP) et la première fortune de France. L'idée que ce gouvernement est complaisant avec les riches et impitoyable avec les faibles (Roms, mais aussi chômeurs en fin de droits, petits retraités...) fait son chemin dans la société.

Pour autant, la gauche doit-elle claironner sa victoire prochaine? Elle se garde bien de le faire, mais on sent ici ou là une certaine euphorie gagner ses soutiens, d'autant qu'une récente enquête montre une large avance des deux candidats favoris (DSK et Aubry) sur le président sortant. Dans cette affaire, il faut garder la tête froide. L'issue du scrutin à venir est loin d'être acquis. Plusieurs raisons plaident en faveur de la plus grande prudence.

Dans le camp présidentiel, on devrait, avec l'arrivée du nouveau gouvernement, assister à Sarko grimace.jpgl'émergence d'un nouveau discours. Dans un contexte de large incertitude, de difficile reprise économique et de tensions internationales (l'Iran, l'Afghanistan et peut-être Israël-Palestine), le pouvoir pourrait proposer de sécuriser la vie des Français. Pas seulement sur le plan de la sécurité des biens et des personnes, mais aussi par rapport à la vie quotidienne et les grands dossiers du moment. Il est difficilement imaginable que le gouvernement ne mette pas de l'eau dans son vin dans sa réforme des retraites pour la rendre plus acceptable. Pas simplement parce que la mobilisation à venir – du 7 septembre – s'annonce massive, que le ministre du Travail est passablement affaibli, mais aussi parce qu'il est important politiquement de donner le signe que le pouvoir entend la protestation populaire.

Cet engagement à sécuriser le quotidien des Français, s'il se vérifie, devrait avoir pour conséquences logiques de conduire à un assouplissement du bouclier fiscal et un freinage dans la volonté de réduire les déficits publics. Quitte à se fâcher avec l'Europe (mais cela ne peut pas faire de mal dans l'opinion publique), le pouvoir pourrait choisir une voie audacieuse qui couperait en partie l'herbe sous le pied à la gauche. Mais aura-t-il la clairvoyance de s'éloigner des canons néo-libéraux qu'assènent à longueur de journées ses principaux soutiens, y compris financiers? Sous cela, on voit mal comment l'UMP pourrait reprendre un tant soit peu l'initiative. Sans cela, les tensions internes dans le parti gouvernemental vont s'exacerber, les soutiens à la candidature de Dominique de Villepin affluer et la voie centriste se dégager.

Du côté de la gauche, le mieux enregistré ces derniers mois ne saurait signifier que le ciel est dégagé. D'abord, parce que la compétition risque d'être plus rude lors de la désignation du candidat socialiste. Avec un affaiblissement sans précédent du Président de la République, de nombreux challengers vont se sentir pousser des ailes. François Hollande, Ségolène Royal voire Manuel Valls peuvent croire en leurs chances de l'emporter face à un sortant si affaibli. Ils doivent dès lors l'emporter lors des primaires, ce qui devient possible si DSK, mobilisé par une sortie de crise difficile, privilégie le confort américain à l'incertitude française. Comme les cicatrices du passé sont loin d'être refermées (l'affrontement Aubry-Royal, mais aussi le ressentiment de François Hollande ou de Bertrand Delanoë à l'égard de l'actuelle première secrétaire), cette épreuve des primaires, louée comme le nec plus ultra de la démocratie moderne, pourrait se transformer en foire d'empoigne. Et à ce petit jeu, il faut compter sur les leaders socialistes pour se surpasser.

Second facteur de prudence: le flou des propositions. Même si l'arrivée de Martine Aubry a permis d'ouvrir divers chantiers de réflexion, le vide programmatique depuis le début des années 2000 n'a pas été comblé en quelques mois. Sur la conversion écologique de l'économie, sur la réduction des déficits publics, sur la rénovation des services publics, mais aussi sur la sécurité, on sent le parti tiraillé et souvent divisé. Confronté à ce risque, la tentation est grandM.jpge d'entretenir un certain flou et de réfugier dans les généralités. Ce qui pourrait faciliter la percée de la candidate d'Europe écologie ou celle du candidat de « l'autre gauche », sans doute Jean-Luc Mélenchon.

La troisième incertitude tient à la question des alliances. Le PS ne peut l'emporter seul. Il devra compter avec un courant écologiste qui pourrait peser 10% et une gauche de la gauche participationniste qui pourrait s'en approcher. La configuration de la gauche plurielle de Lionel Jospin en 1997 était totalement différente, ce qui suppose pour le PS d'en finir avec ses comportements hégémoniques et son sentiment de supériorité. Il faut espérer pour ce parti que Martine Aubry aura l'habileté d'un François Hollande et une autorité suffisante vis-à-vis des barons socialistes pour négocier une alliance équilibrée et durable.

Comme on le voit, la route vers une victoire de la gauche au printemps 2012 est encore pleine d'embûches. L'euphorie n'est donc pas de mise, mais l'excès de prudence et la tiédeur non plus. Les conditions sont potentiellement réunies pour éviter un troisième échec successif de la gauche à la présidentielle. Celle-ci a la responsabilité historique de ne pas les gâcher.

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